Sélection de jurisprudence du Conseil d’État

Juillet-Août 2021

 

Actes et décisions - Documents administratifs - Procédure administrative non contentieuse

 

1 - Existence d’une supposée règle non écrite appliquée par les juridictions administratives – Demande au garde des sceaux d’y mettre fin et d’en annuler certains effets – Existence de cette règle non établie – Silence du garde des sceaux n’ayant, par suite, pas le caractère d’une décision déférable au juge – Requête abusive – Condamnation à amende et rejet.

Les requérants prétendaient que diverses décisions rendues par des juridictions administratives statuant en référé révéleraient l'existence d'une supposée règle non écrite selon laquelle ces juges des référés se soustrairaient à leurs obligations dans le cadre du contrôle des aides d'État prévu par les articles 107 et 108 du TFUE, notamment en ne faisant pas usage de leurs pouvoirs d'instruction, en cas de méconnaissance, par les autorités étatiques, de l'interdiction instituée par le paragraphe 3 de l'article 108. Ils avaient demandé au garde des sceaux de mettre fin à cette « règle » et d’en annuler certains des effets. Ils contestent devant le Conseil d’État le rejet implicite de leurs demandes résultant du silence gardé par le ministre.

Constatant l’inexistence de la « règle » prétendue, le Conseil d’État juge qu’en conséquence l’absence de réponse du garde des sceaux n’est pas une décision susceptible de faire l’objet d’un recours.

Passablement agacés par cette démarche d’une habituée de son prétoire, les juges lui infligent cinq mille euros d’amende pour avoir introduit une requête abusive.

(1er juillet 2021, Société MEI Partners, de Me A., en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, n° 441150)

 

2 - Actes de droit souple - Haute autorité de santé - Recommandations de bonne pratique du 12 juillet 2017 relative au syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement - Refus d’abrogation - Recours pour excès de pouvoir dirigé directement contre ce refus dans le délai du recours contentieux - Exception d’illégalité dirigée contre ce refus - Rejet.

139 requérants demandent l’annulation de la décision de la Haute autorité de santé refusant d’abroger la recommandation de bonne pratique du 12 juillet 2017 émise par le collège de celle-ci, relative au « syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement » et actualisant une précédente recommandation émise le 8 juin 2011.

Le recours est rejeté.

 

Le juge rappelle tout d’abord les limites des actes de droit souple notamment en matière de santé où toute recommandation de bonne pratique « pas davantage qu'elle ne dispense le professionnel de santé de rechercher pour chaque patient la prise en charge qui lui paraît la plus appropriée, ne saurait faire obstacle à la discussion du bien-fondé des diagnostics établis sur sa base dans le cadre des procédures applicables à chaque cas particulier, notamment devant le juge pénal ». On ne saurait mieux décrire l’incomplétude claudicante de ces « actes ».

Puis s’agissant du recours pour excès de pouvoir dirigé contre la recommandation en cause, le juge réitère sa jurisprudence aussi constante désormais que discutable, selon laquelle il est possible - dans le cadre d’un recours direct pour excès de pouvoir ou d’une action en exception d’illégalité contestant le refus d'abroger une recommandation de bonne pratique de la Haute autorité de santé -, d’invoquer la légalité de son contenu, la compétence de la Haute autorité pour la prendre et l'existence d'un détournement de pouvoir. Il n'est en revanche pas possible de critiquer par voie d’exception d’illégalité ses conditions d'édiction, ses vices de forme et de procédure. Cela n’est en effet possible que dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la recommandation elle-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

(7 juillet 2021, M. H.C. et autres, n° 438712)

 

3 - Retrait d'une pension de réversion à l'époux d'une fonctionnaire décédée - Contestation non relative aux relations entre l'administration et ses agents - Obligation de motivation - Décision n'étant pas prise en situation de compétence liée - Rejet.

Ayant constaté que le conjoint survivant d'une fonctionnaire prédécédée avait continué à percevoir une pension de réversion après s'être remarié, le ministre de l'action et des comptes publics a retiré la décision de versement de cette pension à compter de la date du remariage, le 9 avril 2004.

Cette décision, d'une part, en ce qu'elle entre dans la catégorie de celles qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits et, d'autre part, en ce qu'elle ne peut être regardée comme créant un litige entre l'administration et l'un de ses agents, doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et précédée d'une procédure contradictoire (art. L. 121-1 CRPA). 

Ensuite, pour procéder au retrait d'une pension de réversion, l'autorité administrative est conduite à porter une appréciation sur les faits de l'espèce en particulier pour apprécier si son bénéficiaire a contracté un nouveau mariage ou vit en état de concubinage notoire, c'est donc sans erreur de droit que le tribunal administratif a considéré que l'autorité administrative ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour prendre la décision en litige et en en déduisant que les moyens présentés devant lui à l'encontre de cette décision n'étaient pas inopérants. 

(1er juillet 2021, ministre de l'action des comptes publics, n° 430834)

 

4 - Office national des forêts (ONF) - Vente de bois de chêne - Décision établissant un formulaire d'engagement - Application à des ventes non réalisées par l'ONF - Atteintes à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie - Incompétence - Annulation.

Avant l'examen du litige au fond, le Conseil d’État a tranché une question de compétence dans la lignée de la jurisprudence édifiée sur ce point par le Tribunal des conflits : si l'ONF tient de la loi la qualité d' établissement public national à caractère industriel et commercial et si, de ce fait, les litiges nés de ses activités relèvent normalement de la compétence de la juridiction judiciaire, il en va autrement des litiges portant sur celles des activités de l'ONF qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique. En l'espèce, le juge administratif est donc bien compétent puisqu'il s'agit de l'exercice par l'office de son pouvoir réglementaire.

Une résolution du conseil d'administration de l'ONF modifiant le formulaire d'engagement approuvé par une précédente résolution relative à l'accès aux ventes publiques de chêne par appel d'offres et par adjudication impose à tout acheteur de ce bois ne disposant pas du « label transformation UE » une série d'engagements dont celui d'alimenter la filière de transformation située dans l'Union européenne avec les bois d'œuvre de chêne issus des lots qu'il aura acquis. Le non-respect de cet engagement, dont le contrôle doit être assuré par un organisme indépendant, peut entraîner l'exclusion de l'acheteur des ventes de bois de chêne de l'ONF pour une durée allant jusqu'à cinq ans.

Les requérants contestaient le fait que l'application de cette résolution concerne non seulement les lots de bois achetés dans le cadre d'une vente par l'ONF mais également l'ensemble de l'approvisionnement en bois d'œuvre de chêne par tout intéressé, quelle que soit son origine ou la date de son acquisition, y compris celui qui n'est pas issu d'une vente de l'ONF.

Si l'ONF est habilité par les dispositions du code forestier à subordonner le droit de se porter acquéreur des lots de bois qu'il met en vente à des engagements portant sur l'usage de ces lots (cf. art. L. 121-2-1, code forestier), cette habilitation ne saurait lui permettre de porter atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie des acquéreurs de bois en leur imposant des contraintes portant non seulement sur le bois de chêne acquis auprès de l'office, mais affectant aussi l'ensemble des activités d'acquisition, de cession ou d'échange de bois de chêne et à celles des entreprises avec lesquelles il entretient des liens commerciaux. 

Excédant les limites de la compétence réglementaire dévolue par la loi à l'Office, sa décision est entachée d'incompétence.

(2 juillet 2021, Syndicat de la filière bois et autres, n° 423720)

(5) V. aussi, avec même solution : 2 juillet 2021, Syndicat de la Filière bois et autres, n° 427483.

 

6 - Agence nationale de l'habitat (ANH) - Abrogation par décret de la consultation obligatoire d'une commission locale de l'habitat - Caractère obligatoire de cette consultation maintenu par le règlement intérieur de l'ANH - Décision de retrait et de reversement d'une subvention - Absence de consultation de la commission - Omission d'une formalité constituant une garantie - Illégalité - Rejet.

C'est sans erreur de droit qu'une cour administrative d'appel annule une décision de retrait et de remboursement d'une subvention car elle n'avait pas été précédée de la consultation de la commission locale de l'habitat dont la caractère obligatoire, supprimée par un décret du 5 mai 2017, a été maintenu postérieurement par le règlement intérieur de l'ANH.

(2 juillet 2021, M. A., n° 434447)

 

7 - Secret défense - Archives classifiées – Sauf exception, documents communicables de plein droit après 50 ou 100 ans - Illégalité de la subordination de leur communication à leur déclassification préalable - Annulation de ce chef.

Est illégale l'instruction générale interministérielle qui subordonne à leur déclassification préalable la communication des archives classées secret défense alors que le code du patrimoine (art. L. 213-2) n'exige pas cette déclassification dès lors, d'une part, que s'est écoulé un délai de 50 ou de cent ans, selon l'archive concernée, et d'autre part, que la demande de communication ne porte pas sur les documents relatifs aux armes de destruction massive lesquels ne sont jamais communicables.

(2 juillet 2021, Association des archivistes français et autres, n° 444865, n° 448763)

 

8 - Acte réglementaire - Refus d'abroger un tel acte - Nature juridique - Régime contentieux - Rejet.

Rappels, d'abord, que le refus d'abroger un acte réglementaire a lui-même une nature réglementaire, ensuite que le juge de l'excès de pouvoir, saisi de conclusions à fin d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire se place à la date de sa décision pour apprécier les règles applicables.

(5 juillet 2021, Association La Quadrature du Net et autres, n° 433539)

V. n° 20

 

9 - Documents de portée générale - Document intitulé « GT éditeurs » - Document sans effets notables sur les éditeurs de logiciels - Acte ne faisant pas grief - Irrecevabilité - Rejet.

Il est jugé qu'un document, établi par un ministère, qui correspond à une impression du support visuel diffusé au sein d'un groupe de travail consacré à la présentation de la procédure d'évaluation des logiciels du nouveau diagnostic de performance énergétique des logements et bâtiments institué par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique et qui se borne à donner aux éditeurs de logiciels des informations pratiques pour faire valider leurs logiciels sans comporter d'effet notable sur leurs droits, ne constitue pas un document de portée générale à effet notable ou une ligne directrice ou présentant un caractère impératif.

Le recours formé à son encontre est irrecevable.

(5 juillet 2021, Société Tekimmo, n° 453401)

(10) V. aussi l'ordonnance de référé rejetant la demande de suspension de l'exécution de deux arrêtés relatifs aux méthodes et procédures applicables au diagnostic de performance énergétique et aux logiciels l'établissant ainsi qu'au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d'habitation en France métropolitaine, devant entrer en vigueur le 1er juillet 2021, le moyen d'atteinte à la sécurité juridique développé à leur encontre ne soulevant pas de doute sérieux : 5 juillet 2021, Association LDI, n° 453621.

(11) V. également, sur recours notamment de la société Tekimmo précitée, l'annulation d'un arrêté interministériel du 2 juillet 2018 (avec effet différé au 1er janvier 2022) définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification en tant qu'il rend d'application obligatoire les normes NF EN ISO/CEI 17024 et NF EN ISO/CEI 17065 sans qu'elles soient gratuitement accessibles, en violation des dispositions du décret du 16 juin 2009 dont l'art. 17 dispose notamment que « (...) Les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation ».

D'où il suit que la gratuité d'accès est une condition du caractère obligatoire de l'application de ces normes : 7 juillet 2021, Société Tekimmo, n° 423261 ; Syndicat du retrait et du traitement de l'amiante et des autres polluants, n° 423897 ; Association nationale de défense des victimes de l'amiante, n° 423951 ; Confédération des organismes indépendants tierce partie de prévention, de contrôle et d'inspection, n° 426347.

 

12 - Administration fiscale - Acte de délégation de signature - Auto-affirmation qu’il a été affiché dans les locaux du service - Présomption ne pouvant être renversée que par la production d’éléments significatifs - Erreur de droit - Annulation.

Dans le cadre d’un litige l’opposant à l’administration fiscale suite à une vérification de comptabilité, un contribuable invoque le caractère irrégulier de la décision prise à son encontre car elle a été signée par un agent ayant reçu une délégation de signature, dont l’art. 2 de cette décision indiquait qu’elle serait affichée dans les locaux du service comptable du service des impôts des entreprises de Bobigny et alors que le contribuable contestait la réalité de cet affichage. La cour administrative d’appel a accueilli ce moyen.

Le Conseil d’État voit dans ce raisonnement une erreur de droit car l’intéressé s’est borné à contester l’existence de cet affichage sans assortir ses allégations d'aucun élément de nature à renverser la présomption d’affichage résultant de l’art. 2 de l’acte de délégation de signature.

La solution surprend car elle opère, subrepticement, un renversement de la charge de la preuve : d’une part, elle crée de toutes pièces une présomption d’affichage fondée sur le seul libellé d’un acte administratif, et d’autre part, elle exige du contribuable non pas un simple commencement de preuve mais bel et bien la preuve d’un non-affichage, lequel n’aurait guère pu résulter que d’un constat d’huissier effectué dans les locaux mêmes du service public, pour autant qu’ils se trouvent dans une partie accessible au public et également à l’huissier.

La solution ne peut être approuvée car elle autorise - et légitime - bien des dérives.

(16 juillet 2021, ministre de l’action et des comptes publics, n° 440013)

 

13 - Norme AFNOR - Norme faussement présentée comme élaborée de manière consensuelle - Illégalité - Annulation - Incidence sur le pouvoir ministériel de définir une norme - Annulation avec modulation dans le temps.

Le directeur de l’AFNOR a homologué, par une décision du 28 novembre 2018, la norme révisée NF X 31-620 « Qualité du sol - Prestations de services relatives aux sites et sols pollués » alors que celle-ci n’avait pas fait l’objet de l’élaboration consensuelle prévue par les dispositions de l’art. 1er décret du 16 juin 2009. Compte tenu du caractère substantiel des points de désaccords exprimés lors de la séance orale d’instruction qu’a menée l’une de ses chambres, le Conseil d’État annule la décision en raison de l’erreur manifeste d'appréciation commise par son auteur en estimant que le projet de norme révisée avait été élaboré de manière consensuelle.

Les ministres compétents ont, par un arrêté du 19 décembre 2018, rendu obligatoire les parties 1 et 5 de la norme NF X31-6 dont le juge a prononcé l’annulation comme indiqué ci-dessus ; par suite, cet arrêté est annulé par voie de conséquence. 

Ce qui fait l’importance de cette décision vient de ce que le juge reconnaît que si les ministres pouvaient définir par leur arrêté la norme prévue aux articles L. 556-1 et L. 556-2 du code de l'environnement en reprenant, le cas échéant, le contenu d'un projet de norme préparé par l'AFNOR même n'ayant pas fait l'objet d'un consensus, ils se sont ici « bornés (…) à rendre obligatoire, les parties 1 et 5 de la norme NF X31-620 auxquelles leur arrêté renvoie », l’annulation par voie de conséquence était inévitable. Elle a lieu, ici, avec effet différé au 1er mars 2022.

(21 juillet 2021, Union des consultants et ingénieurs en environnement et autres, n° 428347)

 

14 - Refus d'autoriser un licenciement - Retrait du rejet implicite du recours contre ce refus - Licenciement d'un salarié protégé par motif économique - Respect de la procédure contradictoire - Absence - Annulation.

Le retrait de la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé est soumis à une procédure contradictoire impliquant l'invitation de l'intéressé à présenter ses observations sur le projet de retrait, la décision implicite étant créatrice de droits pour le salarié.

(30 juillet 2021, M. B., n° 429342)

 

 15 - Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) – Élaboration de "lignes directrices" - Lignes ne fixant pas de norme à caractère général - Irrégularité - Absence - Rejet.

L'édiction par l'ARCEP de « lignes directrices relatives à la tarification de l'accès aux réseaux à très haut débit en fibre optique déployés par l'initiative publique » n'ayant pour seul objet que de guider l'action des collectivités territoriales et de leurs groupements en exposant une méthode d'élaboration des niveaux tarifaires pouvant être proposés aux opérateurs commerciaux, ne fixent pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, de norme à caractère général s'imposant aux collectivités territoriales.

(30 juillet 2021, Société Coriolis Télécom, n° 437847)

 

16 - Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) - Mise en garde contre un possible manquement adressé à une société de télévision - Absence de caractère de décision faisant grief - Irrecevabilité du recours introduit - Rejet.

Le président du CSA a adressé à la société requérante une « mise en garde » contre un possible manquement de celle-ci à ses obligations conventionnelles envers le CSA et, sur recours gracieux de cette dernière, a maintenu sa position en mettant la société « fermement en garde ».

Celle-ci saisit le Conseil d’État qui rejette son recours pour irrecevabilité, les courriers critiqués se bornant à rappeler la nécessité pour cette société de se conformer aux obligations contenues dans la convention qui la lie au CSA, ne constituent ni une mise en demeure au sens et pour l'application de l'art. 42 de la loi du 30 septembre 1986, ni un acte de droit souple susceptible de produire des effets notables ou d'influer de manière significative sur les comportements de la  société et ne produisent par eux-mêmes aucun effet de droit. Il ne s'agit donc pas de décisions faisant grief, d'où l'irrecevabilité opposée au recours.

(30 juillet 2021, Société Diversité TV France, n° 447256)

 

17 - Avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) – Avis défavorable sur une proposition de nomination d’un magistrat exerçant à titre temporaire – Absence de caractère de sanction – Avis non soumis à une procédure contradictoire ou à une obligation de motivation – Rejet.

L’avis défavorable donné par le CSM sur une proposition de nomination d'un magistrat exerçant à titre temporaire ne constitue pas une sanction. Dès lors, il n’a pas à être précédé d'une procédure contradictoire, ni non plus à être motivé car un tel avis, d’une part, n'est pas au nombre des décisions individuelles refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes remplissant les conditions légales pour l'obtenir qui doivent être motivées et, d’autre part, ne relève d’aucun texte ou principe emportant obligation de le motiver.

(3 août 2021, M. D., n° 429389)

 

18 - Demande de compléter un décret – Refus implicite du premier ministre – Nature législative de l’ajout demandé – Rejet.

Le requérant avait saisi le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus implicite du premier ministre d’ajouter au texte actuel du 3° de l’art. R. 742-1 du code de commerce un cas de déchéance de plein droit des fonctions de greffier de tribunal de commerce à l’instar de ce qui est prévu pour les magistrats de tribunal de commerce. La requête est rejetée car un tel ajout relève de la compétence législative et l’on ne saurait reprocher au premier ministre un refus opposé à une demande ne relevant manifestement pas de sa compétence.

(3 août 2021, M. C., n° 434928)

 

Audiovisuel, informatique et technologies numériques

 

19 - Télévision hertzienne - Notion d' « heures de grande écoute » -  Avenant à une convention avec une société éditrice d'un service de télévision - Définition manifestement erronée - Annulation.

Par un avenant à la convention le liant à RMC Découverte, le CSA a modifié les plages horaires considérées comme heures de grande écoute pour cette chaîne, les faisant passer de 15h à 23h tous les jours jusque-là à 8h30-10h30 et 18h-minuit tous les jours.

La requérante estimait illégale cette  grille appliquée à RMC Découverte.

Le Conseil d’État admet le raisonnement de la demanderesse nonobstant l'obstacle que constitue en la matière le contrôle réduit du juge sur une telle décision car il relève que l'institution d'heures de grande écoute a pour objet de déterminer des plages horaires à l'intérieur desquelles doit être assuré le respect des obligations de programmation d'œuvres audiovisuelles européennes et d'œuvres d'expression originale française. Or, en l'espèce, la nouvelle définition retenue a pour effet de comporter, pour un quart de cette durée globale, une audience moyenne significativement plus faible que l'audience moyenne quotidienne. Est ainsi jugée manifestement erronée l'application faite par le CSA de l'art. 27 de la loi du 30 septembre 1986 et de l'art. 14 du décret du 17 janvier 1990, aucun des moyens de défense du CSA n'ayant convaincu les juges.

(2 juillet 2021, Société Télévision Française 1 (TF 1), n° 429121)

 

20 - Données à caractère personnel - Traitement automatisé – « Système de gestion des mesures pour la protection des oeuvres sur internet » - Légalité pour partie et renvoi préjudiciel à la CJUE pour le surplus.

Les demanderesses sollicitaient l'annulation de la décision implicite du premier ministre rejetant leur demande tendant à l'abrogation du décret n° 2010-236 du 5 mars 2010 relatif au traitement automatisé des données à caractère personnel autorisé par l'article L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle dénommé « Système de gestion des mesures pour la protection des oeuvres sur internet ». Ce décret a été pris pour l'application des art. L. 331-21, L. 331-29 et L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle qui visent à protéger le droit d'auteur et les droits voisins attachés aux œuvres ou objets utilisés à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication dans le cadre de services de communication au public en ligne lorsqu'est requis l'accord de l'auteur pour cette diffusion.

Un système de recommandations puis de mises en demeure et pouvant déboucher sur des poursuites devant la juridiction judiciaire a été organisé sous l'égide de la commission de protection des droits de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

Est d'abord rejetée l'exception d'inconstitutionnalité de l'art. L. 331-21 du code précité car la déclaration d'inconstitutionnalité opérée par le Conseil constitutionnel (décis. n° 2020-841 QPC du 20 mai 2020) ne concerne que les alinéas 3 et 4 de cet article alors que le décret querellé a été pris sur le fondement du cinquième alinéa de ce texte. Dès lors les requérantes ne peuvent soutenir qu'il serait privé de base légale.

Ensuite, s'agissant du droit de l'Union, il est tout d'abord relevé que la jurisprudence de la CJUE (6 octobre 2020, Association La Quadrature du Net et autres, aff. C-511/18, C-512/18, C-520/18) juge possible, sans délai particulier, la conservation des données relatives à l'identité civile des utilisateurs de moyens de communications électroniques, aux fins de recherche, de détection et de poursuite des infractions pénales en général. Il est ensuite considéré qu'il résulte de décisions de la CJUE (21 décembre 2016, Tele2 Sverige AB c/ Post-och telestyrelsen, aff.  C-203/15 et Secretary of State for the Home Department c/ Tom Watson et autres, aff. C-698/15 ; et, surtout, 2 mars 2021, H.K. / Prokuratuur, aff. C-746/18) que celle-ci impose l'obligation d'un contrôle préalable de l'accès des autorités nationales aux données de connexion par une juridiction ou une autorité administrative indépendante.

Constatant que la Hadopi a adressé 827 791 recommandations pour la seule année 2019 et que l'exigence d'un contrôle préalable comme celui exigé par la CJUE risque de paralyser ce mécanisme, le Conseil d’État renvoie à la Cour de justice les questions préjudicielles en ce sens.

(5 juillet 2021, Association La Quadrature du Net et autres, n° 433539)

V. aussi n° 20

 

21 - Données à caractère personnel - Communication de données demandée par une personne héritière de son père - Données détenues par des établissements bancaires situés en Suisse - Plaintes de l'héritière clôturées par la CNIL - Rejet.

La requérante, héritière de son père, avait porté plainte devant la CNIL contre des établissements bancaires situés en Suisse se refusant à lui communiquer des données personnelles relatives à son père et aux comptes supposément détenus par lui dans ces établissements.

La CNIL a clôturé ces plaintes et il est demandé au juge d'annuler cette clôture.

Le recours est rejeté.

En premier lieu, comme l'a relevé la CNIL, les banques dont s'agit exercent leur activité en Suisse pays qui est en dehors du champ territorial d'application de la loi Informatique et Libertés alors même que celles-ci seraient des filiales d'un groupe dont la société mère se trouve en France.

En second lieu, comme l'a également relevé la CNIL, les données en litige ne résultent pas d'un traitement lié à une offre de biens ou services dont la requérante aurait fait elle-même l'objet en sa qualité d'héritière de son père. Elles ne pouvaient dès lors entrer dans le champ du Règlement général sur la protection des données (RGPD).

C'est sans erreur de droit qu'un refus a été opposé par la CNIL à ces demandes.

(5 juillet 2021, Mme B.-C., n° 447088)

 

Biens

 

22 - Sculpture placée sur une tombe - Nature juridique - Classement au titre des monuments historiques - Interprétation de l'article 518 du Code civil - Régime juridique applicable - Rejet.

Il s'agit d'une affaire à rebondissements à propos d'une sculpture de Constantin Brancusi, dénommée « Le Baiser », édifiée en 1911 à la demande de son fiancé sur la tombe de Tania Rachevskaïa, après le suicide de cette dernière.

La cour administrative d'appel de Paris avait jugé (le 11 décembre 2020) que cette pièce n'était pas un immeuble par nature et qu'elle pouvait être détachée de la tombe mais, saisi par le ministre compétent, le Conseil d’État avait, par sa décision n° 447968 du 31 mars 2021 (Voir cette Chronique, mars 2021, n° 16 et n° 35), suspendu l'exécution de cet arrêt.

La présente affaire est l'épilogue d'une saga artistico-financière débutant par le refus du ministre de la culture de délivrer le certificat demandé en vue de l'exportation de cette œuvre.

L'art. 518 du Code civil énonçant que : « Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature », le Conseil d’État en déduit que « la seule circonstance qu'un élément incorporé à un immeuble n'ait pas été conçu à cette fin et qu'il puisse en être dissocié sans qu'il soit porté atteinte à l'intégrité de cet élément lui-même ou à celle de l'immeuble n'est pas de nature à faire obstacle au caractère d'immeuble par nature de l'ensemble, qui doit être apprécié globalement. »

Par suite, la cour a commis une erreur de droit en se fondant pour dénier le caractère immobilier par nature de la sculpture sur la double circonstance qu'elle n'avait pas été créée à cette fin par Constantin Brancusi et qu'il n'était pas établi qu'elle ne pouvait en être descellée sans porter atteinte à son intégrité, ni à celle du monument funéraire. Inversant la proposition, le Conseil d’État reproche à la cour de n'avoir pas recherché « si ce monument avait été conçu comme un tout indivisible incorporant ce groupe sculpté ». L'argument n'est pas convaincant car raisonner ainsi supposerait que l'objet fût immeuble par destination, destination résultant de la volonté de l'artiste comme de la famille de la défunte. En posant un caractère immobilier par nature, donc objectif, le Conseil d’État se condamne à ne pas tenir compte de l'élément subjectif constitué par cette volonté...

D'autres aspects très importants sont abordés dans cette décision dont celui de la classification comme monument historique et celui de l'atteinte portée au droit de propriété.

Un siècle après, l'Amour est toujours aussi brûlant mais pas pour les mêmes personnes...

(2 juillet 2021, Société Duhamel Fine Art, n° 447967)

 

23 - Usinier fondé en titre – Détermination de la consistance légale du droit d’usage du titre – Mode de calcul – Erreur de droit à ne pas tenir compte d’une expertise – Annulation avec renvoi.

La société propriétaire d’un moulin édifié sur les bords de la Creuse, après avoir été reconnue fondée en titre pour l’exploiter, a souhaité moderniser son installation et a sollicité la fixation de sa consistance légale, c’est-à-dire la puissance maximale théorique qu’elle peut tirer de l’exploitation de son installation.

L’administration ayant fixé cette puissance à 66,24 kilowatts, la société, jugeant ce chiffre erroné, a saisi les juges du fond qui l’ont déboutée en première instance et en appel.

Sur pourvoi, le Conseil d’État casse l’arrêt d’appel au motif, dont il faut souligner l’importance ici, qu’« un droit fondé en titre conserve, en principe, la consistance légale qui était la sienne à l'origine. A défaut de preuve contraire, cette consistance est présumée conforme à sa consistance actuelle. Elle correspond, non à la force motrice utile que l'exploitant retire de son installation, compte tenu de l'efficacité plus ou moins grande de l'usine hydroélectrique, mais à la puissance maximale dont il peut, en théorie, disposer. S'il résulte des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'énergie (…), que les ouvrages fondés en titre ne sont pas soumis aux dispositions du livre V " Dispositions relatives à l'utilisation de l'énergie hydraulique " du code de l'énergie, leur puissance maximale est calculée en appliquant la même formule que celle qui figure au troisième alinéa de l'article L. 511-5 (…), c'est-à-dire en faisant le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur ».

Alors que les juges s’en sont tenus aux données fournies par un document établi en 1879 et gravement lacunaire sur plusieurs points, la société se prévalait devant eux d’une expertise faisant application des éléments de calcul retenus par le Conseil d’État : pour n’en avoir pas tenu compte la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit.

(3 août 2021, Société Hydro Energie Muyle France, n° 431392)

 

Collectivités territoriales

 

24 - Conseil municipal - Délibérations - Obligation d'un vote par projet d'acte soumis au conseil municipal - Vote unique sur plusieurs délibérations à objet commun unique - Régularité - Rejet.

Si, en principe, il se déduit des dispositions de l'art. L. 2121-20 du CGCT que le conseil municipal doit se prononcer par vote ou par assentiment sur chacun des objets sur lesquels il est appelé à décider, n'est toutefois pas irrégulière la délibération qui se prononce en un vote unique sur cinq projets ayant un objet unique et commun, ici l'octroi de la protection fonctionnelle à la maire en fonctions et à ses quatre derniers prédécesseurs dans le cadre d'un même litige.

(5 juillet 2021, M. D., n° 433537)

 

25 - Syndicat intercommunal - Désignation en son sein de membres titulaires et de membres suppléants à sa commission d’appel d’offres - Déférés préfectoraux - Statuts respectifs des deux catégories de membres - Égalité totale - Rejet.

Confirmant la solution retenue en première instance, le Conseil d’État rejette les déférés préfectoraux dirigés contre l’élection par le comité syndical du syndicat intercommunal d'assainissement de Cogolin-Gassin des membres suppléants de la commission d'appel d'offres des marchés publics du syndicat ainsi que de la commission de concessions du syndicat.

Il considère qu’il résulte des dispositions, respectivement, de l’art. L. 1411-5 et de l’art. L. 5211-7 du CGCT, que, lorsqu'il est prévu qu'une commune soit représentée au sein du comité syndical d'un syndicat de communes dont elle est membre à la fois par des délégués titulaires et par des délégués suppléants, ces délégués titulaires et suppléants sont élus dans les mêmes conditions au comité syndical et, lorsqu'ils sont appelés à y siéger, participent de la même façon, avec une voix également délibérative, à ses délibérations. Par suite, les délégués suppléants au comité syndical sont éligibles, en qualité de membres de l'assemblée délibérante élus en son sein, pour être désignés en qualité de membres titulaires ou suppléants tant de la commission d'appel d'offres que de la commission de délégation de service public.

(12 juillet 2021, préfet du Var, n° 448741 et n° 448742)

(26) V. aussi, comparable dans une certaine mesure : 13 juillet 2021, M. H., n° 448662.

 

27 - Syndicat mixte - Désignation des membres du bureau du comité syndical (président et vice-présidents) - Crise sanitaire - Dérogation législative à la règle du quorum - Absence d’effet sur les conditions particulières de majorité requises pour l’obtention d’une majorité absolue qualifiée - Rejet.

C’est sans erreur de droit que les premiers juges, appliquant les statuts d’un syndicat mixte, ont jugé que si la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, qui a introduit des modalités dérogatoires aux conditions générales de quorum applicables aux réunions des organes délibérants des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, elle n’a eu ni pour objet ni pour effet de déroger aux conditions particulières de majorité requises pour certaines de leurs délibérations.

Dès lors, la loi précitée ne faisait point obstacle - contrairement à ce que soutiennent les demandeurs appelants - à l’application des statuts du syndicat qui imposent, pour l’élection du président et des vice-présidents, l'obtention d'une majorité absolue de suffrages déterminée par rapport au nombre de membres du comité, quel que soit le nombre de membres présents lors du vote et indépendamment du nombre de voix détenues éventuellement par chacun d'eux,

L’appel est rejeté.

(16 juillet 2021, M. N. et autres, n° 451002)

 

28 - Permis de construire modificatif - Refus du maire - Saisine du préfet sur le fondement de l’art. L. 2131-6 du CGCT - Interprétation de cette saisine comme un recours hiérarchique - Rejet - Erreur de droit- Annulation.

(22 juillet 2021, Société civile de construction vente Grenadines, n° 436105)

V. n° 248

 

29 - Collectivités territoriales - Indemnités de fonction des conseillers municipaux - Majoration ne bénéficiant qu’aux élus des communes de métropole - Principe d’égalité - Question présentant un caractère sérieux - Transmission de la QPC.

(26 juillet 2021, Commune du Port, n° 452813)

V. n° 215

 

Contentieux administratif

 

30 - Intervention – Délégation de signature irrégulière – Circonstance sans effet sur la solution du litige – Moyen inopérant – Rejet.

Est inopérant le moyen tiré de ce que l’intervention présentée au nom de l’État au cours d’un procès l’a été par une personne sans délégation de signature régulière, cette intervention  étant sans effet sur l’issue du litige.

(1er juillet 2021, Société MEI Partners, de Me A., en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, n° 441150)

V. aussi, sur un autre aspect de cette affaire, le n° 1

 

31 - Juridiction ordinale - Principe d'impartialité - Composition irrégulière de la formation de jugement - Office du juge d'appel - Obligation d'examen d'office - Compétence du juge de cassation en vue de voir censurer l'éventuelle erreur de droit du juge d'appel qui ne procède pas à cet examen - Annulation.

Rappel valable pour toutes les juridictions - et pas seulement celles ordinales - que le juge d'appel a l'obligation de s'assurer, alors même que cette question n'est pas discutée devant lui, que la juridiction dont la décision est contestée a siégé dans une composition conforme aux dispositions législatives ou réglementaires qui déterminent cette composition ainsi qu'aux principes qui gouvernent la mise en œuvre de ces dispositions. Par conséquent, l'auteur d'un pourvoi en cassation peut faire valoir que le juge d'appel aurait commis une erreur de droit en ne soulevant pas d'office, au vu des pièces du dossier, le moyen tiré de ce que la juridiction de première instance aurait siégé en méconnaissance des dispositions fixant sa composition. 

(1er juillet 2021, M. C., n°432358)

 

32 - Référé – Question prioritaire de constitutionnalité - Défaut d'urgence - Non-lieu à statuer sur le renvoi de la QPC - Rejet.

Cette ordonnance de référé suspension vient rappeler que si le juge des référés peut être saisi d'une QPC, il n'est tenu de la transmettre, les conditions du renvoi au Conseil constitutionnel étant supposées remplies, qu'à la condition qu'en outre il ait été lui-même valablement saisi du référé, tel n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, il estime non satisfaite la condition d'urgence indispensable à la recevabilité d'un référé suspension.

Par suite, il prononce le non-lieu à statuer sur le renvoi de la QPC.

(1er juillet 2021, Mme B., n° 453470)

 

33 - Principe d'impartialité de la fonction de juger - Juge du référé suspension ayant auparavant siégé comme président du conseil discipline se prononçant sur le cas du requérant - Atteinte au principe d'impartialité - Annulation.

La circonstance que l'auteur de l'ordonnance prononçant la suspension d'un arrêté municipal infligeant une sanction à un agent de la commune présidait le conseil de discipline qui s'est prononcé sur le cas de celui-ci  dans le cadre de la procédure disciplinaire ayant abouti à la sanction suspendue, contrevient au principe d'impartialité qui commandait que ce magistrat ne statue pas sur cette demande de suspension. 

La demande d'annulation formulée par la commune est admise.

(5 juillet 2021, Commune de Bussy-Saint-Georges, n° 440566)

(34) V. aussi sur un autre aspect du litige : 5 juillet 2021, Commune de Bussy-Saint-Georges, n° 442625.

 

35 - Référé liberté - Liberté syndicale - Suspension du site internet d'un syndicat d'agents d'un département - Maintien d'un certain nombre de fonctionnalités - Atteinte à une liberté fondamentale non constitutive par elle-même d'une situation d'urgence - Rejet.

Le syndicat requérant demandait la suspension de la décision, prise en vertu des dispositions du point 7.5  de la charte d'utilisation des ressources des systèmes d'information annexée au règlement intérieur du département du Nord, par laquelle le directeur général des services du département du Nord, après un premier avertissement adressé au syndicat SUD des personnels du département du Nord et eu égard à la portée politique du document intitulé « élections départementales : les agentes du Conseil Départemental alertent », publié le 23 juin 2021, par le syndicat sur l'intranet syndical en vue du second tour des élections départementales du 27 juin, a suspendu pour une durée de quinze jours « les publications », y compris antérieures, du syndicat, sur cet intranet, accompagné d'une copie à l'écran de la décision de suspension sur la seule page restée ouverte. 

Relevant que celle-ci comportait des indications suffisantes pour maintenir un lien constant entre le syndicat et les salariés via la fonction « carnet d'adresses » et que la direction des ressources humaines a pris au cours de l'audience, ce qui a été fait, l'engagement d'afficher les coordonnées des représentants du syndicat SUD sur la page restée ouverte de l'intranet du syndicat, le juge des référés rejette la demande de référé , rappelant que les deux conditions  : 1° d'atteinte à une liberté fondamentale, réalisée en l'espèce, et 2° d'urgence (absente en l'espèce du fait des mesures rappelées ci-dessus) sont distinctes et que la non réalisation de l'une d'elles empêche l'exercice par le juge du référé liberté des pouvoirs qu'il tient, à ces conditions, de l'art. L. 521-2 du CJA.

(5 juillet 2021, Syndicat SUD des personnels du département du Nord, n° 451062)

 

36 - Astreinte - Liquidation - Renonciation à la liquidation - Absence d'empêchement à cette liquidation - Rejet.

La renonciation par le justiciable appelé à en bénéficier à la liquidation de l'astreinte prononcée à son profit est sans effet, dès lors que les conditions en sont réunies, sur le pouvoir du juge de procéder à cette liquidation en vertu de son pouvoir prore de décision.

(6 juillet 2021, Mme A., n° 441440)

 

37 - Référé suspension - Nécessité d’une requête distincte en annulation - Absence - Irrecevabilité manifeste - Rejet.

Rappel de l’absolue nécessité qu’une demande de référé suspension soit, à peine d’irrecevabilité manifeste, accompagnée d’une requête distincte en annulation de la décision dont la suspension est demandée.

(5 juillet 2021, M. B., n° 454141)

 

38 - Référé suspension - Décision résultant du silence gardé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) - Protection des mineurs contre l’accessibilité des contenus pornographiques de sites internet - Notion d’urgence - Rejet.

L’association requérante demandait par voie de référé, notamment, la suspension de l'exécution de la décision implicite née du silence gardé par le CSA sur la demande qui lui a été faite le 11 janvier 2021 d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 pour assurer la protection des mineurs à l'égard des contenus pornographiques accessibles sur divers sites internet.

Pour rejeter la requête il est avancé que la législation en cause, adoptée depuis moins d'un an, qui entend remédier à une situation qui persiste depuis de nombreuses années en confiant au CSA des prérogatives nouvelles, imposant notamment une appréciation des mesures susceptibles d'être utilement imposées pour empêcher l'accès des mineurs aux contenus en cause, l'association requérante n'établit pas, eu égard à l'appréciation concrète, objective et globale de l'urgence, l'existence d'une situation d'urgence telle que l'exécution de la décision qu'elle conteste devrait être suspendue sans attendre le jugement de sa requête au fond.

(ord. réf. 9 juillet 2021, Association Civitas, n° 454179)

 

39 - Fonction publique - Recrutement des professeurs d’université dans les sciences juridiques et politiques - Protocole d’accord sur une nouvelle procédure de recrutement - Attente d’un décret en ce sens - Recours sans utilité en tant qu’il est dirigé contre le protocole - Rejet du référé « mesures utiles » (art. L. 521-3 CJA).

Doit être rejeté le recours en référé « mesures utiles » (art. L. 521-3 CJA) dirigé contre le contenu d’un protocole d’accord conclu entre la ministre des universités et les présidents de section du 1er groupe du Conseil national des universités dès lors que la procédure de recrutement de professeurs d’université dans les disciplines juridiques envisagée par ce protocole, sans effet juridique immédiat, doit faire l’objet d’un décret non encore publié. Le référé « mesures utiles » est rejeté car il est, en l’état, sans utilité.

(ord. réf. 13 juillet 2021, M. B., n° 454257)

 

40 - Recours en rectification d’erreur matérielle - Conditions d’admission - Erreur purement matérielle - Absence d’appréciation d’ordre juridique - Erreur susceptible d’avoir eu une incidence sur une décision de justice - Admission.

Dans un litige en demande d’extension d’expertise à des personnes autres que celles initialement appelées dans l’instance, le Conseil d’État reconnaît l’existence d’une erreur matérielle. Alors que la société requérante sollicitait l'extension d’une expertise, d'une part, à la société Axa France Iard en sa qualité d'assureur de la société ECB, et d'autre part, à la SATC ainsi qu'à la société Socotec construction, le juge avait cru que l’extension d’expertise sollicitée concernait la société Axa France Iard en qualité d'assureur des trois sociétés ECB, SATC et Socotec construction.

Le recours en rectification d’erreur matérielle satisfaisant aux conditions de son admission, il est donc admis.

(19 juillet 2021, Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), n° 449607)

(41) V. aussi, rejetant un recours en rectification d’erreur matérielle pour défaut de satisfaction des conditions de celui-ci : 19 juillet 2021, M. G., Él. mun. et cnautaires de la commune de Sainte-Anne, n° 452821

 

42 - Arbitrage international - Recours devant le Conseil d’État - Étendue du contrôle exercé - Licéité de la convention d’arbitrage - Contrôle de la régularité de la sentence arbitrale - Conformité de la sentence à l’ordre public - Condition d’attribution de l’exequatur à la sentence arbitrale - Rejet.

Cette décision semble être l’épilogue d’une longue saga contentieuse au centre de laquelle se trouvent la société Fosmax (TC, 11 avril 2016, Société Fosmax LNG, n° 4043 ; C.E. Assemblée, Société Fosmax LNG, n° 388806 ; Rec. Lebon p. 466) et la compétence contentieuse en matière d’arbitrage international (TC, 17 mai 2010, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) c/ Fondation Letten F. Saugstad, n° 3754 ; rec. Lebon p. 580), cette dernière décision ayant quelque peu secoué le Landerneau des spécialistes du droit de l’arbitrage.

En l’espèce, la société requérante demandait au Conseil d’État d'annuler la sentence arbitrale rendue à Paris le 13 février 2015 par le tribunal arbitral composé sous l'égide de la Chambre de commerce internationale en tant qu’il a condamné le groupement d'entreprises STS, composé des sociétés TCM FR, Tecnimont et Saipem, à payer une certaine somme à la société Fosmax et cette dernière à payer au groupement une certaine somme et qu’il a rejeté le surplus des demandes.

S’agissant de l’étendue du contrôle exercé par le Conseil d’État sur les sentences arbitrales rendues en France dans les litiges nés de l'exécution ou de la rupture d'un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécutés sur le territoire français mais mettant en jeu les intérêts du commerce international, le juge apporte, selon les cas, quatre précisions ou rappels d’importance.

En premier lieu, il incombe au Conseil d’État, au besoin même d’office, de s'assurer, de la licéité de la convention d'arbitrage, qu'il s'agisse d'une clause compromissoire ou d'un compromis d’arbitrage.

En deuxième lieu, ne peuvent en outre être utilement soulevés devant lui que des moyens tirés, d'une part, de ce que la sentence a été rendue dans des conditions irrégulières et, d'autre part, de ce qu'elle est contraire à l'ordre public.

En troisième lieu, le contrôle de la régularité de la procédure suivie s’entend, en l'absence de règles procédurales applicables aux instances arbitrales relevant de la compétence de la juridiction administrative, de la vérification par le juge que le tribunal arbitral était compétent pour statuer sur le litige, qu'il était régulièrement composé, notamment au regard des principes d'indépendance et d'impartialité, qu'il a statué conformément à la mission qui lui avait été confiée, qu’il a respecté le principe du caractère contradictoire de la procédure ou qu'il a motivé sa sentence.

En quatrième lieu, le contrôle de la non contrariété à l’ordre public d’une sentence arbitrale consiste à vérifier si elle a fait application d'un contrat dont l'objet est illicite ou entaché d'un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, si elle méconnaît des règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger, telles que notamment l'interdiction de consentir des libéralités, d'aliéner le domaine public ou de renoncer aux prérogatives dont ces personnes disposent dans l'intérêt général au cours de l'exécution du contrat, ou si elle méconnaît les règles d'ordre public du droit de l'Union européenne.

Au terme de l’application de ces divers contrôles le Conseil d’État, en l’espèce, rejette le pourvoi dont il était saisi.

(20 juillet 2021, Société Fosmax, n° 443342)

 

43 - Permis de construire modificatif - Refus du maire - Saisine du préfet sur le fondement de l’art. L. 2131-6 du CGCT - Interprétation de cette saisine comme un recours hiérarchique - Rejet - Erreur de droit - Annulation.

(22 juillet 2021, Société civile de construction vente Grenadines, n° 436105)

V. n° 248

 

44 - Plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles (PSMV) - Disposition de ce plan (art. 3) interdisant la modification des immeubles ou parties d'immeubles identifiés comme étant à conserver - Rejet de la demande d’autorisation de créer un ascenseur extérieur - Décision reposant sur une pluralité de motifs - Absence de motif surabondant - Effet de la cassation sur la décision juridictionnelle déférée - Annulation.

Lorsqu’une décision administrative déférée au juge de cassation statuant en excès de pouvoir repose sur une pluralité de motifs, le motif sur lequel se prononce le juge de cassation ne peut pas être tenu pour surabondant. Il s’ensuit que l’annulation de ce motif en cassation conduit à l’entière annulation de la décision juridictionnelle déférée au juge de cassation.

 (22 juillet 2021, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 9, place Hoche à Versailles, n° 438247)

V. aussi à propos d’un autre aspect de cette décision le n° 249

 

45 - Référé liberté - Possibilité d'emploi de mineurs de seize à dix-huit ans comme sapeurs-pompiers volontaires - Décret du 28 novembre 2003 - Refus d'abrogation - Défaut d'urgence - Rejet.

Le Syndicat requérant a demandé, en vain, au premier ministre, l'abrogation des articles R. 723-6 et R. 723-10 du code de sécurité intérieure en tant qu'ils permettent l'engagement et la participation à des opérations d'incendie ou de secours de mineurs de seize à dix-huit ans en qualité de sapeurs-pompiers volontaires.

Il saisit le juge du référé liberté d'une requête qui ne pouvait qu'être rejetée.

D'une part, en sollicitant une mesure de suspension à durée indéterminée, le syndicat voulait en réalité obtenir du juge l'abrogation qui lui avait été refusée, abrogation qu'il n'est pas au pouvoir du juge du provisoire d'accorder. 

D'autre part, les dispositions contestées du code précité y ayant été insérées par le décret du 28 novembre 2003, celles-ci existent donc depuis plus de dix-sept, le défaut d'urgence est ainsi patent.

(28 juillet 2021, Syndicat Sud SDIS National, n° 454875)

 

46 - Jugement - Mémoire en défense non visé - Absence de réponses au moyen de défense qu'il contient - Irrégularité - Annulation.

Encourt annulation le jugement, rendu en matière de contestation d'un retrait de points du permis de conduire, qui ne vise pas le mémoire en défense du ministre de l'intérieur en précisant que ce dernier n'a pas produit de mémoire et qui, par conséquent, ne répond pas au moyen qui y est soulevé par le ministre défendeur.

(30 juillet 2021, Ministre de l'intérieur, n° 439258)

 

47 - Demandes d'asile - Enregistrement - Droit de l'Union - Obligation de résultat non satisfaite - Condamnation de l'État sous astreinte.

Le Conseil d’État constate que le ministre de l'intérieur, tenu d'exécuter sa décision du 31 juillet 2019 (n° 410347), n'a pas produit les éléments permettant d'établir qu'en moyenne un délai de dix jours est respecté entre la présentation et l'enregistrement des demandes d'asile en Île-de-France. Il s'agit là, pour lui, du chef notamment du droit de l'Union (art. 6 et 17 de la directive du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale) transposé par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, d'une obligation de résultat.

En conséquence, le Conseil d’État prononce contre l'État, à défaut pour lui de justifier de cette exécution complète en Île-de-France dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 500 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle la décision du 31 juillet 2019 aura reçu une complète exécution. 

(30 juillet 2021, Association " La Cimade ", n° 447339)

 

48 - Compétence matérielle du juge administratif – Recours pour excès de pouvoir contre une note du Garde des sceaux établissant une liste d’aptitude complémentaire de recrutement au choix dans le corps des directeurs de services de greffe - Compétence directe du Conseil d’État – Absence – Renvoi au tribunal administratif de Paris.

Le recours pour excès de pouvoir dirigé contre une note du Garde des sceaux établissant une liste d’aptitude complémentaire de recrutement au choix dans le corps des directeurs de services de greffe ne relève pas de la compétence du Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort mais de celle du tribunal administratif de Paris.

(3 août 2021, Syndicat national CGT des chancelleries et services judiciaires, n° 443816)

 

49 - Décret fixant la composition du gouvernement – Nomination du Garde des sceaux Acte de gouvernement – Incompétence du Conseil d’État et, par suite, de la juridiction administrative pour connaître de rapports d’ordre constitutionnel – Rejet.

Le recours dirigé contre le décret présidentiel fixant la composition du gouvernement, en tant qu’il nomme M. Dupond-Moretti en qualité de Garde des sceaux, est rejeté en raison de l’incompétence du Conseil d’État pour connaître des rapports d’ordre constitutionnel entre le président de la République, le premier ministre et le gouvernement. L’ajout, ensuite, qu’ainsi c’est l’ensemble de la juridiction administrative qui est incompétente pour en connaître suggère qu’il s’agit d’un acte de gouvernement.

(3 août 2021, M. C., n° 443899)

 

50 - Concession de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux – Demande d’extension d’une telle concession – Refus - Litige relatif à un titre minier – Incompétence du Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort (R. 311-1 CJA) – Compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve l’établissement ou l’exploitation à l’origine du litige (art. R. 312-10 CJA).

Le refus de l’autorité administrative, ici implicite, d’étendre une concession de mines est relatif à une législation régissant les activités professionnelles, et notamment industrielles, au sens de l'article R. 312-10 du CJA et relève donc, non du Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort, mais du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve soit le siège de l'établissement, soit l'exploitation dont l'activité est à l'origine du litige, soit le lieu d'exercice de la profession.

Il est ici renvoyé au tribunal administratif de Poitiers.

(4 août 2021, Société BridgeOil, n° 439252)

 

51 - Refus d’autorisation d’implantation d’éoliennes et de postes de livraison – Notion d’ensemble immobilier unique – Absence en l’espèce – Acte indivisible – Absence – Cassation sans renvoi (seconde cassation).

Le litige portait sur le refus d’autoriser l’implantation de dix-sept éoliennes et de sept postes de livraison, refus confirmé par les juges de première instance et d’appel. Après cassation, la cour de renvoi a refusé de donner acte à la société Parc éolien de l'Aire de son désistement partiel de ses demandes tendant à l'annulation des permis de construire s'agissant de douze de ces dix-sept éoliennes au motif que l’ensemble de l’opération immobilière avait fait l’objet d’une instruction unique  et constituait ainsi une opération indivisible or, c’est un principe constant du contentieux administratif que sont irrecevables les demandes d’annulation partielle d’actes indivisibles quels que soient les moyens invoqués contre la décision attaquée. L’appel avait donc été rejeté.

Saisi d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’État casse l’arrêt car il ne s’agissait pas en l’espèce d’une opération indivisible dès lors que du fait de l’existence de bâtiments distincts les uns des autres, fonctionnant chacun de manière autonome, ce n’était point un « ensemble immobilier unique » au sens des dispositions de l’art. L. 421-6 du code de l’urbanisme même s’ils ont une fonctionnalité identique et devaient faire l’objet d’un seul permis de construire.

C’est à tort que la cour a refusé de donner acte à la requérante de son désistement partiel et d’examiner sa contestation du refus de lui accorder le permis de construire cinq éoliennes.

Toutefois, au fond, le recours est rejeté en raison de l’obstacle massif constitué par les éoliennes dans cette zone de contournement obligatoire pour la navigation aérienne à vue, civile et militaire, ainsi que l’avait jugé le tribunal administratif.

(6 août 2021, Société Parc éolien de l’Aire, n° 432947)

 

Contrats

 

52 - Marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage - Marché pouvant comporter la rédaction d’actes juridiques - Faculté réservée aux personnes titulaires d’une licence en droit ou disposant de compétences appropriées (art. 54 loi du 31 décembre 1971) - Recours du Conseil national des barreaux (CNB) - Qualité de tiers - Absence de lien direct entre le marché litigieux et une éventuelle lésion des intérêts dont il a la charge - Annulation.

Si le CNB tient de la loi du 31 décembre 1971 qualité pour agir en justice en vue notamment d'assurer le respect de l'obligation de recourir à un professionnel du droit pour donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé pour autrui et si sa qualité de tiers à un contrat - comme en l’espèce - lui permet  de former devant le juge administratif du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles, c’est sous réserve de satisfaire à la condition d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou par ses clauses.

Tel n’est pas le cas en l’espèce car « la seule attribution, par une collectivité territoriale, d'un marché à un opérateur économique déterminé ne saurait être regardée comme susceptible de léser de façon suffisamment directe et certaine les intérêts collectifs dont le Conseil national des barreaux a la charge, alors même que le marché confie à cet opérateur une mission pouvant comporter la rédaction d'actes juridiques susceptibles d'entrer dans le champ des dispositions de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 ».

C’est au prix d’une erreur de droit que les juges du premier et du second degrés ont jugé le contraire.

(20 juillet 2021, Société Espélia, n°443346)

 

53 - Marchés conclus en Nouvelle-Calédonie - Régime applicable - Délai minimal à respecter entre la date d’information des candidats évincés et celle de la conclusion du contrat - Absence sauf pour les contrats de l’État ou de ses établissements publics - Rejet.

Le code de la commande publique (art. R. 2182-1) n’a prévu l’application en Nouvelle-Calédonie, d’un délai minimal de onze jours entre la date d'envoi de l’information des candidats évincés et la date de signature du marché par l'acheteur que pour les seuls marchés conclus par l’État ou ses établissements publics.

Il suit de là qu’aucun texte ou principe n’impose à une collectivité néo-calédonienne qui attribue un marché l'obligation de respecter un délai entre l'information des candidats évincés du rejet de leur offre et la date de conclusion du contrat. 

C’est sans erreur de droit que le premier juge a, par son ordonnance, rejeté l’argument contraire de la société requérante.

 (27 juillet 2021, Société Franck Tagawa, n° 450556)

 

Droit fiscal et droit financier public

 

54 - Petites et moyennes entreprises – Imposition au régime réel - Crédit d’impôt pour certains investissements réalisés en Corse (art. 244 quater E du CGI) – Régime de l’amortissement dégressif – Application – Erreur de droit – Annulation.

Une structure métallique supportant des panneaux photovoltaïques en guise de toiture est fixée au sol par des plots en béton de 1 m3 qui sont reliés entre eux par des semelles ferraillées et elle est destinée à permettre l'utilisation en tant que hangar agricole de l'espace qu'elle délimite. Sa durée normale d’utilisation n’est pas inférieure à quinze ans. La cour administrative d’appel avait jugé que ces divers éléments étant matériellement indissociables, l'ensemble de l'installation ouvrait droit au régime de l'amortissement dégressif et au crédit d'impôt au titre d'un investissement en Corse. Le Conseil d’État, excipant de ce qu’existe en l’espèce une utilisation différente, en termes d'exploitation, des éléments en cause, aperçoit dans ce raisonnement une erreur de droit.

Il faut avouer que la logique de l’arrêt d’appel est plus convaincante que celle de la décision de cassation.

(1er juillet 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 434309)

(55) V. aussi, semblables et relatifs à la même société : 1er juillet 2021, Ministre de l’action et des comptes publics, n° 434310, n° 434312 et n° 434313, trois espèces.

 

56 - Bénéfices non commerciaux – Sommes portées au crédit du compte courant d’une SCI – Sommes prétendues être des remboursements d’un prêt – Prêt de forme irrégulière – Remboursement ne pouvant pas être considéré comme un revenu – Erreur de droit - Annulation.

Commet une erreur de droit la cour administrative d’appel qui rejette l’argumentation de contribuables soutenant que des sommes prélevées sur le compte courant de la SCI à leur profit étaient une avance constitutive d’un prêt et ont effectivement donné lieu à remboursement. En effet « la circonstance qu'un prêt n'ait pas été régulièrement consenti n'est pas à elle seule suffisante pour écarter l'existence d'un prêt, que le remboursement d'une somme fait obstacle à ce que celle-ci soit qualifiée de revenu et qu'enfin, il convenait de rechercher si les sommes portées au crédit du compte en cause pouvaient être regardées comme procédant au remboursement d'une partie des sommes en litige. »

(1er juillet 2021, M. et Mme A., n° 436465)

 

57 - Loi Malraux – Restauration des centres de ville anciens – Travaux équivalents à une reconstruction – Absence - Gros-œuvre non substantiellement affecté – Qualification inexacte des faits – Annulation avec renvoi.

Qualifie inexactement les faits qui lui sont soumis la cour administrative d’appel qui qualifie de « travaux de reconstruction » alors qu’ils n’ont pas affecté de manière importante le gros-œuvre, la réfection de la toiture de l'immeuble, la reprise partielle de la charpente, le remplacement des plafonds en plâtre, la restauration des parquets, la réfection des dallages et des réseaux, sur chacun des quatre niveaux et qu’ils sont, en outre, dissociables de ceux ayant conduit à l'augmentation de la surface habitable au rez-de-chaussée.

(1er juillet 2021, M. et Mme A. n° 436551)

 

58 - Charges admises en déduction des dividendes de source étrangère soumis à une retenue à la source dans un pays étranger - Charges déduites également de l'assiette de l'impôt sur les sociétés du en France - Absence d'atteinte au principe de libre circulation des capitaux - Rejet

Il résulte de l'arrêt de la CJUE du 25 février 2021 (Société Générale, aff. C-403/19) que la circonstance qu'un droit national décide que les charges venant en déduction du montant des dividendes de source étrangère soumis à une retenue à la source sont également déduites pour la détermination de l'assiette de l'impôt sur les sociétés dû en France, ne méconnaissent pas le principe fondamental de la libre circulation des capitaux.

(5 juillet 2021, Société Générale Asset Management (SGAM) Banque, n° 399952)

(59) V. aussi, sur cet aspect précis, le point 10 de : 5 juillet 2021, Société Crédit industriel et commercial (CIC), n° 409716.

(60) V. encore, s’agissant des conventions fiscales franco-luxembourgeoise, franco-allemande, franco-belge, franco-suisse, franco-portugaise, franco-britannique, franco-brésilienne, franco-néerlandaise, franco-australienne, franco-coréenne, franco-néo-zélandaise, franco-norvégienne, franco-italienne, franco-suédoise, franco-autrichienne, franco-américaine, franco-japonaise et franco-espagnole : 5 juillet 2021, Société BNP Paribas, n°414463.

 

61 - Charge déductible du montant du revenu perçu - Convention de prêt au moyen de titres d'une société avec reversement immédiat de dividendes de cette société majorée d'intérêts - Reversement constituant une charge - Rejet.

La société Crédit Industriel d'Alsace-Lorraine aux droits de laquelle est venue la société requérante avait conclu avec la banque britannique Goldman Sachs International des conventions de prêts/emprunts de titres à court terme d'une société italienne, le Crédit d'Alsace-Lorraine étant tenu de reverser immédiatement à cette banque une somme, majorée d'intérêts, correspondant au montant brut des dividendes attachés aux titres empruntés, déduction faite de la retenue à la source acquittée en Italie.  Il est jugé que ces conventions de reversement immédiat constituaient une condition de la conservation des titres de la société italienne par la société Crédit Industriel d'Alsace-Lorraine et que ce reversement était directement lié à la perception de ces dividendes. C'est donc sans erreur sur la qualification des faits que la cour administrative d'appel a jugé ce reversement comme constituant une charge déductible du montant du revenu perçu. 

(5 juillet 2021, Société Crédit industriel et commercial (CIC), n° 409716)

 

62 - Contentieux fiscal - Délai d'appel ouvert à l'administration fiscale - Option pour la signification ou le délai de quatre mois - Facultés reconnues aux contribuables après expiration du délai de deux mois - Absence d'atteintes à divers droits ou principes - Rejet.

L'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ouvre au contribuable, s'agissant du délai d'appel ouvert à l'administration fiscale contre le jugement du tribunal administratif,  une option entre faire signifier ce jugement à cette dernière qui disposera, à compter de cette signification (dont le coût est d'environ 26 euros), de deux mois pour interjeter appel ou bien ne rien faire, l'administration disposant alors de quatre mois pour former cet appel avec cette précision invraisemblable que ce délai court à compter  de la notification de ce jugement au directeur du service de l'administration des impôts, sans qu'il y ait lieu de rechercher à quelle date le jugement lui a été transmis. Le juge explique traditionnellement ce traitement étrange « par les nécessités du fonctionnement de l'administration (fiscale) », ce qui ne veut strictement rien dire surtout par rapport aux administrations non fiscales et par rapport aux simples particuliers parfaitement démunis face à la machine de Bercy.

Il paraît, le juge dixit, que cette discrimination entre justiciables ne porte « atteinte ni au principe constitutionnel d'égalité devant la justice et d'égalité devant la loi, ni aux stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, aux stipulations des articles 20 et 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ».

Célébrons un Requiem pour le décès du principe de l'égalité des armes.

(5 juillet 2021, Société Crédit industriel et commercial (CIC), n° 409716)

 

63 - Pension alimentaire versée en cas de divorce, en numéraire ou en nature - Application du quotient familial - Caractère imposable de la pension - Détermination du parent ayant la charge principale des enfants - Rejet.

Cette décision vient préciser le régime fiscal applicable aux pensions alimentaires pour enfants à charge versées en cas de divorce et qui donne lieu à un contentieux d'une certaine importance quantitative.

Tout d'abord, il découle des dispositions combinées des art. 79 du CGI et 373-2-2 du Code civil, d'une part, que les pensions alimentaires versées pour enfants mineurs ne faisant pas l'objet d'une garde alternée sont incluses dans les bases de l'impôt sur le revenu dû par le parent qui en bénéficie au titre de l'année au cours de laquelle celui-ci les a perçues, quelle que soit la répartition du quotient familial entre les deux parents et d'autre part, qu'en cas de garde alternée les pensions alimentaires versées pour un enfant mineur pris en compte pour la détermination du quotient familial de chacun d'eux ne sont pas imposables entre les mains de celui qui les reçoit.

Ensuite, il résulte de l'art. 193 du CGI que, pour l'attribution des parts supplémentaires de quotient familial pour enfant à charge prévue à l'article 194 du CGI, le versement ou la perception d'une pension alimentaire, qu'elle prenne la forme d'une somme d'argent ou d'une prestation en nature, ne doit pas, en vertu de l'article 193 ter du même code, être pris en compte pour apprécier la charge d'entretien qui est assumée par chaque parent sauf pour l'un d'eux à rapporter la preuve que la charge principale d'entretien des enfants est supportée par l'autre parent.

En l'espèce, cette preuve n'est pas jugée être rapportée du fait de la simple allégation du versement par le père de pensions alimentaires réglées en nature par celui-ci en exécution des décisions judiciaires.

(5 juillet 2021, Mme A., n° 434517)

 

64 - Cotisation foncière des entreprises (CFE) - Bases d’imposition - Immobilisations exclues - Prise en compte dans l’assiette de la cotisation de divers éléments - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.

La requérante estimait que diverses immobilisations de l’entreprise qu’elle exploite devaient être exclues des bases de l’imposition au titre de la cotisation foncière des entreprises. Elle demandait l’annulation de l’arrêt d’appel en ce qu’il a de contraire à ses prétentions.

Le Conseil d’État lui donne raison. Il relève d’abord, l’insuffisante motivation de l’arrêt s’agissant de l’exclusion de cuves de stockage de l’assiette de la CFE dans la mesure où il n’est pas répondu au moyen tiré de ce que leur capacité de stockage n'excédait pas le volume de 100 mètres cube.

Ensuite, il déduit des art. 1380, 1381, 1382, 1467 et 1495 du CGI ainsi que de l’art. 324 B de son annexe III que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que le réseau informatique, le système de sécurité-incendie, le système de traitement de l'air et les murs anti-bruit ne pouvaient être exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties et que leur valeur locative devait par suite être incluse dans l'assiette de la cotisation foncière des entreprises due par la société requérante, et en se fondant pour cela sur le seul motif que ces immobilisations étaient indissociables des bâtiments pour lesquels elles étaient conçues et auxquels elles s'incorporaient. 

(9 juillet 2021, Société VOA Verrerie d'Albi, n° 427551)

 

65 - Virement d’une somme entre deux sociétés civiles immobilières - Qualification juridique - Absence de preuve du caractère d’avance en compte courant - Charge de la preuve en cas de redressements consécutifs à une rectification contradictoire non acceptée par le contribuable - Erreur de droit - Annulation avec renvoi.

Doit être cassé et renvoyé à la cour qui l’a rendu l’arrêt jugeant que le virement d’une somme d’argent entre deux SCI doit être considéré comme un revenu foncier dès lors que la contribuable ne justifie pas que ce virement a la nature d’une avance en compte courant alors qu’en l’état de redressements opérés par l’administration fiscale suite à une rectification contradictoire non acceptée par le contribuable, la charge de la preuve incombe non à ce dernier mais à l’administration fiscale.

(9 juillet 2021, M. et Mme A., n° 443373)

 

66 - TVA - Facture initiale - Facture rectificative - Note d’avoir - Régime juridique - Application et récupération de la TVA - Rejet.

Le point 5 du I. de l’art. 289 du CGI disposait à l’époque des faits litigieux « 5. Tout document ou message qui modifie la facture initiale, émise en application de cet article ou de l'article 289 bis, et qui fait référence à la facture initiale de façon spécifique et non équivoque est assimilé à une facture. Il doit comporter l'ensemble des mentions prévues au II. ».

L’art. 242 nonies A de l'annexe II au CGI énumère ces mentions.

Dans l’espèce en cause, la requérante, qui exerçait une activité de fabrication et vente de produits d'emballages alimentaires, sollicitait en décembre 2012 un remboursement de crédit de TVA suite à l'émission de deux notes d'avoir établies le même jour pour des opérations réalisées en 2008 ; elle contestait le refus opposé à sa demande par l’administration fiscale.

Confirmant le bien-fondé de la position du fisc, le Conseil d’État apporte deux importantes précisions, assez novatrices présentées sous cette forme.

Tout d’abord, il se déduit des dispositions de l'art. 289 précité que la modification d'une facture initiale, qu'elle prenne la forme d'une facture rectificative ou d'une note d'avoir, est assimilée à une nouvelle facture devant comporter les mentions énumérées à l'article 242 nonies A de l'annexe II au CGI.

Ensuite, l’existence d’omissions ou d’erreurs entachant une facture rectificative ou une note d'avoir ne fait pas obstacle au droit à la récupération de la TVA sur le fondement du 1 de l'article 272 du CGI en cas d'opération annulée, résiliée, définitivement impayée ou de rabais postérieur à l'opération facturée lorsque les pièces produites par le redevable permettent d'établir le bien-fondé de sa demande.

(12 juillet 2021, Société Linpac Packaging Provence, n° 433977)

 

67 - Acquisition à un prix préférentiel - Avantage accordé à un dirigeant ou à un salarié - Avantage imposable comme traitement ou salaire - Caractéristique sans effet sur la nature des gains réalisés en cas d’exercice de l’option ou de cession - Rejet.

Il est fréquent qu’un dirigeant ou un salarié se voie offrir la possibilité d’acquérir, à raison de cette qualité, à un prix préférentiel par rapport leur valeur réelle au jour de leur acquisition, des options d'achat d'actions ou des bons de souscription d'actions. Cette pratique peut révéler l'existence d'un avantage à concurrence de la différence entre le prix ainsi acquitté et cette valeur ; cet avantage, dès lors qu'il trouve essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié, a le caractère d'un avantage accordé en sus du salaire, il est donc imposable au titre de l'année d'acquisition ou de souscription des options ou des bons dans la catégorie des traitements et salaires (cf. art. 79 et 82 CGI).

Le caractère préférentiel de ce prix est en revanche sans incidence sur la nature des gains réalisés ultérieurement par le contribuable lors de l'exercice de ces options ou bons, lors de la cession des titres ainsi acquis ou lors de la cession des bons.
Lors de la levée postérieure d’une option d'achat d'actions ou en cas d'exercice d'un bon de souscription d'action, la différence entre la valeur réelle de ces actions à la date de levée de cette option ou de l’exercice d’un bon et leur prix d'achat majoré, le cas échéant, du montant acquitté pour acquérir cette option ou  pour exercer le bon, ainsi que de l'avantage ayant été éventuellement imposé comme indiqué ci-dessus, constitue un gain, réalisé par lui dès la levée de cette option qui, lorsqu'il trouve essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de fonctions de dirigeant ou de salarié, est un avantage en argent, au sens de l'article 82 du CGI, imposable dans la catégorie des traitements et salaires (cf. art. 79 et 82 du CGI).

Lorsque l'action est cédée dans des délais tels que sa valeur réelle n'a pas évolué depuis la levée de l'option, l'administration est fondée à imposer l'intégralité de l'écart entre le prix de cession et le prix d'achat majoré précité dans la catégorie des traitements et salaires.

(13 juillet 2021, M. B., n° 428506)

(68) V. aussi, voisin mutatis mutandis : 13 juillet 2021, M. B., n° 435452.

(69) V. encore, appliquant la réserve énoncée dans l’affaire n° 428506 ci-dessus selon laquelle la qualification de gain en capital imposable selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières doit, en particulier, être écartée lorsque l'intéressé a bénéficié d'un mécanisme lui garantissant, dès l'origine ou ultérieurement, le prix de cession de bons de souscription d’actions dans des conditions constituant une contrepartie de l'exercice de ses fonctions de dirigeant ou de salarié : 13 juillet 2021, M. et Mme B., n° 437498.

 

70 - Impôt sur le revenu - Exonération de cet impôt pour certaines plus-values - Plus-values réalisées lors de la première cession d’un logement autre que la résidence principale - Condition de remploi pour l’acquisition d’une résidence principale - Commentaire administratif entaché d’illégalité - Absence - QPC - Rejet.

Le 1° bis du II de l'article 150 U du CGI, prévoit l'exonération d'impôt sur le revenu des plus-values résultant de la première cession d'un logement autre que la résidence principale à concurrence de la fraction de la somme résultant de cette cession à la double condition, d’une part, que cette somme soit remployée par le contribuable dans les vingt-quatre mois à l'acquisition ou la construction de son habitation principale, et d’autre part, que le cédant n'ait pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession.

Un commentaire administratif (§ n° 40 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques - impôts du 23 septembre 2013 sous la référence BOI-RFPI-PVI-10-40-30) est venu préciser : « De même, la détention d'un droit démembré ou d'un droit indivis sur un immeuble d'habitation affecté à la résidence principale du cédant est de nature à priver le contribuable du bénéfice de l'exonération ».

Le requérant soulève une QPC, qui est rejetée, à l’encontre du 1° bis du II de l'article 150 U du CGI tel qu’interprété par la jurisprudence du Conseil d’État , motif pris de ce que cette disposition méconnaîtrait les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques protégés respectivement par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789, en tant qu'elles excluent du bénéfice de l'exonération de la plus-value réalisée au titre de la cession d'un immeuble à usage d'habitation autre que la résidence principale les contribuables qui ont détenu l'usufruit de leur résidence principale au cours des quatre années précédant cette cession. Le Conseil d’État estime que la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux en raison de l’objectif poursuivi par le législateur qui est de favoriser l'investissement dans l'acquisition d'une résidence principale et d’en réserver le bénéfice aux contribuables qui ne détiennent aucun droit réel immobilier sur le bien qu'ils ont élu pour domicile. Or, en excluant du bénéfice de l'exonération de cette plus-value les contribuables qui ont détenu un usufruit sur leur résidence principale au cours des quatre années précédant cette cession, le législateur s’est fondé sur l’existence d’une différence de situation entre deux catégories contribuables correspondant à une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi. 

Le requérant demande également l’annulation pour excès de pouvoir du § 40 des commentaires administratifs précités au motif qu’en précisant que la détention par le contribuable « (…) d'un droit démembré ou d'un droit indivis sur un immeuble d'habitation affecté à la résidence principale du cédant est de nature à priver le contribuable du bénéfice de l'exonération » son auteur aurait ajouté illégalement aux dispositions de l’art. précité du CGI et contredit les objectifs poursuivis par le législateur.

Les moyens sont rejetés car ce paragraphe se borne à expliciter, sans y ajouter et sans les contredire, les dispositions législatives en cause.

(15 juillet 2021, M. B., n° 453490)

 

71 - Impôt sur le revenu - Sommes facturées à une S.A.R.L. française par une société de droit suisse - Qualification irrégulière de ces sommes - Imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux - Exercice en France d’une activité non commerciale occulte d'assistance administrative et de gestion - Infliction de la pénalité prévue au c) de l'article 1728 du même code - Admission partielle des conclusions du contribuable - Rejet.

Une s.a.r.l., exerçant l’activité de construction immobilière, établie en France, dont M. B., domicilié en Suisse, est associé et gérant minoritaire, s’est vu facturer au cours de l'année 2011, par une société de droit suisse, Algiluc, qui détient 99,8% de son capital, des sommes dont l’administration fiscale a estimé qu’elles avaient en réalité rémunéré des prestations d'assistance administrative et de gestion rendues par M. B. par ailleurs administrateur de la société Algiluc et détenteur, avec des membres de sa famille, de son capital.

Elle a donc, par application du II de l'article 155 A du CGI, imposé les sommes en cause entre les mains de M. B. dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et, estimant qu'il avait exercé en France une activité non commerciale occulte d'assistance administrative et de gestion, l'a assujetti à la pénalité prévue au c) de l'article 1728 du même code.

Le ministre se pourvoit en cassation contre l’arrêt d’appel qui a prononcé une décharge partielle des impositions en litige, correspondant à une réduction d'assiette de 10% résultant de la taxation des rémunérations en litige dans la catégorie des traitements et salaires, ainsi que la décharge de la pénalité pour activité occulte.

Le Conseil d’État rejette le pourvoi et approuve en tous points le raisonnement de la cour administrative d’appel.

Tout d’abord, c’est sans erreur de droit et en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation non entaché de dénaturation des faits, que la cour a jugé que les sommes en litige étaient taxables dans la catégorie des traitements et salaires car dès lors qu'à supposer que les prestations effectuées par M. B. excédaient les actes de gestion courante de la s.a.r.l., elles ne pouvaient, eu égard à leur nature et aux conditions de leur fourniture, être regardées comme caractérisant l'exercice d'une activité libérale distincte des fonctions de gérant. 

Ensuite, la cour n'a pas davantage entaché son arrêt d'erreur de droit et d'erreur de qualification juridique des faits en jugeant que les conditions de mise en oeuvre de la pénalité pour activité occulte prévue par les dispositions du c) de l'article 1728 du code général des impôts n'étaient pas réunies en l’espèce.

(15 juillet 2021, ministre de l’action et des comptes publics, n° 433578)

 

72 - Édition d’ouvrages scolaires - Soumission à la TVA réduite applicable aux livres - Notion de livre - Qualification inexacte des faits - Annulation.

La société requérante, éditrice en ligne et par voie d'impression d'ouvrages destinés aux enseignants d'école maternelle et de cours élémentaire, a sollicité, par voie de rescrit puis par une réclamation contentieuse, l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux ouvrages qu'elle édite, et en conséquence, le remboursement d'un montant de 18 379 euros de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.

Son action dirigée contre le refus de lui accorder cette restitution ayant été rejetée, elle se pourvoit en cassation et obtient gain de cause.

L’art. 278 bis, 6°, du CGI a ramené de 7% à 5,5% le taux de la TVA applicable aux « Livres » or la requérante avait été soumise au taux de 7% : elle demandait donc le remboursement de la différence entre le montant de TVA qu’elle a acquitté et celui qu’elle estimait lui être applicable

La cour administrative d’appel a considéré que les ouvrages produits par cette société, composés d’une sélection de photographies prises durant une année scolaire, présentée de manière chronologique, et des textes rédigés par les enseignants, commentant les activités pédagogiques proposées aux élèves des classes concernées, ne pouvaient être considérés comme des « livres » au sens et pour l’application de la disposition fiscale précitée.

Le Conseil d’État aperçoit dans cette solution une erreur de qualification des faits car les ouvrages en question sont bien des « livres » au sens de la directive européenne du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, pour l’application de laquelle a été pris l’art. 278 bis du CGI et selon laquelle sont des « livres » les « ouvrages qui constituent des ensembles homogènes comportant un apport intellectuel ». En effet, le juge de cassation considère - et doit en être approuvé - « que le travail de l'auteur consistant à sélectionner, parmi les activités réalisées au cours de l'année scolaire, celles présentées dans l'ouvrage, à rédiger les commentaires présentant ces activités, à choisir les illustrations des réalisations des élèves auxquelles elles avaient donné lieu et à organiser l'ensemble suivant la progression des apprentissages durant l'année (suffit) à caractériser un apport intellectuel ».

La société est donc fondée à se prévaloir du taux de TVA de 5,5% au lieu de celui de 7% qui lui a été appliqué et à réclamer restitution du trop-versé.

(16 juillet 2021, Société Des images et des mots, n° 437681)

 

73 - Taxe foncière sur les propriétés bâties - Immeuble propriété d’une SCI - Invocation de la doctrine fiscale (art. L. 80 A LPF) - Conditions - Absence - Erreur de droit - Annulation et rejet.

La requérante entendait se prévaloir, pour obtenir la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie en 2016 et 2017 à raison d'un immeuble dont elle est propriétaire, de la doctrine administrative contenue dans les paragraphes 490 et 500 des commentaires administratifs publiés entre le 10 décembre 2012 et le 6 septembre 2017 au bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-IF-TFB-20-10-10-30.

Selon ces commentaires sont compris parmi les locaux « passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties qui ne sont ni des locaux d'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 du CGI, ni des établissements industriels » et relevant à ce titre de la méthode d'évaluation de l'article 1498 du code général des impôts « les locaux appartenant à des sociétés civiles immobilières, lesquelles ne peuvent pas être considérées comme exerçant une véritable profession ».  

Entérinant cette argumentation, les premiers juges avaient accordé la décharge sollicitée.

Sur pourvoi du ministre le Conseil d’État casse ce jugement pour erreur de droit car, en ce qu'ils indiquent que les locaux appartenant à des sociétés civiles immobilières sont évalués selon la méthode de l'article 1498 du CGI, sans exclure l'hypothèse dans laquelle la personne qui prend ces locaux en location y exerce une activité industrielle, les commentaires dont se prévalait la société Fanlene Chambray donnent une interprétation non du seul article 1498 mais des dispositions combinées des articles 1498 et 1500 de ce code. Ainsi, la modification du second de ces deux articles à laquelle a procédé le législateur par la loi de finances du 29 décembre 2015 en précisant que les bâtiments industriels sont évalués « Selon les règles prévues à l'article 1499, lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan d'une entreprise qui a pour principale activité la location de ces biens industriels » a eu pour effet de rendre caduque, à compter de son entrée en vigueur, l'interprétation de ses dispositions antérieurement donnée par l'administration fiscale, sur laquelle celle-ci est d'ailleurs revenue dans la version des commentaires qu'elle a ultérieurement mise en ligne. 

(16 juillet 2021, ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 443984)

 

74 - Impôt sur le revenu - Traitements et salaires - Exercice du droit de communication - Demande adressée par l’administration fiscale à l’autorité judiciaire - Informations résultant d’une enquête préliminaire conclue par un classement sans suite - Possibilité d’être utilisées par les enquêteurs du fisc - Réponse négative entachée d’erreur de droit - Annulation.

L’intéressé a bénéficié d’options de souscription d’actions d’une société dont il a été le P-D G puis le président du conseil d’administration. Lors d’une vérification de sa situation personnelle, l’administration a exercé son droit de communication auprès du juge judiciaire, une première fois en juillet 2019 et une seconde fois en juin 2020. Elle a fini par obtenir certaines informations du chef de l’enquête préliminaire qui avait été ouverte par le Parquet à la suite d'une plainte pour opposition à fonctions déposée par les services fiscaux à l’encontre de la société.

L’administration a utilisé les données ainsi recueillies pour estimer imposables les gains résultant de levées d’option assorties de pénalités.

Toutefois, l’enquête préliminaire s’étant terminée par un classement sans suite, se posait la question de la régularité de l’imposition et des pénalités.

En effet, le droit de communication avait été exercé sur le fondement de l’art. 82 C et de l’art. L. 101 du livre des procédures fiscales (LPF).

Selon l’art. 82 C : « A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances » et selon l’art. 101 : « L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu ».

Se fondant essentiellement sur ce dernier texte, la cour administrative d’appel a jugé que les éléments utilisés par l’administration fiscale n’avaient pas pu lui être régulièrement communiqués puisqu’ils avaient été recueillis non pas dans le cadre « d’une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu » mais dans celui d’une enquête préliminaire classée sans suite.

Pour casser cette solution, qui s’autorisait d’une logique assez évidente, le Conseil d’État se livre à un exercice assez acrobatique, relevant « que si le législateur n'a mentionné (…) que les informations criminelles ou correctionnelles, il ne saurait être regardé, compte tenu de l'évolution des règles de procédure pénale depuis l'adoption de ces dispositions (en 1926), comme ayant entendu permettre l'exclusion du champ du droit de communication de l'administration fiscale les éléments recueillis dans le cadre d'une enquête préliminaire, alors même qu'elle aurait fait l'objet d'un classement sans suite. »

En d’autres termes, les articles litigieux du LPF doivent être lus non pour ce qu’ils contiennent mais pour ce qu’ils devraient contenir - mais ne contiennent pas - car ils ont été édictés en 1926 et que beaucoup d’eau a depuis passé sous le pont fiscal. C’est là une façon cavalière de traiter le législateur qui peut avoir mille raisons de ne pas avoir étendu aux enquêtes préliminaires classées sans suite les dispositions, déjà exorbitantes en soi, figurant aux art. L. 82 C et L. 101 du LPF.

La solution semble plutôt illustrer un « réflexe » de rapacité fiscale et cela de maladroite façon.

(16 juillet 2021, M. B., n° 448500)

 

75 - Impôt sur le revenu - Examen contradictoire de la situation fiscale personnelle - Société de personnes n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux - Imposition des bénéfices réalisés - Rejet.

Le Conseil d’État, confirmant l’arrêt d’appel dont il était saisi, rappelle et précise deux points intéressants.

Tout d’abord, il résulte directement de l’art. L. 57 du LPF qu'après achèvement de la procédure de rectification contradictoire, l'administration n'est tenue de porter à la connaissance du contribuable les modifications apportées aux rehaussements que si ces modifications résultent de la prise en compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure non ceux résultant d’autres éléments.

Ensuite, il est également rappelé que les bénéfices réalisés par une société de personnes qui n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés, qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé une part de ces bénéfices. Les bases d'imposition de chaque associé doivent être déterminées par référence à une répartition des résultats sociaux présumée faite conformément au pacte social, sauf dans le cas où un acte ou une convention passé avant la clôture de l'exercice a pour effet de conférer aux associés des droits dans les bénéfices sociaux différents de ceux qui résulteraient de la seule application du pacte social, auquel cas les bases d'imposition des associés doivent correspondre à cette nouvelle répartition des résultats sociaux.

Cependant, en l’espèce, le juge ajoute cette précision importante qui n’allait pas de soi selon laquelle l'annulation d'un tel acte ou d'une telle convention postérieurement aux années d'imposition ne peut affecter la règle fixée par les dispositions des articles 8 et 12 du CGI en vertu de laquelle sont seuls redevables de l'impôt dû sur les résultats de l'exercice les associés présents dans la société à la clôture de l'exercice. Il en découle que les impositions supplémentaires résultant des rehaussements apportés par l'administration fiscale aux bénéfices imposables de la société sont réparties entre les associés au prorata de leurs droits sociaux ainsi déterminés. Ainsi, ce qui est très surprenant, est dénié tout effet rétroactif aux annulation prononcées - comme c’est le cas ici - par le juge judiciaire. Les dispositions des art. 8 et 12 précités ne sont pas d’une rigueur telle qu’elles empêchaient toute autre interprétation. Le demandeur eût été sans doute bien inspiré de soulever une QPC tirée de l’impossibilité d’appliquer dans sa plénitude la chose jugée.

(20 juillet 2021, M. A., n° 434029 et n° 434030)

 

76 - Dividendes distribués à une personne morale - Impôt sur les sociétés soumis à une retenue à la source - Condition d’exonération - Détention de 25% au moins du capital de la personne qui distribue les dividendes - Détention durant au moins deux ans ininterrompus - Absence - Rejet.

Le 2 de l'article 119 bis du CGI soumet à une retenue à la source les revenus distribués par des personnes morales françaises à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Toutefois, l’art. 119ter exonère de cette retenue la personne morale qui assure le paiement de ces revenus, qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qui, notamment, détient de façon ininterrompue depuis deux ans ou plus, 25 % au moins du capital de la personne morale qui distribue les dividendes.

Le Conseil d’État juge que c’est sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier qu’une cour administrative d’appel juge qu’une société de droit belge, qui avait transféré la pleine propriété des titres de sa filiale à une fondation de droit néerlandais, ainsi que les droits de vote qui leur sont attachés, a par là-même interrompu le délai de détention de deux ans permettant de bénéficier de l'exonération de la retenue à la source prévue par l'article 119ter du CGI et cela alors même que cette société serait demeurée le bénéficiaire effectif des dividendes.

(20 juillet 2021, Société nouvelle d'affinage des métaux (SNAM), n° 435635)

 

77 - Profits de construction - Absence de mise en demeure de l'administration fiscale d'avoir à souscrire les déclarations y afférentes - Mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office des bénéfices ainsi réalisés - Régularité - Erreur de droit - Annulation.

Doit être annulé pour erreur de droit l'arrêt déclarant régulière l'utilisation par l'administration fiscale de la procédure d'évaluation d'office pour non déclaration des profits de construction réalisés par le contribuable dans le cadre de l'imposition sur les bénéfices industriels et commerciaux, alors que celle-ci n'avait pas mis l'intéressé en demeure de souscrire ladite déclaration et alors que, d'une part, il établissait que les actes de cession de ces immeubles avaient fait l'objet d'actes notariés portés à la connaissance de l'administration fiscale et que, d'autre part, son notaire avait souscrit, en son nom, des déclarations de plus-values de particuliers sur les cessions d'immeubles.

(29 juillet 2021, M. B., n° 438214)

 

78 - Comptabilité publique – Obligations du comptable public en vue du paiement - Condamnation du comptable à indemniser une commune – Détermination de l’existence d’un manquement du comptable et de l’existence subséquente d’un préjudice financier pour la personne publique – Absence – Erreur de droit – Cassation.

Rappel de ce que le juge des comptes doit, pour estimer que le comptable a méconnu les obligations qui lui incombent, en premier lieu, rechercher si celui-ci a exigé la production de pièces justificatives du paiement (par ex. une délibération d’un conseil municipal instituant la dépense) et, en second lieu, déterminer si ce manquement a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné et en évaluer l'ampleur. Pour ce faire, il lui incombe, d’une part, d’établir l’existence d’un lien de causalité entre le préjudice et le manquement, à la date où ce dernier a été commis et, d'autre part, d’apprécier l'existence et le montant du préjudice à la date à laquelle il statue en prenant en compte, le cas échéant, des éléments postérieurs au manquement.

En l’espèce, il était reproché à la comptable d’avoir payé des heures supplémentaires votées par la délibération d’un conseil municipal alors que celle-ci ne fixe pas la liste des emplois, au sein de la commune, dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires. Par suite, elle aurait payé ces heures sans disposer de la pièce justificative prévue par la nomenclature.

Si le Conseil d’État confirme le bien-fondé du raisonnement des juridictions financières (CRC et Cour des comptes) sur ce point, il annule, avec un réalisme et un souci d’équité louables, la mise en débet du comptable en l’absence de préjudice financier subi par la commune.

En effet, la délibération précitée fondait juridiquement la dépense – contrairement à ce qu’ont jugé les juridictions des comptes – car, d’une part, elle « arrêtait le principe du versement de l'indemnité horaire pour travaux supplémentaires aux agents de la commune éligibles à cette indemnité en application de l'article 2 du décret du 14 janvier 2002, d'autre part, qu'il était constant, au regard des décomptes individuels produits, que cette indemnité avait été versée aux agents de la commune dont les missions impliquaient la réalisation effective d'heures supplémentaires et que le service avait été fait (…) ».

C’est pourquoi le Conseil d’État est à la cassation.

(3 août 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 436208)

 

Droit public économique

 

79 - Covid-19 - Contrats de voyages à forfait et autres prestations inexécutés - Ordonnance du 25 mars 2020 - Conditions de remboursement ou de constitution d'un avoir - Compatibilité avec le droit de l'Union - Renvoi d'une question préjudicielle.

Les organisations requérantes contestaient la compatibilité avec le droit de l'Union de l'ordonnance du 25 mars 2020 en tant qu'elle fixe le régime de remboursement ou de constitution d'un avoir de la part des voyagistes n'ayant pas pu, du fait de l'épidémie de Covid-19, assurer les prestations contractuellement convenues avec leurs clients.

Cette ordonnance - comme divers documents postérieurs allant dans le même sens (publication du 31 mars 2020 de la direction de l'information légale et administrative intitulée « Coronavirus : quels droits en cas d'annulation de vos vacances », publiée sur le site internet « service-public.fr » ;  « Foire aux questions » du 7 avril 2020 de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes intitulée «  Nouvelles règles de remboursement dans le secteur du tourisme » ; la lettre du 9 avril 2020 de la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances et du ministère de l'action et des comptes publics, publiées sur le site internet du ministre de l'économie et des finances) - dispose que, lorsqu'un contrat de vente de voyages et de séjours a fait l'objet d'une résolution entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020, « l'organisateur ou le détaillant peut proposer, à la place du remboursement de l'intégralité des paiements effectués, un avoir », d'un montant égal à celui de l'intégralité des paiements effectués au titre du contrat résolu. Cette proposition est formulée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la notification de la résolution du contrat. Elle est valable pendant une durée de dix-huit mois. Ce n'est qu'à l'issue de ce délai de dix-huit mois et à défaut d'acceptation, par le client, de la prestation identique ou équivalente à celle que prévoyait le contrat résolu et qui lui a été proposée, que le professionnel sera tenu de le rembourser de l'intégralité des paiements effectués.

Cette solution a été adoptée par les pouvoirs publics afin de ne pas obérer gravement les finances des 7000 voyagistes français car, d'une part, ils sont appelés à rembourser un nombre très élevé et inconnu jusqu'alors d'annulations, et, d'autre part, ils n'ont aucune rentrée d'argent pour des prestations nouvelles du fait de la pandémie.

Cependant, les organisations requérantes estiment cette solution contraire aux dispositions de la directive européenne du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, spécialement ses articles 4 et 12 qui prévoient :

- qu'en cas de résiliation d'un contrat de voyage à forfait, le voyageur a droit au remboursement de l'intégralité des paiements effectués au titre du forfait moins, le cas échéant, des frais de résiliation appropriés, dans un délai de quatorze jours suivant la résiliation du contrat. 

- que « les États membres s'abstiennent de maintenir ou d'introduire, dans leur droit national, des dispositions s'écartant de celles fixées par la présente directive, notamment des dispositions plus strictes ou plus souples visant à assurer un niveau différent de protection des voyageurs. »

Le Conseil d’État renvoie à la Cour de justice trois questions préjudicielles.

(1er juillet 2021, Union fédérale des consommateurs - Que choisir et Confédération consommation logement cadre de vie, n° 441663)

 

80 - Structures agricoles - Schéma directeur départemental des structures agricoles - Régime d'autorisation d'exploitation de terres - Seuil de 70 hectares - Obligation d'obtenir une autorisation - Calcul de la superficie exploitée - Cas de personnes associées - Rejet.

Le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Sarthe prévoit l'obligation d'obtenir une autorisation préfectorale d'exploiter lorsqu'un agrandissement porte la superficie totale des terres exploitées au-delà de 70 hectares.

Les requérants, associés dans le cadre d'une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) d'une superficie de 237 hectares, se sont vus refuser l'autorisation d'exploiter 96 hectares supplémentaires. Ils ont donc décidé d'exploiter, chacun, 48 hectares afin de ne pas franchir ensemble le seuil de 70 hectares. Le préfet les a mis en demeure de déposer, sous un mois, une autorisation d'exploiter car il a estimé que le seuil déclenchant l'obligation d'obtenir une autorisation devait être calculé non par exploitant mais par exploitation dès lors qu'il s'agit de deux associés d'une société à objet agricole participant effectivement aux travaux nécessaires à cette exploitation.

Déboutés en première instance et en appel, les intéressés se sont pourvus en cassation mais le Conseil d’État, inaugurant une jurisprudence assez nouvelle, confirmative des décisions attaquées, rejette le pourvoi en retenant l'appréciation de la superficie de terres agrandies par exploitation et non par exploitant associé.

(2 juillet 2021, Xavier et Laurent C., n° 432801)

(81) V. aussi, dans le même dossier, l'annulation de l'arrêt d'appel qui a refusé de tenir compte de ce que les intéressés ont, à la suite de la mise en demeure du préfet, spontanément régularisé leur situation, pour fixer le niveau des sanctions infligées par la commission des recours dont la saisine constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux : 2 juillet 2021, Xavier et Laurent C., n° 432802.

 

82 - Mentions portées sur les étiquettes de bouteilles de vin - Utilisation du nom d’une unité géographique plus petite que la zone qui est à la base de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique - Réglementation européenne - Marge de manœuvre de la réglementation nationale - Sanction pour manquement - Avertissement - Légalité - Rejet.

La requérante contestait l’avertissement dont elle avait été l’objet de la part de la direction régionale de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur pour n’avoir pas obtempéré à l’injonction qui lui avait été faite de retirer de l'étiquetage de ses vins d'appellation d'origine protégée (AOP) « Côtes de Provence » toute mention faisant référence aux unités géographiques Grimaud et Coteaux du golfe de Saint-Tropez

Elle contestait la réglementation en cause, résultant de l’art. 5 du décret du 4 mai 2012, comme portant atteinte au droit de propriété protégé par les art. 2 et 17 de la Déclaration de 1789 et 1er du premier protocole additionnel à la Convention EDH.

Le Conseil d’État considère que la réglementation européenne (notamment l’art. 67 du règlement du 14 juillet 2009 fixant certaines modalités d'application du règlement 479/2008 en ce qui concerne les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l'étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole) loin de s’opposer à l’existence d’une réglementation nationale en la matière, habilite spécifiquement les États membres à adopter des règles concernant l'utilisation des noms d'unités géographiques plus petites que l'aire de l'appellation ou de l'indication de référence, à condition toutefois que l'aire de l'unité géographique en question soit précisément délimitée, indépendamment de la faculté, prévue à l'article 70, paragraphe 1, de ce règlement, d'introduire dans les cahiers des charges des appellations d'origine protégées (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP) des conditions d'utilisation des mentions facultatives d'étiquetage des vins plus restrictives que celles prévues par les articles 61, 62 et 64 à 67 du même règlement. 

Il relève en outre que les objectifs poursuivis par ce décret tendent à la protection de la concurrence et à celle du consommateur et ne s’opposent pas à la commercialisation des vins en cause en conformité avec les cahiers des charges qui leur sont applicables, cahiers dont, au surplus, la requérante peut demander la modification pour qu’y soient incluses les aires plus petites que celles des AOP et IGP. Il s’ensuit l’absence d’atteinte au droit de propriété comme aux dispositions du code de la propriété intellectuelle invoqués par la requérante.

Par suite, cette dernière n’est pas fondée à contester la sanction de l’avertissement dont elle a fait l’objet en tant qu'il lui enjoint de retirer de l'étiquetage de ses vins AOP « Côtes de Provence » les marques faisant référence aux unités géographiques Grimaud et Coteaux du golfe de Saint-Tropez, sanction qui, dans les circonstances de l’espèce, ne revêt pas un caractère disproportionné.

(12 juillet 2021, Société par actions simplifiée (SAS) Les coteaux du golfe de Saint-Tropez, n° 433867)

(83) V. aussi, identique, à propos des marques « Cuvée du golfe de Saint-Tropez » et « Le grimaudin » : 12 juillet 2021, Société coopérative agricole (SCV) Les vignerons de Grimaud, n° 433869.

 

84 - Interdiction de la dénomination « sirop d’érable pur » - Protection du consommateur - Absence de définition française ou européenne - Référence à la dénomination canadienne - Rejet.

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a enjoint à la requérante de remplacer, sur les étiquettes apposées sur les conditionnements de sirop d’érable qu’elle commercialise ainsi que sur son site internet, la dénomination « sirop d’érable pur » par celle de « sirop d’érable ».

La société se pourvoit en cassation contre l’arrêt d’appel annulant le jugement qui lui avait donné gain de cause.

Le Conseil d’État, confirmant cet arrêt, déboute la demanderesse. Il constate l’absence de définition du sirop d’érable tant dans la législation française que dans la réglementation européenne puis, se tournant vers le droit canadien, le Canada étant la référence mondiale de ce produit, il y constate la seule utilisation de la mention « sirop d’érable » sans autre précision. Cette indication se suffisant à elle-même, c’est sans erreur de qualification que la cour a rejeté l’appel de la société. Au surplus, l’adjonction de l’adjectif « pur » est de nature à induire en erreur le consommateur auquel elle n’apporte rien.

(20 juillet 2021, Société Famille A., n° 434910)

 

85 - Code monétaire et financier - Incompétence négative du législateur en raison de l’imprécision de certains termes ou expressions utilisés par les art. L. 511-31 et L. 512-56 du code monétaire - QPC - Rejet.

(20 juillet 2021, Société Crédit mutuel Arkéa, n° 451308)

V. n° 213

 

86 - Fonds d’investissement alternatif - Tutelle de l’Autorité des marchés financiers (AMF) - Obligation déclarative - Absence - Infraction - Sanction justifiée et non disproportionnée - Rejet.

La société Invest Securities, requérante, exerce l’activité de prestataire de services d'investissements assurant un service de réception, transmission et exécution d'ordres pour le compte de tiers, le conseil en investissement et le placement non garanti. Elle a conclu en 2015 une convention avec la société de droit anglais Viagefi 6 Limited spécialisée dans l'acquisition et la revente de biens immobiliers avec réserve de droit d'usage et d'habitation. Cette dernière est enregistrée auprès de la Financial Conduct Authority du Royaume-Uni comme fonds d'investissement alternatif. Par la convention précitée elle s’est vue confier une mission de placement des actions de la société requérante auprès de souscripteurs.

L'AMF a informé le public que la commercialisation de parts du fonds Viagefi 6 Limited n'était pas autorisée en France, faute d'avoir fait l'objet d'une notification préalable auprès de ses services, conformément à l'article L. 214-24-1 du code des marchés financiers.

Après contrôle du respect éventuel de ses obligations professionnelles par Invest Securities, la commission spécialisée n° 2 du collège de l'AMF lui a notifié des griefs tirés de ce que, en méconnaissance des dispositions des articles L. 533-1 et L. 533-11 du code monétaire et financier et de l'article 314-3 du règlement général de l'AMF, elle aurait, en bref, manqué à son obligation d'agir de manière professionnelle avec le soin qui s'impose afin de favoriser l'intégrité du marché et de servir au mieux les intérêts de ses clients, en ne procédant pas aux vérifications nécessaires préalablement à la commercialisation du fonds et en exécutant des ordres de souscription sur un titre non autorisé à la commercialisation en France.

Par la décision attaquée du 2 juillet 2019, la commission des sanctions a prononcé à son encontre un blâme et une sanction pécuniaire de 90 000 euros, et ordonné la publication de sa décision sur son site Internet de manière non anonyme pendant cinq ans.

C’est de ces décisions que la requérante demande l’annulation.

Son recours est rejeté.

Le Conseil d’État rappelle qu’en vertu des dispositions de l’art. L. 214-24-1 du code précité, pris pour la mise en oeuvre en droit interne des objectifs définis par la directive européenne du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs, sont des fonds d'investissement alternatifs (FIA) les fonds qui :

« 1° Lèvent des capitaux auprès d'un certain nombre d'investisseurs en vue de les investir, dans l'intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d'investissement que ces FIA ou leurs sociétés de gestion définissent ;

2° Ne sont pas des OPCVM ».

De cette définition telle que précisée en ses critères par l’AMF, il résulte que la demanderesse constitue bien un fonds d’investissement alternatif dont la commercialisation en France, faute d'avoir fait l'objet de la notification prévue par les dispositions de l'article L. 214-24-1 du code monétaire et financier, n'était pas autorisée.

C’est à bon droit qu’une sanction lui a été infligée.

Saisi de la contestation du quantum de la sanction, le Conseil d’ État estime celle-ci non disproportionnée tant au regard de la faute commise qu’à celui des revenus tirés de son activité par la requérante.

(21 juillet 2021, Société Invest Securities, n° 433480)

(87) V. aussi, confirmant la solution précédente à propos d’une personne physique apporteur d’affaires : 21 juillet 2021, M. B., n° 433624 ou d’une société apporteur d’affaires : 21 juillet 2021, Société A. Conseil, n° 434283

 

Droit social et action sociale

 

88 - Conventions collectives – Fusion de leurs champs d’application – Obligation que les branches fusionnées présentent des conditions sociales et économiques analogues – Cas de deux conventions en matière d’habitat social – Intérêt général s’attachant à la fusion des branches – Légalité – Rejet.

La fédération requérante demandait l’annulation, d’une part, de l'arrêté de la ministre du travail portant fusion des champs conventionnels en ce qu'il procède au rattachement de la convention collective du personnel des sociétés coopératives d'HLM à la convention collective nationale du personnel des offices publics de l'habitat et, d’autre part, du rejet implicite de son recours gracieux contre cet arrêté.

La demande est rejetée.

En premier lieu, il existe bien des « conditions sociales et économiques analogues » entre les deux branches dont cet arrêté opère la fusion : 1°/ elles exercent des activités dans les champs de la construction et de la gestion de logements locatifs sociaux, de la gestion de copropriétés et des prestations de services liées, de l'accession sociale à la propriété, même si certaines de ces activités ne sont pas développées dans chacune des branches dans des proportions identiques ; 2°/ les métiers auxquels ces organismes ont recours présentent des similitudes : personnels commerciaux, agents de gestion locative, personnels d'entretien et de gardiennage.

A l’inverse, la différence des régimes juridiques entre les sociétés anonymes à forme coopérative et les offices publics de l'habitat, établissements publics à caractère industriel et commercial, les différences de rémunération et de conditions de travail entre des salariés pouvant être soumis à des statuts différents selon la branche dont ils relèvent ou les différences de situation financière des sociétés coopératives d'HLM et des offices publics de l'habitat ne sont pas de nature à établir que la ministre chargée du travail aurait fait une inexacte application de la loi en retenant que la branche du personnel des offices publics de l'habitat présente des conditions sociales et économiques analogues à celles de la branche du personnel des sociétés coopératives d'HLM. 

En second lieu, conformément à l’art. L. 2261-32 du code du travail, le juge vérifie l’existence dans cette opération de fusion d’un intérêt général à la restructuration des branches concernées.

Cette fusion est donc régulière alors même que la branche des entreprises sociales de l'habitat présenterait également des conditions sociales et économiques analogues à celles de la branche rattachée. La loi requiert l’existence de conditions analogues entre les branches fusionnées non que soient fusionnées toutes celles présentant entre elles des analogies.

(1er juillet 2021, Fédération nationale des salariés de la construction et du bois CFDT, n° 430964)

(89) V. aussi, également importante, la décision comparable, rejetant le recours dirigé contre l'arrêté ministériel du 1er août 2019 portant fusion de champs conventionnels, prononçant la fusion de plusieurs branches, en particulier en se fondant sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 2261-32 relatives aux branches comptant moins de 5 000 salariés, la fusion de la branche des personnels PACT et ARIM [centres pour la protection, l'amélioration et la conservation de l'habitat et associations pour la restauration immobilière] avec celle des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs : 1er juillet 2021, Fédération nationale des salariés de la construction et du bois CFDT, n° 435510.

 

90 - Revenu de solidarité active (RSA) - Détermination de son montant - Revenus à prendre en compte - Exclusion de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé - Exclusion de la prestation de compensation du handicap - Cas où cette dernière prestation est versée en dédommagement en tant qu'aidant familial - Circonstance indifférente - Erreur de droit - Annulation.

Est entaché d'erreur de droit, au regard des dispositions du 6° de l'art. R. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, le jugement qui estime que doit être prise en compte, pour la détermination du montant du RSA, la prestation de compensation du handicap versée à un aidant familial en complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.

(7 juillet 2021, Mme B., n° 433191)

 

91 - Assistante maternelle - Retrait d'agrément par le président du conseil départemental - Légalité au regard des motifs retenus - Erreur de droit - Annulation.

Commet une erreur de droit l'arrêt d'appel qui, pour dire régulier le retrait par un département de l'agrément d'une femme en qualité d'assistante maternelle, se fonde uniquement sur l'existence d'une perquisition administrative visant son compagnon alors que celle-ci n'a pas été portée spontanément à la connaissance de l'administration et qu'il résulte du dossier que l'intéressée disposait d'un agrément depuis dix ans sans avoir jamais fait l'objet d'observations sur son comportement personnel ou ses aptitudes professionnelles et que les garanties de sécurité, de santé ou d'épanouissement des enfants accueillis apportées par les conditions d'accueil des enfants qui lui étaient confiés n'avaient jamais été mises en cause.

(7 juillet 2021, Mme B., n° 440582)

 

92 - Salarié protégé - Licenciement pour motif économique - Plan de sauvegarde de l’emploi - Décision du mandataire liquidateur - Décision de l’inspection du travail autorisant le licenciement - Étendue du contrôle du juge administratif

Dans le cadre du contentieux d’une autorisation administrative de licenciement d’un salarié protégé à l’occasion de la liquidation d’une entreprise (ici une clinique), le Conseil d’État apporte une certaine clarté lorsque ce licenciement intervient dans contexte d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) du fait de la combinaison pas toujours aisée de dispositions du code de commerce (art. L. 641-4) et de celles du code du travail (spécialement les art L. 1233-4, L. 1233-58, L.1233-24-1 à 1233-24-4, L. 1233-57-1 à 1233-57-20, L. 1233-61 et L. 6321-1).

Tout d’abord, l’appréciation, par l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé, du respect par l'employeur ou le liquidateur judiciaire de son obligation en matière de reclassement, doit porter sur le point de savoir s’il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

Ensuite, lorsque le licenciement projeté est inclus dans un licenciement collectif qui, d’une part, requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel comprend, en application de l'article L. 1233-61 du code du travail, un plan de reclassement, et d’autre part, est adopté par un document unilatéral, l'autorité administrative, si elle doit s'assurer de l'existence, à la date à laquelle elle statue sur cette demande, d'une décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée, ne peut ni apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, procéder aux contrôles mentionnés à l'article L. 1233-57-3 du code du travail qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande d'homologation du plan. Il ne lui appartient pas davantage, dans cette hypothèse, de remettre en cause le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi pour apprécier s'il a été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé. 

Compte tenu de ces importantes restrictions, en jugeant que le liquidateur judiciaire de la société A. avait manqué à son obligation de recherche sérieuse de reclassement de l’intéressée aux motifs que la société B. devait être regardée, à ce titre, comme faisant partie du même groupe que la société A., compte tenu de la persistance de liens étroits avec celle-ci et de son organisation, ses activités et son lieu d'exploitation, et que la recherche de reclassement interne n'avait pas été étendue à la société B., alors que le périmètre du reclassement interne arrêté dans le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société A. homologué par l'autorité administrative n'incluait pas la société B., la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

(22 juillet 2021, SCP Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias, n° 427004)

(93) V. aussi, dans un registre assez voisin, la décision relative à des licenciements consécutifs à l’adoption unilatérale d’un PSE en dehors de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, qui rappelle qu'un PSE doit identifier l'ensemble des postes disponibles pour un reclassement interne, peu important qu'ils soient, le cas échéant, d'une durée limitée et qui juge qu’en l’espèce ni la circonstance que le plan ait limité l'identification des possibilités de reclassement interne aux besoins en personnel d'une durée d'au moins trois mois, ni celle qu'il prévoie une période d'adaptation au terme de laquelle l'employeur ou le salarié pourront décider de ne pas donner suite au reclassement, ne sont de nature à l'entacher d'insuffisance, compte tenu des autres mesures qu'il comporte tendant à favoriser le reclassement des salariés, notamment la mise en place d'une antenne emploi, les aides financières individuelles à la formation, les aides financières à la recherche d'emploi et à la mobilité géographique, les aides à la création d'entreprises : 22 juillet 2021,  Société Nouvelle France Ouest Imprim (SNFOI), n° 434362. 

 

94 - Revenu de solidarité active (RSA) - Décision ordonnant le remboursement d’indus - Omission de déclarer certaines sommes - Réitération de l’omission - Refus de remise gracieuse de la dette - Ignorance de bonne foi de l’obligation de déclaration -Absence de fausse déclaration - Annulation.

Un couple de bénéficiaires du RSA ayant omis de déclarer les sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap en tant qu'aidants familiaux de leur fils majeur vivant à leur foyer, le département de l’Oise a réclamé le remboursement des indus et rejeté la demande de M. C. tendant à la remise gracieuse de sa dette.

Saisi du rejet par le tribunal administratif du recours dirigé contre ce refus, le Conseil d’État juge que « si l'allocataire a pu légitimement, notamment eu égard à la nature du revenu en cause et de l'information reçue, ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises, la réitération de l'omission ne saurait alors suffire à caractériser une fausse déclaration ».

Par suite, le département et le tribunal ne pouvaient, sans dénaturer les pièces du dossier, retenir la mauvaise foi du requérant.

Le jugement est annulé.

(22 juillet 2021, M. C., n° 442026)

 

Élections

 

95 - Élections municipales – Existence avérée d’une campagne de promotion publicitaire – Violation de l’art. L. 52-1 du code électoral – Demande d’infliction d’une amende - Absence d’altération à la sincérité du scrutin en raison d’un important écart des voix – Rejet.

Plusieurs des griefs formulés sont rejetés sans difficultés, l’un d’entre eux retient l’attention particulière du juge d'appel mais ne prospère pas au final.  Le bulletin d’informations municipales de janvier 2020 comportait, d'une part, un éditorial du maire sortant encourageant les lecteurs à soutenir la candidature au poste de maire de la première adjointe et d'autre part, un encart de quatre pages retraçant les principales réalisations communales au cours des trois mandats du maire sortant avec, à plusieurs reprises, la mention du nom de l'adjointe précitée.

Le juge considère qu’une telle publication, alors même qu'elle a été éditée à la seule initiative du maire sortant et, pour ce qui est de l'encart, sur ses deniers personnels, présente cependant le caractère d'une campagne de promotion publicitaire au sens des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral et, dès lors que sa distribution a été réalisée aux frais de la commune, un avantage consenti par la municipalité en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du même code.

Toutefois, il est jugé que quelque regrettable que soit cette irrégularité, elle n’a pas été de nature, au regard de l'écart de voix important, de plus de 12% des suffrages exprimés, séparant le premier candidat non élu du dernier élu, à altérer la sincérité du scrutin et elle ne pouvait pas être regardée comme constitutive d'une fraude au sens de l'article L. 117-1 du code électoral : il n'y a pas lieu de communiquer le dossier au procureur de la République aux fins d’infliction d’une amende ainsi que l’ont décidé les premiers juges.

(1er juillet 2021, MM. G. et E., Élections municipales de Joux, n° 445368)

 

96 - Élections municipales et communautaires – Contestation du jugement d’annulation d’élus municipaux et d’un élu communautaire – Recours distinct en QPC dirigé contre l’art. L. 228 c. élect. – Rejet.

Au soutien d’une requête tendant à voir le juge d’appel annuler un jugement invalidant l’élection de conseillers municipaux et d’un conseiller communautaire, les protestataires soulèvent l’inconstitutionnalité de l’alinéa 3 de l’art. L. 228 du code électoral selon lequel : « Toutefois, dans les communes de plus de 500 habitants, le nombre des conseillers qui ne résident pas dans la commune au moment de l'élection ne peut excéder le quart des membres du conseil. »

La demande est rejetée, en premier lieu, car les dispositions contestées n'instituent aucune inéligibilité à l'encontre des électeurs qui souhaitent se présenter à l'élection au mandat de conseiller municipal mais qui ne résident pas dans la commune. Elles fixent seulement un plafond de conseillers municipaux qui ne résident pas dans la commune, aux fins de garantir aux habitants de celle-ci, une représentation prépondérante au sein du conseil municipal. La circonstance que les conseillers municipaux qui ne résident pas dans la commune doivent renoncer au bénéfice de leur élection en application de cette règle de plafonnement n'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à leur droit de se présenter à l'élection. 

La demande est rejetée, ensuite, car ces dispositions ne portent pas atteinte au principe d’égalité du fait qu’elles n’ont pas prévu d'exception à la règle de plafonnement instituée par les dispositions contestées au bénéfice des conseillers municipaux qui résident dans une commune membre de la même intercommunalité que celle dans laquelle ils sont élus, dès lors d'une part, que ces élus sont dans une situation différente de celle des conseillers qui résident dans la commune ou qui, résidant dans des communes éloignées, y effectuent des séjours fréquents et réguliers et que, d'autre part, le conseil municipal est compétent dans les matières qui ne sont pas dévolues à l'intercommunalité.

(1er juillet 2021, M. D. et autres, Él. mun. et cnautaires de la communauté de communes de Cœur de l’Avesnois, n° 445552)

 

97 - Élections municipales et communautaires – Compte de campagne – Remise tardive et non certifié – Saisine du juge administratif par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) – Confirmation de l’annulation de l’élection et de la proclamation d’inéligibilité – Rejet.

C’est à bon droit qu’un tribunal administratif, saisi à cet effet par la CNCCFP, annule l’élection d’un candidat à un conseil municipal et le sanctionne d’une inéligibilité pendant dix-huit mois pour n’avoir remis, sans réelles justifications, que très tardivement son compte de campagne et sans le faire certifier.

Il y a là un manquement caractérisé à une règle substantielle qui, dans les circonstances de l’espèce, se révèle d’une particulière gravité.

(1er juillet 2021, M. A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Pamandzi, n° 450747)

(98) V. aussi, comparables, la confirmation de jugements déclarant démissionnaire d’office une conseillère municipale et assortissant cette décision d’une inéligibilité de douze mois pour avoir déposé tardivement un compte de campagne présentant en outre un solde déficitaire : 1er juillet 2021, Mme C., Élections municipales de Saint-Fons, n° 450960 ; égalt : 28 juillet 2021, Mme B., Él. mun. et cnautaires de Saint-Denis, n° 450431.

(99) V. encore, confirmant une inéligibilité de six mois : 28 juillet 2021, M. A., Élections municipales de Sanary-sur-Mer, n° 451387 ; 28 juillet 2021, M. C., Élections municipales de Carqueiranne, n° 452323 ou de neuf mois : 27 juillet 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires d’Haubourdin, n° 451084, ou une inéligibilité de douze mois : 27 juillet 2021, M. B., Élections municipales de La Trinité, n° 452379 ; aussi : 28 juillet 2021, M. A., Élections municipales de La Teste-de-Buch, n° 451047.

 

100 - Élections municipales – Déféré préfectoral - Bulletins de vote susceptibles de deux lectures différentes - Invalidité des bulletins concernés - Rejet du déféré et confirmation du jugement.

Le tribunal administratif avait invalidé neuf bulletins de vote qu'il estimait ne pouvant compter dans le résultat du scrutin, ce qui a entraîné l'annulation de l'élection d'un des candidats et la proclamation d'une autre.

Saisi d'un déféré préfectoral tendant à l'annulation de ce jugement, le Conseil d’État le rejette et confirme donc la solution retenue par les premiers juges. Il relève en effet que lors du second tour des élections municipales neuf bulletins ont été déclarés nuls par le bureau de vote car ils comportaient plus de noms que de personnes à élire et que le choix de l'électeur ne pouvait être déterminé avec certitude.

Les neufs bulletins litigieux comportaient davantage de noms que de sièges à pourvoir, sans indication d'ordre et sans numéro et les électeurs n'ayant rayé aucun nom ni porté aucune annotation, la disposition des noms sur les bulletins se prêtait tout à la fois à une lecture colonne par colonne ou à une lecture ligne par ligne. L'ordre des noms à retenir différant selon les deux lectures possibles, les bulletins litigieux ne permettaient pas, en l'absence notamment de numérotation des noms, de connaître avec certitude les trois noms que les électeurs avaient entendu désigner. L'annulation de ces bulletins s'imposait donc.

(1er juillet 2021, préfet de Meurthe-et-Moselle, Élections municipales de Moivrons, n° 445538)

 

101 - Élections municipales et communautaires – Grief autonome - Absence - Propagande électorale - Don prohibé - Faible taux de participation - Rejet.

Est rejetée la protestation dirigée contre le jugement rejetant une demande d’annulation des opérations électorales s’étant tenues dans la commune.

Il ne saurait être reproché aux premiers juges de n’avoir pas répondu à l’un des griefs dont ils étaient saisis, fondé sur le faible écart des voix, car ce grief n’était qu’un élément d'appréciation de l'incidence des irrégularités que le protestataire avait invoquées concernant la sincérité du scrutin, non un grief autonome appelant, en conséquence, une réponse spécifique de la part du juge saisi.

La diffusion, le 5 mars 2020, d'un court reportage consacré au maire sortant et à nouveau candidat sur une chaîne de télévision publique dans le cadre d'un journal télévisé ne peut être regardée comme constituant un élément, prohibé par l’art. L. 52-1 du code électoral, de propagande ou de publicité électorale. 

La circonstance que le maire sortant ait annoncé ne pas vouloir appliquer la règle du service fait en opérant des retenues sur traitement des agents municipaux grévistes pour protester contre la réforme des retraites alors en cours n’imposait nullement que fussent retracées dans son compte de campagne la somme correspondante.

Enfin, le faible taux de participation électorale lié à une catastrophe épidémique est sans incidence sur la régularité des opérations électorales.

(9 juillet 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires du Lamentin, n° 445538)

(102) V. aussi, assez comparable mutatis mutandis y compris dans la solution adoptée : 9 juillet 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Maurepas, n° 448863.

(103) V. égalt, en sens inverse, annulant un jugement confirmant le rejet par CNCCFP d'un compte de campagne pour don prohibé et prononçant une inéligibilité, celui-ci n'étant pas irrégulier en réalité : 28 juillet 2021, M. C., Élections municipales de Cabriès, n° 450776.

 

104 - Élections municipales et communautaires - Annulation en première instance pour quatre griefs dont un seul est retenu en appel - Fraude de nature à altérer la sincérité du scrutin - Confirmation de l’annulation assortie de l’inéligibilité - Non-communication des mémoires en défense et des pièces jointes - Possibilité de les consulter au greffe - Régularité - Rejet.

Le Conseil d’État rappelle tout d’abord une règle constante du contentieux électoral : le juge de l'élection n'est pas tenu de communiquer les mémoires en défense, non plus que les autres mémoires ultérieurement enregistrés, ou de procéder à la communication des pièces jointes aux saisines. Il lui appartient seulement, une fois ces pièces enregistrées par son greffe, de les tenir à la disposition des parties de sorte que celles-ci puissent, si elles l'estiment utile, en prendre connaissance.

Ensuite, examinant les faits, le Conseil d’État estime non fondés trois des quatre griefs retenus en première instance et juge le quatrième grief (attestation frauduleuse de nature à altérer la sincérité du scrutin) suffisant pour justifier et l’annulation de l’élection et la sanction d’inéligibilité en conséquence de la fraude commise.

(16 juillet 2021, M. U., Él. mun. et cnautaires de la commune de Courtenay, n° 445802)

 

105 - Élections municipales - Compte de campagne - Rejet par la CNCCFP - Inéligibilité - Application de la loi nouvelle plus douce - Rejet.

Jusqu’à la loi du 2 décembre 2019, le non-dépôt d’un compte de campagne ou la présentation d’un compte de campagne entaché de fraude ou comportant un dépassement du plafond autorisé de dépenses électorales entraînait automatiquement une inéligibilité d’une année. A partir de l’entrée en vigueur de cette loi (30 juin 2000), le législateur a supprimé le caractère automatique de cette sanction la faisant désormais dépendre de la volonté du juge qui doit, d’une part, se fonder sur l’existence d’un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales et, d’autre part, prenant en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce, apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré. 

En l’espèce, les premiers juges avaient, à tort, appliqué la loi ancienne et infligé une inéligibilité d’une année. Le jugement est annulé mais, appliquant la loi nouvelle, le Conseil d’État prononce une inéligibilité de neuf mois.

(16 juillet 2021, Mme B., Élections municipales de Villeparisis, n° 451616)

(106) V. aussi pour une solution identique en substance : 16 juillet 2021, M. A., n° 451935

(107) V. également, annulant le jugement déféré à la censure du Conseil d’État avec constatation de l’absence de manquement d’une particulière gravité dans l’établissement et la présentation du compte de campagne : 16 juillet 2021, M. B., Élections municipales de Mions, n° 451526 ou encore : 27 juillet 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Bruay-sur-l’Escaut, n° 450919 ; 27 juillet 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Hautmont, n° 450991.

(108) V. encore : 22 juillet 2021, Mme B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Roche-la-Molière, n° 450500 ou, aussi : 22 juillet 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Auch, n°450567 ; 27 juillet 2021, M. A. Él. mun. et cnautaires de la commune de Rochefort, n° 451311 ; 28 juillet 2021, Mme A., Élections municipales de la commune d'Ambarès-et-Lagrave, n° 450139.

 

109 - Élection du maire - Déféré du préfet - Inversion des résultats par le tribunal administratif - Rejet.

Le requérant a été déclaré élu maire de la commune au troisième tour de scrutin alors que, dès le premier tour, le conseil municipal comprenant dix membres, sept d’entre eux se sont abstenus et trois ont accordé leurs suffrages à Mme A., la majorité absolue étant de deux. Cette dernière, alors même qu’elle n’était pas candidate, devait être proclamée élue, aucune disposition non plus qu’aucun texte n'imposant à un conseiller municipal de faire acte de candidature pour être élu maire C’est à bon droit que les premiers juges ont accueilli le déféré préfectoral en ce sens.

(9 juillet 2021, M. N., Élection du maire de Fresnes-sur-Apance, n° 449223)

 

110 - Élections municipales et communautaires – Contestation du jugement d’annulation d’opérations électorales - Griefs jugés insuffisants en appel - Annulation du jugement et confirmation du résultat des élections.

Prenant le contrepied du jugement qui avait annulé les élections dans cette commune, le juge d’appel estime insuffisants, en dépit du faible écart des voix entre les listes, les deux griefs retenus par les premiers juges : l’excès d’un bulletin par rapport au chiffre inscrit sur le procès-verbal, qui se résout en retranchant une voix à chaque liste, et le malencontreux bref commentaire sur Facebook qu’a cru devoir faire en faveur de la maire sortante le directeur général des services qui, pour regrettable qu’il soit, n’a pu altérer la sincérité du scrutin.

Ces divergences d’attitude des juges révèlent l’incompressible part de subjectivité que comporte l’analyse de certains griefs développés au soutien de recours en matière électorale.

(13 juillet 2021, Mme W. et autres, Él. mun. et cnautaires de Lanton, n° 446812)

 

111 - Élections municipales - Bulletins décomptés comme nuls - Bulletins de présentation non conforme au modèle déposé en sous-préfecture - Bulletins de remplacement en urgence - Irrégularité non constitutive d’une manœuvre - Grief présenté hors délai - Rejet.

Le Conseil d’État confirme en tous points le jugement de rejet rendu en première instance.

Rappel, tout d’abord, de l’irrecevabilité de l’intervention d’une commune dans un contentieux électoral dès lors qu’elle ne justifie pas d’un intérêt à y intervenir.

Rappel, ensuite, que l’absence de jonction au procès-verbal d’un bureau de vote des bulletins déclarés nuls, en violation de l’art. 66 du code électoral, contraint le juge de l’élection à un calcul hypothétique même en l’absence de toute manœuvre.

Enfin, c’était là le point le plus important du litige, à la suite d'une erreur matérielle dans la conception initiale de leur maquette et dans leur impression, les bulletins de vote d’une liste adressés par voie postale au domicile des électeurs contenaient un ordre de présentation des candidats modifié par rapport à celui de la liste déposée en sous-préfecture en ce qu'ils omettaient le nom d'une des candidates en ne faisant apparaître ni son nom ni son prénom ni son rang dans la liste.

Des bulletins corrigés de cette liste, imprimés en urgence, ont toutefois pu être substitués aux bulletins erronés dans le matériel électoral disponible dans les bureaux de vote à l'ouverture du scrutin du 15 mars 2020.

A l'issue du scrutin, 521 bulletins ont été comptés comme nuls, dont 156 sont des bulletins incomplets de la liste précitée et dont 83 n'ont pas été conservés, les procès-verbaux de cinq bureaux de vote ne contenant en annexe que des enveloppes vides qui n'ont pas été systématiquement annotées du motif de nullité des bulletins qu'elles contenaient.

Le juge d’appel considère, comme son homologue du premier degré, que si en principe sont nuls les bulletins utilisés par les électeurs lorsqu'ils comportent une modification de la liste des candidats par rapport à celle qui a été déposée à la préfecture ou à la sous-préfecture, il n'en va pas de même si la modification ne résulte pas d'une manoeuvre et que les électeurs ont pu émettre, au moyen de ces bulletins irrégulièrement modifiés, un vote contenant une désignation suffisante de la liste en faveur de laquelle ils ont entendu se prononcer. Tel était le cas en l’espèce et c’est donc à bon droit que le tribunal administratif a ajouté 156 voix aux suffrages exprimés et aux suffrages obtenus par la liste en cause.

(13 juillet 2021, M. I. et autres, Élections municipales d’Istres, n° 448642 ; M. Y., n° 448678 ; Commune d’Istres, n° 448679)

 

112 - Élections municipales et communautaires – Pouvoirs conférés au responsable de liste entre les deux tours de scrutin (art. L. 264 et L. 265 c. élect.) - Atteinte au pluralisme des courants d'idées et d'opinions et de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation - QPC - Rejet.

Les requérants contestaient, au travers d’une QPC, la constitutionnalité des dispositions des art. L. 264 et L. 265 du code électoral en ce qu’elles permettent à la personne responsable de liste, entre les deux tours de scrutin, de décider seule, le cas échéant, de fusionner cette liste avec une des autres listes remplissant les conditions pour se présenter au second tour, de choisir la liste avec laquelle cette fusion est opérée et, enfin, de choisir les membres de la liste initiale dont la candidature est maintenue sur la nouvelle liste, le cas échéant en excluant certaines sensibilités politiques représentées sur la liste d'origine. Ils estimaient que, ainsi, il était porté atteinte aux exigences de pluralisme des courants d'idées et d'opinions et de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation qui découlent des articles 3 et 4 de la Constitution.

Pour rejeter ce grief et donc la QPC, le Conseil d’État juge que par les « dispositions contestées qui prévoient que, d'une part, chaque candidat confie au responsable de liste, par mandat signé, le soin de faire ou de faire faire toutes déclarations et démarches utiles à l'enregistrement de la liste, pour le premier et le second tour et que, d'autre part, le choix de la liste sur laquelle les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour peuvent figurer au second tour est notifié à la préfecture ou à la sous-préfecture par la personne ayant eu la qualité de responsable de la liste constituée par ces candidats au premier tour, le législateur a entendu confier au seul responsable de liste la capacité, entre les deux tours de scrutin, de choisir de fusionner la liste dont il est à la tête avec une ou plusieurs autres listes présentes au second tour afin de constituer une liste unique. Ces prérogatives ainsi confiées à la seule personne responsable de liste n'emportent par elles-mêmes aucune atteinte au pluralisme des courants d'idées et d'opinions ou à la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »

Si l’on peut comprendre la solution expédiente retenue par le législateur, il convient de souligner la ténuité de son caractère démocratique.

Au reste, c’est la logique de l’existence d’un second tour que d’arracher des mains des électeurs les votes qu’ils ont émis pour confier aux seuls états-majors de partis le pouvoir de s’en servir par une transmutation de la démocratie en oligarchie.

(13 juillet 2021, M. E. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune d’Ivry-sur-Seine, n° 450358)

(113) V. aussi, enfonçant encore un peu plus le clou et prononçant l’annulation de l’ensemble des opérations électorales pour défaut de notification au sous-préfet, par le responsable de liste, de la liste retenue pour le second tour: 20 juillet 2021, M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune de Cholet, n° 449688

 

114 - Élections municipales et communautaires - Invocation d’irrégularités diverses - Contestation de la présentation des comptes de campagne - Demande de proclamation d’inéligibilité - Rejet.

On lira dans cette longue décision le rejet par le juge électoral du premier degré et d’appel des nombreux griefs soulevés ainsi que, conséquemment, celui de la demande de déclaration d’inéligibilité de candidats.

(20 juillet 2021, M. L. et Mme U., Él. mun. et cnautaires de la commune de Lille, n° 451268 ; M. A. et autres, n° 451349)

 

115 - Élections municipales - Épidémie - Faible taux de participation au scrutin - Document d’émargement - Régularité - Mention irrégulière de procurations sur la liste d’émargement - Écart des voix - Rejet.

Le Conseil d’État rejette l’appel dirigé contre le rejet, en première instance, de la protestation du demandeur : l’existence d’une situation épidémique qui a provoqué une baisse du taux de participation aux élections n’a pas altéré la sincérité du scrutin, l’affirmation de l’existence d’un document d’émargement irrégulier dans le bureau de vote n° 2 manque en fait et, enfin, la circonstance d’irrégularités affectant le report de sept procurations sur la liste d’émargement a été sans incidence sur le résultat du scrutin compte tenu de l’écart des voix entre les listes en présence.

(9 juillet 2021, M. D., Élections municipales de Saint-Romain-de-Jalionas, n° 445437)

 

116 - Élections municipales - Nécessité de griefs ayant une incidence sur la sincérité ou sur la régularité du scrutin - Absence - Rejet.

Confirmant la solution de rejet retenue par les premiers juges, le Conseil d’État rejette tous les griefs qui, même établis, n’ont pu avoir une influence sur la sincérité du scrutin ou sur sa régularité.

Tels sont : l’annonce, lors de la cérémonie des vœux, par le maire sortant, de sa candidature aux prochaines élections ; le fait, en l’absence de toute manipulation irrégulière, que les clés de l’urne aient été détenues, l’une par le maire, président du bureau de vote et l’autre par l’un de ses adjoints, assesseur dudit bureau ; la participation au scrutin d’une personne non inscrite sur la liste électorale, dès lors qu’une voix a été retranchée du nombre de suffrages exprimés au premier tour ainsi que du nombre total de suffrages qui se sont portés sur le seul candidat élu au premier tour ; des propos regrettables contenus dans un commentaire sur les réseaux sociaux, sans incidence sur  les résultats du scrutin ; des critiques envers les candidats d’une liste figurant sur un « flyer » distribué l’avant-veille du scrutin mais n’excédant pas les limites de la polémique électorale ; le retrait par une candidate des bulletins à son nom ne saurait constituer une manœuvre en vue de fausser la sincérité  du scrutin ; la vérification de l’identité d’un électeur après et non avant la sortie de l’isoloir, pour irrégulière qu’elle soit, n’a pu constituer une fraude ou une manœuvre dès lors qu’elle a eu lieu avant le dépôt de l’enveloppe dans l’urne, etc.

(9 juillet 2021, M. L. et autres, Él. mun. de Tramolé, n° 445767)

 

117 - Élections municipales et communautaires - Effets de la crise sanitaire sur la sincérité du scrutin - Irrégularités entachant le déroulement de la campagne - Invocation d’inéligibilité et incompatibilité - Rejet.

Le Conseil d’État confirme dans cette décision le rejet en première instance de la protestation du requérant De nombreux griefs étaient développés dont aucun n’a convaincu le juge.

Tout d’abord, l’état sanitaire, moyen classique invoqué à l’encontre de la régularité du premier tour du scrutin municipal de 2020, n’a pas altéré la sincérité de celui-ci.

Ensuite, diverses critiques étaient dirigées - en vain - contre le déroulement de la campagne électorale : une cérémonie des vœux adressés au monde économique, comme les années précédentes, et aux mêmes coût et conditions ; la publication, dans le magazine de la ville de Chartres, d’articles portant sur des sujets recoupant des thèmes de la campagne électorale, présentés comme articles d’information ne comportant pas d’éléments de polémique électorale ; la réutilisation de photographies dans des éléments de propagande électorale ; des publications et des incitations à voter pour une liste figurant sur Facebook, etc. n’ont pas porté atteinte à la sincérité du scrutin.

Enfin, sont rejetés le grief d’inéligibilité dirigé contre un candidat placé en septième position sur une liste et fondé sur sa qualité de directeur général de la gendarmerie nationale jusqu'en octobre 2019 ainsi que celui d’incompatibilité à raison de sa qualité de négociatrice immobilière exercée au sein de l’office public d’habitat de Chartres, concernant une candidate placée en trentième position sur cette liste.

(9 juillet 2021, M P., Él. mun et cnautaires de la ville de Chartres, n° 449217)

 

118 - Syndicat mixte - Désignation des membres du bureau du comité syndical (président et vice-présidents) - Crise sanitaire - Dérogation législative à la règle du quorum - Absence d’effet sur les conditions particulières de majorité requises pour l’obtention d’une majorité absolue qualifiée - Rejet.

(16 juillet 2021, M. N. et autres, n° 451002)

V. n° 27

 

119 - Compte de campagne non présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables - Compte présentant de graves irrégularités - Élu déclaré inéligible - Obligation pour la juridiction proclamant l’inéligibilité d’un élu de le déclarer démissionnaire d’office - Absence - Méconnaissance du principe général de procédure applicable même sans texte d’obligation d’épuisement du pouvoir juridictionnel - Annulation et proclamation de la démission d’office.

Il résulte des dispositions combinées des art. L. 118-3 et L. 270 du code électoral que l’élection du candidat proclamé élu, déclaré ensuite inéligible par le juge, doit être annulée. Lorsque cette élection n'a pas été contestée, l’élu doit être déclaré démissionnaire d'office et le candidat suivant, non encore élu, de la liste dont il était membre, doit être déclaré élu.

Le tribunal qui, après avoir constaté l’inéligibilité d’un élu s’abstient de le déclarer démissionnaire d’office n’épuise pas son pouvoir juridictionnel, en violation du principe général de procédure applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui fait obligation au juge administratif d'épuiser son pouvoir juridictionnel, sauf obstacle particulier.

(19 juillet 2021, Préfet du Nord, n° 450792)

 

120 - Élections municipales et communautaires - Conseillers non-résidents dans la commune - Règle du plafonnement (art. L. 228 c. électoral) - Cas des personnes non-résidentes effectuant des séjours fréquents et réguliers dans une commune pour l’exercice de leur activité professionnelle - xsNon-soumission au plafonnement institué par l’art. L. 228 c. élect. - Annulation.

L’art. L. 228 du code électoral dispose notamment que : « Nul ne peut être élu conseiller municipal s'il n'est âgé de dix-huit ans révolus.

Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection.

Toutefois, dans les communes de plus de 500 habitants, le nombre des conseillers qui ne résident pas dans la commune au moment de l'élection ne peut excéder le quart des membres du conseil.

Dans les communes de 500 habitants au plus, ce nombre ne peut excéder quatre pour les conseils municipaux comportant sept membres et cinq pour les conseils municipaux comportant onze membres.

Si les chiffres visés ci-dessus sont dépassés, la préférence est déterminée suivant les règles posées à l'article R 121-11 du code des communes ". 

Le tribunal administratif, se fondant sur ces dispositions, a annulé l'élection d’un candidat en qualité de conseiller municipal et communautaire et celle d’un autre candidat en qualité de conseiller communautaire.

Sur appels de ces derniers, le Conseil d’État annule ce jugement au motif que les conseillers qui n'ont pas dans la commune leur résidence principale mais qui y effectuent des séjours fréquents et réguliers, notamment dans la journée pour l'exercice de leur activité professionnelle, doivent être regardés comme des résidents de la commune pour l'application des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 228 du code électoral. Ils ne sont, par suite, pas soumis à la règle de plafonnement instituée par ces dispositions pour les conseillers qui ne résident pas dans la commune.

La solution s’autorise d’un certain bon sens mais celui-ci se concilie mal avec des textes assez clairs pour ne pas prêter à interprétation.

(20 juillet 2021, M. Sébastien U., Él. mun. et cnautaires d’Avesnes-sur-Helpe, él. à la cnauté de communes de Cœur de l’Avesnois, n° 4455552)

 

121 - Élections municipales - Inscription irrégulière d’un candidat sur une liste - Irrégularité constitutive d’une manœuvre - Très faible écart des voix - Confirmation de l’annulation des opérations électorales en première instance - Rejet.

Le juge d’appel confirme le jugement ayant annulé les opérations électorales s’étant déroulées dans une commune au motif que le membre d’une liste placé en neuvième position sur celle-ci l’a été irrégulièrement faute d’être inscrit au rôle des contributions directes de la commune et à la suite de manœuvres ayant d’autant plus altéré la sincérité du scrutin que l’intéressé jouissait d’une grande notoriété en raison d’activités professionnelles et associatives (maître-nageur et dirigeant sportif), que sa présence sur la liste a été l’un des thèmes débattus durant la campagne et qu’un écart de seulement deux voix séparait les listes en présence.

(16 juillet 2021, M. B.M., Él. mun. de Belleville-sur-Loire, n° 445801)

 

122 - Élections municipales et communautaires - Captation de votes par tout procédé - Infraction pénale (art. 106 code pénal) - Incompétence du juge administratif - examen des éléments constitutifs de l’infraction par ce juge en vue de la détermination de l’existence éventuelle de pressions sur les électeurs de nature à altérer la sincérité du scrutin - Confirmation du rejet de la protestation.

L’art. 106 du code pénal punit toutes sortes de comportements, actes ou autres de nature à faire pression sur les électeurs.

Dans la présente affaire, le juge administratif indique qu’il ne saurait, évidemment, faire application de ce texte qui ne relève pas de sa compétence mais précise en revanche que, recherchant si des pressions ont été exercése sur des électeurs et ont pu altérer la sincérité du scrutin, il lui est loisible d’effectuer cette recherche en retenant des éléments figurant dans cette disposition de nature pénale.

(22 juillet 2021, Mme C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Dourdan, n° 449614)

 

123 - Élections municipales et communautaires - Distribution de colis alimentaires durant l’épidémie de Covid-19 - Distributions effectuées par des candidats aux élections - Absence d’appartenance ou d’activités caritatives habituelles - Comportement de nature à affecter la libre détermination de certains électeurs - Écart des voix important - Absence d’effet sur la sincérité du scrutin et sur ses résultats - Rejet.

Le juge relève qu’une tête de liste et plusieurs co-listiers ont, avec des membres d'associations, participé à de nombreuses reprises, pendant la période d'avril à juin 2020, à des distributions de colis alimentaires dans différents quartiers de la commune alors qu'ils n'étaient pas habituellement engagés dans ces associations caritatives ou investis dans ce type d'actions.

Il estime que si ces distributions visaient à apporter aux personnes les plus démunies une aide pour faire face aux difficultés suscitées par l'épidémie de Covid-19 et le confinement qui a été ordonné au printemps 2020 pour lutter contre elle, il n’en reste pas moins que ces distributions, répétées et mises en valeur sur le compte Facebook de la personne tête de liste  ainsi que dans la presse, doivent être regardées comme étant intervenues en vue des élections et comme ayant pu affecter la libre détermination de certains électeurs.

 Cependant, conformément à sa jurisprudence, le Conseil d’État considère que, eu égard à l'écart de voix séparant la liste conduite par ce candidat des autres listes, il ne résulte pas de l'instruction que ces dons ont été, en l'espèce, de nature à altérer la sincérité du scrutin et à en vicier les résultats.

La solution peut toutefois être discutée car l’écart des voix peut avoir été lui-même une conséquence de ces distributions irrégulières de colis et, du coup, le recours à la justification par l’écart des voix se retourne un peu contre le raisonnement du juge.

(22 juillet 2021, M. A. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de Corbeil-Essonnes, n° 450129)

 

124 - Élections municipales et communautaires - Doutes sur l’authenticité de signatures portées sur les listes d’émargement - Retranchement hypothétique de voix - Nombre de voix retranchées excédant l’écart entre les listes - Confirmation de l’annulation des opérations électorales.

Application d’une solution jurisprudentielle classique : lorsque par retranchement hypothétique du nombre des suffrages correspondants à des émargements dont l’authenticité est douteuse, la soustraction ainsi opérée excède l’écart des voix entre deux listes, il y a lieu d’annuler les opérations électorales.

(22 juillet 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Noyon, n° 450421)

 

125 - Élections municipales et communautaires - Inscriptions à caractère injurieux et diffamatoires apposées dans la nuit précédant le scrutin - Altération de la sincérité du scrutin - Altération non compensée par d'autres irrégularités supposées existantes - Confirmation de l’annulation des opérations électorales.

Le juge d'appel confirme le jugement rendu par le tribunal administratif motif pris du grand nombre d'inscriptions injurieuses et diffamatoires envers une tête de liste et son directeur de cabinet apposées la veille du scrutin : compte tenu du faible écart de voix entre les listes, ces actes ont altéré la sincérité du scrutin sans que cela puisse être compensé par des irrégularités - à les supposer existantes - qu'aurait commises la liste ainsi injuriée et diffamée. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation des opérations électorales.

(27 juillet 2021, M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune d'Halluin, n° 450995)

 

126 - Élections municipales - Rejet du compte de campagne - Candidate déclarée démissionnaire d'office et inéligible - Première candidate suivante de la liste déclarée élue - Démission de cette dernière - Irrégularité - Rejet.

L'intéressée, dont le compte de campagne a été jugé irrégulier pour cause de dépôt tardif, a été déclarée démissionnaire d'office et frappée d'une inéligibilité pour un an tandis que sa suivante de liste était proclamée élue.

L'appel est rejeté sur les deux premiers points : la démission d'office et l'inéligibilité ont été décidées à bon droit. Il était irrecevable sur le troisième point car, d'un part, la démission d'office de Mme B. n'était pas effective à la date à laquelle Mme A. a fait acte de démission de son mandat et d'autre part, cette démission a été adressée non au maire de la commune, ce qui est la seule procédure normale, mais au greffe du tribunal administratif.

(28 juillet 2021, Mme B., Élections municipales du Haillan, n° 450142)

 

127 - Élections municipales - Bulletins de vote d'une liste de format inférieur à celui réglementaire - Différence de taille entre les bulletins de deux listes - Enveloppes plus épaisses pour une liste du fait de cette différence - Signe de reconnaissance - Rejet.

Confirmation du rejet en première instance d'une protestation en vue d'obtenir l'annulation d'élections notamment du fait que les bulletins de la liste B étaient d'un format 148 x 210 mm, inférieur à celui prescrit par l'article R. 30 du code électoral (210 x 297 mm) pour les listes comportant, comme en l'espèce, plus de trente-et-un noms, alors que ceux utilisés par la liste A respectaient ces mêmes prescription car il ne résulte pas de l'instruction que le choix de ce format révèle une manoeuvre ni que, en raison de la moindre épaisseur des enveloppes dans lesquelles ils étaient glissés, les bulletins de la liste conduite B auraient pu être aisément identifiés lors des opérations de vote. 

(30 juillet 2021, M. A., Élections municipales de Lannemezan, n° 445676)

 

128 - Élections municipales - Griefs divers tenant au déroulement de la campagne - Griefs tirés du déroulement du scrutin - Rejet.

Confirmant le jugement des premiers juges, le Conseil d’État rejette la protestation dirigée contre les résultats des élections tenues dans cette commune. Aucun des griefs n'est retenu comme de nature à conduire à l'annulation des élections, aussi bien ceux tirés du déroulement de la campagne électorale (dénigrement des qualités de chef d'entreprise d'une tête de liste, versement à une date inopportune de subventions municipales, confusion alléguée entre le site internet d'une liste et celui de la commune) que celui tiré du déroulement du scrutin (interpellations d'électeurs à proximité d'un bureau de vote par les soutiens d'une liste)

(30 juillet 2021, M. D., Élections municipales de Pithiviers, n° 445985)

 

129 - Élections municipales et communautaires - Griefs multiples (campagne, procurations, émargements, accès au bureau de vote) - Rejet.

Aucun des griefs articulés au soutien de la protestation dont il était saisi n'a convaincu le juge d'appel.

Les éventuelles irrégularités affectant des procurations ne sont pas établies, la privation irrégulière de vote pour cinq électeurs donne lieu à attribution hypothétique de cinq voix à la liste battue, un suffrage a été irrégulièrement émis, il n'est pas établi de différences significatives dans les signatures portées sur la liste des émargements ; enfin, l'affirmation que l'accès au bureau de vote aurait été empêché pour huit électeurs n'est pas corroborée par les indications du procès-verbal.

(30 juillet 2021, M. C., Él. mun. et cnautaires de la commune de Lodève, n° 446408)

 

130 - Élections municipales et communautaires - Irrégularités diverses - Référencement commercial irrégulier du site internet d'une liste de candidats - Disposition irrégulière des isoloirs - Annulation du second tour des élections - Effet sur le premier tour - Rejet.

La double irrégularité du référencement commercial du site internet d'une liste et de la disposition des isoloirs de plusieurs bureaux de vote, dépourvus de rideaux conformément aux instructions ministérielles pour cause d'épidémie, mais placés face aux électeurs et aux membres du bureau de vote, couplée au faible écart des voix, conduit à l'annulation des élections ainsi que l'ont jugé les magistrats du tribunal administratif.

L'annulation du second tour entraîne, par voie de conséquence, celle du premier tour alors même que cette dernière annulation n'était pas demandée par les protestataires.

(30 juillet 2021, M. AD. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune de Boucau, n° 446731)

 

131 - Élections municipales complémentaires (démissions d'une partie des élus) - Proclamation de quatre élus dont deux n'avaient pas recueilli plus du quart des électeurs inscrits - Correction illégale par le maire de cette irrégularité - Absence d'incidence sur les résultats du premier tour - Rejet.

Le point principal de cette affaire résidait dans ce qu'au soir du premier tour, alors qu'étaient proclamés élus quatre candidats, le maire, s'apercevant que deux d'entre eux ne satisfaisaient pas à l'exigence que, pour être élu au premier tour il faut avoir recueilli un nombre de voix égal ou supérieur au quart des électeurs inscrits, a, d'office, rectifié ces résultats.

Les premiers juges, après avoir annulé l'élection des deux élus en cause, ont estimé que l'erreur ayant été illégalement mais immédiatement corrigée, ceci était resté sans incidence sur les opérations électorales.

Le juge d'appel leur donne raison et doit être approuvé.

(30 juillet 2021, M. A., Élections municipales complémentaires de Sains, n° 448042)

 

132 - Élections municipales et communautaires – Absence de qualité d’électeur dans la commune – Absence d’inscriptions au rôle des contributions directes de la commune – Obligation de rapporter une preuve tirée de pièces ayant date certaine – Absence – Inéligibilité – Annulation.

Seules peuvent être élues à un conseil municipal les personnes électrices de la commune ou inscrites au 1er janvier de l’année de l’élection au rôle des contributions directes de cette commune. A défaut, il leur appartient de rapporter la preuve, au moyen de pièces ayant date certaine, qu’elles devaient être inscrites à ce rôle à la date ci-dessus.

En l’espèce, les deux candidats dont l’éligibilité était contestée avaient produit deux contrats de location de locaux à usage d'habitation conclus le 31 août 2019, des factures d'électricité et deux attestations établies le 28 janvier 2020 en application du c) de l'article R. 228 du code électoral par le directeur départemental des finances publiques, selon lesquelles les documents présentés permettaient aux intéressés d'être inscrits au rôle de l'année 2020 des impôts directs locaux dans la commune. C’est sur ces éléments que le tribunal administratif s’était fondé pour rejeter le grief d’inéligibilité dont il était saisi.

Cependant, le Conseil d’État annule ce jugement motif pris de ce qu’il ne résulte pas de l'instruction que les baux sous seing privé aient été soumis à la formalité de l'enregistrement. Par suite, ces documents n'ont pas acquis date certaine.

Il n’est donc pas établi qu’à la date du 1er janvier 2020, les intéressés remplissaient les conditions pour être inscrits au rôle des contributions directes de la commune de Mauléon-Licharre, ils étaient donc inéligibles. 

Le jugement est annulé.

(2 août 2021, M. N. et autres, Él. mun. et cnautaires de Mauléon-Licharre, n° 446762)

 

133 - Élections municipales et communautaires - Chargée de mission d'évaluation et de contrôle des associations et organismes extérieurs – Qualité de chef de service (8° de l’art. L. 231 c. élect.) – Absence – Annulation.

Le tribunal administratif avait annulé l’élection d’une candidate au motif qu’exerçant les fonctions de chargée de mission d'évaluation et de contrôle des associations et organismes extérieurs, elle devait être considérée comme ayant la qualité de chef de service au sens et pour l’application des dispositions du 8° de l’art. L. 231 du code électoral qui frappe d’inéligibilité les personnes disposant, dans la commune où elles sont candidates, de ces fonctions ou les ayant exercé depuis moins de six mois.  Toutefois, le Conseil d’État, relevant que si l’intéressée « est directement rattachée au directeur général des services de la communauté d'agglomération du Grand Périgueux et assiste en tant que de besoin aux instances de direction et de coordination, elle n'exerce aucune fonction d'encadrement, n'entretient des rapports de proximité avec les élus que dans le cadre de la préparation des séances de l'organe délibérant de la communauté d'agglomération, et ne dispose d'aucun pouvoir propre de décision, notamment en matière d'attributions des subventions, dont elle assure seulement le suivi administratif et le contrôle de l'utilisation »,  en déduit qu’elle ne tombe pas sous le coup des dispositions du 8° de l’art. L. 231 précité.

Le jugement est annulé en ce qu’il prononce l’éligibilité.

(2 août 2021, Mme P. et autre, Él. mun. et cnautaires de Boulazac Isle Manoire, n° 448530)

 

134 - Élections municipales et communautaires – Distribution massive de masques et de notices avec photographie d’un candidat – Faible écart des voix – Confirmation de l’annulation du scrutin.

Comme l’a jugé le tribunal administratif, la distribution de 15 000 masques en lots de 2, 4 et 10, la circonstance que sur les 4000 notices d'utilisation imprimées, 800 comportaient la photographie de M. D., le nombre d'électeurs ainsi susceptibles d'avoir reçu des masques associés à l'image de ce candidat, l'importance que présentait pour la population, à cette période, une distribution de masques et le retentissement favorable qui en a nécessairement découlé sur l'image de M. D., lequel a régulièrement communiqué sur les opérations menées par l'association qu’il présidait, constituent, au regard des dispositions de l’art. L. 52-8 du code électoral,  une  irrégularité de nature, compte tenu de l'écart de 161 voix séparant les deux listes arrivées en tête du second tour, à avoir altéré la sincérité du scrutin, sans que la circonstance que l’autre tête de liste ait lui-même procédé à la distribution de 1 000 masques, en sa qualité de candidat et en intégrant les dépenses correspondantes dans son compte de campagne, ne soit de nature à remettre en cause cette appréciation. 

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont annulé les opérations électorales.

(18 août 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Trappes, n° 449592)

(135) V. aussi, sur ce litige, l’annulation par le Conseil d’État, du jugement confirmant le rejet, par la CNCCFP, du compte de campagne de M. D., la modicité des sommes en jeu et le non-dépassement du plafond légal ne justifiant pas cette sanction : 18 août 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Trappes, n° 449593.

 

Environnement

 

136 - Parc éolien - Arrêt d'appel enjoignant le dépôt d'une demande d'autorisation environnementale - Sursis à l'exécution de cet arrêt ordonné - Régime applicable aux installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent autorisées avant l'entrée en vigueur du décret du 23 août 2011 - Annulation.

Encourt annulation l'arrêt d'appel qui juge - au prix d'une erreur de droit - que les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent autorisées avant l'entrée en vigueur du décret du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées, qui a soumis à autorisation au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement notamment celles comprenant au moins un aérogénérateur dont le mât a une hauteur supérieure ou égale à 50 mètres, sont néanmoins soumises à ce décret dès lors que le permis de les construire  a été annulé postérieurement à la date d'entrée en vigueur de ce décret.

En effet, contrairement à ce qu'a jugé la cour, il résulte des dispositions combinées des art. L. 553-1 et L. 511-2 du code de l'environnement que les installations ayant fait l'objet d'une demande de permis de construire en cours à la date d'entrée en vigueur du décret du 23 août 2011 et pour lesquelles l'arrêté d'ouverture d'enquête publique a été pris avant cette date sont regardées comme étant autorisées au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, au bénéfice du régime d'antériorité créé par la loi du 12 juillet 2010, leur exploitation étant, à compter de la date de délivrance du permis de construire, soumise à cette législation.

(1er juillet 2021, Société Énergie renouvelable du Languedoc, n° 433449 ; Association pour la protection des paysages et ressources de l'Escandorgue et du Lodévois (APPREL) et Association Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de l'Hérault, 438811)

 

137 - Déchets diffus spécifiques (DDS) ménagers - Agrément de filières de ces déchets - Arrêté et cahier des charges y relatifs - Actes à effets directs et significatifs sur l'environnement - Obligation d'une consultation préalable du public (art. L. 123-19-1 c. env.) - Absence - Annulation à effet différé.

Doivent être annulés pour avoir été pris au terme d'une procédure irrégulière l'arrêté du 20 août 2018 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets diffus spécifiques (DDS) ménagers, pour le cas des catégories 3 à 10 de produits chimiques désignés à l'article R. 543-228 du code de l'environnement, ainsi que le cahier des charges qui y est annexé.

Ces actes ayant un effet direct et significatif sur l'environnement devaient être précédés, en application des dispositions de l'art. 123-19-1 du code de l'environnement, de la consultation préalable du public. En l'absence de respect de cette formalité, ils ont été irrégulièrement pris.

Leur annulation est prononcée avec effet différé au 1er janvier 2022.

(7 juillet 2021, Société EcoDDS, n° 425116)

 

138 - Autorisation d'implantation d'éoliennes - Obligation d'impartialité dans la délivrance de l'autorisation - Séparation entre autorité donnant son avis sur le projet et autorité autorisant le projet - Condition non remplie lorsque les deux actes résultent d'une instruction conduite par un unique service, fût-ce l'Autorité environnementale - Erreur de droit - Annulation.

Rappel, une nouvelle fois, de l'exigence posée par l'art. 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, telle au surplus qu'interprétée par la Cour de justice (20 octobre 2011, Department of the Environment for Northern Ireland contre Seaport (NI) Ltd et autres, aff. C-474/10) selon laquelle l'évaluation environnementale de tout projet susceptible d'avoir des effets notables sur l'environnement, lorsqu'elle est assurée par une entité ou autorité publique,  doit reposer sur une séparation fonctionnelle stricte entre l'autorité qui détient le pouvoir de décision par approbation du projet et celle qui doit donner un avis objectif sur ce projet.

Il suit de là qu'en cas de séparation effective de ces prérogatives entre deux autorités publiques (par ex., comme en l'espèce, entre un préfet de région et un préfet de département), la condition d'indépendance garante de l'objectivité d'examen n'est cependant pas remplie lorsque l'une et l'autre reposent sur une instruction unique menée par un même service administratif.

C'était le cas en l'espèce, d'où l'erreur de droit de la cour administrative d'appel qui avait jugée régulière la procédure suivie.

(7 juillet 2021, Association " Plus belle notre Verzée " et autres, n° 436301)

(139) V. aussi, identique : 7 juillet 2021, M. D., n° 436361.

(140) V. également, précisant qu'en cas de vice de procédure entachant l'avis de l'autorité environnementale qui a été soumis au public, notamment dans le cadre d'une enquête publique, préalablement à l'adoption de la décision attaquée, il appartient au juge, saisi de conclusions en ce sens, de surseoir à statuer en vue de la régularisation de l'avis, en précisant les règles selon lesquelles le public devra être informé et, le cas échéant, mis à même de présenter des observations et des propositions, une fois le nouvel avis émis et en fonction de son contenu : 7 juillet 2021, Société Parc éolien du Bois Désiré, n° 436641.

 

141 - Interdiction de substances néonicotinoïdes (II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) - Communication de la liste à la Commission européenne - Abstention de la Commission de prendre des mesures d’urgence - Droit pour l’État de prendre des mesures d’urgence provisoires jusqu’à l’adoption de mesures communautaires - Absence d’erreur manifeste d’appréciation - Rejet.

Les requérantes poursuivaient l’annulation du décret n° 2018-675 du 30 juillet 2018 relatif à la définition des substances actives de la famille des néonicotinoïdes présentes dans les produits phytopharmaceutiques. Le Conseil d’État a sursis a statué dans l’attente des réponses de la CJUE aux questions préjudicielles qu’il lui a adressées. La Cour de justice a répondu dans une décision du 8 octobre 2020 (Union des industries de la protection des plantes contre Premier ministre et alii, aff. C-514/19).

Le II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime (issu de de l’art. 5 de la loi du 8 août 2016) a interdit à compter du 1er septembre 2018 l'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits sous réserve de dérogations pouvant être accordées jusqu’au 1er juillet 2020.

Les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne le 2 février 2017 un projet de décret énumérant les substances actives visées par l'interdiction susénoncée, étant relevé que cette notification constituait la procédure d’information prévue à l’art. 5, al.4, de la directive 2015/1535 du 9 septembre 2015 et non la mise en œuvre du règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Or la Commission, dans sa réponse du 3 août 2017 à cette notification s’est fondée sur ce dernier règlement.

Par son arrêt avant dire droit du 28 juin 2019, le Conseil d’État a interrogé la Cour de justice sur le point de savoir si, dans un tel cas, alors que la Commission n’a pu se méprendre sur le fondement retenu pour la décision notifiée, la notification en cause peut être regardée comme ayant été présentée au titre de la procédure prévue aux articles 69 et 71 de ce règlement et de prendre, le cas échéant, des mesures d'instruction supplémentaires ou des mesures répondant tant aux exigences de cette réglementation qu'aux préoccupations exprimées par cet État membre.

La Cour de justice, par son arrêt du 8 octobre 2020 en réponse aux questions posées par le Conseil d’État, a considéré :

1° que la communication, opérée au titre de l'article 5 de la directive du 9  septembre 2015, d'une mesure nationale interdisant l'usage de certaines substances actives relevant de ce règlement doit être considérée comme constituant une information officielle de la nécessité de prendre des mesures d'urgence, au sens de l'article 71, paragraphe 1, du règlement du 21 octobre 2009, lorsque cette communication comporte une présentation claire des éléments attestant, d'une part, que ces substances actives sont susceptibles de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou pour l'environnement et, d'autre part, que ce risque ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante sans l'adoption, en urgence, des mesures prises par l'État membre concerné ;

2° que la Commission européenne a omis de demander à cet État membre s'il y a lieu de considérer que ladite communication constitue une information officielle au titre de l'article 71, paragraphe 1, du même règlement.

Elle a jugé, en outre, que les règlements d'exécution 2018/783, 2018/784 et 2018/785 de la Commission, relatifs aux conditions d'approbation des substances actives imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame, ne peuvent pas être considérés comme des mesures arrêtées par la Commission européenne sur le fondement de l'article 71, paragraphe 1, du règlement du 21 octobre 2009 en réponse à la communication à laquelle ont procédé, le 2 février 2017, les autorités françaises.

Or il est constant qu’il résulte des dispositions des articles 69 et 71 du règlement du 21 octobre 2009 que si, à la suite de l'information officielle d'un État membre de la nécessité de prendre des mesures d'urgence visant à interdire l'utilisation d'un produit ou d'une substance active, la Commission européenne s'abstient de prendre de telles mesures, l'État membre peut prendre des mesures conservatoires provisoires jusqu'à l'adoption de mesures communautaires. 

En conséquence, le Conseil d’État juge que la notification, le 2 février 2017, du projet de décret d'interdiction des cinq substances de la famille des néonicotinoïdes comportait une présentation suffisamment claire des éléments de nature à attester que ces substances étaient susceptibles de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou pour l'environnement et que ce risque ne pouvait être maîtrisé de façon satisfaisante sans l'adoption, en urgence, de telles mesures d'interdiction. Par suite, comme la Commission européenne, dans sa réponse du 3 août 2017, n'a pas demandé aux autorités françaises s'il y avait lieu de considérer que cette communication constituait une information officielle au titre des mêmes dispositions, il s’ensuit, d’une part, que la notification du 2 février 2017 doit être regardée comme constituant l'information officielle de la Commission européenne au titre de l'article 71, paragraphe 1, du règlement précité du 21 octobre 2009 et, d’autre part, par voie de conséquence, que contrairement à ce qui est soutenu par les diverses organisations requérantes,  Le décret attaqué doit être regardé comme constituant la mesure conservatoire provisoire prise par les autorités françaises sur le fondement de l'article 71, paragraphe 1, du même règlement à la suite de cette information officielle, jusqu'à l'adoption de mesures communautaires.

Faute d’apporter des éléments probants de nature à démontrer comme non fondées scientifiquement les mesures prises par ce décret et compte tenu de sa régularité au regard du droit de l’Union européenne, les requérantes sont déboutées. 

(12 juillet 2021, Union des industries de la protection des plantes, n° 424617 ; Union des industries de la protection des plantes, n° 424621 ; Association générale des producteurs de maïs, n° 424625 ; Confédération générale des planteurs de betteraves, n° 424632 ; Fédération nationale des producteurs de fruits, n° 424633)

(142) V. aussi, la décision jugeant que, d’une part, le  II de l'article L. 253-8 visé dans la décision précédente ne permettait aux ministres compétents d'accorder la dérogation sollicitée par la requérante que jusqu'au 1er juillet 2020 et que, d’autre part, qu’il résulte des dispositions combinées du II de l'article L. 253-8, dans leur rédaction issue de la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, et de l'article L. 253-8-3 du même code, issu de la même loi, que les nouvelles possibilités de dérogation par arrêté interministériel qu'elles prévoient jusqu'au 1er juillet 2023 ne visent que les cultures de betteraves sucrières. Dès lors, la requête de l'Association générale des producteurs de maïs tendant à l'annulation du refus de dérogation en vue d'autoriser temporairement l'utilisation du produit phytopharmaceutique Sonido contenant la substance active thiaclopride sur les semences de maïs, laquelle ne peut plus donner lieu à aucune mesure d'exécution de la part des ministres concernés, est devenue sans objet : 12 juillet 2021, Association générale des producteurs de maïs, n° 427387.

(143) V. également, confirmative des solutions précédentes, la décision jugeant notamment :

1° irrégulier l’art. 1er du décret n° 2019-1500 du 27 déc. 2019 qui, tout en décidant que les chartes d’engagements des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques doivent obligatoirement intégrer des modalités d’information des résidents ou des personnes présentes au sens du règlement européen 284/2013, rend cependant facultative l’inclusion des modalités d’information préalable à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques  alors, précisément, que l’information des personnes habitant, ou présentes, à proximité des zones susceptibles d’être ainsi traitées constitue, avec d’autres, une mesure pertinente et efficace de gestion des risques liés à l’usage vicinal des substances phytopharmaceutiques ; cette disposition est irrégulière en tant qu’elle ne prévoit pas d’imposer que les chartes en cause prévoient des modalités d’information préalables  à l’utilisation desdites substances ;

2° irrégulier l’arrêté du 27 déc. 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques en ce qu’il a prévu des distances minimales incompressibles de sécurité insuffisantes   (5, 10 ou 20 mètres selon les produits) en cas d’épandage des produits phytopharmaceutiques dont la cancérogénicité, la mutagénicité ou la toxicité pour la reproduction est avérée (cas du CMR1A) ou présumée (cas du CMR1B) (cf. règlement (CE) n° 1272/2008 du 16 décembre 2008) pour la santé des habitants ou des personnes présentes même s’agissant de substances ne figurant à l’art. 14-2 inséré dans l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le  marché des produits phytopharmaceutiques et à leurs adjuvants ce qui constitue une violation du principe de précaution : 26 juillet 2021, Collectif des maires anti-pesticides, n° 437815 ; Comité de recherche et d'information indépendant sur le génie génétique (CRIIGEN), n° 438085 ; Association Agir pour l’environnement, n° 438343 ; Chambre départementale d’agriculture de la Vienne, n° 438444 ; Coordination rurale Union nationale, n° 438445 ;  Association Générations futures et autres, n° 439100 ; Association Générations futures et autres, n° 439127 ;  Commune de Tremblay-en-France et autres, n° 439189 ; M. C. et autres, n° 441240 ; M. A. et autres, n° 443223.

(144) V. également la décision annulant la disposition d’un arrêté ministériel en tant qu'elle ne prévoit aucune mesure de protection de la santé des personnes travaillant à proximité immédiate de la parcelle traitée par un aéronef télépiloté : 26 juillet 2021, Association Santé Environnement Combe de Savoie et autres, n° 439902.

 

145 - Parcelles plantées en carottes - Prélèvements révélant la présence dans le sol de la substance active « 1,3-dichloropropène » - Établissement de procès-verbaux - Procès-verbaux de destruction des carottes - Référé suspension - Rejet.

Des prélèvements effectués par la brigade nationale d'enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation révèlent la présence dans le sol de parcelles plantées en carottes, de la substance active « 1,3-dichloropropène », utilisée pour lutter contre les nématodes à kystes, vers parasites infestant particulièrement les carottes cultivées en sols sablonneux, substance dont l'utilisation n'est plus autorisée en France depuis 2018. En conséquence sont établis divers procès-verbaux dont ceux ordonnant la destruction des carottes en cause.

Les requérants demandent la suspension de l'exécution des cinq procès-verbaux de destruction des semis de carottes dressés par la BNEVP le 22 septembre 2020 jusqu'à ce qu'il soit statué, au fond, sur leurs demandes d'annulation de ces décisions. Leurs requêtes ayant été rejetées ils saisissent le juge de cassation.

Ce dernier, confirmant l’ordonnance du premier juge, rejette la demande de référé suspension.

Aucun des moyens développés devant lui n’emporte sa conviction : c’est sans erreur de droit qu’il a été jugé que n'était pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées le moyen tiré de ce que, en l'absence d'un arrêté ministériel d'application, les dispositions de l'article L. 250-6 du code rural et de la pêche maritime qui autorisent le prélèvement d'échantillons de sol étaient manifestement insusceptibles de recevoir application ; semblablement, s’agissant d’une mesure de police, celle-ci n’avait ni à être précédée d'une procédure contradictoire portant sur la totalité des mesures que l'administration était susceptible d'adopter ni à comporter une motivation explicite sur le danger que le produit en cause était susceptible de présenter pour la santé publique, la sécurité des consommateurs ou l'environnement ; enfin, pas davantage ne peut être retenue l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans la décision ordonnant la destruction des récoltes.

(13 juillet 2021, M. A., n° 448238 ; M. C., n° 448239 ; SCEA de la Quenaudière, n° 448241 ; EARL Neel, n° 448242 ; SCEA de la Bergerie, n° 448243)

 

146 - Aérodrome - Nuisances sonores - Autorisation dérogatoire d’atterrissage de nuit - Absence de limitation du nombre d’autorisations dérogatoires - Absence d’indication des motifs d’intérêt général justifiant l’octroi de ces dérogations - Violation du principe de non-régression - Annulation.

Un arrêté du 25 avril 2002 impose des restrictions d'exploitation de l'aérodrome de Beauvais-Tillé, notamment l’interdiction pour tout aéronef d'atterrir ou de décoller entre 0 heure et 5 heures, et pour les avions les plus bruyants d'atterrir ou décoller entre 22 heures et 7 heures du matin.

Un arrêté du 26 décembre 2019 a prévu que le ministre chargé de l'aviation civile peut, au cas par cas, autoriser des dérogations à cette interdiction d'atterrissage nocturne, dans les conditions qu'il fixe.

Les requérantes demandent l'annulation de l'article 1er de cet arrêté en ce qu’il porterait atteinte au principe de non-régression, énoncé au 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, qui impose une amélioration constante de la protection de l’environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.

Accueillant le recours, le Conseil d’État juge que l’art. 1er de l’arrêté litigieux, d’une part, ne limite pas le nombre de ces autorisations dérogatoires et d’autre part, n’énonce pas les motifs d'intérêt général qui pourraient le cas échéant les justifier.

Il est donc irrégulier et annulé.

(9 juillet 2021, Association de Défense de l'Environnement des Riverains de l'aéroport de Beauvais-Tillé et autres, n° 439195)

 

147 - Qualité de l’air – Concentrations excessives en dioxyde d’azote et en particules fines – Valeurs limites fixées par une directive de l’Union – Décisions du Conseil d’État (10 juillet 2010, n° 428409 et 12 juillet 2017, n° 394254) ordonnant à l’État la prise de mesures efficaces contre ces dépassements – Nouvelle constatation d’inefficacité – Condamnation à astreinte définitive – Produit de l’astreinte réparti en plusieurs personnes publiques et privées œuvrant dans la lutte contre la pollution atmosphérique.

A deux reprises, en 2010 et 2017, le Conseil d’État avait fait injonction à l’État de réduire significativement la pollution de l’air en respectant les valeurs limites que fixe la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe. Saisi à nouveau du problème, le Conseil d’État ne peut que constater que, pour l’essentiel, l’objectif fixé n’a pas été atteint, loin s’en faut, d’autant que c’est à une obligation de résultat qu’est soumis l’État en cette matière. Il ne s’agit pas de faire état d’efforts, de mises en œuvre de moyens, d’avancées législatives et/ou réglementaires comme, pour l’essentiel, le fait encore ici l’État, mais il convient d’obtenir des résultats. D’où la condamnation à dix millions d’euros au titre de la liquidation provisoire de l’astreinte prononcée par sa décision précitée du 10 juillet 2010. Cette somme ne pouvant pas, à peine d’inconséquence, être versée à l’État ni, non plus, intégralement à la requérante, le juge en effectue judicieusement une répartition entre différentes personnes publiques suffisamment autonomes de l’État et diverses personnes privées, dont la requérante, œuvrant dans le champ de la lutte contre la pollution de l’air.

Dix millions d’euros c’est beaucoup comme symbole mais c’est peu au regard de l’effort à fournir pour remplir l’obligation de résultat.

On regrettera que le Conseil d’État n’ait pas décidé d’affecter ce montant, fixé il y a onze ans, d’un taux d’intérêt couvrant le prix du temps qui a passé, ce « Temps perdu » à la recherche duquel il faut maintenant s’atteler…

(4 août 2021, Association Les amis de la Terre France, n° 428409)

 

État-civil et nationalité

 

148 - Référé liberté - Projet de mariage entre un ressortissant français et une ressortissante algérienne - Publication des bans - Reports successifs de la date du mariage - Refus de délivrance d’un visa d’entrée en France en vue de la célébration du mariage - Existence en l’espèce, à titre exceptionnel, d’une urgence - Atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale - Annulation.

Les requérants ont un projet de mariage concrétisé par la publication des bans en février 2021. Celui-ci a été différé à plusieurs reprises du fait du refus de l’autorité consulaire de délivrer à la future épouse, de nationalité algérienne, un visa d’entrée en France pour la célébration de son mariage.

En principe, un refus de visa d’entrée en France ne constitue pas, sauf circonstances exceptionnelles, une situation d’urgence justifiant l’intervention du juge du référé liberté. Toutefois, au cas d’espèce, il est relevé que les intéressés, se connaissant depuis 2006, se sont fiancés en janvier 2020 et que la cérémonie de mariage a été reportée du fait de l’épidémie de Covid-19 et du refus du visa d’entrée en France de la future épouse, la condition d’urgence est satisfaite.

Ensuite, en raison du caractère sérieux du projet marital, en dépit d’affirmations contraires du ministre de l’intérieur, résultant, entre autres, de l’audition de Mme D. par l'officier de l'état civil du consulat général d'Alger en prévision de sa future union à la demande de la mairie de Lille avant la publication du mariage le 11 février 2021, le refus persistant de visa porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de se marier et de mener une vie familiale normale.

En conséquence est annulée l’ordonnance de référé du premier juge rejetant la demande des intéressés.

(ord. réf. 9 juillet 2021, M. D. et Mme B., n° 454174)

 

149 - Chasse aux oiseaux – Vanneaux huppés et pluviers dorés – Arrêtés autorisant la « tenderie aux vanneaux » dans le département des Ardennes – Violation de la directive « oiseaux » du 30 novembre 2009 – Méconnaissance des objectifs de la directive – Annulation des arrêtés.

Se prononçant sur des arrêtés portant, en matière de chasse aux vanneaux huppés et aux pluviers dorés, dérogation à la directive « oiseaux » en autorisant la « tenderie aux vanneaux » - technique de capture de ces oiseaux au moyen de filets à nappes fixés à terre -, le Conseil d’État rappelle, d’une part, qu’ils sont soumis à une obligation de motivation et que la seule invocation de l’inexistence d’une autre solution possible n’est pas jugée satisfaisante par la jurisprudence de la CJUE (CJUE 17 mars 2021, One Voice et Ligue pour la protection des oiseaux contre Ministre de la Transition écologique et solidaire, aff. C-900/19), interrogée sur ce point par le Conseil d’État, et d’autre part que l’objectif de préservation des méthodes traditionnelles de chasse ne saurait constituer à lui seul un motif pertinent et suffisant de dérogation.

Les arrêtés querellés ne satisfaisant à aucune de ces deux conditions cumulatives, sont annulés.

(6 août 2021, Ligue française pour la Protection des Oiseaux, n° 425435 ; Association One Voice, n° 425540 et n° 426515 ; Association One Voice, n° 434456 ; v. aussi, du même jour : Association One Voice, n° 443739)

(150) V. aussi, les solutions identiques retenue pour la chasse à l’alouette des champs au moyen de pantes et, le cas échéant, de matoles, autorisée dans quatre départements du Sud-Ouest : 6 août 2021, Association One Voice, n° 425464, n° 425473, n° 425495, n° 425503, 4 espèces jointes ; 6 août 2021, Association One Voice, n° 434375, n° 434400, n° 434459, n° 434460, 4 espèces jointes ; 6 août 2021, Association One Voice, n° 443736, n° 443745, n° 743746, n° 743748, 4 espèces jointes ; Ligue française pour la Protection des Oiseaux, n° 444588, n° 444589, n° 444590 et n° 444591, 4 espèces jointes.

(151) V. également, identique s’agissant de l’autorisation de la chasse au moyen de la tenderie aux grives dans le département des Ardennes : 6 août 2021, Association One Voice, n° 425549 ainsi que, dans ce même département, de l’autorisation de la tenderie aux grives ou aux merles noirs : 6 août 2021, Association One Voice, n° 434461 et, du même jour, Association One Voice, n° 443742.

 

Étrangers

 

152 - Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) - Etablissement de la liste des pays sûrs - Étendue du contrôle du juge - Annulation partielle.

Les requérantes demandaient l'annulation de la délibération du 5 novembre 2019 par laquelle l'OFPRA a décidé de ne pas modifier la liste des pays d'origine sûrs fixée par une précédente délibération et l'abrogation du maintien sur cette liste de l'Arménie, de la Géorgie et du Sénégal.

Les moyens de légalité externe (composition irrégulière, non-respect des règles de quorum et de majorité, information insuffisante des membres du conseil d'administration de l'OFPRA lors de la délibération litigieuse, sources d'informations insuffisamment diversifiées, examen particulier de chaque pays) rejetés, le Conseil d’État examine ceux de légalité interne.

Concernant le cas des pays désignés par les requérantes, le Conseil d’État relève que le Bénin a été suspendu de cette liste en septembre 2020, que c'est à tort que le Sénégal et le Ghana ont été maintenus sur la liste au regard du critère - introduit par la loi du 18 septembre 2018 - d'interdiction de la prise en compte de l'orientation sexuelle tout comme la Géorgie, alors qu'aucune erreur d'appréciation n'est constatée s'agissant du maintien de l'Albanie, de l'Arménie (en dépit du conflit du Haut-Karabagh) et du Kosovo, avec des réserves pour ce dernier pays, sur ladite liste.

La délibération attaquée est annulée au regard du maintien sur la liste qu'elle a arrêtée du Bénin, du Ghana et du Sénégal.

(2 juillet 2021, Association des avocats ELENA France et autres, n° 437141 ; Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l'immigration et au séjour (Ardhis) et autres, n° 437142 ;  Association Forum Réfugiés-Cosi, n° 437365)

 

153 - Demande de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d’octroi de la protection subsidiaire - Procédure devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) - Contrôle du juge de cassation sur la qualification des faits par cette Cour - Rejet.

Le requérant, ressortissant afghan appartenant à l’ethnie hazâra, conteste en cassation le refus de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmé par la CNDA, de lui accorder le bénéfice de la qualité de réfugié ainsi que celui de la protection subsidiaire.

Il invoque au soutien de son pourvoi des moyens de procédure et des moyens relatifs au fond. Ils sont rejetés.

Au plan procédural, le Conseil d’État juge d’abord que dès lors que son avocat avait été avisé de la tenue de celle-ci et était présent à l’audience relative à la récusation de l’un des juges de la CNDA, la circonstance que le demandeur n’y ait pas été convoqué n’entache pas d’irrégularité celle-ci.

Il estime ensuite que la participation à la grande formation de la CNDA chargée d'examiner son recours d’une magistrate responsable du centre de recherche et documentation de la CNDA lors de l'élaboration d'une note d'information intitulée « Problématique de la PS c) - Analyse de la notion de violence aveugle – Méthodologie », diffusée aux membres de la grande formation de jugement ainsi qu'au sein de la Cour et qui donnait des éléments d'éclairage général sur des questions de droit, dont certaines n'étaient pas dénuées de lien avec celles sur lesquelles la Cour pourrait être amenée à se prononcer pour statuer sur la demande de protection présentée par M. B., n'était pas, par elle-même, susceptible de faire obstacle à ce qu'elle siège au sein de la cette demande.

Enfin, l’absence d'un membre de la formation de jugement saisie initialement du recours lorsque la grande formation de la Cour s’est prononcée sur ce recours n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la composition de celle-ci.

Au fond et s’agissant d’apprécier le climat, le risque et le degré de violence existant dans les parties de l’Afghanistan d’où le requérant provient, à travers lesquelles il doit transiter et dans sa destination finale, le juge de cassation est compétent pour apprécier la régularité de l’appréciation de la qualification des faits opérée par la CNDA.

Celle-ci détient un pouvoir souverain d’appréciation sous réserve de dénaturation.

(9 juillet 2021, M. B., n° 448707)

 

154 - Référé liberté - Demandeurs d’asile - Rejet par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) - Bénéfice d’un logement d’urgence - Signification d’un ordre de quitter le territoire français (OQTF) - Fin du droit à un hébergement d’urgence - Absence d’atteinte à une liberté fondamentale faute d’existence de circonstances exceptionnelles - Rejet.

Statuant en appel de référés liberté rejetés par le premier juge, le Conseil d’État confirme à des ressortissants géorgiens (req. n° 453716, n° 453721, n° 453723), kosovars (req. n° 453717, n° 453722) et albanais (req. n° 453718, n° 453719, n° 453720, n° 453725, n° 453726), la légalité de l’ordonnance rejetant leur recours en maintien d’hébergement d’urgence alors que leur demande d’asile a été rejetée par l’OFPRA,  rejet confirmé par la CNDA dès lors que, d’une part, sous le coup d’une OQTF, ils n’ont pas sollicité le bénéfice d’aides au retour, et, d’autre part, qu’ils n’invoquent pas au soutien de leurs demandes en référé de circonstances exceptionnelles justifiant l’existence d’une atteinte à une liberté fondamentale.

(ord. réf. 5 juillet 2021, Mme et M. A., n° 453716 ; Mme et M. C., n° 453717 ; Mme B. et M. A., n° 453718 ; Mme et M. C., n° 453719 ; Mme et M. B., n° 453720 ; Mme B. et M. C., n° 453721 ; Mme B. et M. C, n° 453722 ; Mme C. et M. B., n° 453723 ; Mme A. et M. B., n° 453725 ; Mme B., n° 453726)

 

155 - Étranger faisant l’objet d’un ordre de quitter le territoire français (OQTF) - Mise en rétention dans l’attente de l’exécution de l’OQTF - Référé liberté à l’encontre de la mesure de rétention - Irrecevabilité au-delà de quarante-huit heures - Poursuite d’exécution de l’OQTF malgré la demande d’asile - Rejet.

Un ressortissant étranger faisant l’objet d’une OQTF et ayant engagé une procédure de reconnaissance de sa qualité de réfugié use du référé liberté pour demander la suspension de l’arrêté portant OQTF.

Sa requête est doublement rejetée.

Tout d’abord, l’étranger faisant l’objet d’une OQTF peut être placé en rétention administrative dans l’attente que puisse être exécutée la mesure d’éloignement du territoire français ; toutefois, cette rétention, au-delà de 48 heures, doit être autorisée par un juge des libertés et de la détention, c’est-à-dire par un juge judiciaire. Est donc irrecevable devant le juge administratif la demande en référé dirigée contre une rétention qui a déjà duré plus de 48 heures.

Ensuite, ne saurait constituer une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile justifiant qu’en soit ordonnée la suspension la circonstance que nonobstant sa demande de se voir reconnaître la qualité de réfugié soit poursuivie la procédure d’OQTF puisque, en toute hypothèse, son expulsion est suspendue tant que l’OFPRA ne s’est pas prononcé sur son cas et, le cas échéant, tant que la CNDA éventuellement saisie n’a pas statué.

(ord. réf. 9 juillet 2021, M. Ashry, n° 453670)

 

156 - OQTF - Délai de quinze jours pour former un recours en annulation de cet OQTF - Caractère franc de ce délai.

Répondant à une demande d'avis d'un tribunal administratif, le Conseil d’État juge que le délai de quinze jours prévu au I bis de l'art. L. 512-1 du CESEDA, devenu l'art. L. 614-5 du même code, dans lequel l'étranger qui a fait l'objet d'un arrêté portant OQTF peut contester devant le juge administratif la légalité de cet arrêté est un délai franc car, sauf texte contraire, les délais de recours devant les juridictions administratives sont, en principe, des délais francs, leur premier jour (dies a quo) étant le lendemain du jour de leur déclenchement et leur dernier jour (dies ad quem) étant le lendemain du jour de leur échéance.  Les recours doivent donc être enregistrés au greffe de la juridiction avant l'expiration du délai.  Lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il y a lieu, par application des règles définies à l'article 642 du code de procédure civile, d'admettre la recevabilité d'une demande présentée le premier jour ouvrable suivant.

(30 juillet 2021, M. A., n° 452878)

 

Fonction publique et agents publics

 

157 - Rémunération indûment versée - Répétition de l'indu - Délai - Causes d'interruption de la prescription - Annulation.

Cette décision est importante par les précisions qu'elle apporte et qui mettent un point définitif à des solutions jusque-là incertaines.

En premier lieu, il est jugé qu'en cas de versement d'une rémunération indue à l'un de ses agents, la personne publique, se fondant sur les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011, peut la répéter dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. 

En second lieu, conformément aux principes qu'illustrent les art. 2241 et 2242 du code civil et qui sont applicables aux relations entre les administrations publiques et leurs agents, le délai biennal de prescription peut être interrompu ou suspendu par l'une quelconque des causes d'interruption et de suspension figurant au titre XX du livre III du code civil. Ainsi en va-t-il de l'exercice par un agent public d'un recours juridictionnel, lequel interrompt le délai de prescription, quel qu'en soit l'auteur, et jusqu'à l'extinction de l'instance.

En l'espèce, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit, d'une part, en jugeant que la prescription biennale (cf. art. 37-1, loi du 12 avril 2000) applicable aux créances afférentes aux trop-perçus de rémunération de l'agent, ne pouvait avoir été interrompue par le recours contentieux formé par l'intéressée tendant à l'annulation des titres de perception émis par l'administration en vue du recouvrement de ces créances, et d'autre part, en déduisant de cette affirmation qu'aucune régularisation des titres de perception annulés n'était possible.

(1er juillet 2021, Ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, n° 434665)

 

158 - Litige en matière de pension militaire d’invalidité – Matière relevant du plein contentieux - Possibilité d’apprécier, sur demande du requérant, la régularité de la décision litigieuse - Exercice du recours administratif préalable obligatoire - Effets.

Répondant à une demande d’avis portant sur le point de savoir si, lorsqu'il a à trancher un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens, la régularité de la décision en litige, le Conseil d’État donne une réponse qui va au-delà de la question posée.

Tout d’abord, en sa qualité de juge de plein contentieux, le juge saisi d’un litige en matière de pension militaire d’invalidité doit, d’une part, se prononcer en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et, d’autre part, le cas échéant, apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige.

Ensuite, il résulte tant de l’art. 51 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 que de son décret d’application du 29 décembre 2018 instituant une commission de recours de l'invalidité chargée d'examiner les recours administratifs préalables obligatoires formés à l'encontre des décisions individuelles en matière de pensions militaires d'invalidité, que les décisions prises sur le recours administratif préalable obligatoire se substituent aux décisions initiales et sont seules susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux comme indiqué au point précédent. Cette substitution ne fait toutefois pas obstacle à ce que soient invoqués à leur encontre des moyens tirés de la méconnaissance de règles de procédure applicables aux décisions initiales qui, ne constituant pas uniquement des vices propres à ces décisions, sont susceptibles d'affecter la régularité des décisions soumises au juge.

(Avis, 9 juillet 2021, M. B., n° 451980)

 

159 - Fonctionnaire territorial - Suppression d’emploi - Recherche d’un emploi de reclassement - Annulation par le juge de l’excès de pouvoir - Pouvoirs et office du juge en ce cas - Injonction.

La requérante, rédactrice territoriale, occupait depuis 2013 un emploi de chargée de mission auprès du directeur des services techniques de la commune de Montmagny. Cet emploi ayant été supprimé à compter du 14 juillet 2014, l’intéressée a été maintenue en surnombre et celle-ci a demandé au juge d'annuler cette délibération et cet arrêté et d'enjoindre à la commune de Montmagny de la réintégrer rétroactivement au 14 juillet 2014 dans un emploi correspondant à son grade. Si le premier juge a rejeté ces demandes, celles-ci ont été accueillies en cause d’appel car la cour a considéré que la commune avait manqué à son obligation de recherche des possibilités de reclassement du fonctionnaire.

C’est contre cet arrêt que la commune s’est pourvue en cassation.

Le Conseil d’État annule l’arrêt car lorsque le juge administratif annule pour excès de pouvoir la décision par laquelle l'autorité territoriale a maintenu un fonctionnaire en surnombre en raison de la suppression de l'emploi qu'il occupait, il lui incombe en principe seulement d'ordonner à l'autorité territoriale, sur le fondement de l’art. L. 911-2 CJA, de rechercher s'il est possible de le reclasser sur un emploi vacant correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois.

Toutefois, dans le cas où et seulement en ce cas, il résulte de l'instruction qu'il existe, à la date à laquelle le juge statue, un emploi sur lequel le fonctionnaire peut être reclassé, compte tenu de son grade et des nécessités du service, le juge saisit du litige enjoint à l'autorité territoriale, cette fois sur le fondement de l'article L. 911-1 CJA, de proposer au fonctionnaire cet emploi.

Statuant au fond en raison d’une seconde cassation, le Conseil d’État enjoint à la commune de Montmagny de rechercher s'il est possible de reclasser Mme A. sur un emploi vacant correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

(12 juillet 2021, Mme A., n° 442606)

 

160 - Agents non statutaires des collectivités territoriales - Agents involontairement privés d'emploi ou ayant signé une rupture conventionnelle ou dont le contrat de travail a été rompu d'un commun accord - État de chômage se prolongeant en dépit d'une recherche active d'emploi - Droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi - Rejet.

Le juge, rejetant le pourvoi de la commune, déduit de dispositions du code du travail (art. L. 5421-1, L. 5422-20 et L. 5422-21) que les agents non statutaires des collectivités territoriales (comme aussi d'ailleurs ceux des établissements publics administratifs autres que ceux de l'État et ceux des groupements d'intérêt public) qui ont quitté volontairement l'emploi qu'ils y occupaient et dont le chômage se prolonge en dépit des efforts de recherche d'emploi, ont droit, aux conditions légales, à l'allocation d'aide au retour à l'emploi (art. 46 du règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 relative à l'assurance chômage).

(5 juillet 2021, Commune de Colmar, n° 429191)

 

161 - Agent public local contractuel (CDI) - Contrat d’« assistant d’élus » - Licenciement - Demande de diverses indemnisations - Détermination de sa position statutaire par le juge - Absence - Manquement à l’office du juge - Erreur de droit - Annulation.

Suite à son licenciement, un agent public contractuel communal, a demandé l’annulation de cette décision, sa réintégration ainsi que diverses indemnités.

Il se pourvoit en cassation contre l’arrêt d’appel en tant qu'il rejette ses demandes indemnitaires au titre de l'illégalité de son licenciement et au titre des congés payés dont il a été privé.

Le pourvoi est partiellement admis et l’un de ses motifs est un rappel significatif de l’office du juge dans le contentieux indemnitaire des fonctionnaires et agents publics. En l’espèce, la cour s’était bornée à relever que les fonctions exercées par le demandeur n'avaient pas pour effet de le soumettre aux dispositions du décret du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet et que l'intéressé ne pouvait pas être regardé comme ayant occupé un emploi de rédacteur territorial. Elle a ensuite réglé le litige sans aucunement procéder, comme il lui incombait, à la détermination de sa position statutaire manquant ainsi à son office et commettant par suite une erreur de droit s’agissant de fixer ses droits indemnitaires.

(13 juillet 2021, M. A., n° 438286)

 

162 - Fonctionnaire - Pathologie - Imputabilité au service - Existence d’un état antérieur - Effet sur l’imputabilité - Nécessité d’une résorption intégrale de cet état au moment de l’apparition de la pathologie - Annulation.

Rappel d’une règle constante.

L’existence d'un état pathologique antérieur ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état postérieur d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état détermine à lui seul l'incapacité professionnelle de l'intéressé.

En conséquence entache d’erreur de droit son arrêt la cour qui ne recherche pas, pour déterminer si la pathologie actuelle d’un agent est exclusivement imputable à l'évolution de son état de santé antérieur, si les séquelles d’un accident survenu le 13 mars 2013 avaient été entièrement résorbées au 2 novembre 2015, date à partir de laquelle cet agent entendait voir reconnaître l'imputabilité au service des congés maladie.

(13 juillet 2021, M. B., n° 441274)

 

163 - Égalité des chances - Accès à certaines écoles et à certains organismes de formation des fonctionnaires - Organisation d’un concours externe spécial - Sélection sur critères sociaux - QPC dirigée contre l’ordonnance du 3 mars 2021 organisant cette procédure - Rejet.

La requérante, - à l’appui de sa demande d’annulation pour excès de pouvoir de  l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public, du décret n° 2021-239 du 3 mars 2021 instituant des modalités d'accès à certaines écoles de service public et relatif aux cycles de formation y préparant, des arrêtés du président du Centre national de la fonction publique du 8 mars 2021 portant ouverture de concours pour les administrateurs territoriaux et du 1er avril 2021 fixant le nombre de postes ouverts aux concours pour le recrutement des administrateurs territoriaux, de l'arrêté de la ministre de la transformation et de la fonction publiques du 25 mars 2021 autorisant l'ouverture du concours externe, du deuxième concours externe, du concours externe spécial, du concours interne et du troisième concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration pour l'année 2021 et des arrêtés du ministre des solidarités et de la santé du 8 avril 2021 portant ouverture des concours d'admission aux cycles de formation des élèves directeurs d'hôpital et des élèves directeurs d'établissement sanitaire, social et médico-social, - demande au Conseil d’État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public. 

La requérante soutient que l'ordonnance précitée méconnaît le principe d'égal accès aux emplois publics énoncé à l'article 6 de la Déclaration de 1789, le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 1er de la Constitution et l'étendue de la compétence du législateur, en tant que les dispositions de ses articles 1er à 4 instaurent une voie d'accès spécifique à des écoles de service public qui n'est justifiée ni par les mérites des candidats, ni par les besoins du service public et qui repose sur des critères sociaux insuffisamment définis.

Tout d’abord, le Conseil d’État rappelle la nécessité de combiner ici deux principes : d’une part, celui selon lequel le législateur peut régler de façon différente des situations différentes et, ce faisant, de déroger à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit, et d’autre part, celui selon lequel si, dans les nominations de fonctionnaires, il ne doit être tenu compte que de la capacité, des vertus et des talents, peuvent cependant être fixées des règles de recrutement destinées à permettre l'appréciation des aptitudes et des qualités des candidats à l'entrée dans une école de formation ou dans un corps de fonctionnaires selon des modalités différenciées pour tenir compte tant de la variété des mérites à prendre en considération que de celle des besoins du service public. 

Par ailleurs, le juge relève qu’aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées dès lors que les différences de traitement qui en résultent répondent à des fins d'intérêt général qu'il appartient au législateur d'apprécier.

Ensuite, constatant la volonté politique d'accroître la diversité des profils des personnes constituant la fonction publique, le Conseil d’État relève que le dispositif envisagé et mis en place par le texte litigieux et ses textes d’application consistant, d’une part, en un concours externe spécial régi par les mêmes conditions de diplôme, comportant le même programme et les mêmes épreuves, faisant l'objet du même jury que le concours externe et ne pouvant représenter une proportion supérieure à 15% des recrutements opérés par la voie du concours externe, et d’autre part, ouvert aux personnes qui suivent ou ont suivi un cycle de formation préparant à ce concours, repose sur des critères objectifs et rationnels en relation directe avec l'objet qui leur est assigné. Enfin, la volonté de diversifier les profils des personnes recrutées dans la fonction publique repose sur un motif d'intérêt général. Le renvoi par le législateur à un décret en Conseil d’État du soin de déterminer ces critères sociaux, n’est pas davantage critiquable.

Est donc refusé le renvoi de la QPC.

(13 juillet 2021, Association pour l'égal accès aux emplois publics et la défense de la méritocratie républicaine, n° 452060)

 

164 - Garanties accordées aux fonctionnaires chargés d’une activité syndicale - Activité syndicale représentant au moins 70% d’un service à temps plein - Mise à disposition ou décharge d’activité - Décompte de la quotité minimale - Différence de traitement - QPC - Différence en rapport avec son objet - Rejet.

(13 juillet 2021, Syndicat national Solidaires finances publiques, n° 452072)

V. n° 210

 

165 - Agent public territorial - Éducateur territorial de jeunes enfants - Licenciement pour insuffisance professionnelle - Erreur d’appréciation - Rejet.

Le président de la communauté de communes requérante a procédé au licenciement pour insuffisance professionnelle d’une agent public titulaire dans le cadre d’emploi des éducateurs territoriaux de jeunes enfants, en se fondant  notamment sur un rapport d'analyse des risques psychosociaux effectué par un cabinet extérieur et sur les plaintes déposées par de nombreux agents placés sous l'autorité de l’intéressée, sur l'incapacité de cette dernière à développer des relations de travail adéquates avec ses collègues, cette « insuffisance managériale » étant susceptible de compromettre le bon fonctionnement du service.

La cour administrative d’appel avait annulé ce licenciement car même si les difficultés relationnelles avec certains agents étaient établies, elles ne pouvaient suffire à caractériser l'inaptitude de l'intéressée à exercer l'ensemble des fonctions correspondant au grade qu'elle détient dans le cadre d'emplois, relevant de la catégorie B, des éducateurs territoriaux de jeunes enfants, lesquelles ne sont, pour l'essentiel, pas des fonctions d'encadrement et elle en avait déduit que le licenciement était entaché d’une erreur d’appréciation.

Elle est confirmée par le Conseil d’État qui, exerçant ici un contrôle de qualification juridique des faits d’insuffisance professionnelle d’un agent public, rejette le pourvoi en rappelant que le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. 

(20 juillet 2021, Communauté de communes Val de Charente, n° 441096)

(166) V. aussi la décision jugeant entaché d’erreur de droit l’arrêt annulant un licenciement pour inaptitude professionnelle car, devant le conseil de discipline, les témoins cités par l'administration, respectivement le secrétaire général et le directeur des ressources humaines de la préfecture au sein de laquelle l’intéressé était affecté, ont été appelés simultanément et ont témoigné en présence l'un de l'autre, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État. Le Conseil d’État reproche à l’arrêt de n’avoir pas recherché si, en l'espèce, cette méconnaissance avait, eu égard aux fonctions exercées par les témoins, à l'origine de leur citation et à la teneur de leurs propos, effectivement privé l'intéressé de la garantie qui s'attache à la sincérité des témoignages. : 20 juillet 2021, Ministre de l’intérieur, n° 445843 et n° 445845.

 

167 - Militaire - Tenue de propos excessifs à l’égard de cadres militaires et autres autorités publiques - Sanction disciplinaire - Membre d’une association nationale professionnelle de militaires - Qualité sans effet sur la légalité de la sanction - Rejet.

Un militaire qui a été sanctionné disciplinairement à raison de propos tenus sur des sites internet tant à l’encontre de cadres de l’armée que d’autorités publiques, argue de ce qu’il appartient à une association nationale professionnelle de militaires pour soutenir l’illégalité de la sanction infligée.

Son recours est rejeté car même si « les membres des associations professionnelles nationales de militaires peuvent exprimer des positions publiques sur les questions relevant de la condition militaire, les propos qu'ils tiennent publiquement ne sauraient excéder les limites que les militaires doivent respecter en raison de la réserve à laquelle ils sont tenus à l'égard des autorités publiques. En particulier, la circonstance qu'il soit membre d'une association professionnelle nationale de militaires ne saurait permettre à un militaire de tenir des propos diffamatoires ou outranciers à l'égard de cadres de l'armée ou des appréciations sur l'action d'autres autorités publiques. »

(20 juillet 2021, M. B., n° 444784)

 

168 - Agent public territorial - Nouvelle affectation - Invocation d'un harcèlement moral - Notion - Application en l'espèce - Rejet.

L'intéressée se plaignait d'être victime d'un harcèlement de la part de la commune qui l'employait. Le Conseil d’État rappelle sa grille d'analyse de l'existence éventuelle d'un tel harcèlement : " Pour être qualifiés de harcèlement moral, (des) agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral."

En l'espèce, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel, dont l'arrêt était frappé de pourvoi dans la présente affaire, a notamment relevé, pour rejeter l'appel dont elle était saisie que l'exercice par l'intéressée des missions de secrétaire comptable résultaient d'une réorganisation de la direction des affaires culturelles décidée dans l'intérêt du service, que cette nouvelle affectation correspondait à son grade et que sa notation avait alors régulièrement augmenté. Le pourvoi est rejeté.

(28 juillet 2021, Mme B., n° 436810)

 

169 - Concours - Concours d'agrégation des professeurs des facultés de droit - Principe d'impartialité - Régime de la preuve - Preuve non rapportée - Rejet.

Le requérant contestait par de nombreux moyens l'organisation, le fonctionnement et les décisions d’un jury d'agrégation de droit privé et de sciences criminelles portant recrutement de professeurs de l'enseignement supérieur ainsi que divers actes subséquents. Ils sont tous rejetés. L'un d'eux portait sur la violation en l'espèce du principe d'impartialité des jurys.

Sur ce point, le Conseil d’État rappelle sa jurisprudence selon laquelle : " La seule circonstance qu'un membre du jury d'un concours connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu'il s'abstienne de participer aux délibérations de ce concours. Le respect du principe d'impartialité fait en revanche obstacle à ce qu'un membre du jury d'un concours puisse régulièrement siéger dans ce jury s'il a, avec l'un des candidats, des liens dont l'intensité est de nature à influer sur son appréciation. "

Cette position balancée tente de faire tenir un égal poids à la possibilité de contester et à la sauvegarde des décisions de jury trop aisément critiquées par les candidats malheureux. Toutefois, la mise en œuvre de cette ligne d'analyse concrète est très délicate et tourne généralement à la confusion du requérant. D'abord, en elle-même, la preuve est le plus souvent très difficile à rapporter. Ensuite, selon la nature des liens « intenses » allégués, il est des modes de preuve ou des natures de preuve impossibles à utiliser sauf pour le contestant à disposer de moyens quasiment policiers d'investigation.

D'un côté l'on voit mal comment le juge pourrait faire autrement que d'examiner les preuves rapportées, d'un autre côté la situation n'est pas très satisfaisante ; quant à attendre la sagesse et la moralité des hommes disposant de pouvoirs sur leurs semblables, il n'est pas douteux que si elles existaient cela se saurait depuis longtemps. (cf. Montesquieu : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser », De l’Esprit des lois, Livre XI, chap. IV)

(30 juillet 2021, M. B., n° 430066)

 

Hiérarchie des normes

 

170 - Ordonnance de l’article 38 de la Constitution – Recours contre une telle ordonnance après expiration du délai d’habilitation mais en l’absence de ratification et fondé sur la violation d’un droit ou d’une liberté que garantit la Constitution – Compétence exclusive du Conseil constitutionnel par voie de QPC – Recours invoquant aussi la violation de dispositions internationales ou du droit de l’Union – Compétence du juge administratif – Applications en l’espèce.

Retour sur un – désormais – grand classique de la hiérarchie des normes du à une innovation jurisprudentielle née de l’imagination débridée du Conseil constitutionnel : la compétence exclusive du Conseil constitutionnel pour connaître des QPC dirigées contre des ordonnances non encore ratifiées mais pour lesquelles le délai d’habilitation est expiré et qu’est invoquée à leur encontre une violation des droits et libertés que garantit la Constitution.

Dans cette décision, le juge administratif rappelle à plusieurs reprises que sont irrecevables devant lui les recours tendant à le faire juge de dispositions ordonnancielles non ratifiées mais à délai d’habilitation expiré argüées d’inconstitutionnalité pour atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution dès lors que ces recours ne revêtent pas la forme et les conditions d’une QPC.

En revanche, les exceptions d’inconventionnalité ou de violation du droit de l’Union assortissant lesdits recours relèvent de la compétence du juge administratif saisi.

Tel est le cas, en l’espèce, de l’art. 2 de l’ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020 portant adaptation de règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière pénale.

(4 août 2021, Syndicat des avocats de France et autres, n° 447916 ; M. A., n° 448388 ; Association des avocats pénalistes et autres, n° 448962)

 

Libertés fondamentales

 

171 - Office national des forêts (ONF) - Vente de bois de chêne - Décision établissant un formulaire d'engagement - Application à des ventes non réalisées par l'ONF - Atteintes à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie - Incompétence - Annulation.

(2 juillet 2021, Syndicat de la filière bois et autres, n° 423720)

V. n° 4

 

172 - Liberté d'association - Dissolution d'une association - Critique du régime légal - Absence d'atteinte au principe d'égalité - Absence d'incompétence négative du législateur - Décision fondée - Rejet.

La requérante contestait la juridicité du décret présidentiel la dissolvant et soulevait, entre autres, une question prioritaire de constitutionnalité. La demande est rejetée.

L'art. L. 212-1, 6°, du code de la sécurité intérieure ne porte pas atteinte au principe d'égalité du fait qu'il traite différemment des associations de la loi de 1901, lesquelles ne connaissent que la procédure de dissolution, d'une part, les associations ou groupements de fait ayant pour objet le soutien à des associations sportives, et d'autre part les lieux de culte, en cas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, puisque celles-ci font l'objet de mesures graduées, respectivement, de suspension ou de fermeture temporaire. Les réalités ne sont pas les mêmes.

Ce même article n'est pas entaché d'incompétence négative du fait qu'il ne précise pas à partir de combien d'agissements la dissolution est encourue car, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, cette mesure doit être adaptée, nécessaire et proportionnée aux faits reprochés.

Enfin, les faits recueillis et figurant au dossier de l'instruction attestent du bien-fondé de la mesure de dissolution qui, ainsi, ne saurait être jugée irrégulière.

(2 juillet 2021, Association "Génération identitaire", n° 451741)

 

173 - Référé liberté - Liberté syndicale - Autorisation d'absence - Participation à un congrès national et à une réunion régionale - Refus - Défaut de justification - Atteinte grave et manifestement illégale - Injonction au garde des sceaux de délivrer les autorisations demandées.

Annulant l'ordonnance du premier juge, statuant en référé liberté le Conseil d’État juge que le refus opposé par le garde des sceaux à un syndicaliste d'autoriser son absence afin de lui permettre de participer au congrès national du syndicat pénitentiaire des surveillants non-gradés et aux réunions du conseil syndical régional porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale au regard des arguments destinés à appuyer ce refus, aucun d'eux n'apparaissant sérieusement fondé ou de nature à le justifier.

Injonction est faite au garde des sceaux de délivrer d'urgence cette autorisation.

Il est à observer que le juge d'appel a été saisi les 25 et 30 juin et que cette ordonnance est rendue le 2 juillet pour des réunions devant se tenir les 5, 7 et 9 juillet.

(2 juillet 2021, M. A., n° 453961)

 

174 - Référé liberté - Liberté syndicale - Suspension du site internet d'un syndicat d'agents d'un département - Maintien d'un certain nombre de fonctionnalités - Atteinte à une liberté fondamentale non constitutive par elle-même d'une situation d'urgence - Rejet.

(5 juillet 2021, Syndicat SUD des personnels du département du Nord, n° 451062)

V. n° 35

 

175 - Référé liberté - Covid-19 - Institution d'un passe sanitaire - Document ou application contenant des données révélatrices de la vie privée et de la santé - Suspension du dispositif refusée - Rejet.

La requérante demandait notamment la suspension d'exécution du dispositif de « passe sanitaire », numérique ou papier, mis en place par les pouvoirs publics dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19, en tant, d'une part, que ce dispositif exige le traitement dans le code en deux dimensions de données relatives à l'état civil et, d'autre part, que ce dispositif permet le traitement dans le code en deux dimensions de données de santé.

Elle invoque la possibilité qui aurait pu être retenue, d'inscrire sur les téléphones mobiles, grâce à un traitement national, un certificat ne contenant pour qualifier l'état de santé de la personne qu'un feu rouge ou un feu vert, parfaitement respectueux de la vie privée.

Le recours est rejeté.

D'abord le principe de minimisation des données a été respecté en l'espèce autant qu'il pouvait l'être dans la mesure où il faut bien s'assurer de l'identité de la personne présentant le passe et la CNIL y a d'ailleurs donné un avis favorable.

Ensuite, le risque de détournement et de lecture des données par un tiers doté d'un logiciel malveillant apparaît très limité.

Enfin, a correctement été apprécié l'impact que pouvait avoir sur les libertés le traitement TousAntiCovid.

(6 juillet 2021, Association La Quadrature du Net, n° 453505)

 

176 - Référé liberté - Police sanitaire - Non-reconnaissance d'un vaccin autorisé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) - Licéité - Empêchement, pour ce motif, au retour d'un Français en France - Illégalité - Rejet.

Un Français résidant aux Émirats Arabes Unis (EAU), qui a été vacciné contre le Covid-19 au moyen du vaccin Sinopharm, lequel, reconnu par l'OMS, ne l'est pas par l'Union européenne (Agence européenne du médicament) demande au juge du référé liberté d'ordonner à la fois la suspension de l'exécution du décret du 1er juin 2021 en tant qu'il réserve la délivrance d'un justificatif de statut vaccinal aux seules personnes ayant reçu l'injection d'un vaccin ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence européenne du médicament et non à celles ayant reçu l'injection du vaccin Sinopharm et l'abrogation de ce texte par le premier ministre.

Le juge des référés déboute l'intéressé de sa demande au motif que le vaccin Sinopharm n'a pas fait l'objet, de la part de l'Agence européenne du médicament, des contrôles effectués pour ceux des vaccins autorisés par elle. De plus, il n'existe pas pour le vaccin Sinopharm de données suffisantes sur son aptitude à être efficace contre les variants du virus Covid-19, dont le variant delta qui est à l'origine d'une forte recrudescence des contaminations en Asie du Sud-Est et au Maghreb.

Ensuite, le juge répond au moyen du requérant tiré de ce que cette attitude porte atteinte de façon disproportionnée à sa liberté d'aller et venir et à sa vie privée et familiale dès lors que l'absence de vaccin adéquat le contraint à justifier pour entrer en France d'un test PCR ou antigénique négatif et d'un motif impérieux d'ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l'urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé. Il rappelle fermement dans une formulation déjà plusieurs fois utilisée qu' « Il ne peut être porté atteinte au droit fondamental qu'a tout Français de rejoindre le territoire national qu'en cas de nécessité impérieuse pour la sauvegarde de l'ordre public, notamment pour prévenir, de façon temporaire, un péril grave et imminent. Les restrictions de toute nature opposées à un Français qui souhaite se déplacer depuis l'étranger à destination de la France, en vue de préserver la situation sanitaire sur le territoire national, ne peuvent être légalement prises que si le bénéfice pour la protection de la santé publique excède manifestement l'atteinte ainsi portée au droit fondamental en cause. Elles ne sauraient, en tout état de cause, avoir pour effet de faire durablement obstacle au retour d'un Français sur le territoire national, sans préjudice de la possibilité, pour l'autorité administrative compétente, une fois la personne entrée sur le territoire national, de prendre les mesures que la situation sanitaire justifie, comme, le cas échéant, des mesures de quarantaine. » 

Il constate que si le ministre de la santé souscrit à cette doctrine, le décret contesté contredit dans sa lettre cette attitude tout comme le site internet de l'ambassade de France aux Émirats Arabes Unis. Par ailleurs, si une circulaire du Premier ministre du 19 mai 2021 exonère les Français, leurs enfants et leurs conjoints de l’obligation de justifier de tout motif pour entrer sur le territoire national, il ne résulte pas de l'instruction que les mentions illégales et contraires du décret sur ce point soient privées par cette circulaire de tout effet sur les Français de l'étranger.

Ainsi, du fait du droit ainsi reconnu à tout Français de retourner chez lui (peut-être « plein d'usage et raison » comme dit le poète) sous la seule contrainte d'un test et d'une semaine d'isolement prophylactique, l'atteinte portée à la liberté fondamentale d'aller et de venir ne revêt pas un caractère manifestement illégal justifiant l'intervention du juge du référé liberté et conduit au rejet de la requête.

(ord. réf. 6 juillet 2021, M. A., n° 453559)

 

177 - Référé liberté – Rapatriements de ressortissants afghans aux fins de réunification familiale – Évacuations en urgence depuis l’aéroport de Kaboul – Accords de Doha (29 février 2020) – Incompétence de la juridiction administrative pour connaître de demandes dont l’objet n’est pas détachable de la conduite des relations internationales de la France – Obtention de visas non nécessaire pour prétendre aux évacuations vers la France – Rejet.

Cette ordonnance de référé, rendue au titre des dispositions de l’art. L. 521-2 CJA, traduit juridiquement la terrible situation d’Afghans agglutinés sur l’aéroport de Kaboul et autour de celui-ci, fuyant la menace meurtrière et cruelle des talibans.

Saisi le 20 août depuis Kaboul dans l’état chaotique que l’on devine, le juge des référés a statué en formation collégiale, signe du caractère très sensible de l’enjeu politique et juridique du litige, et cela en moins de cinq jours. Si besoin était, cela légitime encore un peu plus l’introduction massive des référés devant le juge administratif à partir de la loi du 30 juin 2000, spécialement celle du référé-liberté.

L’enjeu des recours présentés par ces ressortissants afghans était d’obtenir d’être évacués, avec épouse et enfants, vers la France. Pour ce faire trois demandes étaient adressées, deux d’entre elles sont rejetées pour incompétence du juge saisi en raison de la nature d’actes de gouvernement des décisions prises ou à prendre par les autorités françaises, la troisième a été considérée sans objet du fait de l’assouplissement considérable des formalités administratives ordinairement exigées pour l’accès au territoire français en raison de l’état de fait régnant actuellement dans cette partie du monde.

En premier lieu, les intéressés demandaient que le dispositif de rapatriement d’Afghans vers la France soit complété et à ce que des rapatriements soient ordonnés par le juge des référés à l’État français. En application des accords de Doha (29 février 2020) prévoyant le retrait des troupes américaines d’Afghanistan au plus tard le 31 août 2021, l’aéroport international de Kaboul était sécurisé par celles-ci, la France pouvant évacuer par avion 500 personnes par jour à raison de deux vols de 250 personnes. L’organisation de ces rapatriements se faisant sous l’égide de plusieurs pays, le Conseil d’État a donc considéré, par une formule qui définit l’une des deux catégories d’actes de gouvernement, que « L'organisation de telles opérations d'évacuation à partir d'un territoire étranger et de rapatriement vers la France n'est pas détachable de la conduite des relations internationales de la France ». Il est donc incompétent pour en connaître et, par suite, pour donner des ordres d’évacuation aux autorités françaises même s’agissant de personnes relevant du régime protecteur institué par les art. L. 561-2 et L. 561-5 du CESEDA en faveur des réfugiés. La solution, triste sans doute, n’était cependant guère évitable.

En second lieu, la même réponse est faite à la demande, qui se recoupe partiellement avec la précédente, qu'il soit enjoint aux autorités françaises à Kaboul de faire en sorte que les conjoints et enfants des ressortissants afghans titulaires du droit à réunification familiale qui parviennent aux abords de l'aéroport de Kaboul puissent y accéder. Là encore, c’est la nature juridique des opérations matérielles d’évacuation qui fait obstacle à la compétence du juge.

Enfin, s’agissant de la demande de délivrance de visas ou de toute autre mesure équivalente aux demandeurs et à leurs familles en vue d’une réunification familiale, elle est jugée sans objet. Il résulte des débats à l’audience qu’en raison de la fermeture du poste consulaire de Kaboul la délivrance de visas pour les Afghans relève désormais des postes de Téhéran et de New Dehli ce qui a conduit les responsables français présents à Kaboul à décider que la détention d'un visa d'entrée en France n'est pas requise pour prétendre au bénéficie des évacuations vers la France. Les personnes présentes à l'intérieur de la zone dédiée à la France dans l'enceinte de l'aéroport de Kaboul et éligibles à la réunification familiale, qu'elles soient ou non munies d'un visa, ont ainsi vocation à être prises en charge par les moyens militaires français, dans la mesure de leur disponibilité, en vue d'un transfert vers le territoire national, tant que la situation locale permet la poursuite de ces opérations. Par suite, la demande est devenue sans objet.

Cette décision montre tout à la fois la force et les limites des solutions juridiques.

(ord. réf., formation collégiale, 25 août 2021, M. G., n° 455744 ; MM. B. et C., leurs épouses et leurs enfants mineurs, n° 455745 ; M. J., n° 455746)

 

Police

 

178 - Prévention des risques naturels –Élaboration du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles « littoraux » (PPRL) du Pays d'Olonne - Modalités d'association des collectivités territoriales et de leurs groupements à l'élaboration du plan - Concertation avec le public - Concertation jugée suffisante par la cour administrative d'appel - Nature et options essentielles du projet de plan communiquées à un stade non trop tardif - Rejet.

Est rejeté le pourvoi de la commune des Sables d'Olonne contre l'arrêt qui a jugé que, dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels prévisibles « littoraux » (PPRL) du Pays d'Olonne, d'une part, la consultation du public avait été correctement assurée, d'autre part, les collectivités territoriales et leurs groupements avaient été suffisamment associés à celle-ci et qu'enfin, la circonstance que la nature et les options essentielles du projet de plan aient été connues un peu plus tard n'a pas empêché le public de faire utilement connaître ses observations.

(1er juillet 2021, Commune des Sables d'Olonne, n° 436132)

 

179 - Rencontres sportives - Match de football opposant le Football Club de Nantes à En avant Guingamp - Incidents divers antérieurs - Mobilisation policière du 14 juillet - Rejet de la demande en référé.

Était demandée la suspension de l’exécution de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 12 juillet 2021 réglementant le déplacement des supporters du Football Club de Nantes à Pornic lors de la rencontre du 14 juillet 2021 opposant le Football Club de Nantes à En avant Guingamp et, à titre subsidiaire, d'ordonner la suspension de l'exécution de cet arrêté en tant qu'il s'applique hors du stade de Pornic.

Le premier juge avait, le 13 juillet, rejeté ces demandes. L’ordonnance est, sans grande surprise, confirmée en appel par le juge du Conseil d’État.

Celui-ci retient l’existence de vives tensions entre certains supporters du Football Club de Nantes et l'équipe dirigeante de ce club avec l'organisation d'une expédition ayant entraîné l'agression de certains salariés du club ; la réunion de sécurité tenue le 9 juillet 2021 pour ce match amical, ayant décidé, sur le fondement d'informations recueillies par les renseignements territoriaux, que ce match, auquel doivent assister des membres de la famille du président du club nantais, se tiendrait hors la présence du public compte tenu de la configuration du stade et, enfin, la mobilisation particulière des forces de l'ordre le 14 juillet, jour de la fête nationale, qui est le jour choisi pour tenir cette rencontre.

La mesure, comme déjà jugé en première instance, ne peut ainsi pas être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir, à la liberté de réunion et à la liberté d'expression.

(ord. réf. 14 juillet 2021, Association nationale des supporters, n° 454527)

 

180 - Règlement municipal de police - Interdiction de stationnement de plus de deux chiens sur la voie publique - Interdiction aux groupes de plus de trois personnes d’émettre des sons audibles par les passants - Prohibition générale et absolue - Illégalité - Annulation.

Le maire de Saint-Etienne, faisant usage des compétences qui lui sont dévolues par le code général des collectivités territoriales, a pris le 15 octobre 2015 un arrêté portant « code de la tranquillité publique » dont l’art. 1er dispose :

« Sont interdites du 16 octobre 2015 au 15 janvier 2016, sauf autorisation spéciale, toute occupation abusive et prolongée des rues et autres dépendances domaniales visées à l'article 5, accompagnées ou non de sollicitations à l'égard des passants, lorsqu'elles sont de nature à entraver la libre circulation des personnes, ou bien de porter atteinte à la tranquillité, au bon ordre et à l'hygiène publics. Sont notamment considérés comme des comportements troublant l'ordre public la station assise ou allongée lorsqu'elle constitue une entrave à la circulation des piétons ou une utilisation des équipements collectifs de nature à empêcher ou troubler un usage partagé, le regroupement de plus de deux chiens effectuant une ou plusieurs stations couchées sur la voie publique, les regroupements de plus de trois personnes sur la voie publique occasionnant une gêne immédiate aux usagers par la diffusion de musique audible par les passants ou par l'émission d'éclats de voix. (…) »

Contrairement au juge d’appel qui avait jugé que cet article se bornait à rappeler les pouvoirs généraux du maire en matière d'atteinte à la tranquillité publique ou au bon ordre, le Conseil d’État estime qu’en prohibant « comme étant de nature à porter par soi-même atteinte à l'ordre public le seul fait de laisser plus de deux chiens stationner, même temporairement, sur la voie publique, ainsi que, de manière générale, le fait pour un groupe de plus de trois personnes d'émettre des bruits de conversation et de musique " audibles par les passants ", sans en préciser la durée ni l'intensité, les mesures ainsi édictées par l'arrêté litigieux pour une durée de trois mois, sans aucune limitation de plage horaire et tous les jours de la semaine, dans un vaste périmètre géographique correspondant à l'ensemble du centre-ville de la commune, doivent être regardées, alors même que la commune de Saint-Etienne invoque une augmentation de la délinquance et des incivilités dans son centre-ville, comme portant, du fait du caractère général et absolu des interdictions ainsi prononcées, une atteinte à la liberté personnelle, en particulier à la liberté d'aller et venir, qui est disproportionnée au regard de l'objectif de sauvegarde de l'ordre public poursuivi. »

Il est jugé que si cet article 1er comporte également le rappel de principes généraux relatifs aux pouvoirs de police du maire concernant l'occupation de l'espace public et l'usage des voies publiques, ces dispositions doivent, en l'espèce, être regardées comme n'étant pas divisibles des interdictions susmentionnées.

Par suite l’association requérante est fondée à demander l'annulation des dispositions de l'ensemble de l'article 1er de l'arrêté attaqué.

(16 juillet 2021, Association Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, n° 434254)

(181) V. aussi, identique : 16 juillet 2021, Association Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen, n° 434256

 

182 - Police sanitaire - Institution d’un passe sanitaire - Annonce contenue dans une allocution présidentielle - Annonce non suivie d’une décision à la date de l’ordonnance de référé - Défaut d’urgence - Rejet.

Doit être rejetée pour défaut d’urgence, le référé liberté dirigé contre l’annonce, par le président de la république, lors de son allocution télévisée du 12 juillet 2021, de la prochaine mise en place obligatoire d'un « passe sanitaire » pour l'accès à certains lieux publics alors que, à la date à laquelle se prononce le juge des référés, cette annonce ne s'est encore traduite par aucun acte réglementaire, ni aucune disposition législative rendant possible une telle mesure, seuls à même de produire des effets juridiques. La condition d’urgence faisant défaut, la demande est rejetée.

(ord. réf. 15 juillet 2021, M. B., n° 454501)

(183) V. aussi : ord. réf. 19 juillet 2021, Fédération nationale des cinémas français et autres, n° 434530

(184) V. également : ord. réf. 19 juillet 2021, Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et autres, n° 454643

(185) V. encore : ord. réf., 19 juillet 2021, Association France Festivals et autres, n° 454730 ou ord. réf., 27 juillet 2021, M. B., n° 454833 ou ord. réf., 27 juillet 2021, M. B., n° 454852.

(186) V., rejetant le recours d’une femme enceinte se disant discriminée et contrainte à abandonner toute vie sociale : 19 juillet 2021, Mme A., n° 454731

(187) V., rejetant, en l'absence d'atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à la situation de la requérante combinée à l'évolution de la situation, un recours en référé suspension dirigé contre le décret n° 2021-724 du 7 juin 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire : ord. réf. 27 juillet 2021, Mme A., n° 454793 ; égalmt : ord. réf., 29 juillet 2021, Association Victimes Coronavirus Covid-19 France et M. B., n° 454871 ; ord. réf., 29 juillet 2021, Mme D. et autres, n° 454892.

Solution identique s'agissant d'un référé dirigé contre le décret du 19 juillet 2021 en tant qu'il a étendu le passe sanitaire à de nombreux lieux : ord. réf., 28 juillet 2021, Mme A., n° 454873 et 30 juillet 2021, n° 455064 ou ord. réf., 28 juillet 2021, Mme D. et autres, n° 454885 ou ord. réf., 28 juillet 2021, M. C. et Mme D., n° 454886 ou en tant qu'il porterait atteinte à plusieurs libertés fondamentales : 30 juillet 2021, Association DataRating, n° 454907.

(188) Il n'y a pas davantage d'urgence au sens de l'art. L. 521-1 CJA ainsi qu'au sens de l'art. L. 521-2 CJA  à suspendre l'exécution, principalement de l'art. 23 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, modifié, l'obligation dans laquelle se trouverait un ressortissant français résidant en Grande-Bretagne, de présenter un justificatif de son statut vaccinal ou du résultat d'un test de dépistage alors que l'organisation de son prochain voyage en France le contraint à prendre des dispositions pour un test de dépistage, et que plusieurs ressortissants français se trouvent empêchés d'entrer en France à cause des dispositions critiquées. Le requérant ne démontre pas en quoi ces mesures porteraient une atteinte grave et immédiate à sa situation ni l'urgence à les suspendre : ord. réf., 29 juillet 2021, M. B., n° 454936 ou, très voisin : 21 juillet 2021, Mme A. B., n° 454384 et 30 juillet 2021, n° 455060.

 

189 - Police sanitaire - Publication sur un site gouvernemental - Interdiction, pour motif sanitaire, de la pratique du vélo - Violation d'un décret - Annulation.

La décision de publier sur un site gouvernemental l'indication selon laquelle il était interdit aux adultes, même seuls, de pratiquer le vélo pour les loisirs, est annulée en tant qu'elle s'appliquait aux déplacements pourtant autorisés par l'article 3 du décret du 23 mars 2020.

(29 juillet 2021, M. A., n° 440159)

 

190 - Police des risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public - Autorisation dans ces établissements d’équipements utilisant des fluides frigorigènes inflammables - Application des normes contestées aux équipements disposant du « marquage CE » - Renvoi préjudiciel à la CJUE.

Un arrêté ministériel (intérieur) du 10 mai 2019, modifiant l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, a autorisé, sous certaines conditions de sécurité, l'emploi dans ces établissements d'équipements utilisant des fluides frigorigènes inflammables.

Le syndicat requérant demande l'annulation des dispositions du nouveau paragraphe 3 inséré par l’arrêté du 10 mai 2019 à l'article CH 35 de l'arrêté du 25 juin 1980, à l'exception des dispositions figurant au a) et au c) de ce paragraphe.

Si le juge rejette le recours en tant que l’acte attaqué introduit des normes de sécurité, en revanche, il renvoie à la CJUE les questions préjudicielles découlant de ce que l’application de ces normes aux équipements utilisant des frigorigènes inflammables disposant du « marquage CE » est limitée aux seuls équipements « hermétiquement scellés ».

En effet, le syndicat requérant juge cette restriction contraire au droit de l’Union car elle instaure des exigences supplémentaires aux machines, équipements électriques ou équipements sous pression disposant déjà du « marquage CE » et donc nécessairement conformes aux exigences des trois directives communautaires en cause.

(16 juillet 2021, Syndicat Uniclima, n° 435581)

 

191 - Police du stationnement - Forfait post-stationnement - Paiement immédiat de la redevance - Justificatif de paiement incomplet ou comportant des renseignements erronés - Valeur probatoire en l’absence fraude -Rejet.

Ne commet pas d’erreur de droit la commission du contentieux du stationnement payant qui, pour décharger une automobiliste de l'obligation de payer le forfait de post-stationnement mis à sa charge par la commune de Strasbourg, juge que, bien qu'elle n'ait pas saisi correctement le numéro de la plaque d'immatriculation de son véhicule dans le dispositif permettant l'émission de son justificatif de stationnement, elle apportait néanmoins la preuve qu'elle s'était acquittée de la redevance due pour le stationnement de son véhicule, cela d’autant plus que la commune n'avait ni établi ni même allégué que cette erreur aurait résulté d'une fraude.

(16 juillet 2021, Commune de Strasbourg, n° 435621)

 

192 - Police de la salubrité et de l’insalubrité - Insalubrité irrémédiable - Condition et effets - Évaluation du coût de reconstruction de l’immeuble en état d’insalubrité irrémédiable - Refus de transmission d’une QPC.

Le Conseil d’État était saisi d’une demande de renvoi d’une QPC, qu’il rejette, reposant sur l’atteinte portée aux droits et libertés garantis par la Constitution par le quatrième alinéa de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux. 

La disposition litigieuse est ainsi conçue : « L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction ».

La décision est intéressante en ce que, interprétant la seconde branche de l’alternative, elle inclut dans le montant de la reconstruction le coût de démolition de l’immeuble et ce contrairement à la réponse ministérielle à une question parlementaire publiée le 5 décembre 2007 au Journal officiel.

(16 juillet 2021, Mme B., n° 450188)

 

193 - Police du maintien de l'ordre public - Police des manifestations - Schéma national du maintien de l'ordre - Traitement différencié des journalistes professionnels et des autres journalistes - Rejet.

Le requérant contestait diverses dispositions du schéma national du maintien de l'ordre, figurant en annexe d'une circulaire du ministre de l’intérieur du 16 septembre 2020, qui a pour objet de définir le cadre d'exercice du maintien de l'ordre, applicable à toutes les manifestations se déroulant sur le territoire national, permettant ainsi de fixer une doctrine commune pour l'ensemble des forces de l'ordre. 

Déjà saisi par plusieurs organisations dont des syndicats de journalistes, le Conseil d’État (voir cette Chronique, juin 2021, n° 122), avait annulé plusieurs des points de ce schéma et rejeté divers autres chefs de demande.

Dans la présente espèce, saisi d'un recours en annulation des points 2.2.2. et 2.2.4., le Conseil réitère sa jurisprudence précédente. Le point 2.2.2. n'est pas illégal en tant qu'il instaure un traitement différent par les forces de l'ordre des journalistes professionnels qui, de ce fait, sont titulaires d'une « carte de presse » et les autres journalistes qui n'en sont pas titulaires alors même que l'exercice de la profession de journaliste n'est pas subordonnée à la détention de cette carte. Les dispositions contenues au point 2.2.4. du schéma litigieux ayant déjà été annulées dans le décision précitée du 10 juin 2021 (req. n° 444849, 445063, 445355 et 445365), la demande de M. B. est, sur ce second point, devenue sans objet.

(29 juillet 2021, M. B., n° 445174)

 

194 - Police des accidents et fléaux calamiteux – Risque prévisible d'effondrement et d'affaissement de terrain dû à une cavité souterraine - Fermeture définitive d’une exploitation de camping – Prise d’une mesure suffisante de police – Absence régulière de mise en œuvre d’une procédure d’expropriation ou d’acquisition amiable – Possibilité d’engager la responsabilité sans faute à prouver de la personne publique – Rejet.

La société propriétaire d’un terrain qu’elle exploite à fins de camping a été informée de l’existence d’un risque naturel majeur résultant de la présence d’une cavité souterraine et d’une forte probabilité d’effondrement avec de graves risques pour les vies humaines.

Le code de l’environnement prévoit en ce cas la possibilité d’ouvrir une procédure d’expropriation ou une procédure d’acquisition amiable du terrain. C’est cette seconde solution qui lui a été proposée par la sous-préfète de l’arrondissement et que la société a acceptée.

Toutefois, par la suite, sa demande d’acquisition amiable ou d’expropriation ayant été rejetée implicitement du fait du silence gardée sur elle, la société a saisi, en vain, les juges administratifs de première instance et d’appel.

Sur pourvoi, le Conseil d’État approuve la solution retenue. En effet, les solutions prévues par le code de l’environnement ne sont que facultatives en particulier lorsqu’une mesure de police (ici la fermeture du camping) est suffisante pour permettre de protéger la population ou d’éviter son exposition au risque.

Il ne reste, selon le juge, qu’une possibilité à la société, qui demeure propriétaire du terrain litigieux, c’est d’actionner la commune en responsabilité sans faute à condition de satisfaire à la double condition de réparabilité en ce cas : l’existence d’un aléa excédant celui auquel il était raisonnable de s’attendre lors de la mise en exploitation d’un camping dûment autorisé par le pouvoir de police et l’existence d’un préjudice grave et spécial.

Doit cependant se discuter le point de savoir si la commune n’a pas engagé sa responsabilité pour faute en délivrant une autorisation d’exploitation sur un tel terrain sans s’assurer que cela était possible ; si l’on répond qu’elle ne pouvait pas savoir, il en va de même pour l’exploitant.

La solution nous semble très dure : pourquoi pas le recours automatique à l’acquisition amiable ou à l’expropriation d’autant que l’engagement sub-préfectoral d’une acquisition amiable a sans doute pesé lourd dans la décision d’acceptation par la société de la mesure de fermeture de son activité ?

(4 août 2021, Société Le Cro Magnon, n° 431287)

 

195 - Police de la circulation – Infraction routière justifiant un retrait de points du permis de conduire – Titulaire jugé pénalement coupable de l’infraction mais dispensé de peine – Interprétation stricte de la loi pénale – Dispense ne pouvant pas constituer une condamnation – Retrait illégal de points – Annulation de l’ordonnance du premier juge.

Rappel de ce que la déclaration, par le juge pénal, que le titulaire d'un permis de conduire est coupable d'une infraction justifiant un retrait de points de son permis mais le dispense de peine ne saurait être assimilée à une condamnation au sens de l'article L. 223-1 du code de la route et ne peut par suite établir par elle-même la réalité d'une infraction de nature à fonder un retrait de points.

(6 août 2021, M. B., n° 445514)

 

Professions réglementées

 

196 - Juridiction ordinale - Principe d'impartialité - Composition irrégulière de la formation de jugement - Office du juge d'appel - Obligation d'examen d'office - Compétence du juge de cassation pour censurer l'éventuelle erreur de droit du juge d'appel s’étant abstenu de cet examen - Annulation.

(1er juillet 2021, M. C., n°432358)

V. n° 31

 

197 - Chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes et infirmiers - Décret du 2 novembre 2017 relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé et arrêtés subséquents - Autorisation d'accès partiel  en cas de reconnaissance automatique de qualifications professionnelles - Réponse de la CJUE sur renvoi préjudiciel - Compatibilité avec le droit de l'Union - Rejet de diverses demandes d'annulation pour inconventionnalité ainsi que du surplus des requêtes.

Les recours tendaient à l'annulation d'un décret n° 2017-1520 du 2 novembre 2017 relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé ainsi que de plusieurs arrêtés de la ministre des solidarités et de la santé pris en exécution de ce décret en tant qu'ils décidaient et organisaient la possibilité d'un accès partiel à l'une des professions auxquelles s'applique le mécanisme de la reconnaissance automatique des qualifications professionnelles prévu par les dispositions du chapitre III du titre III de la directive du 7 septembre 2005.

Le Conseil d’État avait posé une question préjudicielle à la CJUE à laquelle celle-ci a répondu dans son arrêt du 25 février 2021 (Les chirurgiens-dentistes de France e. a., aff. C-940/19) ; il tire ici les conséquences de ce dernier.

La Cour ayant dit pour droit que le 6 de l'article 4 septies de la directive du 7 septembre 2005, telle que modifiée par la directive du 20 novembre 2013, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une législation admettant la possibilité d'un accès partiel à l'une des professions relevant du mécanisme de la reconnaissance automatique des qualifications professionnelles prévu par les dispositions du chapitre III du titre III de cette directive, le Conseil d’État rejette les demandes d'annulation dirigées contre le décret attaqué ainsi que contre les arrêtés subséquents.

Les autres griefs sont également rejetés.

(2 juillet 2021, Confédération nationale des syndicats dentaires, devenue Les Chirurgiens-Dentistes de France, n° 419964 ; Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, n°s 417078, 417937, 418010, 418013 ; Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, n° 417963 ; Conseil national de l'ordre des infirmiers, n° 419746, jonction)

 

198 - Avocats aux conseils - Arrêté ministériel créant quatre nouveaux offices - Création justifiée - Rejet.

L’association requérant demandait l’annulation de l'arrêté du 22 mars 2019 du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après avis de l'Autorité de la concurrence, portant création de quatre offices d'avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle invoquait notamment l’accès récent de plusieurs avocats par intégration ou reprise d’offices existants, l’absence de justification de cette création en l’état d’une stagnation et puis d’une baisse de l’activité de la Cour de cassation ainsi que les disparités de chiffre d’affaires selon les offices.

La requête est rejetée aux motifs que ces créations améliorent le service rendu aux justiciables, que la baisse d’activité de la Cour de cassation est compensée par la hausse de celle du Conseil d’État et, enfin, que les chiffres d’affaires de ces offices permettent une rémunération moyenne nette qui demeure élevée.

(21 juillet 2021, Association des jeunes avocats aux conseils, n° 434750)

 

199 - Médecin - Juridiction disciplinaire - Procédure - Absence de production d’un nombre suffisant de copies de la requête - Régime juridique - Annulation.

Réitération d’une solution jurisprudentielle déjà plusieurs fois adoptée en matière de contentieux ordinal.

Si le président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins peut, par ordonnance, rejeter une requête pour défaut de production du nombre de copies requises par l'article R. 4126-11 du code de la santé publique, sans avoir à en demander la régularisation préalable, lorsque l'obligation de cette formalité a été mentionnée dans la notification de la décision attaquée, en revanche, lorsque la notification de la décision attaquée se borne à rappeler les dispositions de l'article R. 4126-11 du code de la santé publique, lesquelles ne permettent pas d'identifier aisément le nombre de copies requises, et n'indiquent pas le nombre de copies devant être produites en l'espèce, le rejet ne peut intervenir qu’après une mise en demeure, restée infructueuse, de régulariser précisant ce nombre.

Faute de cette demande préalable de régularisation en l’espèce, l’ordonnance de rejet est entachée d’irrégularité.

(22 juillet 2021, M. E., n° 448066)

(200) V. aussi, voisin : 30 juillet 2021, M. C., n°452281.

 

Question prioritaire de constitutionnalité

 

201 - Produits phytopharmaceutiques – Utilisation relevant de la seule police spéciale étatique – Incompétence du maire pour intervenir même en cas de carence de l’État – Absence d’atteinte au droit à la santé – Absence de méconnaissance des art. 1er, 2, 3 et 5 de la Charte de l’environnement – Refus de renvoyer la QPC.

La requérante demandait le renvoi au Conseil constitutionnel d’une QPC dirigée contre la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle constitue une police spéciale de l’État, exclusive de toute police municipale, la police de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques alors même qu’une décision juridictionnelle aurait constaté la carence de l’autorité compétente de l’État dans l’exercice de ses pouvoirs de police spéciale, motif pris de ce qu’ « il incombe à cette autorité de prendre les mesures qu'implique l'exécution de cette décision, dans le délai qu'elle impartit ».

Nous voilà bien avancés…

Gageons que cette jurisprudence très discutable aura beaucoup de mal à convaincre le juge pénal national comme les juges de Bruxelles et de Strasbourg.

(1er juillet 2021, Commune d’Epinay-sur-Seine, n° 451362)

 

202 - Honoraires de postulation d'avocats - Libre fixation de principe (loi du 6 août 2015) - Maintien d'une tarification en Alsace-Moselle - Différence justifiant le renvoi d'une QPC.

Donne lieu au renvoi d'une QPC parce qu'elle est nouvelle et présente un caractère sérieux la question de savoir si la différence résultant de ce que les honoraires de postulation des avocats sont libres sauf dans les trois départements alsaço-mosellans ne porte pas atteinte au principe d'égalité.

(5 juillet 2021, M. C., n° 451174)

 

203 - Covid-19 - Mesures d'urgence en matière d'activité partielle (ordonnance du 27 mars 2020, art. 2, modifiée) - Possibilité offerte à certains employeur publics - Exclusion de ceux d'entre eux dont les ressources sont majoritairement constituées de subventions - Différence de traitement en rapport avec l'objet du dispositif d'urgence - Rejet.

Il n'y a pas à lieu de renvoyer la QPC tirée par le requérant de la différence de traitement instaurée, du fait de l'épidémie de Covid-19,  en matière de placement des salariés en activité partielle selon qu'ils sont salariés d'EPIC de l'État ou des collectivités territoriales, de groupements d'intérêt public, des sociétés d'économie mixte à capital public majoritaire et de sociétés publiques locales exerçant à titre principal une activité industrielle et commerciale dont le produit constitue la part majoritaire de leurs ressources ou qu'ils sont salariés d'une entité, tel un établissement public de coopération culturelle à caractère industriel et commercial dont les ressources sont majoritairement constituées de subventions. 

Le Conseil d’État juge, en effet, que cette différence de traitement est en rapport direct avec l'objet du dispositif d'urgence instauré par l'ordonnance, pour un temps limité et sous condition, pour les établissements qui n'ont pas adhéré volontairement au régime d'assurance chômage, de remboursement à celui-ci des sommes mises à sa charge, objet qui vise à prévenir et limiter le risque de cessations d'activité et de ruptures de contrats de travail, moins important pour des établissements qui ne sont pas financés majoritairement par le produit de leur activité industrielle et commerciale que pour les autres.

Le grief d'inconstitutionnalité fondé sur la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ne présente donc pas en l'espèce le caractère sérieux qui aurait justifié le renvoi d'une QPC.

(7 juillet 2020, Établissement public de coopération culturelle Opéra de Rouen Normandie, n° 451752)

 

204 - Entreprise de transport aérien ou maritime - Obligation de réacheminement des étrangers non ressortissants de l’UE auxquels est refusée l’entrée sur le territoire français - Amende sanctionnant le non-respect de cette obligation - QPC portant sur la conformité à la Constitution de l'article L. 213-4 (devenu L. 333-3) et du 1° de l'article L. 625-7 (devenu L. 821-10) du CESEDA - Question jugée de caractère sérieux - Renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel.

En application des dispositions de l’art. L. 333-3 (ex- L. 213-4) du CESEDA, toute entreprise de transport aérien ou maritime a l’obligation de ramener sans délai, à la requête des autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière, au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise, ou, en cas d'impossibilité, dans l'État qui a délivré le document de voyage avec lequel il a voyagé ou en tout autre lieu où il peut être admis, l’étranger dont l’entrée en France a été refusée.

Le non-respect par l’entreprise de transport de l’obligation qui lui incombe de ce fait est puni d’une amende pouvant atteindre 30 000 euros.

La société requérante ayant fait l’objet d’une amende sur le fondement de ces dispositions (art. L. 625-7, 1°, devenu L. 821-10 CESEDA), en fait plaider l’inconstitutionnalité, par la voie d’une QPC, pour atteinte aux droits garantis par l’art. 12 de la Déclaration de 1789 ainsi qu’au principe d'égalité devant les charges publiques. Le Conseil d’État apercevant dans cette exception une question présentant un caractère sérieux, la renvoie au Conseil constitutionnel.

(9 juillet 2021, Société Air France, n° 450480)

 

205 - Cession à titre onéreux de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres et autres - Régime d’imposition des gains nets retirés d’une telle cession -  3 de l'article 150-0 A et 3° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du CGI - Application aux plus-values de cessions de titres à l'intérieur du groupe familial réalisées, respectivement, avant et après le 1er janvier 2014 - Méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques - Atteinte à une situation légalement acquise par le contribuable - Atteinte à l’égalité devant les charges publiques - Refus de renvoyer une QPC.

Les requérants soulevaient une QPC à l’encontre des dispositions du 3 de l’art. 150-0 A et du 3° du B du 1 quater de l'article 150-0 D du CGI, applicables aux plus-values de cessions de titres à l'intérieur du groupe familial réalisées, respectivement, avant et après le 1er janvier 2014.

Ils invoquaient trois motifs au soutien de leur QPC.

Tout d’abord les dispositions contestées méconnaitraient le principe d'égalité devant les charges publiques protégé par l'article 13 de la Déclaration de 1789, dès lors qu'elles ne prévoient aucun abattement d'assiette afin de tenir compte de la durée de détention des titres, ni aucun mécanisme de prise en compte de l'érosion monétaire, en cas de remise en cause de l'avantage fiscal du fait du non-respect par le cessionnaire de la condition de conservation des titres pendant cinq ans et de la taxation de la plus-value selon les règles de droit commun au titre de l'année de leur revente.

Ensuite, les dispositions litigieuses, en prévoyant que, dans le cas où l'avantage fiscal initialement octroyé est remis en cause, l'impôt est établi suivant les règles de liquidation en vigueur à la date de la revente à un tiers, qui ne sont pas nécessairement identiques aux règles en vigueur à la date de la réalisation de la plus-value, porteraient atteinte à une situation légalement acquise par le contribuable. 

Enfin, ces dispositions méconnaitraient l'égalité devant les charges publiques en ce qu'elles subordonnent le maintien du régime de faveur octroyé au cédant à une condition dont le respect dépend du comportement du seul cessionnaire. 

Aucun de ces moyens, dont plusieurs ne sont pas négligeables, ne convainc pourtant le juge qui refuse le renvoi de la QPC.

(15 juillet 2021, M. et Mme B., n° 453371)

 

206 - Impôt sur le revenu - Exonération de cet impôt pour certaines plus-values - Plus-values réalisées lors de la première cession d’un logement autre que la résidence principale - Condition de remploi pour l’acquisition d’une résidence principale - Commentaire administratif entaché d’illégalité - Absence - QPC - Rejet.

(15 juillet 2021, M. B., n° 453490)

V. n° 70

 

207 - Zones rurales - Offre de soins déficitaire - Mission de service public de permanence des soins ambulatoires (art. L. 6314-1 c. santé pub.) - Mission de service public de permanence des soins des établissements de santé (art. L. 6112-1 c. santé pub.) - Exonération fiscale des rémunérations versées aux médecins libéraux au titre de la première mission, non de la seconde - Interprétation stricte de la loi fiscale - Absence d’atteinte à l’égalité devant la loi fiscale et à l’égalité devant les charges publiques - Rejet de la QPC.

 (13 juillet 2021, Mme E., n° 449689 et n° 449690 ; M. A., n° 449693 ; M. C., n° 449696) V. n° 226

 

208 - Élections municipales et communautaires – Pouvoirs conférés au responsable de liste entre les deux tours de scrutin (art. L. 264 et L. 265 c. élect.) - Atteinte au pluralisme des courants d'idées et d'opinions et de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation - QPC - Rejet.

(13 juillet 2021, M. E. et autres, Él. mun. et cnautaires de la commune d’Ivry-sur-Seine, n° 450358)

V. n° 112

 

209 - Égalité des chances - Accès à certaines écoles et à certains organismes de formation des fonctionnaires - Organisation d’un concours externe spécial - Sélection sur critères sociaux - QPC dirigée contre l’ordonnance du 3 mars 2021 en ce sens - Rejet.

(13 juillet 2021, Association pour l'égal accès aux emplois publics et la défense de la méritocratie républicaine, n° 452060)

V. n° 163

 

210 - Garanties accordées aux fonctionnaires chargés d’une activité syndicale - Activité syndicale devant représenter au moins 70% d’un service à temps plein - Mise à disposition ou décharge d’activité - Décompte de la quotité minimale - Différence de traitement - QPC - Différence en rapport avec son objet - Rejet.

La loi du 13 juillet 1983 institue des garanties applicables aux agents publics qui, pour l'exercice d'une activité syndicale, sont mis à disposition d'une organisation syndicale ou bénéficient d'une décharge d'activité de services et qui consacrent à l'activité syndicale une quotité de leur temps de travail au moins égale à 70 % d'un service à temps plein.

Pour la détermination de cette quotité minimale ne sont pas pris en compte les autres moyens de compensation existants tels, notamment, les crédits d'heures et les autorisations spéciales d'absence.

Le syndicat requérant, estimant cette différence de traitement inconstitutionnelle, sollicite du Conseil d’État le renvoi d’une QPC.

Cela lui est refusé au double motif, d’une part, que cette quotité de 70% peut être atteinte soit par l’une des deux modalités prévues par la loi soit par combinaison des deux, et d’autre part, que les garanties prévues par la loi concernent des agents « justifiant d'un engagement syndical inscrit dans la durée », ce qui n’est pas le cas de ceux bénéficiant d’un crédit d’heures ou d’une autorisation spéciale d’absence.

La différence de traitement trouve ainsi sa justification dans l’objet même poursuivi par les garanties légales. Elle ne porte donc pas atteinte au principe constitutionnel d’égalité ni n’institue une discrimination inconstitutionnelle.

La QPC n’est pas renvoyée.

(13 juillet 2021, Syndicat national Solidaires finances publiques, n° 452072)

 

211 - Police de la salubrité et de l’insalubrité - Insalubrité irrémédiable - Condition et effets - Évaluation du coût de reconstruction de l’immeuble en état d’insalubrité irrémédiable - Refus de transmission d’une QPC.

(16 juillet 2021, Mme B., n° 450188)

V. n° 112

 

212 - I de l’art. 1737 CGI - Sanctions du travestissement ou de la dissimulation de l’identité ou de l’adresse de fournisseurs ou de clients - Acceptation consciente d’une identité fictive ou d’un prête-nom - Renvoi d’une QPC.

La question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du I de l’art. 1737 CGI est renvoyée au Conseil constitutionnel. Le Conseil d’État estime qu’elles présentent un caractère nouveau et sérieux du fait que, destinées à sanctionner le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B du CGI et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom, elles méconnaîtraient les principes de nécessité des délits et des peines, de proportionnalité des peines et de non cumul des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration de 1789, qu’elles porteraient atteinte au droit de propriété garanti par son article 2 et méconnaîtraient également le principe de la présomption d'innocence consacré par son article 9.

(19 juillet 2021, Société Décor Habitat 77, n° 453359)

 

213 - Code monétaire et financier - Incompétence négative du législateur en raison de l’imprécision de certains termes ou expressions utilisés par les art. L. 511-31 et L. 512-56 du code monétaire - Demande de renvoi d’une QPC - Rejet.

Le conseil d’administration de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) a adopté une décision de caractère général relative au renforcement de la cohésion du Groupe Crédit mutuel, fondée sur diverses dispositions législatives du code monétaire et financier.

La société requérante conteste au moyen d’une QPC la constitutionnalité des deux premières phrases du deuxième alinéa de l'article L. 511-31 et celle du dernier alinéa de l'article L. 512-56 du code monétaire et financier car elles seraient entachées d'une incompétence négative affectant la liberté d'entreprendre, le droit de propriété et la liberté contractuelle des affiliés du réseau Crédit mutuel. En effet, par l'imprécision des termes « cohésion », « bon fonctionnement » et « toutes mesures nécessaires » employés à ces articles, le législateur aurait laissé aux organes centraux en général et à la CNCM en particulier, une latitude excessive dans l'appréciation des mesures à adopter et des motifs susceptibles de les justifier, dans des conditions portant atteinte aux droits et libertés invoqués. 

Pour refuser de renvoyer cette QPC, le Conseil d’État rappelle que, par diverses dispositions du code précité (en particulier L. 511-20, L. 511-30, L. 511-31 et L. 511-32), le législateur a cherché à garantir la stabilité du système financier et la protection des déposants, sociétaires et investisseurs. A cette fin, il a notamment permis la surveillance prudentielle des établissements de crédit appartenant à des groupes bancaires mutualistes et coopératifs sur une base consolidée, et a confié ainsi aux organes centraux, dont la CNCM, les pouvoirs nécessaires pour garantir à tout instant la liquidité et la solvabilité de leur groupe. C’est donc sans incompétence négative qu’il a doté la CNCM des pouvoirs d'organisation et de gestion sur les caisses qu'elle représente et sur les fédérations régionales auxquelles elles sont tenues d'adhérer.

Ceci est certain et guère discutable mais ne répond pas vraiment à la requérante sur le point de savoir si les trois termes ou expressions critiquées sont, ou non, entachés d’une certaine indétermination.

(20 juillet 2021, Société Crédit mutuel Arkéa, n° 451308)

 

214 - QPC soulevée devant la Cour de cassation - Absence d’examen ou de renvoi de cette question à l’expiration du délai organique de trois mois - Saisine du Conseil d’État afin de transmettre ou de faire transmettre cette question au Conseil constitutionnel - Incompétence manifeste de la juridiction administrative - Rejet.

Le Conseil d’État déclare que la juridiction administrative est incompétente pour transmettre au Conseil constitutionnel une QPC soumise à la Cour de cassation et que celle-ci tarderait à lui transmettre.

Visiblement, il y a des évidences qui ne le sont pas pour tout le monde…

(21 juillet 2021, M. B., n° 454694)

 

215 - Collectivités territoriales - Indemnités de fonction des conseillers municipaux - Majoration ne bénéficiant qu’aux élus des communes de métropole - Principe d’égalité - Question présentant un caractère sérieux - Transmission de la QPC.

Renvoi au Constitutionnel de la QPC tirée de ce que le 5° de l'article L. 2123-22 du CGCT porterait atteinte au  principe d’égalité (cf. art. 1 et 6 de la Déclaration de 1789 et 1 de la Constitution) en tant qu'il institue une majoration d'indemnités qui ne bénéficie qu'aux élus des communes de métropole, seules éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, à l'exclusion des élus des communes d'outre-mer, lesquelles sont éligibles à la dotation d'aménagement des communes d'outre-mer.

(26 juillet 2021, Commune du Port, n° 452813)

 

216 - Demande de retrait de parcelles du territoire d’une association communale de chasse agréée (ACCA) – Opposition, totale ou partielle, du président d’une fédération départementale des chasseurs – Article L. 422-18 c. env. imposant une condition d’ancienneté d’existence – Renvoi de la QPC.

Il est jugé que présente un caractère sérieux la question de l‘atteinte portée par le dernier alinéa de l’art. L. 422-18 du code de l’environnement, notamment au principe constitutionnel d’égalité et au droit constitutionnel de propriété, en tant qu’il prévoit que seules peuvent se retirer d'une ACCA déjà existante, à condition de remplir les conditions posées à l'article L. 422-10, « les associations de propriétaires ayant une existence reconnue lors de la création de l'association ».

(4 août 2021, Association de chasse des propriétaires libres, n° 452327)

 

Santé publique

 

217 - Médicament - Identification comme générique d'une spécialité de référence - Identification par l'autorisation de mise sur le marché (AMM) en qualité de générique - Inscription sur le répertoire des génériques - Compétence liée du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé - Rejet.

Les sociétés requérantes demandaient l'annulation de l'article 1er du décret n° 2019-1192 du 19 novembre 2019 relatif au répertoire des génériques, au registre des groupes hybrides et à la suppression du fonds de lutte contre le tabac.

Leur demande est rejetée.

Tout d'abord, de ce que l'identification d'un médicament comme générique d'une spécialité de référence en vue de son inscription au répertoire des groupes génériques se fait à la suite de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché de ce médicament, il résulte que l'inscription d'un tel médicament sur le répertoire des génériques se borne en réalité à tirer les conséquences de son AMM comme générique. Il suit de là que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ne dispose d'aucune latitude pour apprécier si une spécialité, dès lors qu'elle a fait l'objet d'une AMM en qualité de générique, peut être identifiée comme générique en vue de son inscription au répertoire des génériques. Il ne saurait donc être soutenu que le décret attaqué priverait le directeur général précité d'une marge d'appréciation dont il n'a, en réalité, jamais disposé.

Ensuite, si les requérantes soutiennent que la substitution d'une spécialité générique à une spécialité de référence peut, en dépit de leurs similitudes, présenter des risques pour le patient, ceux-ci peuvent être précisés dans la décision d'identification du médicament générique sans faire obstacle à ce que le générique soit identifié comme tel.

Enfin, il ne saurait être soutenu que le décret attaqué, en créant un lien entre la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché en qualité de générique, qui relève du droit de l'Union européenne, et l'inscription d'une spécialité au répertoire des génériques, qui n'en relève pas, aurait pour effet de faire illégalement relever cette inscription du droit de l'Union européenne ou de priver les autorités nationales d'un pouvoir de police administrative au profit de l'autorité délivrant l'autorisation de mise sur le marché. En effet, le texte litigieux ne dispense nullement l'Agence précitée de ses obligations de pharmaco-vigilance

(7 juillet 2021, Société Janssen Cilag France et la société Johnson et Johnson, n° 437803)

(218) V. aussi, admettant le recours et ajoutant cette précision que les spécialités autorisées en tant que spécialités hybrides au terme de la procédure prévue au 2° de l'article R. 5121-28 du code de la santé publique ne peuvent pas être identifiées comme spécialités génériques de leur spécialité de référence : 7 juillet 2021, Société Laboratoire Glaxosmithkline, n° 440747

(219) V. également, à propos de l'annulation du refus d'inscription d'une spécialité pharmaceutique sur la liste des spécialités remboursables par les caisses de sécurité sociale en raison des défaillances affectant la méthode de comparaison avec des médicaments à même visée thérapeutique : 7 juillet 2021, Sociétés Centre spécialités pharmaceutiques et Proveca Pharma Limited, n° 440246.

 

220 - Études de santé  - Suppression du numerus clausus (loi du 24 juillet 2019) - Fixation du nombre d'étudiants en première année commune aux études de santé (PACES) pouvant poursuivre en deuxième année de ces formations - Arrêté interministériel du 25 janvier 2021 fixant le nombre d'étudiants de PACES autorisés à poursuivre leurs études en médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique à la rentrée universitaire 2021-2022 - Suspension sur référé - Nouvel arrêté du 5 mai 2021 répartissant les places en deuxième année- Erreur manifeste d’appréciation - Effets de l’annulation différés au  30 septembre 2021 - Injonctions diverses.

Cette importante décision est relative aux conditions d’application des dispositions de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé et de celles du décret du 4 novembre 2019 relatif à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique.

Des arrêtés interministériels sont intervenus pour fixer le nombre d’étudiants de première année admis à passer en deuxième année, étant rappelé que l’étude d’impact accompagnant la loi de 2019 faisait état de ce que la mise en oeuvre de l'article 1er de cette loi devrait se traduire, durant l'année de transition (2021-2022), par une augmentation temporaire, de l'ordre de 20%, du nombre de places offertes en deuxième année des études de santé.

Cette proportion n’a pas été respectée par la plupart des universités et la répartition des postes offerts aux différentes cohortes de candidats, selon qu’ils sont issus du parcours accès santé spécifique (PASS), inscrits en licence accès santé (LAS) ou titulaires d'un titre ou d'un diplôme d'État d'auxiliaire médical, n’a pas, non plus, été respectée et cela dans des proportions élevées.

Le recours était fondé sur l’erreur manifeste d’appréciation sur laquelle reposerait l’arrêté ministériel attaqué du 5 mai 2021.

Le Conseil d’État, ce que laissait deviner la décision de son juge des référés suspendant l’exécution dudit arrêté, l’annule pour erreur manifeste d’appréciation mais diffère les effets de cette annulation au 30 septembre 2021 en raison des effets dévastateurs d’une application rétroactive immédiate de sa décision d’annulation.

Toutefois, le juge impartit aux universités concernées - sans vraiment employer le mot injonction qu’est pourtant, sur ce point, sa décision - :

- d'une part, de prendre à bref délai de nouvelles délibérations accroissant, au moins pour atteindre ce taux d'augmentation de 20%, les capacités d'accueil en deuxième année du premier cycle des études de santé - accroissement, au bénéfice des seuls étudiants issus de LAS et de PASS, qu'il leur est loisible de répartir entre les filières de médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique –

- d'autre part, que les places nouvellement créées soient attribuées par elle, par ordre de mérite, aux étudiants de LAS et de PASS figurant sur les listes complémentaires établies conformément aux dispositions de l'article R. 631-1-2 du code de l'éducation et, en tant que de besoin, que les jurys d'admission en deuxième année délibèrent à nouveau afin de compléter les listes principales d'admission et, le cas échéant, les listes complémentaires. 

Implacable de logique et exemplaire est cette décision qui opère une balance judicieuse entre la sécurité juridique et le respect du droit.

(8 juillet 2021, Association PASS LAS 21 et autres, n° 452731)

(221) V. aussi, identiques, concernant le recours dirigé contre la délibération du 30 mars 2021 du conseil d'administration de l'université Claude Bernard Lyon-I : 12 juillet 2021, Association PASS LAS LYON 21, n° 453064 et celui dirigé contre la délibération du 15 mars 2021 du conseil d'administration de l'université de Bordeaux : 12 juillet 2021, Association PASS LAS 21 Bordeaux, n° 453249.

 

222 - Zones rurales - Offre de soins déficitaire - Mission de service public de permanence des soins ambulatoires (art. L. 6314-1 c. santé pub.) - Mission de service public de permanence des soins des établissements de santé (art. L. 6112-1 c. santé pub.) - Exonération fiscale des rémunérations versées aux médecins libéraux au titre de la première mission, non de la seconde - Interprétation stricte de la loi fiscale - Absence d’atteinte à l’égalité devant la loi fiscale et à l’égalité devant les charges publiques - Rejet de la QPC.

 (13 juillet 2021, Mme E., n° 449689 et n° 449690 ; M. A., n° 449693 ; M. C., n° 449696) V. n° 226

 

223 - Responsabilité médicale - Article L. 1142-1 c. santé pub. - Condition d'anormalité du préjudice - Portée - Faible probabilité de survenance du dommage - Condition remplie - Annulation partielle.

Rappel de ce que « La condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique doit toujours être regardée comme remplie lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, mais que la survenance du dommage présentait une probabilité faible. »

(30 juillet 2021, Mme C., n° 438787)

 

Service public

 

224 - Service public universitaire - Études de santé  - Suppression du numerus clausus (loi du 24 juillet 2019) - Fixation du nombre d'étudiants en première année commune aux études de santé (PACES) pouvant poursuivre en deuxième année de ces formations - Arrêté interministériel du 25 janvier 2021 fixant le nombre d'étudiants de PACES autorisés à poursuivre leurs études en médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique à la rentrée universitaire 2021-2022 - Suspension sur référé - Nouvel arrêté du 5 mai 2021 répartissant les places en deuxième année- Erreur manifeste d’appréciation - Effets de l’annulation différés au  30 septembre 2021 - Injonctions diverses.

(8 juillet 2021, Association PASS LAS 21 et autres, n° 452731)

V. n° 220

 

225 - Service public postal - Modalités d’organisation du service postal en temps de pandémie - Note du 20 avril 2020 - Demande d’annulation et d’injonction - Rejet.

La fédération syndicale requérante demandait, à la fois, l’annulation d’une note de La Poste relative aux modalités temporaires d'organisation à la distribution, livraison dans les agences ColiPostes, les plateformes de préparation et de distribution du courrier et les plateformes de distribution du courrier à compter du 11 mai 2020 dans le cadre de l'épidémie de Covid-19 et l’adresse d’une injonction à La Poste tendant à ce que soient rétablies, sous astreinte et dans un certain délai, toutes les organisations du travail qui découlaient des accords collectifs applicables antérieurement à l'intervention de la décision attaquée.

Son recours est, sans surprise, rejeté.

De ce que ces mesures ont pris fin depuis lors, il résulte que la demande d’abrogation de cette note est dépourvue d’objet mais non, en revanche, la demande d’annulation puisqu’elle a reçu application.

Tout d’abord, la note attaquée, d’une part, relève non de la gestion des personnels fonctionnaires de La Poste mais seulement de l’organisation du service et, d’autre part, en ce qu’elle émane d’une société anonyme chargée d'un service public industriel et commercial, dans le cadre du pouvoir d'organisation du service n’est ni soumise au droit commun de l’édiction des décisions administratives (identification et signature de son auteur,  obligation de publication de la note) ni soumise au régime des accords collectifs conclus en application de la loi du 2 juillet 1990 relative à la Poste.

Ensuite, prise pour obvier aux risques et aux effets de la pandémie, la note litigieuse relevait du régime d’exception institué par l'article 13 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. Elle n’avait donc à être précédée ni de la consultation prévue à l'article 28 du décret du 7 septembre 2011 relatif aux comités techniques de La Poste ni de la concertation prévue l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990 relative à La Poste.

(9 juillet 2021, Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la communication, n° 440851)

 

226 - Zones rurales - Offre de soins déficitaire - Mission de service public de permanence des soins ambulatoires (art. L. 6314-1 c. santé pub.) - Mission de service public de permanence des soins des établissements de santé (art. L. 6112-1 c. santé pub.) - Exonération fiscale des rémunérations versées aux médecins libéraux au titre de la première mission, non de la seconde - Interprétation stricte de la loi fiscale - Absence d’atteinte à l’égalité devant la loi fiscale et à l’égalité devant les charges publiques - Rejet de la QPC.

Dans le but de lutter contre le déficit de couverture médicale de certaines zones rurales, le législateur a prévu - au titre de la mission de service public de permanence des soins ambulatoires instituée à cet effet par l’art. L. 6314-1 c. santé pub. - l’exonération de l’impôt sur le revenu à raison des rémunérations perçues par les médecins libéraux et leurs remplaçants (art. 151 ter du CGI) dans les zones rurales identifiées par le schéma régional d'organisation des soins comme présentant une offre de soins de ville déficitaire.

Les requérants contestaient l’exclusion du bénéfice de cette exonération fiscale pour les rémunérations perçues, dans ces mêmes zones, au titre de la mission de service public de permanence des soins des établissements de santé prévue et organisée par l’art. L. 6112-1 c. santé pub. 

Ils se pourvoient en cassation d’arrêts ayant rejeté leur prétention à voir étendu à cette seconde mission de service public le bénéfice de l’exonération fiscale précitée et ils soulèvent une QPC fondée sur ce que cette dualité de régime fiscal pour deux missions de service public de même nature porte atteinte tant au principe d’égalité devant les charges publiques qu’à celui d’égalité devant la loi fiscale.

La demande de renvoi de la QPC est rejetée par le Conseil d’État qui, d’une part, se fonde sur les travaux préparatoires de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux dont sont issues les dispositions contestées, et d’autre part, relève que seuls les médecins participant à la mission de service public de la permanence des soins qui leur incombe en qualité de médecins libéraux peuvent faire l’objet de réquisitions par l’État.

Il en conclut qu’en n’exonérant pas de l’impôt sur le revenu les rémunérations perçues au titre de cette seconde mission de service public, le législateur, dont les dispositions sont d’interprétation stricte, s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif poursuivi. Ainsi, la différence de traitement qui en résulte n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

(13 juillet 2021, Mme E., n° 449689 et n° 449690 ; M. A., n° 449693 ; M. C., n° 449696)

(227) V. aussi, dans le même sens : 22 juillet 2021, M. A., n° 449683.

 

228 - Véhicules de transport passif de personnes handicapées - Soutien partiel de la tête - Interdiction de cumul de la prise en charge de ces véhicules avec celle d’un appareil de soutien partiel de la tête - Cas des poussettes, fauteuils roulants à pousser et châssis roulants destinés à ce transport passif - Silence d’un arrêté interministériel sur l’existence d’une prise en charge - Erreur manifeste d’appréciation - Annulation d’une phrase divisible du reste de l’article attaqué.

La société requérante conteste sur plusieurs point la légalité de l'arrêté interministériel du 10 mars 2020 modifiant  les modalités de prise en charge des véhicules destinés au transport passif des personnes handicapées inscrits au titre IV de la liste des produits et prestations prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Ses moyens sont rejetés sauf sur un point.

Cet arrêté interdit que la prise en charge d'un véhicule de transport passif pour personne handicapée de seize ans et plus soit cumulée avec celle d'un appareil de soutien partiel de la tête.

Cependant, il résulte de l'avis de la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé, rendu le 11 février 2020, que les ministres signataires de l’arrêté litigieux ont décidé de suivre, que certaines situations imposent, y compris pour les personnes handicapées âgées de seize ans et plus, un dispositif de maintien de la tête, ce dernier conditionnant le service attendu du véhicule.

La commission en concluait que la présence d'un dispositif de maintien de la tête devait, dans ce cas, faire partie des caractéristiques propres du véhicule. Cependant, il ressort des pièces du dossier que, si ces véhicules comportent habituellement un tel dispositif, les spécifications techniques des poussettes, fauteuils roulants à pousser et châssis roulants destinés au transport passif des personnes handicapées inscrits au titre IV de la liste des produits et prestations prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ne l'imposent pas.

La société requérante est ainsi fondée à soutenir qu'en s'abstenant de prévoir les modalités de prise en charge d'un dispositif de soutien de la tête pour les véhicules, poussettes et fauteuils à pousser destinés aux personnes handicapées âgées de seize ans et plus, les auteurs de l'arrêté attaqué ont commis une erreur manifeste d'appréciation et à demander, pour ce motif, l'annulation de la seule dernière phrase, divisible, de l'article 1er de l'arrêté qu'ils attaquent.

(22 juillet 2021, Société Innov'SA, n° 440212)

 

229 - Covid-19 - Décret du 19 juillet 2021 - Extension du champ d’application de l’obligation de présenter, en certains lieux, le résultat d’un test ou un document justificatif - Sanction par l’interdiction d’accès - Rejet.

La publication du décret du 19 juillet 2021 étendant à divers lieux, recevant ou rassemblant du public, l’obligation de présenter :

- soit le résultat d'un test ou examen de dépistage réalisé moins de 48 heures avant l'accès à l'établissement, au lieu ou à l'évènement et permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2 ;

- soit un justificatif du statut vaccinal ;

- soit un certificat de rétablissement ;

n’a pas manqué de susciter une certaine ire contentieuse de divers milieux professionnels ou groupes de pensée.

Les référés sont tous rejetés aux motifs, notamment, de l’état des données scientifiques, de la virulente transmissibilité du variant Delta, du caractère proportionné des exigences en cause

(ord. réf. 26 juillet 2021, Société des auteurs et compositeurs dramatiques et autres, n° 454792 et Fédération nationale des cinémas français et autres, n° 454818 ;

ord. réf. 26 juillet 2021, M. B., Fédération nationale des entreprises des activités physiques de loisirs (ACTIVE-FNEAPL) et autres, n° 454754 ;

ord. réf. 26 juillet 2021, Le Cercle Droit et liberté et autres, n° 454832)

(230) V. aussi le rejet, pour défaut d'urgence, d'une requête en référé liberté dirigé contre ce décret : ord. réf. 27 juillet 2021, M. A., n° 454803.

(231) V. également, rejetant le recours à la fois en raison du caractère très général des allégations d’atteinte illégale à des libertés fondamentales et du fait de la modification par la loi du 25 juillet 2021 de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire : ord. réf. 2 août 2021, Association Via La Voie du Peuple, n° 454848.

(232) V. encore, rejetant un recours invoquant le traitement différencié des Français et des autres ressortissants étrangers désirant quitter la Guadeloupe pour se rentre en France métropolitaine alors que celui-ci repose sur le droit fondamental qu'a tout Français de rejoindre le territoire national : ord. réf. 2 août 2021, M. A., n° 455069.

 

233 - Covid-19 – Demande d’instauration de l’obligation du port du masque dans les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux – Pouvoir propre des responsables d’établissements – Absence d’atteinte grave à une liberté fondamentale – Rejet.

Le syndicat requérant demandait, sur le fondement de l’art. L. 521-2 CJA, la prise d’une décision nationale rendant obligatoire le port du masque dans les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux et dans les établissements de santé des armées pour toutes les personnes présentes dans ces établissements, y compris lorsqu'elles sont détentrices du « passe sanitaire », en faisant valoir, notamment, le risque de contamination qu'elles peuvent continuer de faire courir aux tiers, accru par la prévalence du variant Delta, la nécessité d'une vigilance particulière dans ces établissements compte tenu de la fragilité des personnes qui y sont soignées, et le fait que le décret du 1er juin 2021 prévoit que la détention d'un « passe sanitaire » ne dispense pas du port du masque dans les transports publics de longue distance.

Était donc critiquée la décision du pouvoir réglementaire de laisser aux responsables de ces établissements le pouvoir de décider du port ou non du masque. Le juge des référés n’aperçoit pas dans cette mesure la création d’un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit à la vie.

La demande en référé est rejetée.

(ord. réf. 24 août 2021, Syndicat Jeunes Médecins, n° 455442)

 

Sport

 

234 - Fédération française de football (FFF) – Décision du comité exécutif de reléguer en National 2 le club classé dernier du championnat de National 1 et de faire accéder en National 1 le club classé meilleur deuxième à l'issue de la saison précédente – Saison sportive tronquée pour cause d’épidémie – Conditions d’application/adaptation du règlement à une situation non prévue – Large pouvoir des fédérations sportives délégataires – Contrôle réduit du juge de l’excès de pouvoir – Rejet.

Cette décision prend place dans la longue série des recours formés du chef des décisions que les fédérations sportives nationales ont été amenées à prendre quant au classement des différentes équipes concernées par un arrêt brusque de la saison sportive tronquant ainsi les résultats exploitables. Au surplus, le silence des textes statutaires au regard d’une situation inédite ont contraint les organes intéressés à des solutions expédientes et un peu bricolées. Le juge administratif estime, dans sa sagesse, que ceci justifie le très large pouvoir qui doit être reconnu à cette occasion aux responsables fédéraux sous le contrôle par le juge de l’erreur manifeste d’appréciation.

Un nombre différent de matches joués selon les équipes, l’obligation, tantôt de retenir les seuls résultats d’une année sportive, tantôt de deux années, etc. justifient la compétence du comité exécutif de la FFF pour prendre les décisions litigieuses et le pouvoir pour ce dernier de décider de conserver le chiffre de 18 équipes en compétition plutôt que de réduire ce chiffre à 17.

Les recours sont, sans grande surprise, rejetés.

(ord. réf. 2 août 2021, Association Lyon - La Duchère et société anonyme sportive professionnelle de Lyon - La Duchère, n° 454914 ; Association Le Puy Foot 43 Auvergne, n° 454952)

 

235 - Décisions de la Ligue de football professionnel et de la commission de contrôle des clubs professionnels de sa direction nationale du contrôle de gestion - Compétence du Conseil d’État en premier et dernier ressort – Absence – Rejet sans transmission à la juridiction compétente.

Ne relève manifestement pas de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’État le recours dirigé contre plusieurs décisions de la Ligue de football professionnel et de la commission de contrôle des clubs professionnels de sa direction nationale du contrôle de gestion. Il est donc rejeté avec rappel que le juge des référés qui entend décliner la compétence de la juridiction rejette les conclusions dont il est saisi par voie d'ordonnance sans qu'il ait à les transmettre à la juridiction compétente.

(ord. réf. 11 août 2021, M. D., n° 455352)

(236) V. aussi, identique : ord. réf. 11 août 2021, M. D., n° 455414.

 

Travaux publics et expropriation

 

237 - Déclaration d’utilité publique et urgente de travaux de contournement nord de Montpellier - Mises en conformité de PLU et de POS communaux approuvées par le préfet - Irrégularité d’un avis environnemental donné par un organisme sans autonomie réelle par rapport au préfet prescripteur - Régularisation - Conditions et effets - Sursis à statuer pour trois ou neuf mois à fin de régularisation.

La commune de Grabels s’est pourvue en cassation contre l’arrêt d’appel rejetant sa demande d’annulation d’un arrêté préfectoral, d’une part en ce qu’il déclare d’'utilité publique et urgents les acquisitions et les travaux nécessaires à la réalisation du projet de Liaison Intercantonale d'Evitement Nord (LIEN), entre l'A 750 à Bel Air et la route départementale au nord de Saint-Gely-du-Fesc et, d’autre part, en ce qu’il  approuve la mise en compatibilité avec ledit projet des plans d'occupation des sols des communes de Combaillaux, Saint-Clément de Rivière et Saint-Gély-du-Fesc et des plans locaux d'urbanisme des communes de Grabels et de Les Matelles. 

Tout d’abord, le juge de cassation - réitérant une jurisprudence déjà fermement établie et dont on comprend mal qu’elle ait tant de difficulté à imprégner les mœurs administratives (par ex. : 20 septembre 2019, Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Association « Sauvons le paradis » et autres, n° 428274, Rec. Tables ; 5 février 2020, Association « Des évêques aux cordeliers » et autres, n° 425451, Rec. Tables) - relève que de tous les moyens soulevés par la commune un seul est fondé et doit être retenu : celui tiré de ce que l’arrêté litigieux a été pris par le préfet de région en qualité de préfet du département au vu d’un avis rendu par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), service placé sous son autorité hiérarchique et ne disposant donc pas, à son égard, d'une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences de l’art. 6 de la directive européenne du 13 décembre 2011 telles qu’elles résultent de la décision de la CJUE rendue à propos de l’art. 6 de la directive du 27 juin 2001 dont le contenu est identique à celui de l’article précité de la directive de 2011 (20 octobre 2011, Department of the Environment for Northern Ireland contre Seaport (NI) Ltd et autres, aff. C-474/10).

En l’espèce, le préfet de région ne pouvait pas, du fait de sa position hiérarchique envers la DREAL, prendre l’arrêté déclarant d’utilité publique le projet litigieux, en sa qualité de préfet du département où se trouve le lieu d'implantation dudit projet.

Non seulement l’arrêté attaqué est très logiquement déclaré illégal mais le juge de cassation, qui intervient ici pour la seconde fois en cette qualité dans la même affaire, décide que le moyen ainsi retenu, présenté pour la première fois devant le Conseil d’État, est opérant dès lors que ce dernier statue ici en vue du règlement au fond du litige et donc avec les pouvoirs d’un juge d’appel. 

Ensuite, et en l’état de ce que ce moyen est le seul fondant l’annulation de l’arrêté préfectoral, le juge, constatant qu’il est régularisable, non sans audace ni originalité, décide :

1° de surseoir à statuer  jusqu’à ce que la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé ait rendu son avis car il considère qu’il « ne ressort pas des pièces du dossier que cette formation ne constituerait pas une entité administrative de l'État séparée de l'autorité compétente pour prendre l'arrêté attaqué, disposant d'une autonomie réelle la mettant en mesure de donner un avis objectif sur le projet qui lui est soumis dans le cadre de sa mission d'autorité environnementale » ;

2° de distinguer deux durées possibles de ce sursis à statuer ; celle-ci étant de trois mois si l'avis de l'autorité environnementale donné par la mission régionale précitée ne diffère pas substantiellement de celui qui a été porté à la connaissance du public, l'information du public sur le nouvel avis de l'autorité environnementale devant prendre la forme d'une publication sur internet (cf. art. R. 122-23 c. environnement) ; cette durée du sursis serait portée à neuf mois si l'avis précité diffère substantiellement de celui qui a été porté à la connaissance du public, pour permettre l’organisation de consultations complémentaires dans le cadre desquelles seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tous autres éléments de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par ce nouvel avis. 

La décision, qui n’est pas sans précédents (Section, 22 décembre 2017, Commune de Sempy c/ M. Merlot, n° 395963, Rec. Lebon. p. 380 ; 27 septembre 2018, Association "Danger de tempête sur le patrimoine rural » et autres, n° 420119, Rec. Leb. p. 340) y compris en dehors du droit de l’environnement (pour un exemple : 27 mai 2019, Ministre de la cohésion des territoires et Société MSE La Tombelle, n°s 420554, 420575, Rec. Tables), frappe par son caractère de décision non de nature juridictionnelle mais de nature directement et pleinement administrative, rendant obsolète la question de savoir si le juge administratif est bien un juge qui gouverne tant la réponse est évidente et qui justifie au-delà de tout ce qui pourrait être imaginé l’aphorisme fameux du Président Henrion de Pansey (1742-1829) selon lequel « Juger l’administration c’est encore administrer ».

Nul doute que, selon les canons de la Cour EDH, une telle décision sent le soufre…

(9 juillet 2021, Commune de Grabels, n° 437634)

 

238 - Liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express – Procédure d’expropriation – Application de la théorie de l’opération complexe - Rejet.

Le litige opposait la commune requérante à l’État via le décret du 14 février 2019 autorisant la société Gestionnaire d'infrastructure CDG Express à prendre possession immédiate de certaines propriétés privées nécessaires à l'exécution des travaux de réalisation de la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express et via l’arrêté préfectoral portant cessibilité et transfert de gestion au profit de l'État des parcelles situées sur le territoire de cette commune et nécessaires à la réalisation  de la liaison précitée.

Par delà les contestations portant sur divers points, toutes rejetées, la décision est importante par la manière dont elle met en œuvre en l’espèce la théorie contentieuse de l’opération complexe.

Tout d’abord, il est jugé que l'arrêté de cessibilité, l'acte déclaratif d'utilité publique sur le fondement duquel il a été pris et la ou les prorogations dont cet acte a éventuellement fait l'objet constituent les éléments d'une même opération complexe. C’est l’application d’une jurisprudence bien établie.

Ensuite, il résulte de cette qualification - et c’est même là tout son intérêt - qu’à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté de cessibilité, un requérant peut utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'acte déclaratif d'utilité publique ou de l'acte le prorogeant.

Enfin, ce qui est nouveau c’est que cette faculté reconnue au requérant subsiste quand bien même celui-ci aurait vu son recours en excès de pouvoir contre la déclaration d'utilité publique ou l'acte la prorogeant, être rejeté. Ainsi, celle-ci peut être contestée deux fois : par voie d’action dans le délai ordinaire de recours contentieux, par voie d’exception, au moyen de la théorie de l’opération complexe pourvu que celle-ci soit exercée dans les deux mois du dernier acte de cette opération.

Pour une fois, le juge a fait primer le respect du principe, objectif, de juridicité sur celui, subjectif, de sécurité juridique.

(4 août 2021, Commune de Mitry-Mory, n° 429800 et n° 431949

 

Urbanisme

 

239 - Refus de permis de construire - Hauteur maximale de 9 mètres - Léger dépassement - Invocation du caractère d'adaptation mineure rendue nécessaire par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes - Confirmation de la légalité du refus du permis en appel - Examen insuffisant du caractère d'adaptation mineure - Erreur de droit - Annulation.

Un permis est refusé car la hauteur maximale des constructions envisagées est de 9,20 mètres alors que le règlement du plan local d'urbanisme fixe un maximum de 9 mètres. Or il n'existe à cette règle de hauteur aucune dérogation possible « à l'exception des adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes » (art. 123-1-9 c. urb.)

 Pour confirmer le refus du permis et donc rejeter l'appel la cour administrative d'appel a jugé que la simple circonstance que le terrain soit en pente ne justifiait pas une adaptation mineure aux dispositions du PLU.

Le juge de cassation censure l'erreur de droit ainsi commise car la cour ne pouvait pas se borner à cette argumentation alors que la pétitionnaire faisait valoir, pour justifier ce dépassement de la hauteur maximale, que le terrain d'assiette du projet se caractérisait à la fois par sa déclivité et par la proximité immédiate du château de Laval, identifié par le PLU comme un élément remarquable du patrimoine paysager et architectural, et que les adaptations intégrées au projet visaient à tenir compte de la première, tout en harmonisant la construction projetée avec le second, s'agissant notamment des toitures. La cour, saisie d'une telle argumentation, déjà présentée en première instance, devait apprécier l'existence, ou non, en l'espèce, d'adaptations mineures au regard de ces deux paramètres (déclivité et existence d'un élément remarquable).

Faute d'avoir procédé à cette analyse son arrêt encourt la cassation.

(1er juillet 2021, Mme C., n° 439121)

 

240 - Obligation de réalisation de logements sociaux - Objectif triennal non respecté - Invocation de raisons objectives - Contrôle du juge - Absence de raison objective au non-respect du quota de logements sociaux - Annulation.

Les communes, particulièrement celles d'Île-de-France, se voient imposer la réalisation d'un certain nombre de logements sociaux par période triennale. Si à l'expiration d'une période triennale l'objectif fixé n'est pas atteint le préfet peut prononcer la carence de la commune. Il appartient alors à la commission chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux d'apprécier les conditions dans lesquelles peut être échelonné sur la période triennale suivante le rattrapage du retard en logements sociaux ; la commission peut aussi constater l'existence de raisons objectives n'ayant pas permis à la commune d'atteindre l'objectif fixé et proposer un aménagement de l'effort imposé.

Le préfet ayant constaté le non-respect du plan triennal, a fixé à 756 le nombre de logements sociaux non réalisés par la commune de Neuilly-sur-Seine. La commune a saisi, en vain, le tribunal administratif, avec un certain succès la cour administrative d'appel.

Le Conseil d’État est saisi par la ministre compétente et il lui donne raison en son pourvoi. Pour ce faire, et c'est là un apport important de la décision, il exerce un contrôle plein et entier sur le non-respect de l'objectif triennal fixé ainsi que sur l'éventuelle existence des raisons objectives justifiant ce retard.

La commune invoquait précisément comme raisons objectives à la non réalisation de la prévision triennale, d'une part, la rareté du foncier disponible et, d'autre part, le coût anormalement élevé de celui-ci. L'argument est rejeté par le juge de cassation, après annulation de l'arrêt d'appel, au motif qu'en réalité la commune ne s'est pas donnée les moyens d'atteindre l'objectif fixé. En particulier, elle n'a ni modifié ou révisé son plan local d'urbanisme, ni prévu des emplacements réservés à cet effet, ni imposé un certain pourcentage de réalisation de logements sociaux dans les programmes immobiliers qu'elle a autorisés. Au fond, elle n'a pas de véritable programme local de l'habitat.

Son appel est ainsi rejeté.

(2 juillet 2021, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Commune de Neuilly-sur-Seine, n° 433733)

 

241 - Permis de construire - Contestation - Permis assorti d'une réserve technique de rétrocession à une métropole d'un terrain devant servir d'assiette à la création d'un chemin piétonnier - Recours fondé sur le non-respect du règlement du PLU concernant l'implantation des constructions - Rejet du recours en raison de la réserve technique - Absence d'examen de la légalité de la rétrocession contestée par le requérant - Jugement insuffisamment motivé - Annulation.

Un syndicat de copropriétaires conteste le permis de construire délivré par une métropole en vue de la construction d'un immeuble de vingt-quatre logements. Ce permis est assorti d'une réserve technique relative à la rétrocession à la métropole d'une partie de la parcelle, d'une superficie de 164 m², aux fins de la création d'un cheminement piétonnier ouvert à la circulation du public. Le requérant faisait valoir l'illégalité de cette rétrocession et qu'en conséquence n'était pas respectée la règle du PLU relative à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives. Le tribunal a rejeté l'argument au motif que cette règle n'était pas applicable en raison de l'effet obligatoire attaché aux prescriptions d'un permis de construire, ce qui est exact mais, ce jugeant, il n'avait pas examiné la question de la légalité de cette rétrocession. Or le moyen n'était pas inopérant au regard de l'objet du litige.

Le Conseil d’État annule donc cette omission de réponse à moyen.

(5 juillet 2021, Syndicat de la copropriété " Les Terrasses de l'Aqueduc ", n° 437849)

 

242 - Permis de construire une serre de production agricole - Refus pour absence de précision sur le raccordement de la construction projetée au réseau d'eau potable - Annulation en raison de la non-nécessité d'un tel raccordement - Erreur de droit au regard des dispositions du règlement du POS - Annulation de l'arrêt contraire.

Le maire de la commune requérante avait refusé le permis de construire une serre de production agricole car la demande ne comportait pas de précisions sur les modalités de raccordement de la construction projetée au réseau d'eau potable. Saisis par le pétitionnaire, les juges du fond ont annulé ce refus et enjoint le maire de délivrer l'autorisation de construire.

La commune se pourvoit et le Conseil d’État lui donne raison.

Il s'appuie pour cela sur les dispositions du règlement du POS qui exigent un raccordement au réseau public d'eau potable et qui ne fait pas figurer les serres de production agricole au rang des constructions dérogatoires.

En réalité, il aurait fallu contester la légalité de cette disposition du POS car il ne paraît guère raisonnable en ces temps d'écologisme triomphant d'exiger qu'une serre soit alimentée en eau potable.

(7 juillet 2021, Commune de Valergues, n° 433868)

 

243 - Permis de construire - Permis accordé sans respect des prescriptions de l'art. L. 422-6 c. urb. - Illégalité - Rejet.

L'art. L. 422-6 du code de l'urbanisme dispose que : " En cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation d'une carte communale, d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l'autorité compétente et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation ". 

En l'espèce, le plan local d'urbanisme approuvé par le conseil municipal d'Ajaccio le 21 mai 2013 avait été annulé par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Bastia. Ce plan concernait en particulier la parcelle d'assiette d'un projet de construction faisant l'objet d'une demande de permis de construire. L'annulation du PLU a remis en vigueur le POS antérieur et la commune a engagé la procédure de révision de ce POS. Toutefois, cette dernière n'étant pas achevée le 26 mars 2017 le POS remis en vigueur est, de ce fait, devenu caduc. Le maire ne pouvait plus délivrer un permis de construire qu'en suivant la procédure prévue à l'art. L. 442-6 précité qui comporte le recueil de l'avis conforme du préfet.

Faute d'avoir opéré ainsi, le maire a entaché le permis litigieux d'illégalité et c'est donc sans erreur de droit que le tribunal administratif l'a annulé.

(7 juillet 2021, M. A. et Mme C., n° 435493)

 

244 - Référé de l’art. L. 554-1 CJA - Permis de construire - Zone littorale - Dispositions spéciales du droit de l’urbanisme - Prise en compte des dispositions suffisamment précises du schéma de cohérence territoriale - Demande de sursis à l’exécution d’un arrêt d’appel - Rejet.

Sur le fondement des dispositions de l’art. L. 554-1 CJA, un préfet obtient la suspension de l’exécution d’un permis de construire, ce jugement ayant été confirmé en appel, la commune de délivrance de ce permis se pourvoit en cassation contre cet arrêt et en demande également le sursis d’exécution. Cette demande est rejetée car le juge relève que, en zone littorale, du fait des règles particulières d’urbanisme qui y sont applicables (cf. art. L. 121-8 c. urb.), notamment celle imposant que l’extension de l’urbanisation ne puisse se réaliser qu’en continuité avec les agglomérations et villages existants, il incombe à l’autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande de permis de construire de tenir compte, à la fois, de la conformité du projet à celles des  dispositions du code de l’urbanisme qui lui sont applicables ainsi qu’à celles des dispositions suffisamment précises du schéma de cohérence territoriale (SCoT) qui déterminent les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et qui définissent leur localisation, à la concomitante condition que ces dispositions soient compatibles avec les dispositions législatives précitées spécifiques au littoral.

Ainsi, l’ordonnance attaquée, dont le sursis à l’exécution était demandé, n’a pas commis d’erreur de droit en relevant que le projet de construction litigieux était, à la fois, contraire aux dispositions de l’art. L. 121-8 précité et, en tenant compte de ce qu’il résultait des dispositions du SCoT – jugées implicitement mais nécessairement précisés par la cour et conformes avec ledit art. L. 121-8 – que celui-ci ne retenait pas le lieu-dit où se situait le terrain d'assiette de ce projet parmi les agglomérations, villages et autres secteurs urbanisés. 

La demande de sursis à l’exécution de cette ordonnance est donc rejetée.

(9 juillet 2021, Commune de Landéda, n° 445118)

 

245 - Avis de droit (art. L. 113-1 cja) - Champ d’application du sursis à statuer de l’art. L. 153-11 c. urb. - Cas des installations classées pour l’environnement - Régime de l’autorisation unique.

Le Conseil d’État était interrogé pour l’essentiel sur  la question de savoir si le régime du sursis à statuer tel que fixé par les dispositions de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme à propos de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme était applicable aux demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations autres que celles régies par le livre IV du code de l'urbanisme, notamment s’agissant d’une demande d'autorisation portant sur un projet soumis à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.

La réponse donnée dans cet important avis de droit tient en trois propositions qui clarifient une situation très complexe née de l’imbrication de textes édictés par un législateur frappé d’impuissance intellectuelle à dominer la matière qu’il entend régir.

Il faut savoir gré au juge de dégager une thérapeutique permettant de soigner la schizophrénie du législateur.

1°/ En principe, le sursis à statuer ne peut être opposé, en cas d'élaboration d'un plan local d'urbanisme, qu'aux demandes d'autorisations relevant du livre IV du code de l'urbanisme, auxquelles renvoie expressément l'article L. 153-11 du même code. Il n'est donc pas possible d'opposer un sursis à statuer sur le fondement de ce texte  à une demande d'autorisation environnementale, laquelle n'est pas régie par le livre IV du code de l'urbanisme.Cependant, lorsque l’exercice de l'activité qui est l’objet de cette autorisation suppose également la délivrance d'un permis de construire, l'autorité compétente pourra, sur le fondement dudit article, opposer un sursis à statuer sur la demande de permis de construire si le projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme.

2°/ Si les autorisations environnementales uniques délivrées sur le fondement de l'ordonnance du 20 mars 2014 valaient permis de construire, ces autorisations étaient néanmoins soumises à une liste limitative de dispositions du code de l'urbanisme énumérées à l'article 4 de l'ordonnance, parmi lesquelles ne figuraient pas les dispositions permettant d'opposer un sursis à statuer. Dès lors, même si ces autorisations étaient tenues, en application de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, de respecter les règles du plan local d'urbanisme, il n'était pas possible, au stade de la demande d'autorisation environnementale unique, d'opposer un sursis à statuer en raison de l'élaboration d'un plan local d'urbanisme.

3°/ Dans le cas des projets d’implantation d’éoliennes terrestres, objet du litige dont était saisie la cour interrogatrice, deux situations doivent être distinguées.

a/ Ceux de ces projets autorisés sur le fondement de l'ordonnance du 20 mars 2014 obéissent aux règles régissant les autorisations environnementales uniques énoncées au 2°/.

b/ Ceux autorisés depuis l'ordonnance du 26 janvier 2017 sont soumis à autorisation environnementale mais dispensés de permis de construire en vertu de l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme tout en devant respecter les règles d'urbanisme qui leur sont applicables. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation environnementale, faute de disposition particulière en ce sens et dès lors que ces projets ne donnent pas lieu à une autorisation régie par le livre IV du code de l'urbanisme, ne peut opposer un sursis à statuer en raison de l'élaboration d'un document d'urbanisme.

D’où un risque d’incohérence que le juge tente de réduire en posant que l’établissement public de coopération intercommunale ou la commune qui a arrêté un projet de plan local d'urbanisme, pourra assurer la cohérence entre le projet d'éoliennes et le document d'urbanisme en cours d'élaboration grâce à l'obligation, posée à l'article L. 515-47 du code de l'environnement, de recueillir l'avis favorable de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou du conseil municipal de la commune concernée, avant toute implantation d'éoliennes qui apparaîtrait incompatible avec le voisinage des zones habitées.

Une fois de plus l’incapacité du législateur à édifier des structurations juridiques harmonieuses, cohérentes et stables contraint le juge à refaire son travail.

(9 juillet 2021, Société les Pâtis Longs, n° 450859)

 

246 - Plan d’urbanisme - Annulation partielle par le juge - Remise en vigueur des dispositions du PLU ou du POS antérieur non contraires à  l’autorité de chose jugée - Obligation d’élaborer de nouvelles dispositions en exécution et dans le respect de la chose jugée - Obligation de mettre en œuvre, selon les cas, la procédure de révision, de modification ou de modification simplifiée du PLU - Possibilité de se fonder sur certains actes de procédure accomplis pour l’adoption des dispositions censurées par le juge – Annulation.

Le plan d’urbanisme de la commune requérante en cassation ayant été partiellement annulé, se posait la question des conditions d’exécution de la chose jugée. Les premiers juges, confirmés en appel, avaient estimé irrégulier le classement de deux parcelles sur lesquelles une société exerçait une activité de stationnement collectif de bateaux car situées dans une zone ne permettant plus l’exercice de cette activité.

En premier lieu, le Conseil d’État juge, conformément aux dispositions de l’art. L. 153-7 du code de l’urbanisme, d’une part, que l’annulation partielle, au contentieux, d’un plan d’urbanisme, oblige la collectivité territoriale à élaborer, en exécution et dans les limites de la chose jugée, de nouvelles dispositions se substituant à celles qui ont été annulées et, d’autre part, que cette obligation subsiste alors même que l'annulation aurait eu pour effet de remettre en vigueur, en application des dispositions de l'art. L. 600-12 c. urb. ou de l’art.  L. 174-6 dudit code, des dispositions d'un plan local d'urbanisme ou, pour une durée maximale de vingt-quatre mois, des dispositions d'un plan d'occupation des sols qui ne méconnaîtraient pas l'autorité de la chose jugée par ce même jugement d'annulation.

En second lieu, et contrairement à ce qu’avait jugé la cour administrative d’appel, le Conseil d’État adopte une solution très innovante en permettant à la collectivité, ainsi tenue - pour assurer la pleine exécution de la chose jugée - de mettre en œuvre, selon les cas, une procédure de révision, de modification ou de modification simplifiée du PLU, de se fonder sur certains actes accomplis pour l’adoption des dispositions censurées par le juge.

 (16 juillet 2021, Commune de La Londe-les-Maures, n° 437562)

 

247 - Plan local d’urbanisme (PLU) – Procédure de modification simplifiée du plan – Conditions et limites – Autorisation d’un site multisports mécaniques – Autorisation incompatible avec la vocation d’une zone ou d’un secteur du PLU – Qualification inexacte des faits Annulation.

Dans une zone Ny de son PLU sur laquelle sont interdits les sports mécaniques, une commune décide de recourir à la procédure de modification simplifiée du plan afin d’y autoriser la création d’un site multisports mécaniques, notamment une piste de moto-cross et une piste de BMX.

Le requérant a obtenu en première instance l’annulation de la délibération litigieuse tandis que la cour administrative d’appel a annulé ce jugement motif pris de ce que la modification, par la délibération litigieuse, du règlement de la zone Ny pour autoriser les aménagements et installations liés à l'exercice des sports mécaniques, pouvait être regardée comme la rectification d'une erreur matérielle à laquelle il était loisible, pour la commune, de procéder en recourant à la procédure simplifiée.

Le juge de cassation, se fondant notamment sur les dispositions des art. L. 123-1 et suivants du code de l’urbanisme, casse l’arrêt, estimant que la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

En effet, il considère que si la procédure de modification simplifiée est justifiée quand elle vise à rectifier une erreur matérielle, afin de corriger une malfaçon rédactionnelle ou cartographique portant sur l'intitulé, la délimitation ou la règlementation d'une parcelle, d'un secteur ou d'une zone ou le choix d'un zonage, dès lors que cette malfaçon conduit à une contradiction évidente avec les intentions des auteurs du PLU, telles qu'elles ressortent des différents documents constitutifs de ce plan, et notamment du rapport de présentation, des orientations d'aménagement ou du projet d'aménagement et de développement durable, en revanche son utilisation est irrégulière car elle a « pour objet d’autoriser une nouvelle activité incompatible avec la vocation d'une zone ou d'un secteur définis par le plan local d'urbanisme ».

C’était précisément le cas en l’espèce, d’où la cassation.

(21 juillet 2021, M. A., n° 434130)

 

248 - Permis de construire modificatif - Refus du maire - Saisine du préfet sur le fondement de l’art. L. 2131-6 du CGCT - Interprétation de cette saisine comme un recours hiérarchique - Rejet - Erreur de droit - Annulation.

La société requérante, dont une demande de permis modificatif a été refusée par un maire, a saisi le préfet d'un « recours hiérarchique pour annulation » de l'arrêté du maire, auquel le préfet a répondu par deux courriers successifs en lui indiquant, d’abord, les voies et délais d'un recours gracieux ou contentieux contre cet arrêté puis, que le délai d'un déféré préfectoral au tribunal administratif exercé en application de l'article L. 2131-6 du CGCT dans le cadre du contrôle de légalité était expiré depuis un mois environ.

Son recours, dirigé contre l’arrêté municipal rejetant la demande de permis modificatif ayant été rejeté en première instance et en appel, la SCI se pourvoit et le juge de cassation annule l’arrêt d’appel.

Le Conseil d’État rappelle qu’il résulte de la combinaison des art. L. 2131-2 et 3, L. 2131-6 et L 2131-8 du CGCT qu’une personne qui s'estime lésée par un acte d'une autorité communale relevant du contrôle de légalité du représentant de l'État dans le département peut saisir ce dernier en vue qu'il le défère au tribunal administratif. Cette saisine n'ayant pas pour effet de priver cette personne de la faculté d'exercer un recours direct contre cet acte, le refus du préfet de déférer celui-ci au tribunal administratif ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. En revanche, si elle a été formée dans le délai du recours contentieux ouvert contre cet acte, la demande ainsi présentée au préfet a pour effet de proroger ce délai jusqu'à l'intervention de la décision explicite ou implicite par laquelle le préfet se prononce sur ladite demande. 

En jugeant l’action dont la société l’a saisie, entachée de forclusion, la juridiction administrative a privé d’effet utile la saisine du préfet et s'est méprise sur la portée qu'il convenait de reconnaître au courrier du 29 juillet 2016 que lui a adressé la SCI requérante. En effet, il résulte de ses termes mêmes que cette dernière se présentait bien comme une demande de réformation du refus du maire de délivrer un permis modificatif à raison de l’illégalité de ce refus portant sur un acte soumis à l’obligation de transmission au préfet par application des dispositions du 6° de l’art L. 2131-2 du CGCT.

(22 juillet 2021, Société civile de construction vente Grenadines, n° 436105)

 

249 - Plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles (PSMV) - Disposition de ce plan (art. 3) - Interdiction de la modification des immeubles ou parties d'immeubles identifiés comme étant à conserver - Rejet de la demande d’autorisation de créer un ascenseur extérieur - Violation de l’art. L. 313-1 du code de l’urbanisme - Erreur de droit - Annulation partielle de l’arrêt d’appel.

Le syndicat demandeur poursuivait l’annulation de l’arrêté municipal refusant de lui délivrer le permis de construire un ascenseur à structure métallique dans la cour de cet immeuble. Débouté en première instance et en appel, le syndicat se pourvoit.

L’arrêt est partiellement annulé en cassation.

L’art. 3 du règlement du PSVM de Versailles interdit la modification des immeubles ou parties d'immeubles identifiés comme étant à conserver et n’autorise, en conséquence, que la seule réalisation, sur ces immeubles, de travaux en vue de la restitution dans leur état primitif ou dans un état antérieur connu compatible avec leur état primitif. C’est sur cette disposition que se sont appuyés le maire pour refuser de délivrer un permis de construire cet ascenseur dans la cour de l’immeuble des requérants et les juges du fond pour rejeter le recours de ces derniers contre ce refus.

Le Conseil d’État relève qu’il résulte du III de l’art. L. 313-1 du code de l’urbanisme dans la version qui lui a été donnée par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains « que si les plans de sauvegarde et de mise en valeur peuvent identifier les immeubles ou parties intérieures ou extérieures d'immeubles dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales, ils ne peuvent désormais en interdire toute modification de façon générale et absolue. »

En jugeant que les dispositions litigieuses de l’art. 3 du règlement du PSVM ne méconnaissaient l’art. L. 313-1 c. urb., la cour a commis une erreur de droit.

(22 juillet 2021, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 9, place Hoche à Versailles, n° 438247)

V. aussi à propos d’un autre aspect de cette décision le n° 44

 

250 - Déclaration de travaux - Ouverture d’un portail permettant l’accès à une propriété - Opposition - Existence de deux voies d’accès - Dispositions d’un plan local d’urbanisme (PLU) réglementant les conditions d’accès à une propriété en cas de pluralité de voies d’accès - Légalité - Erreur de droit - Annulation de l’arrêt contraire.

Contrairement à ce qui a été jugé en appel, c’est sans illégalité qu’un maire fait opposition à une déclaration de travaux relative à la création d’un portail pour permettre l’accès à une propriété privée à partir d’une voie départementale alors qu’elle possède déjà un accès sur une voie communale dès lors que le règlement du PLU dispose en son art. UB 3.1 « lorsque le terrain est desservi par plusieurs voies, l'accès automobile sera situé sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque moindre pour la circulation des différents usagers de la voirie (…) le nombre d'accès automobile aux voies sera limité au minimum indispensable ».

L’arrêt d’appel est cassé pour erreur de droit.

(22 juillet 2021, Commune de Croissy-sur-Seine, n° 442334)

 

251 - Permis de construire – Irrégularité - Obligation s'imposant au juge saisi sur le fondement des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 c. urb. - Modification remettant en cause la conception générale de l'immeuble insuffisante à justifier l'annulation du permis de construire - Nécessité d'établir un changement dans la nature même de l'immeuble - Erreur de droit - Annulation.

Commet une erreur de droit le jugement qui, fondé sur les dispositions des art. L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, estime impossible la délivrance d'un permis modificatif car il serait nécessaire d'apporter au projet des modifications qui remettraient en cause sa conception générale alors qu'il ne devait rechercher que si la mesure de régularisation impliquerait d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Par cette interprétation très large de la possibilité de régularisation, qui n'est pas nouvelle, le Conseil d’État manifeste le souci, maintes fois exprimé par lui, d'un droit de l'urbanisme davantage correcteur que sanctionnateur, attaché autant que faire se peut à sauvegarder plutôt qu'à anéantir.

(29 juillet 2021, Société Erilia, n° 439704)

 

252 - Plan local d'urbanisme - Prescriptions du PLU emportant interdiction de construire sur la plupart des parcelles classées en zone U - Annulation pour illégalité - Obligation d'apprécier la cohérence entre cette interdiction et le parti d'urbanisme adopté par la collectivité - Absence - Annulation.

Doit être annulé l'arrêt qui, pour dire illégales les dispositions d'un PLU relatives aux zones U, se borne à relever qu'elles ont pour effet d'interdire la plupart des constructions nouvelles sur les terrains non construits et qu'un plan local d'urbanisme ne peut légalement fixer de règle générale ayant pour effet d'interdire la plupart des constructions nouvelles sur des terrains classés en zone U sans que cette inconstructibilité ne soit justifiée par un motif prévu par la loi. En effet, il résulte de la loi que le PLU doit traduire le parti d'urbanisme adopté par la collectivité et que le juge doit seulement contrôler la cohérence entre ce dernier et les dispositions du PLU les mettant en oeuvre. En l'espèce, le choix retenu résultait de la volonté des élus de « recentrer l'urbanisation ».

Faute d'avoir exercé ce contrôle de cohérence, la cour a commis une erreur de droit, d'où la cassation avec renvoi qui est prononcée.

(30 juillet 2021, Commune des Avenières Veyrins-Thuellin, n° 437709)

 

253 - Déclaration préalable de travaux - Création d'une déchetterie - Proximité d'un camping - Urgence à exécuter les travaux - Travaux n'apparaissant pas difficilement réversibles - Nuisances de caractère éventuel - Rejet.

Le juge de première instance avait rejeté la demande de référé suspension dirigée contre la non opposition d'un maire à une déclaration préalable de travaux en vue de la création d'une déchetterie par une communauté d'agglomération à proximité d’un terrain de camping, par le triple motif qu'existait un intérêt public commandant une réalisation rapide des travaux, que ceux-ci étaient assez circonscrits et non difficilement réversibles et qu'enfin les nuisances alléguées ne sont qu'éventuelles.

L'ordonnance est confirmée en cassation, entraînant, par suite, le rejet du pourvoi.

(ord. réf., 30 juillet 2021, M.  A. et société Camping le Moulin, n° 448356)

 

254 - Permis de construire – Absence de raccordement au réseau d’eau ou de desserte autonome en eau autorisée – Présomption d’urgence (art. L. 600-3 c. urb.) retenue – Annulation du jugement et suspension du permis de construire ordonnée.

C’est par suite d’une dénaturation que le premier juge a estimé qu’une construction sans raccordement au réseau d’eau ou sans desserte autonome autorisée ne contrevenait pas aux dispositions de l’art. A4 du règlement du plan d’urbanisme communal. Comme par ailleurs aucun motif ne permet en l’espèce d’écarter la présomption d’urgence instituée à l’art. L. 600-3 du code de l’urbanisme, la suspension du permis de construire est, sans surprise, ordonnée.

(ord. réf. 3 août 2021, M. E., n° 448466)

 

255 - Refus de délivrer un permis de construire – Permis portant sur la reconstruction à l’identique du toit d’une bergerie – Refus fondé sur une incohérence dans le dossier du pétitionnaire – Invocation du second alinéa de l’art. L. 111-3 c. urb. – Refus – Erreur de droit – Annulation.

Un permis de construire portant notamment sur la reconstruction à l’identique du toit d’une bergerie est refusé motif pris d’une incohérence dans le dossier de demande de permis. La cour administrative d’appel juge que le pétitionnaire ne pouvait utilement se prévaloir devant elle des dispositions du second alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dès lors que ni sa demande de permis de construire ni l'arrêté refusant d'y faire droit ne visait ces dispositions.

Le Conseil d’État rappelle que le dispositif imaginé par ce texte a pour objet de permettre la restauration de bâtiments anciens caractéristiques des traditions architecturales et cultures locales laissés à l'abandon mais dont demeure l'essentiel des murs porteurs dès lors que le projet respecte les principales caractéristiques du bâtiment en cause et à condition que les documents d'urbanisme applicables ne fassent pas obstacle aux travaux envisagés.

Interprétant généreusement ce texte qui, en réalité, ne dit que ce vient d’être indiqué, le Conseil d’État juge que « le pétitionnaire peut, à l'appui de sa contestation devant le juge de l'excès de pouvoir du refus opposé à sa demande de permis de construire, faire valoir que son projet répond aux conditions fixées par le second alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, y compris s'il n'en a pas invoqué le bénéfice dans sa demande présentée à l'autorité administrative ».

Par suite, la cour a commis une erreur de droit, son arrêt est cassé et cette cassation étant la seconde dans cette affaire, le Conseil d’État statue au fond, définitivement, comme juge d’appel.

Constatant que l’intéressé satisfait aux conditions du second alinéa de l’art. L. 111-3 c. urb., il fait injonction de lui délivrer sous trois mois le permis sollicité.

(4 août 2021, M. B., n° 433761)

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