Sélection de jurisprudence du Conseil d’État

Juin 2021

  

Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse

 

1 - Réponses des ministres à des questions écrites des parlementaires – Publication non exhaustive de ces réponses – QPC – Réponses non susceptibles de recours contentieux – Réponses non publiées sur un site internet dédié – Irrecevabilité.

Les requérants contestaient tout d’abord la constitutionnalité de l’absence de publication intégrale des réponses ministérielles à des questions de parlementaires, seules une partie d’entre elles l’étant, en invoquant la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence.

Le premier de ces moyens n’est pas invocable au soutien d’une QPC et le second voit sa recevabilité subordonnée à ce que cette incompétence négative affecte un droit ou une liberté que la Constitution garantit, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Ensuite, ils invoquaient les dispositions du CRPA qui rendent opposables les réponses publiées sur un site dédié. Le Conseil d’État rappelle d’abord que les réponses faites par les ministres aux questions écrites des parlementaires ne constituent pas, en règle générale, des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux ; il précise en outre que les réponses litigieuses ne figurant pas sur ce site dédié, les requêtes ne sont pas davantage recevables.

(2 juin 2021, A. et autres, n° 450329 ; M. J., n° 450631 ; M. F., n° 451114 ; M. G., n° 451157)

 

2 - Procédure administrative non contentieuse – Comité technique ministériel de l’éducation nationale – Absence de vote unanimement défavorable – Non nécessité d’une seconde délibération – Rejet.

La présente affaire portait, pour l’essentiel, sur l’illégalité – pour atteinte au principe d’égalité - qui aurait résulté de ce que le décret du 20 décembre 2019 a intégré l'apprentissage dans les missions des agents contractuels du niveau de la catégorie A des groupements d'établissements exerçant en formation continue des adultes. 

Rejetant le recours au fond, le Conseil d’État est amené à apporter une importante précision de procédure non contentieuse.

En l’espèce, le comité technique ministériel de l'éducation nationale avait été consulté sur le projet de décret attaqué. Lors du vote, cinq membres du comité se sont abstenus de voter sur ce projet. Les requérants soutenaient qu’il aurait dû être fait application de la règle exigeant une deuxième délibération. Le moyen est rejeté car il fallait pour cela que le vote fût unanimement défavorable : tel n’est pas le cas en l’espèce du fait de l’existence d’abstentions.

(16 juin 2021, M. C., n° 439076)

 

3 - Principe d’impartialité de l’administration active – Champ d’application – Cas du pôle national des certificats d’économies d’énergie – Séparation des fonctions d’instruction des fonctions de sanction – Rejet.

Dans un litige portant sur les sanctions applicables en cas de manquements, par un fournisseur d’énergies, à ses obligations d’économies d’énergie et sur leur régime juridique, le juge se prononce sur l’application du principe d’impartialité en ce cas.

Le juge rappelle tout d’abord que le principe d'impartialité est un principe général du droit s'imposant à tous les organismes administratifs.

Ensuite, il indique que ce principe n'implique pas qu'il soit procédé à une séparation des fonctions d'instruction et de sanction au sein du pôle national des certificats d'économies d'énergie, qui est un service à compétence nationale placé sous l'autorité du ministre chargé de l'énergie, au nom duquel sont prononcées les décisions sanctionnant les infractions relatives aux CEE, sans d'ailleurs faire intervenir aucun organe à caractère collégial.

Par suite le grief développé sur ce point est rejeté.

(17 juin 2021, Société Butagaz, n° 434363)

 

4 - Arrêté portant restructuration de services – Arrêté renvoyant à une annexe qui n’existe pas – Absence de définition du périmètre de la restructuration – Illégalité – Annulation.

Doit être annulé l’arrêté interministériel du 28 juillet 2020 qui, pris pour l’application de l’art. 1er du décret du 23 décembre 2019, renvoie pour la définition du périmètre d’une restructuration de services, à une annexe qui n’existe pas rendant ainsi impossible la mise en œuvre de cette restructuration.

(23 juin 2021, Syndicat CGT du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) et syndicat Fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services Force ouvrière (Feets-FO), n° 444964 et n° 447896)

 

5 - Recommandations du directeur général de la santé – Politique de vaccination contre le Covid-19 – Message du directeur adressé aux personnels de santé – Compétence – Rejet.

Le directeur général de la santé, d’une part, tient des dispositions de l’art. L. 3111-1 du code de la santé publique la compétence pour émettre les recommandations nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de vaccination contre le Covid-19 et, d’autre part, peut, pour prendre cette décision, se fonder sur un avis du collège de la Haute Autorité de santé qu’il a lui-même sollicité.

(ord. réf. 23 juin 2021, M. C., n° 453498)

 

6 - Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Refus de mettre en demeure ou de sanctionner – Obligation de motivation – Absence.

Rappel de ce que la décision du CSA refusant d’adresser une mise en demeure ou d’infliger une sanction, n’entre pas au nombre des décisions soumises à l’obligation de motivation soit en vertu de l’art. L. 211-2 du CRPA soit en vertu de la loi du 30 septembre 1986 ou de toute autre loi.

(28 juin 2021, Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC, n° 441572)

 

Audiovisuel, informatique et technologies numériques

 

7 - Données personnelles – Mise en ligne de nominations dans la fonction publique – Mention faisant apparaître la qualité d’handicapé de l’intéressé – Mention ne constituant pas une donnée relative à la santé de cette personne – Obligation de retirer cette information après expiration du délai de recours contre la décision de nomination – Annulation.

Une personne nommée fonctionnaire a demandé que soit retiré du site où figure l’acte de sa nomination, le visa du décret appliqué en l’espèce en ce qu’il permet de révéler sa condition d’handicapé, cela en violation de l’interdiction de divulguer des données personnelles. L’administration ayant refusé de supprimer certaines des mentions dont le retrait lui avait été demandé, le tribunal administratif a été saisi mais a rejeté la demande tandis que la cour administrative d’appel, pour confirmer ce rejet, a estimé n’être pas en présence de données personnelles.

Sur pourvoi, le Conseil d’État annule cet arrêt motif pris de ce que « la seule publication sur un site internet de données à caractère personnel suffit à (…)  rendre applicables (les règles relatives à un traitement de données à caractère personnel par voie informatique) ».

Ensuite, eu égard aux exigences de publicité des nominations dans la fonction publique et à la préservation du droit au recours des tiers, la publication sur un site internet de telles données est-elle ipso facto irrégulière ? Le Conseil d’État répond négativement au prix d’une pirouette en relevant que la seule mention que l’intéressé avait été nommé au terme d’une procédure à laquelle s’appliquait un décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique n’avait pas pour effet de révéler publiquement une donnée relative à la santé de cette personne. On se demande qu’est-ce qu’il y a de plus à savoir alors que l’on sait déjà qu’il y a handicap et qu’ainsi tout est dit.

Enfin, opérant son habituel balancement entre intérêt public et intérêt privé, le juge estime toutefois que cette indication ne doit être maintenue que le temps nécessaire à la formation d’éventuels recours contentieux de tiers. Passé ce délai, la publication de cet élément doit cesser ; ce délai étant expiré à la date de la présente décision son maintien est illégal et il est ordonné à l’administration de mettre un terme sous trois mois à cette publication.

Et voilà comment une mention de données personnelles figurant sur le site d’un ministère, illégale depuis la mi-septembre 2015, aura été maintenue au moins jusqu’à la mi-juin 2021 sinon jusqu’à la mi-septembre 2021. Qui a parlé d’annulation platonique ? Ou alors faudra-t-il recourir à l’allocation d’une somme d’argent en réparation de la faute ?

(10 juin 2021, M. A.-C., n° 431875)

 

8 - Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Rejet fautif d’une candidature en vue de l'exploitation du service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne – Conditions de l’indemnisation – Caractère direct et certain du préjudice – Calcul sur la seule durée initiale de la convention – Indemnisation de la perte de recettes commerciales - Évaluation du montant de ces recettes – Annulation sur ce dernier point.

La requérante demandait réparation du préjudice causé par son éviction irrégulière d’un appel à candidatures organisé par le CSA en vue de l’attribution d'une autorisation d'usage d'une fréquence hertzienne pour la diffusion d'un service radiophonique par voie hertzienne terrestre en mode analogique.

Dans sa réponse le Conseil d’État utilise un schéma très semblable à celui adopté en cas d’éviction irrégulière d’une procédure de commande publique.

Il incombe au juge, d’abord, de déterminer si cette éviction a causé à la demanderesse un dommage en lien direct avec le caractère fautif de l’éviction.

En cas de réponse positive, le juge doit vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter l'appel à candidatures.

En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité.

Dans le cas contraire, il a droit en principe et au minimum au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. En outre, il convient de rechercher si ce candidat avait des chances sérieuses d'obtenir l'autorisation attribuée à un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant alors, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de son offre.

Cependant, en pareille hypothèse,  l'indemnisation du manque à gagner ne revêt un caractère certain qu'en tant qu'il porte sur la période d'utilisation initiale de l'autorisation d'usage de la fréquence hertzienne et non sur les périodes ultérieures, les reconductions ne revêtant qu’un caractère éventuel sans que puisse faire échec à ce principe l’invocation par  le candidat irrégulièrement évincé de ce qu'il aurait, au terme de la période d'autorisation sur laquelle porte l'éviction irrégulière, rempli les conditions pour bénéficier, en application de l'article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 cité ci-dessus, d'une reconduction hors appel à candidatures.

Enfin, l'indemnité due au titre du manque à gagner à une entreprise irrégulièrement évincée d'un appel à candidatures qu'elle avait des chances sérieuses d'emporter ne constitue pas la contrepartie de la perte d'un élément d'actif mais est destinée à compenser une perte de recettes commerciales et doit, en conséquence, être regardée comme un profit de l'exercice au cours duquel elle a été allouée et soumise, à ce titre, à l'impôt sur les sociétés. Ce dernier doit donc être inclus dans le calcul du manque à gagner du candidat évincé : son résultat d'exploitation doit donc, contrairement à ce qu’a jugé la cour administrative d’appel, être évalué avant déduction de l'impôt sur les sociétés.

(16 juin 2021, Société Media Bonheur, n° 422535)

 

9 - Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Refus de mettre en demeure ou de sanctionner – Obligation de motivation – Absence.

(28 juin 2021, Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC, n° 441572) V. n° 6

 

Biens

 

10 - Concession de logement – Sapeur-pompier – Délibération mettant fin à cette concession – Bien faisant partie du domaine privé – Détermination de la valeur vénale – Cession à un prix très inférieur à cette valeur – Légalité dans les circonstances de l’espèce - Rejet.

Le président du conseil d’administration d’un service départemental d’incendie et de secours (SDIS) met fin à une concession de logement dont bénéficiait un sapeur-pompier en exécution d’une délibération dudit conseil cédant l’ensemble des biens immobiliers du SDIS dans lequel se trouvaient des logements de sapeurs-pompiers.

Tout d’abord, il ne fait pas de doute que ces biens font partie, au moment de leur cession, du domaine privé du SDIS car, distincts de ceux affectés au service d’incendie et de secours, et servant exclusivement au logement d’agents, ils n’étaient pas affectés à un service public ainsi que l’a correctement jugé la cour.

Ensuite, ces biens devaient être vendus à leur valeur vénale sauf à démontrer qu’un prix plus bas est justifié en l’espèce et par l’intérêt général et par une contrepartie. Dans cette affaire, les biens sont cédés à une valeur inférieure de 30% à l’estimation de France Domaines. Le SDIS donne pour justification à ce prix bas, d’une part, qu’il n’a pas, eu égard au principe de spécialité qui le régit, vocation à gérer des logements, d’autre part, le fait qu’il a obtenu des organismes de logement social acquéreurs l'engagement que les sapeurs-pompiers professionnels pourront, s'ils le souhaitent, être maintenus dans les lieux. Le Conseil d’État approuve la cour d’avoir relevé l’existence d’un intérêt général ainsi que d’une contrepartie pour dire régulier le prix de cession retenu.

Le pourvoi en cassation du syndicat est déclaré irrecevable car, simple intervenant en appel et n’ayant pas eu, à défaut d’intervention, qualité pour former tierce-opposition, il n’y avait pas la qualité de partie.

Le pourvoi du demandeur est rejeté.

(21 juin 2021, M. B. et Syndicat Sud-solidaires des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs, techniques et sociaux du service départemental d'incendie et de secours du Rhône, n° 434384)

 

11 - Occupation temporaire du domaine public routier – Implantation d’ouvrages par les exploitants des réseaux de communications électroniques – Compétence pour établir les redevances d’occupation – Erreur de droit – Annulation.

La cour administrative d’appel avait jugé que l’institution par la ville de Montpellier d’une redevance pour occupation temporaire du domaine public communal par un opérateur de télécommunications était irrégulière au regard des dispositions de l’art. L. 113-4 du code de la voirie routière et de celles des art. L. 46 et L. 47 du code des postes et des communications électroniques. Par suite, cette commune ne pouvait légalement émettre les titres exécutoires en litige pour le recouvrement de cette redevance sur le fondement de cette délibération entachée d'illégalité.

Le Conseil d’État casse cet arrêt en relevant, d’une part, que les art. L. 45-9 et L. 47 du code des postes et communications électroniques  ont pour objet de réglementer respectivement le droit de passage et la permission de voirie nécessaires à l'implantation des ouvrages par les exploitants des réseaux de communications électroniques et aux travaux correspondants qui doivent être effectués conformément aux règlements de voirie, - notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière -, et de prévoir le principe du paiement d'une redevance due au titre de l'occupation permanente du domaine public routier par ces ouvrages, tandis que, d'autre part, les articles R. 20-45, R. 20-51 et R. 20-52 du même code, auxquels renvoie l'article L. 47, ne font référence qu'à ce même droit de passage et, à ce titre, ne mentionnent que les artères et les fourreaux, occupés ou non.

Ainsi donc, en l'absence de dispositions particulières applicables à l'occupation provisoire du domaine public routier par les chantiers de travaux des exploitants des réseaux de communications électroniques, la cour, en statuant comme elle l'a fait, a méconnu le champ d'application des art. 45-9 et 47 précités du code des postes et communications électroniques ainsi que celui de l’art. L. 115-1 du code de la voirie routière et commis ainsi une erreur de droit.

Rappelons que le moyen tiré du champ d’application de la loi étant d’ordre public, il peut être relevé d’office par le juge.

Dès lors, l’arrêt doit être annulé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

(25 juin 2021, Montpellier Méditerranée Métropole, n° 441933)

 

12 - Contravention de grande voirie – Amarrage non conforme et dégâts causés aux ouvrages d’un port – Cour administrative d’appel annulant d’office un jugement ayant omis de statuer sur l’action domaniale – Propriétaire du domaine absent de la procédure d’appel – Annulation irrégulière – Annulation.

Le propriétaire d’un bateau fait l’objet d’un procès-verbal de contravention de grande voirie ; à la suite de celui-ci, il est condamné par le tribunal administratif au paiement d'une amende de 800 euros en raison de la non-conformité du mode d'amarrage de son voilier avec les dispositions du règlement portuaire, de l'absence de déclaration des dégâts causés aux ouvrages du port et du défaut de gardiennage de son bateau. Il interjette appel : l’arrêt d’appel a, d’une part, annulé le jugement en tant qu’il avait omis de se prononcer sur l’action domaniale et, d’autre part, condamné l’appelant à relever la chaîne de mouillage et à retirer la chaîne et les cadenas reliant la poupe de son navire au ponton du port dans un délai d'un mois à compter de la notification l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Un pourvoi en cassation est formé et il est accueilli car le Conseil d’État que la cour, qui n’était saisie que du seul appel du requérant contre le jugement ayant prononcé à son encontre une amende au titre de l'action publique, et la ministre de la transition écologique s’étant abstenue d’interjeter appel, ne pouvait se prononcer, à l’égard d’un jugement devenu définitif avant qu’elle ne statue, que sur le point en litige qui avait motivé l’appel. Par-là elle a méconnu son office en estimant que les premiers juges, en ne se prononçant pas sur l’action domaniale n’avaient pas épuisé leur compétence.

(25 juin 2021, M. A., n° 442539)

 

Collectivités territoriales

 

13 - Ports maritimes – Décret prévoyant la présence dans des organes portuaires délibératifs de deux représentants, l’un du préfet, l’autre du directeur régional des finances publiques – Libre administration des collectivités territoriales – Absence d’atteinte – Rejet.

L’art. L. 5314-12 du code des transports fixe les catégories de personnes devant obligatoirement être représentées au sein du conseil portuaire d'un port maritime.

Les requérants contestaient, pour le port maritime de Mayotte, la légalité du décret du 28 avril 2020, en ce que son art. 2 prévoit la présence ou la représentation du préfet et du directeur régional des finances publiques, d’une part, au conseil portuaire et, d’autre part, à la commission financière du port de Mayotte. Ils estimaient qu’il était ainsi porté atteinte, par la présence de quatre représentants d’autorités déconcentrées de l’État, au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

L’argument est rejeté par le Conseil d’État lequel juge que ces dispositions législatives ne font « pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire, s'agissant d'un organisme consultatif dont les travaux ne lient pas l'autorité gestionnaire du port, puisse, outre la répartition des sièges entre les différentes catégories de membres désignées par le législateur, prévoir la participation d'autres personnes y compris des représentants de l'Etat. Eu égard au rôle et aux compétences du conseil portuaire, la seule participation de deux représentants de l'Etat au conseil portuaire du port maritime de Mayotte exploité par le département, même avec voix délibérative, ne porte pas par elle-même atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Il en va de même de leur présence, avec simple voix consultative, au sein de la commission financière constituée au sein du conseil portuaire afin de rendre un avis sur les objets économiques, financiers et techniques relevant de ce conseil. »

Cette solution, peu respectueuse de l’autonomie locale et de la compétence du législateur en ce qu’elle remet en cause l’équilibre arithmétique qu’il avait entendu établir, ne surprendra pas l’habitué de la jurisprudence du Conseil d’État, traditionnellement hostile à l’autonomie locale.

(11 juin 2021, Société Mayotte Channel Gateway et autres, n° 441499)

 

14 - Contrat comportant occupation d’une dépendance du domaine public de l’État français – Dépendance se trouvant sur le territoire d’un autre État – Contrat comportant indication de l’application du droit local – Impossibilité de déroger à la compétence d’ordre public du juge administratif français – Rejet.

Une société italienne avait conclu avec l’Académie de France à Rome (Villa Médicis) une convention portant concession du service de cafétéria et de restauration de cet établissement public administratif. Mécontente des prestations fournies et invoquant diverses irrégularités, l’Académie de France a, après mise en demeure infructueuse, résilié unilatéralement le contrat. Les juridictions italiennes, dont la Cour de cassation, s’étant déclarées incompétentes pour connaître du litige né de cette décision, la requérante s’est tournée, en vain, vers les juridictions administratives françaises qui ont rejeté la demande d’annulation de la résiliation, celle tendant à la reprise des relations contractuelles et mis à sa charge une indemnisation de 84 850 euros.

Le pourvoi est lui aussi rejeté en dépit de ce que la convention de concession comportait une clause stipulant expressément qu’elle était régie par la loi italienne et de ce que le bien immobilier est lui-même situé en Italie.

Tout d’abord, la Villa Médicis constitue une dépendance du domaine public immobilier de l’État français dès lors que, antérieurement au 1er juillet 2006 (date d’entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques), elle était déjà affectée à un service public culturel et spécialement aménagée à cette fin.

Ensuite, les litiges en cette matière relèvent de la compétence exclusive des juridictions administratives.

Enfin, ne peut être opposée à cette compétence qui est d’ordre public et donc indérogeable la circonstance d’une clause contractuelle irrégulière en ce qu’elle est contraire à une compétence d’ordre public.

L’arrêt querellé est confirmé en tous ses chefs.

(25 juin 2021, Société Mezzi et Fonderia, n° 438023)

 

Contentieux administratif

 

15 - Universités – Enseignant laissé sans service statutaire – Ordre de reversement – Service prétendument non fait durant 51 mois – Dénaturation des pièces du dossier – Annulation avec renvoi.

Dénature les pièces du dossier qui lui est soumis la juridiction qui juge qu’une université n’était pas au courant de la situation administrative de l’intéressé avant 2011 alors que figure au dossier un courrier de ce dernier du 27 août 2007 indiquant à l’université qu’ayant cessé ses fonctions dans une autre entité de l’université il était en attente d’un service d’enseignement au sein de celle-ci.

(1er juin 2021, M. C., n° 429699)

 

16 - Étudiant – Fraude à un examen – Sanction disciplinaire – Exclusion d’une année – Sanction non disproportionnée – Rejet.

Un étudiant sanctionné disciplinairement pour fraude à un examen de master I ne peut soutenir qu’est entaché d’irrégularité un procès-verbal non daté ni signé par tous les surveillants de l’épreuve dès lors, d’une part, que le requérant a été surpris en possession d'un téléphone portable affichant le corrigé d'une épreuve de la même matière donnée à l'occasion d'une année précédente et, d’autre part, que le procès-verbal constatant la fraude a été annexé au procès-verbal de déroulement de l'épreuve, lequel est daté du jour de l'examen, et qu’il a été signé par le président, professeur responsable de la surveillance de l'épreuve, et par la surveillante qui a constaté les faits reprochés au requérant.

Il résulte de ces faits que le grief de fraude est établi.

Également, la circonstance que la surveillante de l'examen n'ait pas été entendue par la commission n'est pas de nature, alors même qu'il résulte de l'instruction que son témoignage écrit a pu être très largement discuté, à caractériser une atteinte aux droits de la défense.

Enfin, l’université n’a pas infligé une sanction disproportionnée au regard des faits de l’espèce en édictant la sanction de l’exclusion de l’université pour une année.

(1er juin 2021, M. D., n° 431716)

 

17 - Procédure contentieuse – Communication de pièces – Communication à une seule des trois parties – Arrêt entaché d’irrégularité – Annulation avec renvoi.

Est entaché d’irrégularité et annulé l’arrêt d’appel qui, relatif à trois parties, le requérant ayant demandé leur condamnation solidaire, a été rendu alors que les pièces de la procédure d’appel n’ont été communiquées qu’à la première d’entre elles.

(8 juin 2021, Centre hospitalier d'Avignon, Centre hospitalier du pays d'Apt et Groupement de coopération sanitaire Apt-Avignon, n° 434425)

 

18 - Demande de confirmation expresse du maintien des conclusions – Désistement d’office à l’expiration du délai fixé sans réponse à la demande de confirmation – Appel de l’ordonnance constatant le désistement d’office – Office du juge d’appel en ce cas – Annulation.

Lorsque le juge saisi éprouve un doute sur l’intérêt que présente une requête pour son auteur, il adresse à ce dernier une invitation à confirmer expressément, dans un certain délai, les conclusions dont il l’a saisi, faute de réponse à l’expiration de ce délai est prise une ordonnance constatant le désistement du demandeur de l’ensemble de ses conclusions (art. L. 612-5-1 CJA).

La présente décision confirme une solution bien établie s’agissant de l’office du juge d’appel saisi d’un recours contre l’ordonnance prenant acte du désistement. Celui-ci ne peut se borner à rejeter l’appel au motif que ne sauraient être discutés devant lui les motifs ayant conduit à la prise de l’ordonnance constatant le désistement. Au contraire, le Conseil d’État rappelle le vade-mecum s’imposant en ce cas au juge d’appel de l’ordonnance. « Il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. »

Faute d’avoir suivi ce « protocole », l’ordonnance attaquée est entachée d’erreur de droit et annulée avec renvoi à la cour.

(9 juin 2021, M. et Mme B., n° 435780)

(19) Voir aussi pour une solution identique : 9 juin 2021, Société New Bar Hôtel de Ville, n° 435782.

 

20 - Marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage et d’accompagnement juridique – Recours d’un concurrent évincé – Demande de résiliation du contrat en première instance puis d’annulation du contrat en appel – Absence de caractère de demande nouvelle en appel – Irrecevabilité opposée à tort – Annulation.

Un marché confiant une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage et d'accompagnement juridique pour la construction et la gestion d'un crématorium est conclu entre une commune et une société de conseil juridique. Un avocat évincé demande en première instance la résiliation du contrat. Débouté, il saisit le juge d’appel d’une demande d’annulation de ce contrat. Son appel est rejeté car il s’agit là de conclusions nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Sur pourvoi de l’intéressé l’arrêt est cassé au terme d’une motivation dont il faut souligner la relative nouveauté et, d’une certaine façon, l’audace.

Le Conseil d’État relève que les conclusions de première instance en résiliation du contrat « devaient être regardées (…) comme contestant la validité du contrat », ce qui permettait au juge du contrat, au besoin même d’office, de prononcer l’annulation du contrat.

Pour parvenir à ce résultat, le juge de cassation rappelle l’une de ses formulations de principe en matière de recours des tiers contre un contrat administratif : « Saisi d'un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses par un tiers justifiant que la passation de ce contrat l'a lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine, il appartient au juge du contrat, en présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice du consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. » Ceci explique et justifie qu’une demande d’annulation du contrat en appel alors qu’était demandée en première instance sa résiliation, ne peut se voir opposer l’exception de demande nouvelle en appel dont on sait qu’elle conduit à l’irrecevabilité d’une telle demande.

(9 juin 2021, Me A., n° 438054 ; Conseil national des barreaux, n° 438047)

 

21 - Prise en charge d’un mineur au titre de l’aide sociale – Mineur devenu majeur en cours d’instance – Moyen devant être relevé d’office – Erreur de droit – Annulation.

Commet une erreur de droit le tribunal administratif qui, saisi d’une requête émanée d’un mineur demandant sa prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance, statue sans relever d’office que celui-ci est devenu majeur au cours de l’instance.

(16 juin 2021, M. A., n° 435374)

 

22 - Annulation par le juge administratif de dispositions du règlement d’assurance chômage annexé à un décret – Arrêté ministériel pris en application des dispositions annulées – Annulation par voie de conséquence.

Les requérants demandent, et obtiennent, l’annulation par voie de conséquence d’un arrêté ministériel du 27 novembre 2019 relatif aux secteurs d'activité et aux employeurs entrant dans le champ d'application du bonus-malus, pris pour l’application des articles 50-3 et 50-10 du règlement d'assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019 qu’une décision du Conseil d’État (25 novembre 2020, Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, n° 434920) a annulés avec effet à compter du 1er janvier 2021.

Application d’une jurisprudence classique.

(16 juin 2021, Union des entreprises de transport et de logistique (TLF), n° 438234)

 

23 - Recours administratif préalable obligatoire (RAPO) – Recours formé prématurément – Autorité administrative n’ayant pas encore statué sur la demande – Absence d’irrecevabilité de principe – Annulation du jugement et renvoi au tribunal administratif.

Lorsque la formation d’un recours administratif préalable obligatoire a lieu avant que l’autorité administrative ne se soit prononcée sur la demande dont elle avait été saisie par celui qui forme le RAPO il n’y a pas lieu pour le juge saisi d’opposer, par principe, l’irrecevabilité au recours contentieux introduit ensuite si à la date à laquelle il statue, est intervenue une décision, expresse ou implicite, se prononçant sur le recours administratif. Les conclusions développées devant lui contre la décision initiale doivent être considérées, formellement, comme tendant à l'annulation de la décision née de l'exercice du recours administratif préalable qui s'y est substituée. 

Cette solution, comparable mutatis mutandis à celle permettant de tenir pour valide la saisine du juge alors que la décision attaquée, qui n’existait pas encore lors de cette saisine, existe bien le jour où il statue, est particulièrement bien venue.

(16 juin 2021, Mme B.-D., n° 440064)

 

24 - Plan local d’urbanisme – Classement de deux parcelles en zone agricole – Annulation par le tribunal administratif de leur classement– Appel ne portant que sur le classement de l’une des deux parcelles – Cour administrative d’appel statuant sur les deux parcelles – Ultra petita – Annulation dans cette mesure.

(16 juin 2021, Commune de La Clusaz, n° 442505) V. n° 146

 

25 - Désistement d’instance et désistement d’action – Caractère de principe du désistement d’instance – Caractère d’exception du désistement d’action – Annulation.

En raison des effets moindres d’un désistement d’instance que d’un désistement d’action, en principe un désistement n’est que d’instance. Il n’en va autrement que dans le cas où il est manifeste que le demandeur a entendu former un désistement d’action, ce qui lui ferme définitivement la porte pour toute action ultérieure de ce chef de demande.

En l’espèce, le juge avait donné acte à l’intéressé de son désistement d’instance et de son désistement d’action, se méprenant sur la portée des écritures dont il était saisi. Cette erreur de droit conduit à l’annulation de l’ordonnance sans renvoi, plus rien ne restant à juger.

(16 juin 2021, M. A., n° 450383)

 

26 - Recours en matière de pension – Recours introduit par l’héritier de la défunte – Défunte n’ayant pas, de son vivant, sollicité le bénéfice de certaines majorations – Absence de droit de l’héritier à engager de son propre chef une telle action – Rejet.

Le fils d’une pensionnée militaire d’invalidité décédée n’a pas qualité pour agir en réclamation de majorations de pension dès lors que, de son vivant, sa mère n’a pas sollicité ces majorations. Il ne saurait invoquer la circonstance que la créance pécuniaire de sa mère faisant partie du patrimoine de cette dernière elle lui est transmise par voie successorale car cette créance n’existait pas au décès faute d’une quelconque demande en ce sens de sa mère.

La transmission porte sur la créance déjà détenue à la date du décès non sur le droit à faire exister cette créance postérieurement au décès.

(16 juin 2021, M. C., n° 437685)

 

27 - Audience – Absence d’envoi de l’avis d’audience – Absence de la requérante ou de son conseil à l’audience – Annulation.

Doit être annulé le jugement rendu à la suite d’une audience qui n’a pas été précédée de l’envoi, sous une forme quelconque accoutumée, de l’avis d’audience, entraînant l’absence de la demanderesse et de son conseil lors de ladite audience.

(16 juin 2021, Mme B., n° 440995)

(28) V. aussi, dans le cas où la juridiction affirme, au prix d’une dénaturation des faits de l’espèce, que si le requérant n’avait pas été personnellement convoqué à l’audience son mandataire avait, lui, valablement reçu notification de la date de l’audience, alors que le requérant a été destinataire de plusieurs avis d’audience : 17 juin 2021, M. B., n° 432410.

 

29 - Rédaction des jugements – Obligation de viser les pièces et les mémoires produits y compris après l’audience – Omission de visa – Annulation.

Encourt annulation l’arrêt rendu en omettant de viser un mémoire produit après la clôture de l’instruction et avant que le juge ne rende sa décision.

(16 juin 2021, Société Rungis Stocks et autres, n° 441799)

 

30 - Qualité pour agir – Intérêt pour agir – Contestation du régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel – Absence de qualité/intérêt pour agir – Rejet.

Les requérants demandaient au juge – ce qui n’est pas banal – de déclarer inexistante une décision du 16 mars 2001 de la secrétaire d'État au budget, relative au régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel.

Le juge rejette ces requêtes au motif, d’abord, s’agissant des personnes physiques, que les qualités de citoyens français, de contribuables nationaux et de justiciables ne sont pas de nature à leur donner intérêt pour demander l'annulation ou l'abrogation de la décision litigieuse.

Il en va de même de la qualité d’avocat, dès lors que, dans l’un et l’autre cas, la décision querellée n'a aucun effet sur la situation et les droits des justiciables, ni sur les droits et les conditions d'exercice de la profession d'avocat. 

Il rejette ensuite la requête de la personne morale motif pris de ce que l’objet social de celle-ci (« la recherche, la rédaction, la publication et la diffusion de travaux et d'analyses en matière économique, sociale, juridique, fiscale et comptable ») ne lui confère aucun intérêt lui donnant qualité pour agir.

(16 juin 2021, M. D. et M. C. et Institut de recherches économiques et fiscales, n° 445150 et n° 449149)

 

31 - Saisine du juge à fins indemnitaires – Absence de demande préalable en ce sens à la puissance publique – Formation postérieure d’une telle demande en vue de régularisation – Silence de l’administration valant décision implicite liant le contentieux pour tous les dommages découlant du même fait générateur même ceux non repris dans la demande préalable – Pouvoir des chefs de juridiction de réparer les erreurs matérielles contenues dans les jugements et arrêts – Annulation partielle.

Cette décision se signale à l’attention par la solution innovante qu’elle contient.

La jurisprudence était fixée depuis longtemps en ce sens que l’introduction, par un requérant, d’un contentieux indemnitaire à une date où il n'a présenté aucune demande en ce sens devant l'administration n’entraînait pas ipso facto l’irrecevabilité du recours si le requérant a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration ; il est classiquement jugé que le silence gardé par celle-ci, intervenu avant que le juge de première instance ne statue, fait naître une décision implicite de rejet qui lie le contentieux.

Ce qui est par contre plus nouveau c’est de considérer que la demande indemnitaire est recevable, que le requérant ait ou non présenté des conclusions additionnelles explicites contre cette décision, et alors même que le mémoire en défense de l'administration aurait opposé à titre principal l'irrecevabilité faute de décision préalable, cette dernière circonstance faisant seulement obstacle à ce que la décision liant le contentieux naisse de ce mémoire lui-même. De plus, si dans la saisine prématurée du juge, comme en l’espèce, étaient invoqués cinq chefs de préjudice alors que la demande postérieure n’en comporte que trois, le contentieux est lié pour l’ensemble des dommages issus d’un même fait générateur.

Par ailleurs, le président d’une juridiction ou de la section du contentieux peut toujours, par ordonnance prise sur le fondement de l’art . R. 741-11 CJA, rectifier une erreur matérielle dépourvue de toute incidence sur le raisonnement adopté par la juridiction, par exemple le fait de prendre en compte, en tant que base annuelle, un montant calculé sur une base seulement mensuelle.

(21 juin 2021, Commune de Montigny-lès-Metz, n° 437744 et n° 437745 ; M. B., n° 437781)

 

32 - Incompétence territoriale du tribunal administratif – Obligation d’invoquer ce moyen avant la clôture de l’instruction – Invocation devant le juge de cassation – Inopérance – Rejet.

Dans un litige en suspension d’une sanction disciplinaire, le garde des sceaux soulève en cassation le moyen tiré de l’incompétence territoriale du juge qui a rendu l’ordonnance de première instance attaquée. Ce moyen ne peut être retenu à ce stade de la procédure en raison des dispositions de l’art. R. 312-2 CJA selon lesquelles : «  Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation ».

On s’étonnera que le juge rejette le moyen en raison de son caractère inopérant alors qu’il eût été, nous semble-t-il, plus correct de le rejeter pour irrecevabilité.

(24 juin 2021, M. B., n° 448417)

 

33 - Arrêt avant dire droit – Arrêt définitif pris sur son fondement – Annulation intégrale de l’avant dire droit – Annulation subséquente de l’arrêt définitif.

L’annulation d’un arrêt rendu avant dire droit à fin de régularisation d’un permis de construire entraîne, par voie de conséquence, celle de l’arrêt au fond rendu sur la base de l’arrêt avant dire droit.

(25 juin 2021, MM. A. et société La Savane, n° 437823)

 

34 - Recours en révision – Fraude en matière de protection internationale des réfugiés – Régime procédural et contentieux – Annulation.

Rappel de ce qu’un recours en révision pour fraude ne peut être admis que si deux conditions sont réunies :

1°/ il convient en premier lieu d’établir que la protection internationale a été obtenue sur la foi de fausses déclarations ou de fausses pièces soumises dans l'intention d'induire la cour nationale du droit d’asile en erreur ;

2°/ en second lieu, il doit être établi que ces éléments frauduleux ont eu une influence directe et déterminante sur l'appréciation de la réalité du besoin de protection tel qu'il a été reconnu dans la décision octroyant la protection internationale à l'intéressé.

(25 juin 2021, M. C., n° 442617)

(35) V. aussi, du même jour et identique : 25 juin 2021, M. B., n° 442618.

 

36 - Action en justice des personnes morales – Qualité pour agir – Cas d’un syndicat professionnel – Demande d’annulation d’une décision individuelle – Irrecevabilité manifeste – Rejet.

Rappel d’un principe constant de procédure contentieuse.

Si une organisation syndicale est recevable à intervenir, le cas échéant, à l'appui d'une demande d'annulation d'une décision individuelle présentée devant le juge administratif par l'agent intéressé, elle n'a, en revanche, pas qualité pour solliciter une telle annulation. Les conclusions ainsi présentées sont entachées d'une irrecevabilité manifeste.

(29 juin 2021, Syndicat CGT des personnels civils du service de la modernisation et de la qualité de la direction générale de l'armement du ministère des armées, n° 445264) V. aussi le n° 116 pour l’analyse de la requête au fond

 

37 - Contravention de grande voirie – Amarrage non conforme et dégâts causés aux ouvrages d’un port – Cour administrative d’appel annulant d’office un jugement ayant omis de statuer sur l’action domaniale – Propriétaire du domaine absent de la procédure d’appel – Annulation irrégulière – Annulation.

(25 juin 2021, M. A., n° 442539) V. n° 12

 

38 - Syndicat professionnel intervenant en appel – Absence de qualité de partie à l’instance d’appel – Pourvoi en cassation irrecevable – Rejet.

Le pourvoi en cassation d’un syndicat professionnel est déclaré irrecevable car, simple intervenant en appel et n’ayant pas eu, à défaut d’intervention, qualité pour former tierce-opposition, il n’y avait pas la qualité de partie.

Le pourvoi du demandeur est rejeté.

(21 juin 2021, M. B. et Syndicat Sud-solidaires des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs, techniques et sociaux du service départemental d'incendie et de secours du Rhône, n° 434384) V. aussi sur le fond de cette affaire le n° 10

 

Contrats

 

39 - Marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage et d’accompagnement juridique – Recours d’un concurrent évincé – Demande de résiliation du contrat en première instance puis d’annulation en appel – Absence de caractère de demande nouvelle en appel – Irrecevabilité opposée à tort – Annulation.

(9 juin 2021, Me A., n° 438054 ; Conseil national des barreaux, n° 438047) V. n° 20

 

40 - Contrat administratif – Contrat conclu entre une commune et des entreprises pour le retrait et la destruction des véhicules abandonnés dans les parcs à fourrière de la commune – Absence de prix – Contrat ne pouvant être un marché public - Cocontractant rémunéré par le produit recueilli des pièces des véhicules – Contrat constituant une concession de service – Erreur de droit – Passation irrégulière – Annulation.

La ville de Paris a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la conclusion de deux conventions de retrait et de destruction des véhicules abandonnés en fourrière. Deux entreprises dont les offres ont été rejetées ont demandé au juge des référés l’annulation de cette procédure en tant, pour la première, qu’elle porte sur l’attribution n° 1 et, pour la seconde, sur les lots n° 1 et n° 2. Le juge saisi a fait droit à ces deux demandes.

La ville de Paris se pourvoit contre ces ordonnances.

Le Conseil d’État soulève d’office la question de la qualification juridique du contrat litigieux. Dès lors que celui-ci ne comporte pas de prix ni même de rémunération directe ni non plus un mécanisme de compensation en cas de pertes financières, ce contrat ne saurait constituer un marché public au regard des art. L. 2 et L. 1121-1 du code de la commande publique (CCP).

Par suite, il constitue un contrat de concession de service car les cocontractants se rémunèrent sur la récupération de ce qui peut l’être de ces véhicules.

Pour annuler la procédure de passation le juge des référés a méconnu le champ d’application de la loi car il s’est fondé sur des articles du CCP (art. L. 2124-1, L. 2131-1 et R. 2131-16) qui ne sont applicables qu’aux marchés publics.

Le droit de la concession étant donc applicable, s’imposait à la ville de Paris une critérisation (art. L. 3124-4, L. 3124-5 et R. 3124-4 du CCP) or celle-ci était inexistante en l’espèce. Un tel manquement ayant été susceptible de léser les requérantes la procédure est annulée sans invitation à la ville de la reprendre.

(9 juin 2021, Ville de Paris, n° 448948 et n° 448949)

 

41 - Contrat de concession de services pour l’exploitation d’un terminal maritime – Annulation de la procédure de passation par le juge des référés – Violation du secret des affaires – Pièces soumises au débat contradictoire – Absence d’erreur de droit – Rejet.

Deux candidats évincés d’une procédure d'attribution du contrat de concession de services pour l'exploitation du terminal " multivrac " du Grand port maritime du Havre demandent et obtiennent l’annulation, par le juge des référés, de la procédure de passation en litige.

La société attributaire se pourvoit contre l’ordonnance de référé. Son recours est rejeté.

Plusieurs moyens étaient soulevés au soutien du pourvoi ; ils sont tous rejetés mais l’un d’eux doit retenir l’attention.

La demanderesse au pourvoi soutenait, d’une part, que le juge s’était fondé à tort sur des pièces communiquées par l’une des candidates évincées en violation du secret des affaires et, d’autre part, que, dans le cadre d'une éventuelle nouvelle procédure de passation, à brève échéance, de la concession en litige, la divulgation d'informations confidentielles contenues dans le rapport d'analyse des offres était susceptible de porter atteinte à l'égalité entre les candidats.

Sur le premier chef d’argumentation, le juge répond un peu prestement que ce faisant, le juge des référés n’a commis aucune irrégularité procédurale ni, non plus, entaché son ordonnance d’erreur de droit dès lors que ces pièces ont été soumises au débat contradictoire entre les parties. Cela fait un peu court comme motivation.

Sur le second chef, il est répondu que cela regarderait, le cas échéant, la nouvelle procédure mais est sans incidence sur celle faisant l’objet du présent pourvoi. Reste que du fait de l’annulation prononcée en première instance et confirmée en cassation, une nouvelle procédure ne manquerait pas de faire difficulté sur ce point avec le risque d’un blocage si à l’annulation de la première s’ajoute l’impossibilité d’en organiser une seconde. Par contrecoup invoquer le sort de cette dernière à l’occasion de l’examen de la première procédure n’était pas si inopérant ou irrelevant que cela.

(9 juin 2021, Société Lorany Conseils, n° 449643)

 

42 - Contrat d’accès au réseau public de distribution d'électricité en injection HTA – Manquements d’ERDF (devenu ENEDIS) à ses obligations contractuelles – Sanctions – Contrôle du juge sur les décisions de sanction prises par la Commission de régulation de l'énergie (CoRDIS) – Rejet et annulation partiels.

Une société de parc éolien était en litige avec ERDF/ENEDIS notamment sur le régime contractuel des indisponibilités d’accès au réseau et sur les responsabilités en découlant.

La société avait saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la CoRDIS pour méconnaissance par ce dernier de ses obligations contractuelles.

Le comité avait retenu l’existence de fautes contractuelles de la part d’ERDF/ENEDIS. Il avait pris en conséquence deux décisions, les 25 novembre 2015 et le 11 juin 2018.

Par la première, la CoRDIS, avait, d’une part,  donné à ERDF/ENEDIS un délai de six mois à compter de la notification de sa décision, pour transmettre au parc éolien un nouveau contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité permettant d'assurer une totale transparence dans l'application des régimes de responsabilité en cas d'interruption du réseau et, d’autre part, ordonné de lui communiquer dans le même délai le nouveau projet de contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité en injection HTA, ce contrat ayant vocation à s'appliquer à l'ensemble des opérateurs. 

Par la seconde décision, constatant qu’ERDF/ENEDIS n’avait pas pleinement satisfait à sa décision du 25 novembre 2015, la CoRDIS lui a infligé une sanction pécuniaire de trois millions d’euros.

ENEDIS saisit le Conseil d’État d’un recours contre cette pénalité.

Le juge, opérant une analyse très fine des données de fait et de droit de l’affaire, admet certaines parties du raisonnement de la CoRDIS (saisine régulière de celle-ci ; fixation des délais d’exécution de ses décisions ; date de comptabilisation des indisponibilités figurant dans le bilan à communiquer aux producteurs ; portée de l’obligation d’établir un nouveau contrat ; manquement à l’obligation de transparence s’agissant des clauses relatives aux durées maximales d'indisponibilité du réseau, à leur comptabilisation et à l'information des producteurs ; manquement d’ENEDIS à son obligation de transparence concernant le contenu et la fréquence du bilan des indisponibilités du réseau)   et en rejette d’autres (rejet de la date d’entrée en vigueur des nouveaux contrats ; non-respect par ENEDIS  du délai imparti par la CoRDIS par la décision du 25 novembre 2015 pour se conformer à celle-ci ; interprétation inexacte des clauses relatives à l'exécution des travaux de maintenance et de renouvellement ainsi que de celles relatives à la comptabilisation de l'ensemble des indisponibilités faisant l'objet d'une indemnisation par Enedis au titre de ses obligations de résultat, ni leur mention dans le bilan communiqué aux producteurs ; avoir aperçu un manquement d’ENEDIS dans le fait, qu’éventuellement, pourrait prendre fin unilatéralement son engagement d’une obligation de résultat en matière d’indisponibilité programmée ; pareillement concernant le régime de responsabilité spécifique aux parties ; manquement à l’obligation de transparence pour ce qui regarde le tableau traduisant la distinction entre les indisponibilités consécutives à une intervention de la société RTE, les indisponibilités liées aux interventions de la société Enedis pour renouvellement, renforcement ou extension d'ouvrage d'un poste source et, enfin, toutes les autres indisponibilités pour travaux) pour aboutir à ramener la sanction pécuniaire de trois millions à cinq cent mille euros.

(18 juin 2021, Société ENEDIS, n° 422616)

(43) V. aussi, très importante et voisine, en matière d’étendue du contrôle du juge administratif sur les sanctions infligées par la CoRDIS dans le cas particulier de la manipulation du marché de gros du gaz naturel, mais dont la longueur et la technicité ne permettent pas de la rapporter ici, la décision suivante : 18 juin 2021, Société Vitol, n° 425988.

 

44 - Compétence contentieuse en matière précontractuelle, contractuelle ou quasi-contractuelle – Lieu d’exécution du contrat – Dérogation aux règles de compétence territoriale par accord entre les parties – Accord devant figurer dans le contrat primitif ou un avenant – Dérogation antérieure à tout contrat ou avenant – Annulation.

Après que le premier alinéa de l’art. R. 312-11 du CJA a fixé les règles de détermination de la compétence territoriale du juge administratif en matière précontractuelle, contractuelle et quasi contractuelle, le second alinéa prévoit qu’il peut être dérogé à ces règles par accord des parties figurant dans le contrat primitif ou dans un avenant, pourvu, en ce second cas, qu’il ait été conclu avant la naissance du litige.

En l’espèce, le tribunal administratif, pour décliner sa compétence, s’était fondé sur les stipulations du projet de cahier des charges de la concession, reprises dans les avis de concession, qui prévoyaient que les contestations qui s'élèveraient entre les parties au sujet du contrat seraient portées devant le tribunal administratif de Paris.

Ce jugeant il commettait une évidente erreur de droit, seule pouvant produire effet une clause figurant dans un contrat ou un avenant existant et non celle incluse dans un simple projet de contrat ou d’avenant même reprise dans un avis de concession.

(18 juin 2021, Société Eiffage, n° 450283)

 

45 - Concession de service public – Référé précontractuel (art. L. 551-1 CJA) – Pouvoirs du juge du référé contractuel – Vérification du respect des seules règles de publicité et de mise en concurrence – Rejet.

Le litige portait sur les irrégularités qui auraient entaché la procédure de passation de la concession de service public de gestion, d'exploitation et de développement de l'aéroport d'Annecy-Meythet. Le juge des référés avait, au visa de l’art. L. 551-1 CJA, annulé cette procédure au stade de l'ouverture de la négociation.

Le Conseil d’État annule cette ordonnance pour dénaturation des faits et pièces du dossier et reprend donc l’analyse de tous les griefs formulés par la demanderesse de première instance : il rejette le référé.

Il est intéressant de relever que le juge rappelle les limites de l’office du juge du référé précontractuel de l’art. L. 551-1 CJA. Celui-ci n’a été institué que pour connaître d’éventuels manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. Il s’ensuit qu’il ne peut examiner que les seuls moyens invoquant ces manquements. Toute autre moyen est irrecevable dans le cadre de cette procédure comme, par exemple, en l’espèce, le moyen tiré du non-respect du délai de transmission au conseil départemental des documents nécessaires à cet effet.

(18 juin 2021, Société Edeis, n° 450869 ; Société Vinci airports, n° 450871)

 

46 - Marché public de mise à disposition publique d’une flotte de vélos et de mobilier urbain d’informations ou de messages publicitaires – Partie de la rémunération de l’entrepreneur assurée par un intéressement en raison du niveau de qualité du service assuré – Silence du CCAP sur l’inclusion ou non de la TVA dans le montant de l’intéressement – Réponse positive – Rejet.

Ne commet pas d’erreur de droit la juridiction qui, dans le silence des dispositions contractuelles sur ce point, juge que la mention d’un prix sans autre précision, signifie qu’il est stipulé toutes taxes comprises, la TVA n’étant pas un accessoire du prix mais un élément de celui-ci.

Ce jugeant, elle n’a pas non plus commis d’erreur de droit en faisant application de cette règle en matière contractuelle, ni porté atteinte à la commune intention des parties ni au principe de cohérence des stipulations contractuelles entre elles.

(29 juin 2021, Société des mobiliers urbains pour la publicité et l'information, n° 442506)

 

Covid-19

 

47 - Fermeture des restaurants pour cause d’épidémie – Demande de réouverture ou de prise en charge par l’État des marges bénéficiaires perdues durant le temps de fermeture ou des surcharges financières occasionnées par la transformation en livraisons de plats cuisinés – Griefs divers – Rejet.

Comme cela était très prévisible, le Conseil d’État rejette les 41 requêtes dont l’avaient saisi des restaurateurs qui, au soutien de demandes d’indemnisation d’activités interdites et/ou de prises en charges d’activités permises du fait de l’épidémie de Covid-19, invoquaient de nombreux griefs à l’encontre des divers textes (arrêté et décrets), les uns touchant à leur légalité externe et les autres à leur légalité interne.

En particulier ne sont pas retenus : le moyen d’atteinte à l'objectif à valeur constitutionnelle de prévisibilité et d'intelligibilité de la loi et aux principes de légalité des délits et des peines, de droit à la liberté et à la sûreté ainsi que de sécurité juridique, la variabilité extrême et l’incohérence ou la succession des textes (masques, déplacements) n’étant que le résultat de l’évolution de la pandémie et des connaissances scientifiques à son égard; pas davantage ne sont retenues les atteintes alléguées au droit de propriété, à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre, au droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que le caractère disproportionné des dispositions attaquées au regard des risques sanitaires et de la disparité des situations locales.

En bref, les mesures prises devaient l’être et elles n’étaient point évitables ou disproportionnées.

(17 juin 2021, Société ASPEO, n° 440330 et 40 autres requêtes, jonction)

 

48 - Mariage en France avec un étranger – Épidémie de Covid-19 - Restrictions des déplacements – Mariage constituant un motif impérieux de déplacement en France - Obligation de délivrance d’un visa à cette fin – Injonctions au premier ministre et au ministre de l’intérieur.

Saisi à nouveau, cette fois par un référé liberté, par des particuliers et une association de ce sujet, le le juge des référés du Conseil d’État, qui,  par une ordonnance du 9 avril 2021 (V. cette Chronique, avril 2021 n° 47 et n° 145), avait, sur le fondement de l'article L. 521-1 du CJA, 1°/ suspendu la circulaire du Premier ministre du 22 février 2021 en tant qu'elle ne permettait pas l'instruction de demandes de visas en vue d'un mariage, 2°/ ordonné au Premier ministre de prendre des dispositions réglementaires strictement proportionnées aux risques sanitaires, et, 3°/, aux services consulaires d'enregistrer les demandes de visa, à cette fin, est conduit, après constat de difficultés persistantes pour les intéressés malgré la prise d’une circulaire le 19 mai 2021, à exercer avec une certaine fermeté son pouvoir d’injonction.

Il enjoint donc, d’abord au premier ministre, de modifier la circulaire du 19 mai 2021 afin d'y indiquer que le mariage en France constitue un motif impérieux permettant en principe la délivrance d'un visa, qui peut être selon les circonstances et si les conditions de délivrance en sont remplies, de long ou de court séjour.

Il enjoint ensuite au ministre de l’intérieur, d’une part, de modifier l'attestation de déplacement international afin que la possibilité de solliciter un visa de court ou de long séjour en vue d'un mariage y soit expressément mentionnée et, d’autre part, d'informer les postes diplomatiques et consulaires que la délivrance d'un visa de court ou de long séjour en vue d'un mariage ne peut être subordonnée à la délivrance d'une autorisation de sortie et de retour de l'État de résidence du demandeur.

(ord. réf. 17 juin 2021, Mme F. et autres et Association de soutien aux amoureux au ban public, n° 453113)

 

49 - Enseignement – Mesures sanitaires dans les écoles pour cause d’épidémie – Décret du 1er mai 2021 – Demande de suspension – Rejet.

Les requérants demandaient, d’une part, la suspension de l'exécution de l'article 36 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 dans sa rédaction issue du décret n° 2021-541 du 1er mai 2021 ainsi que celle du guide relatif au fonctionnement des écoles et établissements scolaires dans le contexte Covid-19 pour l'année scolaire dans sa version de février 2021, et, d’autre part, qu’il soit fait injonction  au premier ministre de prendre un nouveau décret modifiant l'article 36 du décret du 29 octobre 2020, dans un délai de 24 heures à compter de l'ordonnance à intervenir, de diligenter une étude d'impact officielle, de prévoir : 1° des conditions de dérogation au port du masque pour les enfants, 2° les conséquences d'un refus du port du masque pour les enfants notamment à l'école primaire, 3° une date de fin de cette obligation généralisée, sous astreinte de 50 euros par jours de retard.

Sera-t-on surpris d’apprendre le rejet de cette requête ?

Tout d’abord le guide dont il s’agit, en tant qu’il décrit le protocole sanitaire, n’a pas le caractère d’une décision mais rassemble des règles de bonne conduite et fournit des recommandations, il, n’est donc pas entaché d’incompétence du fait de son auteur alors même qu’il est susceptible de produire notamment vis-à-vis des enfants scolarisés et des parents d'élèves des effets notables sur leurs droits ou leur situation. Ensuite, ce guide, en tant qu’il porte obligation du port du masque, ne donne pas aux médecins de l'éducation nationale ou à l'administration scolaire un pouvoir d'appréciation des certificats médicaux

Quant à l’art. 36 critiqué, compte tenu des indicatifs sanitaires connus et qu’il n’interprète pas erronément et au regard des mesures qu’il édicte il n’a ni inexactement apprécié la situation ni adopté des mesures qui ne seraient ni adaptées ni proportionnées aux données recueillies.

(ord. réf. 1er juin 2021, M. A. et autres, n° 452487)

 

Droit fiscal et droit financier public

 

50 - Contrôles fiscaux visant une société et ses associés – Caractère distinct des deux procédures – Conséquences et limites – Rejet.

Le Conseil d’État, statuant sur un arrêt rendu en matière de contrôle fiscal portant à la fois sur une société et sur ses associés souffle le chaud et le froid en jouant sur le caractère distinct et pourtant pas si autonomes des deux procédures en cause.

D’une part, parce que ces procédures sont distinctes, l’administration fiscale peut parfaitement demander aux associés, chacun en leur qualité de contribuables, la production de leur comptabilité personnelle (notamment des comptes courants d’associé) alors même qu’elle aurait pu le faire dans le cadre du contrôle de la société ou alors même qu’elle l’aurait fait ou encore alors même qu’elle serait déjà en sa possession…

D’autre part, parce que cette distinction a ses limites lorsqu’il y va des intérêts du fisc, l’administration peut parfaitement utiliser dans le cadre de l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable, des informations obtenues dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société dont il est associé. Il suffit pour cela que soient respectées les exigences de forme requises distinctement pour l’une et l’autre entités contrôlées (société d’une part, associés d’autre part).

(4 juin 2021, M. et Mme B., n° 430897)

 

51 - Outre-Mer – Réduction d’impôt sur le revenu – Investissements productifs neufs – Investissement par une entreprise – Condition – Absence – Erreur de droit – Annulation et rejet.

L’art. 199 undecies B CGI a prévu, au bénéfice des contribuables domiciliés en France, la possibilité d’une réduction d’impôt sur le revenu à raison d’investissements neufs productifs réalisés outre-mer. En l’espèce, une personne avait réalisé un tel investissement et l’avait mis, par contrat de location, à la disposition d’une entreprise. Infirmant, pour erreur de droit, la solution retenue en appel, le Conseil d’État juge que le bénéfice de la réduction, en ce cas, ne peut être accordé que s’il s’agit d’une opération de location à titre commercial, les revenus en résultant constituant des bénéfices industriels et commerciaux.

(4 juin 2021, Mme A., n° 434207)

 

52 - Impôt sur les sociétés – Opposition à contrôle fiscal – Infliction d’une amende de 100% des revenus distribués – Notion de revenus distribués – Absence en l’espèce – Rejet du pourvoi sur le premier point et cassation sur le second point.

Une société qui a des activités en France et en Grande-Bretagne mais dont le siège est dans ce dernier pays, est condamnée, à raison de son inertie, à répondre aux demandes de l’administration fiscale, à une amende égale à 100% des revenus distribués son attitude étant considérée comme une opposition à contrôle fiscal.

Une première question était de savoir si le comportement de fait de la société pouvait être considéré comme une opposition à contrôle fiscal ainsi que le soutenait le ministre. Au vu d’un certain nombre d’éléments la cour administrative d’appel a répondu positivement et, sous le bénéfice du pouvoir souverain des juges du fond, elle est approuvée par le Conseil d’État.

La seconde question portait sur l’annulation par la cour de l’amende de 100%, celle-ci estimant que les sommes non déclarées en France n'avaient pas été désinvesties et que la circonstance que le bénéfice reconstitué par l'administration fiscale au titre de l'exploitation française soit supérieur au bénéfice global déclaré par la société étrangère et imposé dans son Etat de résidence ne révélait pas, à elle seule, l'existence d'une distribution. Elle jugeait qu’il en allait d’autant plus ainsi qu’il est constant que le bénéfice global déclaré à l'étranger comprenait l'intégralité des produits de l'exploitation française et que cette société exerçait également une autre activité non imputable à cet établissement génératrice, par suite, de charges distinctes. Approuvant cette analyse, selon laquelle la société avait déclaré l'intégralité de ses revenus de source française à l'administration britannique et les bénéfices en découlant y avaient été imposés d’où il résultait qu'aucune distribution n'avait eu lieu, le juge de cassation rejette le pourvoi du ministre car le montant de l’amende est égal à la somme des revenus distribués, lesquels sont ici inexistants.

(4 juin 2021, Société Artelim, n° 437988 et Ministre de l’action et des comptes publics, n° 438028)

 

53 - Avis à tiers détenteur en vue du recouvrement de cotisations de taxe foncière – Avis notifiés postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire du commerce du contribuable – Loi du 26 janvier 1985 dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 26 juillet 2005 – Absence d’obligation de soumission de ces créances à la déclaration de créances – Rejet.

C’est à bon droit qu’un jugement décide que, antérieurement à la rédaction que la loi du 26 juillet 2005 a donné de ce texte, les créances de taxe foncière sur les propriétés bâties n’étaient pas soumises à l’obligation de déclaration de créances instituée par l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985 repris à l'article L. 621-43 du code de commerce.

Par suite c’est à tort que le contribuable se prévaut de la non-notification au mandataire liquidateur des cinq avis à tiers détenteur émis en vue de recouvrer des cotisations de taxe foncière, pour demander décharge de leur paiement et mainlevée de ces avis.

(9 juin 2021, M. A., n° 429919)

 

54 - Activité de marchand de biens - TVA acquittée lors de l’acquisition d’un immeuble – Conditions de déduction de la TVA – Immeuble mis provisoirement en location – Déduction en cas de revente seulement et d’exercice d’une option (5° bis de l’art. 260 CGI) – Rejet.

Lorsqu'un immeuble achevé depuis plus de cinq ans est acquis en vue de sa revente, ce qui est souverainement jugé en l’espèce, la taxe sur la valeur ajoutée ayant éventuellement grevé le prix d'acquisition n'est pas déductible sauf exercice, au moment de la revente, de l'option prévue au 5° bis de l'article 260 du CGI.

Par suite, la taxe acquittée lors de l'acquisition du bien n'est pas déductible avant l’expiration de ce délai quinquennal, quand bien même l'immeuble donnerait lieu, dans l'attente de sa revente, à des opérations de location soumises à la TVA car  il n’existe pas « de lien direct et immédiat entre l'achat de l'immeuble et l'activité intercalaire de location ».

(9 juin 2021, Société Le Cap, n° 429498)

 

55 - Acquisition de terrains à bâtir en vue de leur revente – Calcul dérogatoire de TVA – Conditions – Absence – Annulation avec renvoi.

Le juge rappelle, une nouvelle fois, qu’il se déduit de la combinaison, d’une part, des dispositions de l’art. 392 de la directive 2006/112/CE du 20 novembre 2006 relative au système commun de TVA, et d’autre part, de celles de l’art. 268 du CGI prises pour la transposition de la directive précitée, que les règles de calcul dérogatoires de TVA qu’elles instituent ne s’appliquent qu’aux cessions de terrains à bâtir en vue de leur revente et non à celles des cessions portant sur des terrains déjà bâtis au moment de leur acquisition.

(9 juin 2021, Société F. B. Immoblier, n° 432224)

 

56 - Outre-mer – Investissements productifs neufs (art. 199 undecies B du CGI) – Contribuables domiciliés en France – Réduction d’impôt sur le revenu – Acquisition d’une benne à ordures supplémentaire – Exigence du cahier des charges d’un marché public – Refus d’agrément - Erreur de droit du ministre – Confirmation du jugement de première instance et rejet.

L’acquisition, par une entreprise titulaire d’un marché public de collecte sélective des déchets ménagers et assimilés dont le cahier des charges prévoit l’obligation de disposer d’une benne à transport d’ordures supplémentaire pour le cas où le véhicule détenu tomberait en panne, réalise un « investissement productif neuf » au sens et pour l’application de l‘art. 199 undecies B du CGI.

Elle a donc droit au bénéfice de la réduction d’impôt sur le revenu que ce texte institue, nonobstant la circonstance que l’administration fiscale considère qu'un tel équipement, dont l'utilisation est aléatoire et non continue, ne saurait, par principe, être regardé comme un investissement productif affecté à l'activité de l'entreprise.

(10 juin 2021, Société Figuères Services, n° 443838)

 

57 - Impôt sur les sociétés – Impôt mis à la charge d’une société et de son unique associé – Dégrèvement des suppléments d’impôt accordé à la société – Absence d’effet sur les suppléments d’impôt mis à la charge de l’associé – Erreur de droit – Annulation.

Commet une erreur la cour administrative d’appel qui juge que les dégrèvements accordés par l’administration fiscale à une société à raison des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle avait été assujettie valent également ipso facto dégrèvements de ces mêmes suppléments imposés à l’unique associé de cette société.

(17 juin 2021, Ministre de l’action et des comptes publics, n° 431769)

 

58 - Impôts sur les sociétés – Société d’édition et de distribution de logiciels professionnels – Imputation sur l’impôt dû en France des retenues à la source prélevées dans certains États – Conventions fiscales franco-brésilienne, franco-espagnole, franco-marocaine et franco-thaïlandaise – Distinction de deux sortes d’activités exercées par la contribuable – Une seule relevant du régime du crédit d’impôt – Rejet.

La société requérante se pourvoit en cassation d’un arrêt confirmatif ne retenant que partiellement l’octroi du bénéfice de crédits d’impôt payés à l’étranger en vertu de conventions fiscales internationales.

Cette société édite et distribue des logiciels professionnels. Sa filiale exerce deux activités de ce chef : elle concède à ses clients un droit d'utilisation des progiciels professionnels qu'elle conçoit et elle leur propose par ailleurs d'en assurer la maintenance.

La cour avait relevé que cette filiale ne concède à ses clients aucun autre droit de propriété intellectuelle attaché à sa qualité d'auteur des progiciels, ni ne leur transfère des connaissances techniques en dehors de la documentation portant sur l'utilisation des produits qu'elle fournit et de l'accompagnement qu'elle assure pour favoriser leur mise en oeuvre. La cour en avait déduit que les prestations de maintenance qu’assure cette société n’emportent pas transfert de procédés secrets ni d'un savoir-faire au sens et pour l’application des conventions fiscales franco-brésilienne, franco-espagnole et franco-thaïlandaises. Par ailleurs, ces prestations ne pouvaient pas être considérées au regard de la convention fiscale franco-marocaine comme ayant pour objet la fourniture d’études techniques ou économiques.

Enfin, ayant constaté être en présence de deux prestations distinctes de la part de la filiale, des prestations d'assistance technique fournies dans le cadre de l'activité de maintenance et la concession du droit d'usage opéré par les contrats de licence, faisant chacune l’objet de facturations séparées et, enfin, que l’une est obligatoire et l’autre facultative, la cour a, sans erreur de droit ni de qualification juridique, pu juger que les rémunérations perçues en contrepartie des prestations de maintenance et celle reçues en contrepartie des cessions de licences de logiciels devaient être distinguées pour l'application des stipulations conventionnelles, les premières étant exclues des dispositions conventionnelles en cause relative au crédit d’impôt, les secondes relevant de ce régime.

Le recours est rejeté ainsi que celui du ministre.

(18 juin 2021, Société Sopra Steria Group et ministre de l’action et des comptes publics, n° 433315)

(59) V. aussi, du même jour et relativement à la même société, la décision selon laquelle ne commet pas d’erreur de droit la cour qui, ayant souverainement constaté  que les attestations dont se prévalait la requérante ne permettaient pas d'établir avec une précision suffisante que des retenues à la source avaient été appliquées au Maroc, a jugé que l'administration fiscale avait pu valablement exiger la production par la société d'une attestation des services fiscaux marocains certifiant de l'acquittement de ces retenues à la source, alors même que ni la convention fiscale franco-marocaine ni la loi n'imposent expressément de fournir un tel justificatif : 18 juin 2021, Société Sopra Steria Group, n° 433323.

(60) V. également, du même jour et avec même requérante, la seconde partie de la décision (points 8 et suiv.) jugeant que commet une erreur de droit la cour administrative d’appel qui refuse à une société le bénéfice d’un crédit d’impôt recherche en se fondant, notamment, sur la circonstance qu'elle avait répercuté intégralement aux donneurs d'ordre la charge financière liée à ces opérations de recherche. La cour devait seulement s’assurer que les cocontractants de la société Sopra Steria Group ne lui avaient pas confié la réalisation d'opérations de recherche dont le coût aurait constitué, pour ces entreprises, des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche, la cour, en s’abstenant d’opérer cette vérification, a commis une erreur de droit : 18 juin 2021, Société Sopra Steria Group, n° 433319.

 

61 - Bénéfices non commerciaux réalisés par une société de personnes – Placement en liquidation – Établissement des comptes définitifs du liquidateur – Détermination du bénéfice imposable – Rejet.

Il est jugé que, par parallélisme avec le régime fiscal applicable en cas de dissolution de sociétés (art. 1844-8 Code civil), une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes exerçant une activité relevant des bénéfices non commerciaux qui est placée en liquidation ne doit déposer la déclaration prévue par l'article 202 du code général des impôts en cas de cessation d'exercice d'une profession non commerciale que lorsque les comptes définitifs du liquidateur ont été approuvés dans les conditions prévues par la loi.

Il suit de là que les associés d'une telle société ne sont pas fondés à se prévaloir, pour la détermination du montant des bénéfices imposables entre leurs mains, de la méthode de calcul prescrite par les dispositions du 1 de l'article 202 du CGI avant l'approbation des comptes définitifs du liquidateur. 

(25 juin 2021, Ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 440982)

 

62 - Locaux professionnels – Établissement de leur valeur locative – Cas d’un EHPAD – Assujettissement aux dispositions de l’art. 1498 CGI – Rejet.

Ne commet pas d’erreur de droit le tribunal qui :

1°/ juge que l'administration n'est pas tenue de mettre le contribuable à même de présenter des observations lorsque, estimant que des locaux dont la valeur locative avait été déterminée selon une autre méthode relèvent du champ de l'article 1498 de ce code, elle procède, sans modifier les éléments déclarés par le contribuable, à une nouvelle évaluation de ceux-ci.

2°/ estime, que les biens taxables, locaux occupés par un EHPAD, maison de retraite, devaient être regardés, non comme des locaux d'habitation, mais comme des locaux professionnels au sens de l'article 1498 du CGI.

(25 juin 2021, Office public d’habitation Aube Immobilier, n° 441377)

 

Droit public économique

 

63 - Messagerie de presse – Plan de redressement de deux entreprises de messagerie dans le cadre d’un plan de cession – Contestation de la compétence de l’ARCEP pour affecter à un autre prestataire les sommes provenant d’une contribution exceptionnelle imposée aux éditeurs de presse – Absence d’incompétence de l’ARCEP – Rejet.

Cette affaire n’est que l’un des divers rebondissements contentieux de l’affaire Presstalis. Cette dernière ainsi que les Messageries lyonnaises de presse, titulaires du service national de messagerie de presse ont été mises en redressement judiciaire. Craignant pour l’avenir du service public de la distribution de la presse, corollaire indispensable de plusieurs libertés publiques, le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) a créé, par une décision du 26 février 2018, une contribution exceptionnelle des éditeurs pour le financement des mesures de redressement du système collectif de distribution de la presse.

Par une décision du 19 juin 2020, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) a modifié la décision de 2018 : c’est la décision attaquée dans le cadre de la présente affaire en tant que l’ARCEP n’avait pas compétence pour la prendre.

Le Conseil d’État rejette l’argument.

Si le juge admet les prémisses du raisonnement des requérantes, il ne les suit pas dans leur conclusion.

Tout d’abord, il est exact, comme soutenu dans le recours, que le législateur, s’il a conféré à l'ARCEP des missions de régulation de la distribution de la presse qui étaient précédemment assurées par le CSMP et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), il ne l'a pas dotée du pouvoir, mis en oeuvre par ces institutions dans la décision du 20 février 2018, de faire contribuer financièrement les éditeurs au redressement des messageries de presse. Il est donc bien certain que l'ARCEP n'est compétente ni pour instituer une telle contribution, ni pour en modifier l'économie.

Ensuite, par la décision contestée, l’ARCEP s'est simplement bornée à modifier la décision instituant la contribution exceptionnelle dans la seule mesure nécessaire à son maintien au profit de l'activité de distribution de presse assurée jusqu'alors par Presstalis et objet du plan de cession analysé dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire. Cette décision n’avait donc pour objet que de transférer à un repreneur éventuel de Presstalis, afin de donner une solidité financière plus grande à celui-ci dans l’intérêt des entreprises de presse, le produit de la contribution exceptionnelle instituée en 2018 sans en modifier ni le taux, ni la durée, ni un autre élément de son régime. Ce faisant, l’ARCEP n’a donc pas excédé ses compétences

 (11 juin 2021, Société Coopérative des Editeurs Libres et Indépendants et autres, n° 442464 ; Société Marie Claire Album et autres, n° 442775 ; Société financière de loisirs, n° 446924)

 

64 - Structures agricoles – Demande d’exploitation de terres sans qualité de propriétaire – Exigences procédurales – Rejet.

Dans une décision frappée au coin du bon sens et du souci d’être pratique et efficient, le Conseil d’État juge que « S'il résulte (…) de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime que, lorsque la demande d'autorisation d'exploitation agricole émane d'une personne qui n'est pas propriétaire des parcelles en cause, cette personne doit en principe avoir informé elle-même le propriétaire de sa candidature, l'absence dans le dossier de demande de la pièce établissant qu'il a procédé à cette information n'est pas par elle-même de nature à entacher sa demande d'irrégularité, dès lors que le propriétaire a été effectivement informé de sa candidature, y compris, le cas échéant, par l'administration au cours de l'instruction du dossier, dans des conditions lui permettant de présenter, en temps utile, ses observations écrites. Lorsque la demande est soumise à la commission départementale d'orientation de l'agriculture, l'information du propriétaire doit lui permettre de présenter utilement ses observations préalablement à la réunion de cette commission. A défaut d'avoir été assurée par le demandeur lui-même, cette information peut résulter de la lettre recommandée que l'administration adresse au propriétaire pour l'informer de l'examen de cette candidature par la commission, conformément aux dispositions de l'article R. 331-5 du même code. »

(16 juin 2021, M. C. et autres, n° 437587)

 

Droit social et action sociale

 

65 - Allocation de logement sociale – Art. R. 532-8 code de la sécurité sociale – Examen de sa légalité et de sa constitutionnalité - Renvoi préjudiciel du juge judiciaire – Atteinte au principe d’égalité devant la loi – Illégalité.

Comme il l’avait déjà jugé à propos de ce même article s’agissant de l’allocation de rentrée scolaire, le Conseil d’État, saisi sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, le juge également illégal s’agissant de l’allocation de logement sociale en raison de ce que ses dispositions peuvent ainsi conduire à ce que des foyers disposant de ressources identiques et inférieures au plafond au moment où le droit est ouvert soient traités de façon différente, certains d'entre eux, soumis à l'évaluation forfaitaire de leurs revenus, se trouvant privés du bénéfice de l'allocation.

(4 juin 2021, M. A., n° 442240)

 

66 - Renvoi préjudiciel - Autorisation administrative de licenciement d’un salarié protégé – Motif économique invoqué – Niveau d’appréciation du motif – Cas d’un groupe – Possibilité pour un groupe d’être détenu par une personne physique – Défaut de réalité du motif économique invoqué – Rejet.

Un salarié protégé ayant fait l’objet d’un licenciement pour motif économique conteste devant le juge judiciaire la réalité du motif retenu par l’administration. La cour de Chambéry renvoie au juge administratif la question préjudicielle de savoir si, comme le soutenait le demandeur, l'inspecteur du travail avait inexactement apprécié le motif économique de son licenciement, en se fondant sur la situation économique de l'ensemble des sociétés intervenant dans le même secteur d'activité que la société Papeterie du Léman dans le périmètre du seul groupe PVL Holdings, alors que la société Papeterie du Léman relève, en réalité, d'un groupe plus étendu, détenu par M. B. et comportant notamment plusieurs sociétés produisant également du papier à cigarette.

La société requérante demande au Conseil d’État de dire régulière la décision d’autorisation donnée par l’inspecteur du travail.

Répondant à la fois au renvoi préjudiciel par le juge judiciaire et au pourvoi, le Conseil d’État procède en deux temps.

En premier lieu, et cet aspect de la décision est important, se fondant notamment sur l’art. L. 233-3 du code de commerce, le juge de cassation décide qu’une personne physique doit, au même titre qu'une personne morale, être considérée comme en contrôlant une autre dès lors qu'elle remplit les conditions visées à cet article, y compris sous l'empire de la rédaction de cet article antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 3 décembre 2015 portant transposition de la directive du 22 octobre 2013 modifiant celle de 2004. Par suite, doivent être prises en compte pour l’appréciation de la situation économique d’une entreprise, toutes les entreprises placées sous le contrôle d'une même personne physique ou morale, quel que soit le lieu d'implantation de leur siège.

En deuxième lieu, alors que l’inspecteur du travail s’est fondé, pour donner son autorisation, sur la situation économique de la société Papeteries des Vosges (PDV) et sur celle de la société PDL, ces deux sociétés relevant d'un même secteur d'activité constitué par la production et la commercialisation de papier fin, notamment de papier à cigarette, et appartenant l'une et l'autre au groupe PVL Holdings, le salarié licencié fait valoir que la société PVL Holdings, dont la société PDL et la société PDV sont des filiales, est détenue par deux sociétés américaines appartenant à M. B., lequel détient en outre directement ou indirectement plusieurs autres sociétés dont les activités sont proches de celles de la société PDL, parmi lesquelles les sociétés du groupe Republic Technologies International (RTI), groupe quil comprend non seulement la société Republic Technologies France (RTF) dont le siège est à Perpignan, mais aussi la société Altesse en Autriche et la société Productos tecnologicos catalanes (PTC) en Espagne. Le salarié en déduit que le périmètre d'appréciation du motif économique de son licenciement est constitué par l'ensemble des entreprises relevant du même secteur d'activité que la société PDL et se trouvant sous le contrôle de M. B., qui peut être considéré comme exerçant le contrôle effectif sur ces sociétés au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, y compris celles du groupe Republic Technologies International. Le Conseil d’État relève que face à cette argumentation circonstanciée la société demanderesse au pourvoi s'est bornée à soutenir qu'un groupe ne pouvait être détenu par une personne physique, argument ne pouvant être retenu, et n'a pas produit d'élément concret relatif aux entreprises détenues par M. B. alors qu'elle était nécessairement en mesure de produire de telles informations.

D’où la conclusion du Conseil d’État, classique en matière de preuve (au moins depuis l’arrêt Barel, 1954) : le salarié est fondé à dire non établi le motif économique retenu pour autoriser son licenciement.

(14 juin 2021, Société Papeteries du Léman, n° 417940)

(67) V. aussi, confirmant l’annulation d’un licenciement reposant sur les seuls éléments relatifs à la situation économique d’une entité économique autonome au sein d’un groupe : 14 juin 2021, Société René Graf, n° 438431

 

68 - Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) – Recours contre la décision l’homologuant ou le validant – Ordre d’examen des moyens par le juge – Cas d’un recours contre « une nouvelle décision suffisamment motivée » d’homologation ou de validation – Moyens alors invocables – Moyens tirés de vices propres – Substitution de motif - Rejet.

Cette importante décision conduit à revisiter complètement le contentieux administratif de l’homologation ou validation d’un PSE (art. L. 1235-10, 1235-11 et 1235-16 c. trav.). Elle précise le régime contentieux applicable, d’une part, à la contestation de la décision administrative homologuant ou validant un PSE, et, d’autre part, au recours dirigé contre « la nouvelle décision suffisamment motivée » prise pour la régularisation de la décision antérieure.

Sur le premier point et pour autant que l’entreprise faisant l’objet d’un PSE ne soit pas en redressement ou en liquidation judiciaire, il convient pour le juge administratif saisi de tenir compte de ce que le législateur attache à l'annulation d'un PSE, des effets qui diffèrent selon le motif pour lequel cette annulation est prononcée.

D’où le canevas suivant à respecter par le juge saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation ou de validation d'un PSE.

1°/ Si cette requête soulève plusieurs moyens, il a l’obligation de commencer par se prononcer, s'il est soulevé devant lui, sur le moyen tiré de l'absence ou de l'insuffisance du plan, même lorsqu'un autre moyen est de nature à fonder l'annulation de la décision administrative, compte tenu des conséquences particulières qui, en application de l'article L. 1235-11 c. trav., sont susceptibles d'en découler pour les salariés.

2°/ Le juge administratif doit se prononcer ensuite sur les autres moyens éventuellement présentés à l'appui des conclusions aux fins d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision, en réservant, à ce stade, celui tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative. En effet, l'article L. 1235-16 c. trav. prévoit désormais que l'annulation d'une telle décision administrative, pour un autre motif que celui tiré de l'absence ou de l'insuffisance du plan, est susceptible d'avoir des conséquences différentes selon que cette annulation est fondée sur un moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en cause ou sur un autre moyen.

3°/ Lorsqu'aucun de ces moyens n'est fondé, le juge administratif doit se prononcer, lorsqu'il est soulevé, sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative. 
Sur le second point, lorsque, après l'annulation par le juge administratif d'une première décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise en raison d'une insuffisance de motivation, l'autorité administrative prend « la nouvelle décision suffisamment motivée » (cf. art. L. 1235-16 c. trav.), cette nouvelle décision, qui intervient sans que l'administration procède à une nouvelle instruction de la demande, et au vu des circonstances de fait et de droit existant à la date d'édiction de la première décision, a pour seul objet de régulariser le vice d'insuffisance de motivation entachant cette précédente décision. En conséquence, les seuls moyens susceptibles d'être invoqués devant le juge administratif à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cette seconde décision sont ceux critiquant ses vices propres. 

Substituant ici ce motif à celui, erroné, retenu par la cour administrative d’appel, le Conseil d’État rejette le pourvoi.

(14 juin 2021, M. A. et autres, n° 48459)

 

69 - Office public de l’habitat – Manquement à ses obligations – Contrôle de l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) – Procédure à suivre en cas de sanction – Respect des droits de la défense – Annulation.

En cas de manquements à ses obligations par un organisme de logement social, l’ANCOLS dispose du pouvoir d’ordonner la rectification des irrégularités ainsi que de proposer au ministre leur sanction.

La procédure de sanction est évidemment soumise au respect des droits de la défense et donc de tout ce que celui-ci implique : connaissance des reproches, sanctions encourues, délai raisonnable pour répondre, etc.

Il suit de là que l'ANCOLS ne peut régulièrement proposer au ministre de prononcer une sanction contre un organisme qu'elle a contrôlé qu'après que l'organe délibérant de cet organisme a été mis en mesure de présenter ses observations sur le rapport de contrôle établi par l'agence, en ayant été informé de ceux des constats du rapport pour lesquels l'agence envisage de proposer une sanction.

Bien que les art. L. 342-9, R. 342-13 et R. 342-14 du code de la construction et de l’habitation ne le prévoient pas, il incombe à l’Agence, après qu’elle a été saisie du rapport de contrôle définitif, de ne proposer une sanction au ministre que si elle se fonde sur les seuls griefs retenus dans ce rapport par le Comité du contrôle et ses suites. Il suit de là qu’est satisfaite l’exigence de respect des droits de la défense dès lors que l’Agence communique préalablement à l’organisme contrôlé d'une part le rapport définitif de contrôle et, d'autre part, la décision prise au vu de ce rapport par le comité du contrôle et des suites de l'ANCOLS. En revanche, elle n’est pas tenue à peine de nullité de la procédure de sanction, de lui communiquer la délibération par laquelle elle propose aux ministres compétents de prononcer une sanction. 

(16 juin 2021, Office public de l'habitat (OPH) Drôme aménagement habitat, n° 432682 et n° 436311, jonction)

(70) V. aussi, largement comparable : 16 juin 2021, Office public de l'habitat du Territoire de Belfort, n° 435315.

 

71 - Chômeur – Allocation d’aide au retour à l’emploi – Condition d’octroi – Actes répétés de recherche d’emploi – Absence – Refus d’ouvrir un droit à l’allocation – Erreur de droit – Annulation.

Retenant une solution très logique, le Conseil d’État juge que si l'existence d'actes positifs et répétés accomplis en vue de retrouver un emploi est une condition mise au maintien de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, elle ne saurait conditionner l'ouverture du droit à cette allocation. Il est évident que l’on ne saurait exiger pour l’ouverture d’un droit un comportement ou des attitudes qui ne sont requises que pour son maintien.

(16 juin 2021, Mme C., n° 437800)

 

72 - Régime d’assurance accidents du travail et maladies professionnelles des non-salariés agricoles – Affiliation à des régimes de sécurité sociale différents – Principe d’égalité – Portée – Exception d’illégalité rejetée.

Le Conseil d’État était saisi de la question préjudicielle renvoyée par le tribunal judiciaire de Caen portant sur la légalité de l'article D. 752-26 du code rural et de la pêche maritime en tant qu’il fixe à 30 % le taux d'incapacité permanente ouvrant droit au bénéfice d'une rente pour un chef d'exploitation ou d'entreprise agricole victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors que, selon l’art. R. 434-1 du code de la sécurité sociale (auquel il est renvoyé par l’art. L. 751-8 du code rural et de la pêche maritime), dans le cas d’un salarié agricole, une rente de même nature peut lui être accordée dès que le taux d’incapacité est d’au moins 10%.

Le demandeur voyait dans cette différence de traitement une atteinte injustifiée au principe d’égalité.

Le Conseil d’État commence par un rappel classique de son appréciation de la portée qu’il convient de donner au principe d’égalité, lequel « ne s'oppose pas à ce que des personnes affiliées à des régimes de sécurité sociale différents, lesquels forment chacun un ensemble dont les dispositions ne peuvent être envisagées isolément, soient soumises à des règles différentes en ce qui concerne la détermination du taux à partir duquel un assuré peut solliciter le bénéfice d'une rente en raison d'une incapacité permanente consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. »

Le juge relève ensuite « qu'un salarié agricole et un chef d'exploitation ou d'entreprise agricole ne contribuent pas selon les mêmes modalités au financement de la branche couvrant leur risque, la rente versée à un salarié en cas d'incapacité permanente partielle étant notamment financée par une cotisation patronale assise sur ses revenus et celle versée à un non-salarié par une cotisation forfaitaire. »

Il en conclut que ces deux catégories de travailleurs relèvent ainsi de régimes de sécurité sociale distincts, bien que gérés l'un et l'autre par la Mutualité sociale agricole et que la différence de traitement critiquée ne porte pas atteinte au principe d’égalité.

Aussi il est répondu au juge judiciaire que l’exception d’illégalité soulevée devant lui n’est pas fondée.

(16 juin 2021, M. B. c/ Mutualité sociale agricole des Côtes normandes, n° 442201).

 

Élections

 

73 - Élections municipales – Réclamation au préfet mettant en cause la régularité du vote par procuration de deux électeurs – Réclamation ayant le caractère d’une protestation de l’art. R. 119 c. électoral – Conséquences – Annulation du second tour des élections.

En premier lieu, doit être considérée comme une protestation au sens et pour l’application de l’art. R. 119 du code électoral la réclamation adressée par une électrice au préfet mettant en cause la régularité du vote par procuration de deux électeurs lors des opérations électorales du second tour des élections municipales, le28 juin 2020. En effet, cette réclamation contenait un grief précis alors même qu'elle ne comportait pas de conclusions expresses tendant à l'annulation des opérations électorales ou à la réformation des résultats et qu'elle ne mentionnait pas le nom de ces deux électeurs. C’est à tort que le premier juge l’a rejetée comme manifestement irrecevable.

En deuxième lieu, lors du second tour des élections municipales deux mandataires ont été autorisés à voter pour le compte de deux mandants sur la seule foi de la présentation des récépissés. Or les procurations correspondantes n'avaient pas été reçues en mairie le jour du scrutin. Dès lors, et alors même que la circonstance que les deux électeurs ayant donné procuration aient été admis à voter ne résulte pas d'une manoeuvre, ces deux votes doivent être regardés comme irréguliers. 

En conséquence, en retranchant deux voix du nombre total de voix obtenues par chaque candidat il s’ensuit que trois candidats ont obtenu chacun 63 voix et que parmi eux l’un est le plus jeune, il ne peut donc pas, en vertu de la règle de séniorité, être proclamé élu et les deux sièges à pourvoir ne peuvent, avec certitude, être attribué à l’un quelconque des candidats, ce qui conduit à l’annulation du second tour des élections.

(1er juin 2021, Mme D., Élections municipales de Longueville, n° 443238)

 

74 - Élections municipales et communautaires – Invocation de diverses irrégularités – Absence de preuve certaine – Rejet.

Cette décision vient opportunément rappeler l’étendue de l’exigence de preuve en contentieux électoral : si celle-ci peut résulter d’un faisceau concordant d’éléments, elle ne saurait être déduite de plusieurs allégations, chacune non établie.

En l’espèce, étaient invoqués la mise à disposition gratuite de véhicules, des éléments de promotion publicitaire, la composition de la commission de contrôle des listes électorales, l’irrégularité de procurations ainsi que des votes par procuration, une seule irrégularité étant établie sur les 151 alléguées. Par suite, est rejetée la prétendue inéligibilité d’un candidat qui résulterait prétendument de ces éléments attestant d’irrégularités qu’aurait commises ce dernier.

(7 juin 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Bouéni, n° 446694)

 

75 - Élections municipales et communautaires – Vote en période d’épidémie – Nombre élevé d’abstentions – Atteinte à la sincérité du scrutin – Rejet.

Une fois de plus le juge était saisi de l’atteinte à la sincérité du scrutin qui aurait été portée par le nombre élevé d’abstentions dans une commune du fait de l’organisation du scrutin en pleine période pandémique. Et une fois de plus ce grief est rejeté.

(7 juin 2021, M. M., Él. mun. et cnautaires de la commune de Conflans-Sainte-Honorine, n° 448929)

 

76 - Élections municipales et communautaires – Déclaration d’un agent communal sous pseudonyme – Annulation du scrutin en première instance – Griefs divers – Rejet et annulation du jugement du tribunal administratif annulant les opérations électorales.

L’affaire est peu banale qui a conduit les juges bordelais à annuler le scrutin s’étant déroulé le 15 mars 2020 dans une commune de Gironde. Il convient de laisser la parole au Conseil d’État lui-même : « Il résulte de l'instruction que M. E. B., agent de la commune de Saint-Ciers-sur Gironde et soutien déclaré de la liste conduite par M. D., a posté, sous le pseudonyme " Deadpool All-Air ", un commentaire sur sa page Facebook affirmant : " Et dire que ce matin j'ai forcé une personne pour aller voter et mettre un bulletin Pierre D., sinon c'était 50/50 mdrrrrrr. (…). la présence, dans le fil incomplet des commentaires figurant sur la page Facebook, de la phrase " Non pas du tout c'est vrai... ", émanant également de M. B., (…) ". Le juge d’appel estime qu’il n’y avait pas là matière suffisante pour annuler le scrutin car, d’une part, la première déclaration « n’est corroborée par aucun autre élément matériel permettant d'identifier la personne qui aurait subi les pressions, ni par des mentions portées au procès-verbal ou par des témoignages », et, d’autre part, la seconde déclaration ne peut être regardée comme une confirmation de ses déclarations antérieures. Le jugement est annulé de ce chef.

Toutefois, saisi par l’effet dévolutif de l’appel, le Conseil d’État devait se prononcer sur ceux des griefs de première instance que les juges du tribunal administratif n’avaient pas eu à examiner. Aucun d’eux n’est retenu : ni la circonstance que la tête de liste aurait refusé de siéger comme président ou comme assesseur dans l’un des deux bureaux de vote de la commune, ni celle selon laquelle il se serait tenu à l’extérieur à proximité des bureaux de vote et alors qu’il ne s’y est livré à aucune action de propagande électorale, ni l’importance de l’abstention liée à l’épidémie de Covid-19.

Enfin, ne peut être examiné un grief (nationalité étrangère d’un candidat non mentionnée sur les bulletins) formulée après expiration du délai de recours contentieux.

(9 juin 2021, M. D., Él. mun. et cnautaires de la commune de Ciers-sur-Gironde, n° 448929)

 

77 - Élections municipales et communautaires – Actions de propagande électorale – Absence – Utilisation abusive d’un logo et d’une photo – Absence – Polémique électorale nouvelle abusive – Absence – Épidémie – Rejet.

Le juge d’appel, comme celui de première instance, rejette tous les griefs dont il est saisi : absence de caractère électoral d’une manifestation festive et informative ouverte à tous, organisée par une association créée par 7 des 29 colistiers d’une même liste ; absence, dans les circonstances de fait de l’espèce, de caractère abusif de l’usage du logo de la communauté de communes ainsi que d’une photo d’une maison des entrepreneurs de cette même communauté ; absence d’élément nouveau de polémique électorale contenu dans un tract diffusé le 13 mars.

Enfin, l’argument tiré de l’organisation du scrutin en temps de pandémie n’avait aucune chance de prospérer.

(9 juin 2021, Mme C. et M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Saint-Eloy-les-Mines, n° 445689)

 

78 - Élections municipales – Griefs divers – Inapplicabilité de l’art. L. 118-4 du code électoral aux élections municipales – Rejet.

Le requérant a obtenu en première instance, dans le cadre d’une requête collective, l’annulation de l’élection du maire et des adjoints de la commune mais point la déclaration de leur inéligibilité d’où son appel. Celui-ci est rejeté.

Ce rejet est fondé, et c’est ce qui fait l’importance de la décision, sur ce que les dispositions de l’art. L. 118-4 du code électoral combinées avec celles des art. L. 2122-4 et L. 2122-13 du CGCT, invoquées par le demandeur appelant pour fonder sa requête en déclaration d’inéligibilité, ne sont pas applicables à l’élection du maire et des adjoints à l’encontre de laquelle ne peuvent être invoquées des manœuvres frauduleuses susceptibles d’avoir altéré la sincérité de cette élection. On peut le regretter.

Par ailleurs on trouve aussi invoqués plusieurs griefs habituels (utilisation de fonctions associatives à des fins électorales, affichages irréguliers, élément nouveau de polémique électorale, dons prohibés et situation sanitaire) tous rejetés, en général pour insuffisance de preuve ou absence de gravité.

(9 juin 2021, M. B., Élections municipales de Saint-Pierre-du-Vauvray, n° 445754)

 

79 - Élections municipales et communautaires – Électeurs empêchés de voter – Acheminement tardif des procurations par la poste en raison de l’épidémie – Annulation du scrutin en première instance – Rejet de l’appel.

Est rejeté l’appel dirigé contre le jugement qui, au vu de l’empêchement d’électeurs de voter par suite de dysfonctionnements du service postal dans l’acheminement des procurations pourtant dressées en temps utile, a prononcé l’annulation des opérations électorales tenues les 15 mars et 28 juin 2020 en vue de la désignation, d’une part, de conseillers municipaux et, d’autre part, de conseillers communautaires.

(9 juin 2021, M. C. et autres, n° 446606)

 

80 - Élections municipales et communautaires – Obligation de tenir un compte de campagne – Sanction du non-respect de cette obligation – Loi du 2 décembre 2019 (art. L. 118-3 c. électoral) – Loi punitive plus douce – Inéligibilité non prononcée – Annulation partielle.

Dans le souci de moraliser la vie publique et spécialement dans ses aspects politiques, a été prévu un plafonnement des dépenses électorales encadré par l’exigence pour tout candidat ayant obtenu au moins 1% des suffrages de tenir un compte de campagne et par le contrôle exercé sur ces comptes par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Le non-respect de cette obligation de dépôt est sanctionné par l’inéligibilité du candidat et l’annulation, le cas échéant, de son élection. Jusqu’à la loi du 2 décembre 2019, la sanction était automatique : dès le constat opéré l’inéligibilité devait être prononcée. Cette loi est venue assouplir la rigueur initiale : il incombe désormais au juge de l'élection de ne prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il doit, pour cela, apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré. 

En l’espèce, la loi nouvelle, entrée en vigueur le 30 juin 2020, est intervenue après les élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020 mais avant que le juge ne statue, soit, ici, le 9 juin 2021. Il s’ensuit qu’étant une loi punitive plus douce elle est applicable aux faits non encore jugés à la date de son entrée en vigueur. Or la loi nouvelle a, comme déjà indiqué, substitué à une punition automatique une punition conditionnelle. Il convenait donc dans cette affaire de ne pas faire une application automatique de l’inéligibilité et de l’annulation de l’élection.

Il suit de là qu’en infligeant à l’intéressé la peine automatique de l’inéligibilité assortie de l’annulation de son élection, le premier juge a commis une erreur de droit qui doit être annulée ainsi que la proclamation de deux élus, au conseil municipal et au conseil communautaire.

(9 juin 2021, MM. Saint B. et J., n° 447336 et M. E., Él. mun. et cnautaires de la commune d’Apatou, n° 449019).

(81) V. aussi, très intéressante, la décision qui retient une solution inverse de la précédente lorsque le non-dépôt des comptes de campagne est accompagné de manquements caractérisés à des règles substantielles régissant le financement des campagnes électorales : 9 juin 2021, M. C., n° 449279.

(82) V. également, maintenant l’inéligibilité pour un an prononcée en première instance pour défaut de présentation des comptes de campagne et non certification par un expert-comptable : 11 juin 2021, M. D., n° 448285.

 

83 - Élections municipales – Égalité des voix – Application de la règle de séniorité – Annulation et confirmation partielles du jugement de première instance.

Constatant, sur déféré électoral du préfet, que deux candidats ont été proclamés élus sans avoir obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, le juge annule leur élection et relevant que pour l’attribution d’un siège deux candidats avaient obtenu un nombre égal des voix, le juge applique la règle (ou principe ?) de séniorité : le plus âgé, né en 1955, est élu contre son concurrent né en 1964.

En revanche, il annule le jugement en tant qu’il a annulé l’ensemble des opérations électorales.

(10 juin 2021, Préfet du Jura, Élections municipales de Crans, n° 442226)

(84) V. aussi, identique à la précédente sur le premier point, la décision : 10 juin 2021, Préfet du Jura, Élections municipales de Miéry, n° 442227.

 

85 - Élections municipales et communautaires – Inéligibilité d’un candidat – Griefs divers relatifs à la campagne électorale et aux dépenses électorales – Rejet.

Si l’on laisse de côté les griefs tenant, d’une part, à des reproches de propagande électorale et, d’autre part, à des dépenses électorales en partie irrégulières, qui sont habituels et rejetés faute d’avoir été réellement établis, l’aspect principal de cette décision tient à la façon dont le juge d’appel, confirmant sur ce point les premiers juges, rejette le grief d’inéligibilité.

Selon les protestataires, un candidat, M. H., qui a été élu conseiller municipal sur la liste conduite par M. M. lors du scrutin du 15 mars 2020, avait exercé les fonctions de directeur du cabinet de ce dernier, maire d'Alès, entre la première élection de ce dernier comme maire, en juin 1995, et 2013, devait être déclaré inéligible.

En 2013, lors de la création de la communauté d'agglomération "Alès Agglomération", établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, M. H. avait été nommé, en qualité d'agent contractuel, directeur général des services de la communauté d'agglomération ainsi que directeur général des services de la commune d'Alès à titre accessoire. A la suite de la fusion d'Alès Agglomération avec trois autres communautés de communes, en 2017, M. H. a conservé ses fonctions de directeur général des services de la communauté d'agglomération et continué d'exercer en outre, à temps très partiel, celles de directeur général des services de la commune d'Alès.

Il a démissionné de ses fonctions de directeur général des services d'Alès Agglomération à compter du 1er septembre 2019, jour de la nomination de son successeur.

Il a ensuite démissionné de ses fonctions de directeur général des services de la commune d'Alès le 29 février 2020. S'il a exercé, après le 1er septembre 2019, toujours en qualité d'agent contractuel, les fonctions de directeur du cabinet du président d'Alès Agglomération, il a mis fin à ces fonctions le 29 février 2020. 

Les protestataires font valoir qu’en dépit de sa démission des fonctions de directeur général des services d'Alès Agglomération, il a en réalité continué à exercer, après le 1er septembre 2019, des fonctions équivalentes, participant à des réunions de l'assemblée délibérante de l'agglomération ainsi qu’à de nombreuses réunions administratives, réunions de chantier et événements officiels de promotion de l'action de la communauté d'agglomération.

Pour rejeter ces arguments, le Conseil d’État retient que M. H. n’ayant reçu aucune délégation de signature et son successeur, qui disposait, lui, de cette délégation, ayant effectivement exercé les fonctions devenues les siennes, il s’ensuit que M. H. n’entre dans aucune des inéligibilités prévues par le 8° de l'article L. 231 du code électoral.

Le rejet repose sur une démonstration qui peine à convaincre en s’arc-boutant sur la lettre d’un texte sans respecter son esprit : l’influence de l’intéressé aux yeux de ses concitoyens n’a sans doute connu aucun affaiblissement après sa démission en raison du contexte dans lequel elle est intervenue.

(10 juin 2021, M. Q., n° 448172 ; M. L., n° 448364, jonction)

 

86 - Élection d’adjoints au maire – Adjoints de quartier – Conditions de l’élection – Respect – Rejet du déféré préfectoral.

Confirmant le jugement du tribunal administratif et rejetant en conséquence le déféré du préfet, le Conseil d’État décide qu’en vertu des dispositions du CGCT : 1°/ les communes d'au moins 20 000 habitants peuvent disposer d'adjoints de quartier, dont la création et le nombre sont décidés librement par le conseil municipal dans le respect de plafonds qu'elles fixent. 2°/ les adjoints sont élus au scrutin de liste, la liste étant composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. 3°/ Si le maire et les adjoints doivent être élus lors de la première réunion du conseil municipal suivant le renouvellement général des conseils municipaux, aucune disposition n'impose que la création et l'élection d'adjoints de quartier interviennent au cours de cette séance, ni, si c'est le cas, que l'élection des adjoints et des adjoints de quartier ait lieu sur une liste unique contrairement à ce que soutenait le préfet. 

(11 juin 2021, Préfet des Hauts-de-Seine, n° 448537)

 

87 - Élections municipales – Entrepreneur de services municipaux – Inéligibilité (art. L. 231, 6° du c. élect.) – Absence de cette qualité – Rejet.

Le protestataire demandait en appel l’annulation du jugement rejetant sa protestation fondée sur l’inéligibilité d’un candidat dont il estimait qu’il était un entrepreneur de services municipaux. Le rejet est confirmé en appel : l’intéressé, avait participé douze ans plus tôt, en qualité de maire de la commune, à la création d'une association dénommée « Groupement des employeurs agricoles (GEA) de Chalvignac », dont cette commune est membre, et il ne résulte pas de l'instruction que celui-ci, qui n'est pas membre du bureau de l'association et qui n’est pas adhérent au GEA, ait joué dans les six mois précédents un rôle prédominant au sein de cette association, y compris par l'entremise de son épouse, adhérente de l'association, alors que cette affirmation n’est pas établie par ailleurs.

L’appelant n’est pas fondé à contester le jugement qu’il a frappé d’appel.

(14 juin 2021, M. C., Élections municipales de Chalvignac, n° 445374)

(88) V. aussi, jugeant que doit être considéré comme entrepreneur d’un service municipal et donc inéligible le président de l’association syndicale libre de Port-Grimaud II à laquelle - ainsi qu’à une SCI - a été concédé l'établissement et l'exploitation du port de plaisance Port-Grimaud II pour une durée de quarante-trois ans, dès lors qu’il représente l'association, dirige et anime le comité de gestion et fait exécuter les décisions prises par les assemblées générales ou le syndicat, jouant ainsi, au sein de l'association, un rôle prédominant. Il est à cet égard indifférent que l’association soit sans but lucratif et que son président y exerce ses fonctions à titre bénévole : 21 juin 2021, M. D., n° 445346.

 

89 - Élections municipales et communautaires – Taille des affiches – Liberté des organes de presse de soutenir un candidat ou une liste – Bénéfice d’une publicité gratuite – Critique d’une candidate au moyen du réseau Facebook – Effets de la crise sanitaire - Rejet.

La protestataire soulevait une batterie classique d’arguments qui n’a pas réussi à convaincre le juge soit que l’irrégularité invoquée n’ait point été établie soit qu’elle ait été mineure soit, enfin, qu’elle n’ait pas pu porter atteinte à la sincérité du scrutin.

(14 juin 2021, Mme B., Él. mun. et cnautaires de Sury-aux-Bois, n° 445953)

 

90 - Élections municipales et communautaires – Procurations irrégulièrement établies – Rejet.

Le tribunal administratif, ayant constaté l’établissement irrégulier de 12 procurations sur 35 par un officier de police lui-même candidat aux élections dans la commune, a déduit hypothétiquement douze voix du total des voix obtenues par chaque candidat, ce qui a entrainé l’annulation de l’élection de quatre candidats. Dix de ces procurations ayant été utilisées au second tour des élections, il a été procédé à l’annulation de l’élection de trois candidats au second tour.

La protestation des candidats écartés est, sans surprise, rejetée en appel.

(14 juin 2021, M. V. et autres, Él. mun. et cnautaires de Laroquebrou, n° 446549)

 

91 - Élections municipales et communautaires – Élément nouveau de polémique électorale – Impossibilité d’y répliquer - Faible écart des voix – Confirmation de l’annulation des opérations électorales – Rejet.

La diffusion d’un tract les 26 et 27 juin, à la veille d’un scrutin fixé au 28 juin,  critiquant la gestion de la crise sanitaire par le maire sortant a, dans les circonstances particulières de la pandémie, et alors, d’une part que sept voix seulement séparaient les candidats en présence et que la personne visée n’a pu disposer du temps minimum nécessaire pour y répondre, a été de nature à altérer la sincérité du scrutin ainsi que l’a jugé le tribunal administratif en prononçant à bon droit l’annulation de celui-ci

(15 juin 2021, M. C., n° 447177)

 

92 - Élections municipales – Annulation – Grief retenu ayant été formulé hors délai – Divers autres griefs allégués – Annulation et rejet pour le surplus.

Le tribunal administratif avait annulé les opérations électorales du 28 juin 2020 en retenant un grief contenu dans un mémoire enregistré à son greffe le 9 juillet soit après expiration du délai de cinq jours, ouvert pour saisir le juge électoral. Le jugement est annulé.

Les autres griefs, classiques et non établis ou sans gravité suffisante, y compris l’inévitable importance du taux d’abstention lié à une épidémie, sont rejetés.

(17 juin 2021, M. E., Élections municipales de Saint-Laurent-le-Minier, n° 445413)

 

93 - Élections municipales et communautaires – Inéligibilité d’un candidat – Directeur général adjoint d’un office public de l’habitat (OPH) – Rejet.

C’est sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que le directeur général adjoint d’un OPH dont l’activité s’exerce sur l’ensemble du territoire d’une région est inéligible aux fonctions de conseiller municipal d’une commune non-membre de la communauté d’agglomération à laquelle est rattaché cet OPH.

(25 juin 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de Guitera-les-Bains, n° 443667)

 

94 - Élections municipales et communautaires – Diffusion tardive de tracts – Éléments nouveaux de polémique électorale – Impossibilité de répondre en temps utile – Faible écart des voix - Rejet.

Cette décision confirme le jugement annulant des opérations électorales suite à la diffusion tardive de tracts contenant pour partie des éléments nouveaux de polémique électorale auxquels il ne pouvait être répondu en temps utile et compte tenu du faible écart des voix.

L’appel est donc rejeté.

(25 juin 2021, Mme A., Él. mun. et cnautaires de la commune de Saint-Astier, n° 443667)

 

95 - Élections municipales et communautaires – Propagande électorale dans le délai de vacuité électorale – Absence - Rejet.

La protestation est rejetée en tant qu’elle invoque plusieurs actes, comportements ou événements censés constituer des actes de promotion de la municipalité sortante intervenus durant le semestre de vacuité légale en matière électorale, aucun d’eux, supposé existant, n’ayant de gravité suffisante ou caractérisée.

(25 juin 2021, M. B., Él. mun. et cnautaires de la commune de l’Haÿ-les-Roses, n° 447672)

 

96 - Élections municipales – Inéligibilité – Fonctions ne figurant pas au 8° de l’art. L. 231 c. élect. – Recours à la notion de responsabilités équivalentes – Rejet.

L’affaire, relative au grief d’inéligibilité, est intéressante car elle porte sur la question de savoir si et comment apprécier l’éventuelle existence d’une telle inéligibilité lorsque le poste occupé par l’intéressé ne figure pas dans l’énumération - que donne le 8° de l’art. L. 231 du code électoral - des fonctions emportant inéligibilité. La question, en elle-même, signifie d’ailleurs que la liste n’est pas limitative alors que s’agissant d’une restriction au droit d’être élu, elle aurait pu être entendue comme étant strictement exhaustive. Toutefois, la diversité des fonctions susceptibles d’être occupées est telle que ce n’eut point été une solution raisonnable. C’est pourquoi le juge en ce cas recourt à l’examen de l’exercice par leur titulaire, en l’espèce, de responsabilités équivalentes à celles exercées par les personnes mentionnées par le 8° précité.

Ici, l’élu était, selon la description du Conseil d’État, « chef de pôle, responsable de l'agence routière départementale de Cambrai qui assure l'intégralité des travaux d'entretien et d'exploitation des routes départementales de son périmètre. Titulaire du grade d'ingénieur principal, il était placé sous l'autorité directe du directeur de la voirie. En sa qualité de responsable, il planifiait les interventions des centres d'entretien routier, participait au plan pluriannuel d'investissement en matière de matériels d'exploitation, organisait l'achat ou la location des matériaux et était susceptible de superviser entre 50 et 80 agents. » Il s’en déduit aisément que ses fonctions doivent être regardées comme étant équivalentes à celles d'un chef de service au sens du 8° de l'article L. 231 du code électoral.

Il était donc inéligible ainsi que jugé en première instance.

(17 juin 2021, M. A. et autres, n° 445034)

 

Environnement

 

97 - Autorisation environnementale – Éoliennes – Juge ordonnant avant dire droit la régularisation d’une décision irrégulière (art. L. 181-18 c. environnt) – Conclusions possibles du demandeur – Non-lieu à statuer.

Rappel de ce que le pouvoir que reconnaît au juge, sursoyant à statuer à cet effet, l’art. L. 181-18 du code de l’environnement d’ordonner avant dire droit que soit prise dans un certain délai une décision modificative d’une autorisation environnementale entachée d’un vice régularisable peut être exercé pour la première fois en appel.

Rappel aussi, par ailleurs, que, en présence d’un tel sursis à statuer en vue de la prise d’une décision de régularisation, le demandeur, s’il peut contester le jugement ou l’arrêt ordonnant la régularisation soit en tant qu’il a rejeté comme non fondés les moyens dirigés contre l’autorisation environnementale soit en tant qu’il a ordonné cette régularisation, doit se voir opposer un non-lieu à statuer à compter de la délivrance de l’autorisation modificative.

La solution est la même, on le sait, en cas d’octroi d’un permis de construire ou d’aménager de régularisation.

(14 juin 2021, Ministre de la transition écologique et solidaire, n° 4347160)

 

100 - Permis d’aménager une voie publique – Abattage d’arbres – Permis valant dérogation ou non à l’interdiction d’abattre des arbres – Permis supposant une dérogation préalable – Avis de droit.

Le Conseil d’État était sollicité pour donner son avis sur le point de savoir si, dans le cas du permis d’aménager une voie publique impliquant l’abattage d’arbres, ce permis vaut par lui-même dérogation à l’interdiction d’abattre des arbres, édictée à l’art. L. 350-3 du code de l’environnement, ou s’il suppose l’existence, préalable et distincte, d’une telle dérogation, notamment lorsque l’autorité compétente pour accorder la dérogation n’est pas celle qui délivre le permis d’aménager.

La réponse était attendue tout d’abord pour d’évidentes raisons pratiques car une telle situation se présente fréquemment. Ensuite, cette réponse a une incidence directe sur le statut juridique du permis d’aménager, en particulier sa place au sein de la hiérarchie des normes.

Le juge rappelle tout d’abord l’économie générale de l’art. L. 350-3 du code de l’environnement qui repose sur une interdiction de principe d’abattre des arbres assortie d’une possibilité de dérogation (pour un motif sanitaire, mécanique ou esthétique ou en vue d’un projet de construction) laquelle ne peut cependant être accordée qu’en présence de mesures compensatoires locales.

Ensuite, il déduit de la combinaison des dispositions applicables à la matière (outre l’art. précité, les art. L. 421-6, R. 111-26 et R. 111-27 c. urb.) confrontées aux indications qui précèdent que l’octroi d’un permis d’aménager (comme aussi d’un permis de construire ou en cas de non-opposition à déclaration préalable) portant sur un projet de construction impliquant l'atteinte à ou l'abattage d'un ou plusieurs arbres composant une allée ou un alignement le long d'une voie de communication, le permis d’aménager vaut octroi de la dérogation prévue à l'article L. 350-3 précité sous condition qu’existent des mesures de compensation appropriées et suffisantes à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage.

Il incombe tant à l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation qu’au juge de l'excès de pouvoir éventuellement saisi, de s’assurer, d’une part, de la nécessité de l'abattage ou de l'atteinte portée aux arbres pour les besoins du projet de construction et, d’autre part, de l'existence de mesures de compensation appropriées et suffisantes. 

(21 juin 2021, Association La Nature en Ville et collectif Les Citoyens Affranchis, n° 446662)

 

Étrangers

 

101 - Référé suspension – Condition d’urgence – Étranger atteint de pathologies graves – Dénaturation des pièces du dossier – Annulation de l’ordonnance.

Dénature les pièces du dossier l’ordonnance de référé suspendant l’exécution d’un arrêté portant transfert d’un étranger vers un autre pays de l’Union (Portugal) au motif qu’il est atteint de pathologies graves constitutives d’une situation d’urgence alors que les pièces du dossier n’établissent ni que ce transfert risquerait d’aggraver son état de santé ni qu’il ne pourrait pas recevoir dans le pays de destination les soins nécessaires à son état.

(2 juin 2021, Ministre de l’intérieur, n° 446582)

 

102 - Réfugié – Personne s’étant rendu coupable d’infractions pénales – Condamnation – Appréciation de la menace représentée par lui pour la France – Qualification inexacte des faits – Annulation.

Un ressortissant afghan auquel a été reconnue la qualité de réfugié en 2010, a été condamné en 2013 à quatre ans d’emprisonnement pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un État partie à la convention de Schengen, en bande organisée, et pour participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, ainsi, à titre complémentaire, qu'à une interdiction du territoire français pour une durée de dix ans.

L’OFPRA a mis fin à son statut de réfugié en novembre 2018 par le motif que sa présence en France constituait une menace grave pour la société.

Sur recours de l’intéressé, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a annulé cette mesure et rétabli le demandeur dans son statut de réfugié.

Sur pourvoi de l’OFPRA, le Conseil d’État annule la décision de la CNDA.

Le juge de cassation commence par relever, d’une part, que « les infractions pénales commises par un réfugié ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une décision mettant fin au statut de réfugié », et d’autre part, que la décision de la CNDA était fondée sur ce que le requérant ne constituait pas une menace grave pour la société, dès lors qu'il avait apparemment eu un comportement exemplaire en détention, comme en attestait le fait qu'il avait bénéficié de dix-sept mois de remise de peine sur quarante-huit, qu'il n'existait pas d'éléments laissant supposer qu'il continuait d'entretenir des liens avec ses anciens complices, qu'il ne s'était pas fait défavorablement remarquer depuis sa libération en janvier 2015, qu'il vivait désormais avec son épouse, dont il avait eu un enfant, et qu'il avait démontré une stabilité professionnelle et affective et une volonté avérée d'intégration au sein de la société française. 

Puis, il indique les éléments devant être pris en considération en une telle occurrence : examen de la gravité de la menace que constitue la présence de l'intéressé en France en tenant compte, parmi d'autres éléments, de la nature des infractions commises, des atteintes aux intérêts fondamentaux de la société auxquels la réitération de ces infractions exposerait celle-ci et du risque d'une telle réitération.  Le juge rappelle, dans une formule très nette, que : « La seule circonstance qu'un réfugié, condamné pour des faits qui, lorsqu'ils ont été commis, établissaient que sa présence constituait une menace grave pour la société, se soit abstenu, postérieurement à sa libération, de tout comportement répréhensible, n'implique pas, par elle-même, du moins avant l'expiration d'un certain délai, et en l'absence de tout autre élément positif significatif en ce sens, que cette menace ait disparue ». 

Appliquant ces directives au cas de l’espèce, le juge de cassation conclut avec une particulière sévérité, donnant raison à l’OFPRA et annulant la décision de la CNDA, que « S'il a affirmé avoir cessé tout lien avec les membres de son réseau et n'a pas attiré l'attention des autorités depuis sa libération, ces circonstances, non plus que sa situation familiale, le fait qu'il exerce une activité professionnelle en tant qu'intérimaire et son apprentissage de la langue française, ne permettent de tenir pour acquis que sa présence en France ne constituait plus, à la date de la décision attaquée, une menace grave pour la société française ».

(10 juin 2021, M. A., n° 440383)

 

103 - Covid-19 - Instruction du premier ministre – Interruption de la délivrance de visas et des autorisations d’entrée sur le territoire français – Durée d’interruption portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale - Annulation.

L’instruction primo-ministérielle du 29 décembre 2020, par laquelle les autorités compétentes ont été invitées à opposer des refus d'entrée à toutes les personnes étrangères, sauf dérogations limitativement énumérées, alors que la procédure de délivrance des visas et d'entrée sur le territoire français des familles des ressortissants étrangers bénéficiaires du regroupement familial et de la réunification familiale était interrompue depuis plus de neuf mois, a porté une  atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et à la vie familiale normale des intéressés.

Toutefois, cette instruction ayant été abrogée et remplacée par celle du 25 janvier 2021 qui autorise les ressortissants de pays tiers titulaires d'un visa de long séjour délivré au titre du regroupement familial ou de la réunification familiale à entrer sur le territoire français, ce motif permettant également l'instruction de leur demande de visa, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants sont rejetées car devenues sans objet.

(29 juin 2021, Cimade, service oecuménique d'entraide et autres, n° 447872 ; Association des avocats pour la défense du droit des étrangers, n° 447890, jonction)

 

Fonction publique et agents publics

 

104 - Ancien élève de l’École polytechnique – Ingénieur des ponts et chaussées puis des ponts, eaux et forêts – Mise en disponibilité pour création d’entreprise -Radiation des cadres – Demande de remboursement des frais de scolarité – Prescription de l’art. 2224 C. civil – Annulation sur ce point du décret attaqué.

Il faut surtout retenir de cette décision l’application, par le juge, de la prescription instituée par l’article 2224 du Code civil, à l’obligation de remboursement des frais de scolarité pour ceux des élèves de l’École polytechnique n’accomplissant pas, à l’issue de leur scolarité, la durée minimale de services effectifs auprès de l’État.

(4 juin 2021, M. B., n° 436100)

 

105 - Agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) – Agent contractuel – Agent titulaire de contrats à durée déterminée – Nouveau contrat – Modification substantielle – Qualification inexacte des faits – Annulation sans renvoi.

Qualifie inexactement les faits le jugement qui estime qu’un nouveau contrat à durée déterminée offrant une baisse mensuelle de rémunération de 250 euros ne constitue pas une modification substantielle du contrat précédent. Par suite, c’est à tort qu’il a refusé de considérer la demanderesse comme involontairement privée d’emploi au sens et pour l’application des art. L. 5422-1 et L. 5424-1 du code du travail.

(9 juin 2021, Mme B., n° 425463)

 

106 - Fonctionnaire – Épuisement des droits à congé de maladie – Inaptitude à la reprise des fonctions antérieurement exercées – Reclassement ou mise en disponibilité d’office – Rejet.

Il résulte de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique territoriale (art. 57, 72, 82) et des décrets du 30 septembre 1985 (art. 1er) et du 30 juillet 1987 (art. 4), combinés, que le fonctionnaire qui, à l'issue de ses droits statutaires à congé de maladie, est reconnu inapte à la reprise des fonctions qu'il occupait antérieurement, l'autorité hiérarchique ne peut placer cet agent en disponibilité d'office, sans l'avoir préalablement invité à présenter, s'il le souhaite, une demande de reclassement.

La mise en disponibilité d'office peut ensuite être prononcée soit en l'absence d'une telle demande, soit si cette dernière ne peut être immédiatement satisfaite. 

La demande d’annulation de l’arrêt d’appel présentée par la commune est rejetée.

(9 juin 2021, Commune de Portet-sur-Garonne, n° 436935)

 

107 - Agent du centre de coopération policière et douanière de Tournai (Belgique) –Demande de versement d’une indemnité et de remboursement de frais de mission – Affectation permanente et sans limitation de durée – Absence de droit au remboursement de frais de transport ou au paiement d'indemnités de mission – Absence de droit à une indemnité de fidélisation en secteur difficile – Rejet.

La question objet de la présente décision et de plusieurs autres fournit un contentieux nourri (cf. cette Chronique, mai 2021, n° 123).

Un fonctionnaire de police en poste à la direction interrégionale de la police judiciaire de Lille, a été affecté, à sa demande, au centre de coopération policière et douanière de Tournai (Belgique), créé en vertu d'un accord de coopération transfrontalière en matière policière et douanière passé entre les gouvernements français et belge. Il y exerce, sous l'autorité de sa hiérarchie française, des missions de lutte contre l'immigration irrégulière et la délinquance transfrontalière. Il a sollicité, d’une part, le remboursement de ses frais de transport ou le paiement d'indemnités de mission et, d’autre part, le versement de l’indemnité de fidélisation en secteur difficile susceptible d’être attribuée aux fonctionnaires actifs de la police nationale.

Un refus lui ayant été opposé, il a saisi, en vain, la juridiction administrative et se pourvoit en cassation. Son pourvoi est rejeté.

Le Conseil d’État juge que c’est sans erreur de droit que la cour administrative d’appel a estimé :

1°/ que son affectation à Tournai étant permanente et sans limitation de durée, les trajets quotidiens effectués par le demandeur entre ce lieu et celui de son domicile ne pouvaient pas être considérés comme des déplacements temporaires au sens et pour l’application du décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'État, sans que fasse obstacle à cette conséquence la circonstance que l'administration considérait que la résidence administrative de l'intéressé restait à Lille et qu'elle lui avait établi des ordres de mission mensuels pour exercer ses fonctions à Tournai.

2°/ qu’en raison de son affectation à Tournai, le requérant ne pouvait pas être regardé, pour l’application de l’art. 2 du décret du 15 décembre 1999 portant attribution d'une indemnité de fidélisation en secteur difficile aux fonctionnaires actifs de la police nationale, comme exerçant ses attributions dans la circonscription de sécurité publique de Lille et cela en dépit de ce que la zone d'intervention du centre de coordination comporte, aux termes de l'accord intergouvernemental précité, les cinq départements de l'Aisne, des Ardennes, du Nord, de la Meuse et de la Meurthe-et Moselle.

La solution est particulière rude sur ce dernier point.

(14 juin 2021, M. A., n° 439063)

(108) V. aussi, les solutions identiques retenues dans les décisions suivantes du 14 juin 2021 toujours à propos des mêmes lieux d’affectation : M. A., n° 439064 ; Mme A., n° 439065 ; M. B., n° 439066 ; M. A., n° 439067 ; M. A., n° 439068 ; M. B., n° 439069 ; M. A., n° 439070 ; Mme A., n° 439071 ; M. B., n° 439072 ; M. A., n° 439073.

 

109 - Comité ministériel unique d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail placé auprès des ministres chargés de la santé, de la jeunesse, de la vie associative, des solidarités, de la cohésion sociale, de la ville et des sports – Personnel des agences régionales de santé (ARS) – Personnel non représenté au sein du Comité précité – Agences ne constituant pas des services déconcentrés et disposant d’une représentation propre – Rejet.

Le syndicat requérant demandait au Conseil d’État de juger illégal l’arrêté interministériel du 8 mars 2019 fixant la liste des organisations syndicales habilitées à désigner des représentants au sein du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel unique placé auprès des ministres chargés des affaires sociales, de la santé, de la jeunesse et des sports, pour n’avoir pas donné de représentation au sein de ce comité aux personnels des ARS. 

En réalité ce comité unique est seulement compétent pour connaître des questions relevant de ses attributions concernant l'ensemble des services centraux et déconcentrés placés sous l'autorité exclusive ou conjointe de ces ministres et, le cas échéant, les questions communes aux établissements publics relevant de ces départements ministériels figurant sur une liste fixée par arrêté des ministres intéressés. Or les ARS ne sont pas des services déconcentrés, leurs personnels ne relèvent donc pas de ce comité unique et il existe une organisation particulière aux ARS sous la forme du comité national de concertation de ces agences dont les attributions, fixées par l'article L. 1432-11 du code de la santé publique, sont identiques à celles d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

C’est pourquoi c’est sans illégalité que les voix obtenues aux élections aux comités de ces agences n'ont pas à être prises en compte pour la mise en oeuvre des dispositions combinées de l'article 42 du décret du 28 mai 1982, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique, et de l'article 5 du décret du 29 mai 2018 créant un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ministériel unique placé auprès des ministres chargés des affaires sociales, de la santé, de la jeunesse et des sports.

(14 juin 2021, Syndicat national des personnels des affaires sanitaires et sociales - Force ouvrière (SNPASS-FO), n° 431645)

 

110 - Fonction publique – Organisation et fonctionnement des services publics – Compétences respectives des comités techniques et des comités d’hygiène, sécurité et conditions de travail – Possibilité pour les salariés de faire appel à un expert agréé en cas de « projet important » – Notion – Absence en l’espèce – Rejet.

Les syndicats requérants contestaient la légalité de la fusion du SIP (service des impôts des particuliers) de Dijon Sud et Amendes et du SIP de Dijon Nord en raison de l’irrégularité de la procédure suivie.

Alors qu’avait été demandée la désignation d’un expert agréé du fait que cette fusion constituait un « projet important » au sens des dispositions du 2° de l’art. 55 du décret du 28 mai 1982, l’administration avait procédé à cette opération le 17 décembre 2019 sans qu’une réponse à la demande d’expert ait été donnée puisque celle-ci, négative, ne le sera que le lendemain.

Le Conseil d’État tente de donner une définition de la notion de « projet important » ; c’est la suivante : « tout projet qui affecte de manière déterminante les conditions de santé, de sécurité ou de travail d'un nombre significatif d'agents, le critère du nombre de salariés ne déterminant toutefois pas, à lui seul, l'importance du projet. »

Ensuite, il en déduit que l’opération litigieuse ne constitue pas un tel projet : cette fusion n'a pas modifié la résidence administrative des agents relevant désormais du SIP de Dijon et Amendes, dont au demeurant le lieu de travail est maintenu dans le même immeuble que celui dans lequel étaient installés le SIP de Dijon Sud et Amendes et le SIP de Dijon Nord ; elle n'a pas entraîné, à la date de l'arrêté attaqué, de changement important dans les missions exercées par les agents et la sectorisation géographique des services et elle n’a affecté que la situation d'un agent, conformément à ses souhaits. Enfin, si les syndicats requérants font valoir que cinq emplois ont été supprimés au sein du nouveau SIP de Dijon et Amendes au titre des années 2020 et 2021, il n'est pas établi que ces suppressions étaient la conséquence du projet de fusion des SIP décidé par l'arrêté attaqué. 

Le recours est rejeté.

(14 juin 2021, Syndicat Solidaires Finances Publiques et autres, n° 438874)

 

111 - Agent public contractuel – Contrat à durée déterminée – Non renouvellement ou proposition d’un contrat substantiellement différent – Justification par l’intérêt du service – Absence – Illégalité – Annulation.

Rappel de ce qu’un agent public recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses, si l'administration envisage de procéder à son renouvellement.

Cependant, l’une ou l’autre de ces deux hypothèses est entachée d’illégalité si elle n’est pas fondée sur l'intérêt du service.

Saisi d’une réclamation fondée sur un tel moyen qu’il estime fondé, il appartient au juge d’accorder une indemnité versée pour solde de tout compte en prenant en considération la nature et la gravité de l'illégalité, l'ancienneté de l'intéressé, sa rémunération antérieure, et les troubles dans ses conditions d'existence. 

(17 juin 2021, M. A., n° 438528)

 

112 - Agent public contractuel – Demande de protection fonctionnelle – Acte interruptif de la prescription – Demande non justifiée – Rejet.

La requérante a demandé l’annulation du refus du maire de lui accorder la protection fonctionnelle et la réparation du préjudice causé par ce refus. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt confirmatif du rejet de sa requête.

Le Conseil d’État reçoit l’action de l’intéressée en tant que c’est à tort que la cour administrative d’appel a jugé que l’action qu’elle a engagée contre deux agents municipaux n’était pas de nature à avoir interrompu la prescription de la créance qu’elle prétendait avoir sur la commune car elle n’était pas relative à cette créance. C’était là une erreur de droit car cette action pénale portait bien sur le fait générateur, l'existence et le montant de la créance que la requérante estime détenir sur la commune au titre de la protection fonctionnelle qui lui est due du fait de la dénonciation calomnieuse dont elle a fait l'objet de la part de ces deux agents en mars 2005. 

Cependant, au fond, le juge de cassation donne raison à la cour de son rejet de l’action introduite car, d’une part, sans dénaturer les faits, elle a constaté que la demanderesse ne justifiait pas avoir été exposée à des menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages justifiant le bénéfice de la protection fonctionnelle lors de sa reprise d’activité en décembre 2013, et d’autre part, celle-ci n'a jamais sollicité la protection du service à cette époque.

(21 juin 2021, Mme A., n° 437641)

 

113 - Fonction publique territoriale – Aménagement et réduction du temps de travail – Mise en place d’un cycle annuel de travail – Obligations s’imposant et facultés reconnues aux collectivités territoriales – Rejet.

Le Conseil d’État déduit des dispositions des articles 1er respectivement du décret du 12 juillet 2001, pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, et du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, qu’une collectivité territoriale qui met en place un cycle de travail annuel à l'intérieur duquel sont définis les horaires de travail des agents de l'un de ses services a une obligation assez limitée.

Elle doit seulement respecter les durées maximales et minimales du temps de travail et de repos figurant aux articles 1er et 3 du décret du 25 août 2000 précité.

En revanche, et la solution peut surprendre, la collectivité n'est pas tenue de définir, de manière uniforme, à l'intérieur de ces limites, le temps de travail de l'ensemble des agents du service, ni même de ceux qui exercent les mêmes fonctions.

Elle peut donc, par suite, élaborer, dans le cadre des cycles de travail ainsi définis, des plannings individuels mensuels fixant les horaires des agents ou déterminer des bornes quotidiennes et hebdomadaires entre lesquelles les horaires de chaque agent sont susceptibles de varier. 

Le recours est rejeté en tant qu’il présumait irrégulière cette manière de procéder, admise ici par le juge.

(21 juin 2021, Syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin-d'Hères et du CCAS et Mme A., n° 437768)

 

114 - Gendarme – Commandant d’un pôle judiciaire de la gendarmerie – Sanction assortie d’un sursis à exécution de douze mois – Délai de sursis expiré – Recours en annulation de la sanction – Non-lieu à statuer – Rejet.

Doit être rejeté comme étant devenu sans objet, le recours d’un fonctionnaire de gendarmerie dirigé contre une sanction de 20 jours d’arrêt avec dispense d’exécution assortie d’un sursis de douze mois, dès lors que durant ce délai le requérant n’a pas fait l’objet d’une sanction égale ou supérieure à celle encourue, laquelle n’a pas été exécutée et a été effacée de son dossier individuel.

(23 juin 2021, M. A., n° 447863)

 

115 - Agent hospitalier – Syndrome anxio-dépressif – Imputabilité au service – Qualification inexacte des faits – Annulation et renvoi.

Si, en principe, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, il en va différemment lorsqu’un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance conduit à détacher du service la survenance ou l'aggravation de la maladie.

En l’espèce, qualifie inexactement les faits la juridiction qui juge que le syndrome anxio-dépressif dont souffre la requérante est imputable au service du fait  du lien direct existant entre le changement d'affectation imposé à l'intéressée en juillet 2013, en raison de la réorganisation du service dans lequel elle exerçait depuis 2002, et l'aggravation de son état de santé à la même époque, alors qu’il résulte du dossier soumis à la juridiction et notamment du rapport d'expertise médicale établi à la demande de la commission de réforme et de l'examen réalisé par le médecin du travail, que l'intéressée, qui faisait l'objet d'un suivi psychiatrique depuis 1998 et connaissait des périodes répétées de fortes angoisses et d'épuisement psycho-affectif, présentait, au moment où sa maladie s'est aggravée, les signes d'une très grande fragilité psychique, qui s'était manifestée à plusieurs reprises lors d'événements sans rapport avec les modalités selon lesquelles s'était opéré son changement d'affectation. 

(28 juin 2021, Mme A., n° 440136)

 

116 - Indemnité de tâche de contrôle en usine – Ouvriers de l’État – Prime non versée en cas de congés maladie, maternité et accidents de travail – Différence par rapport aux fonctionnaires – Rejet.

N’est pas irrégulier le refus  implicite né du silence gardé par la ministre des armées à la suite de la demande préalable du syndicat requérant, le 28 mars 2019, tendant à ce qu'elle rétablisse le versement de l'indemnité de tâche de contrôle en usine lors des périodes de congés de maladie des ouvriers de l'État et à ce qu'elle ajoute cette indemnité à la liste de celles figurant à l'article 7 du décret du 24 février 1972 relatif aux congés en cas de maladie, de maternité et d'accidents de travail dont peuvent bénéficier certains personnels ouvriers de l'État mensualisés.

En effet, d’une part, le texte invoqué au soutien de cette demande (1° du I de l’art. 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'Etat et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés) n’est pas applicable aux ouvriers de l’État, et, d’autre part, le grief tenant à la  différence de traitement tiré de ce que les fonctionnaires bénéficient de cette prime durant ces congés n’est pas contraire au principe d’égalité « s’agissant d'agents publics relevant de corps, cadres d'emploi ou même, comme en l'espèce, de statuts différents, leur rémunération ne peut être appréciée que globalement. » Au surplus, les fonctionnaires ne sont pas éligibles à cette prime et, enfin, parce que le versement de l'indemnité en litige est lié à l'exercice effectif des fonctions, la circonstance que le montant de cette indemnité n'est pas pris en compte pour le calcul de la rémunération maintenue durant le congé de maternité et le congé de maladie en cas de grossesse pathologique n'est pas de nature à constituer, par elle-même, une méconnaissance du principe d'égalité entre les femmes et les hommes.

(29 juin 2021, Syndicat CGT des personnels civils du service de la modernisation et de la qualité de la direction générale de l'armement du ministère des armées, n° 445264) V. aussi le n° 36 au sujet de la qualité pour agir du syndicat requérant

 

117 - Agents publics des chambres de commerce – Repreneur privé d’une activité exercée par une chambre de commerce – Régime indemnitaire – Rejet.

Les syndicats requérants demandaient l’annulation du décret n° 2019-867 du 21 août 2019 relatif aux modalités de traitement des agents publics refusant l'engagement proposé par le repreneur d'une activité exercée par leur chambre de commerce et d'industrie d'affectation.

Aucun des nombreux moyens développés au soutien de leurs requêtes n’est retenu par le Conseil d’État.

Le premier ministre était compétent pour prendre ce décret nonobstant la compétence de droit commun de la commission paritaire prévue à l’art. 1er de la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers car la loi du 22 mai 2019, en insérant un art. L. 712-11-1 dans le code de commerce a entendu déroger sur ce point à la loi de 1952.

Le Conseil d’État n’avait pas à être consulté avant la prise de ce décret qui n’est qu’un décret simple et en l’absence de dispositions prévoyant expressément cette consultation.

Le premier ministre pouvait, comme il l’a fait, fixer le mode de calcul de l'indemnité de rupture du contrat de ces agents conformément au régime d'indemnisation des licenciements pour refus de mutation géographique, la mutation géographique au sein d'une chambre ayant en commun avec le transfert au repreneur des activités d'une chambre de ne pas entraîner la suppression du poste de l'agent concerné et de donner à cet agent la possibilité de poursuivre son activité professionnelle.

Le principe général du droit relatif aux obligations de reclassement interne est inapplicable ici, le législateur (art. L. 712-11-1 du code préc.) ayant entendu y déroger.

Pas davantage ne peuvent être invoqués :

- ni le droit au respect des biens (art. 1er du premier protocole additionnel à la Convention EDH),

- ni le fait que l'indemnité de rupture étant calculée de manière proportionnelle à l'ancienneté ne saurait la faire regarder comme n'assurant pas l'indemnisation de la perte du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie par l'agent refusant son transfert au repreneur de tout ou partie de l'activité de la chambre de commerce et d'industrie qui l'emploie pour l'exercice de cette activité,

- ni le principe de sécurité juridique car en tout état de cause, en cas de reprise de l'activité par un tiers, l'agent ne peut continuer d'être employé par cette chambre et ne peut, en conséquence, bénéficier du dispositif prévu par le VI de l'article 40 de la loi du 22 mai 2019 et se voir proposer, par sa chambre, un contrat de travail de droit privé.

Par suite, le syndicat CFE-CGC réseaux consulaires n'est pas fondé à soutenir que l'entrée en vigueur immédiate du décret attaqué priverait les agents publics des chambres de commerce et d'industrie de la possibilité de bénéficier du dispositif prévu par le VI de l'article 40 de la loi du 22 mai 2019.

(29 juin 2021, Syndicat CFE-CGC réseaux consulaires, n° 435466 ; Syndicat national des chambres de commerce et de l'industrie - CFDT, n° 435483 ; Syndicat CGT du personnel des chambres de commerce et d'industrie de Paris et d'Ile-de-France, n° 435486, jonction)

 

Libertés fondamentales

 

118 - Référé liberté – Réunions électorales en plein air – Limitation à cinquante personnes pour cause de Covid-19 – Atteinte à plusieurs libertés fondamentales – Rejet.

Le juge du référé liberté du Conseil d’État était saisi d’une demande de suspension du 9° du III de l'article 3 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 en ce qu'il limite à 50 personnes les réunions électorales organisées en plein air hors des établissements recevant du public ainsi que d’une demande d’injonction au premier ministre de modifier ce texte sous huit jours

Dans une ordonnance de rejet un peu embarrassée, il est répondu que certes cette limitation porte atteinte à plusieurs libertés fondamentales surtout en période électorale mais elle doit être appréciée à la lumière des exigences sanitaires. La demande de suspension « aggraverait donc la contrainte sur la liberté d'organiser des manifestations par les partis politiques et ne serait donc aucunement de nature à préserver les libertés fondamentales objets de restrictions au regard de la crise sanitaire ».

La circonstance que d’autres rassemblements plus nombreux sont autorisés est justifiée par des considérations propres à chacun d’eux. Enfin, est rejeté l’argument, assez fort pourtant, selon lequel les petites formations politiques n’ont pas les moyens, à la différence des grandes, d’organiser des réunions dans des établissements recevant du public où cette limitation à 50 n’existe pas : selon le juge ce n’est pas le texte litigieux qui crée cette distorsion.

Réponse très discutable car s’agissant des deux termes de comparaison, le décret du 20 octobre 2020 constitue bien l’un de ces deux termes.

(11 juin 2021, Mme A. et association " La France insoumise ", n° 453236)

 

119 - Référé liberté – Pose de plots empêchant l’accès et la sortie de caravanes – Gens du voyage – Droit d’accès à la voie publique – Droit de propriété – Exigences de sécurité routière invoquée – Rejet.

Le maire de la commune avait fait poser trois plots en béton, disposés en quinconce sur un chemin communal, à l’entrée de la propriété de deux personnes, gens du voyage, dont les caravanes leur servant d’habitation ainsi qu’à leurs enfants, ne pouvaient ainsi ni sortir de la propriété ni y être introduites, leur tractage étant rendu ainsi impossible. Le maire invoquait les nécessités de la sécurité publique qui imposaient de lutter contre la circulation des camions sur ce chemin communal.

Le juge des référés du Conseil d’État, saisi d’un appel contre les ordonnances de première instance enjoignant le maire de retirer les plots, rejette cet appel, confirmant la solution du premier juge.

Le libre accès des riverains à la voie publique constitue un accessoire du droit de propriété lequel a le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, par suite, la privation de tout accès à la voie publique est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté.

Les propriétaires concernés n’ont pas d’autre domicile familial que leurs caravanes soit qu’ils séjournent sur leur propriété soit qu’ils se déplacent, ce qu’ils font fréquemment, l’impossibilité d’accéder librement à leur propriété constitue une situation d’urgence.

Enfin, le juge ne retient pas le motif, allégué par le maire, de sécurité de la circulation sur une voie communale alors que la commune ne justifie pas qu'elle n'aurait pas pu recourir à un autre dispositif pour interdire la circulation des poids lourds les plus gros porteurs sur le chemin communal tout en préservant le passage des caravanes.

(7 juin 2021, Commune de Mougins, n° 452849)

 

Police

 

120 - Forfait de post-stationnement – Titre exécutoire substitué à l’avis de paiement – Inopérance du moyen dirigé contre l’avis de paiement – Erreur de droit – Annulation.

Le juge est encore une fois appelé à indiquer au magistrat désigné par le président de la commission du contentieux du stationnement payant qu’il commet une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de l'absence d'obligation de payer la somme réclamée par l'administration était inopérant, au motif qu'il mettait en cause la légalité de l'avis de paiement auquel le titre exécutoire s'était substitué. Il résulte des dispositions combinées des art. L. 2333-87 et R. 2333-120-35 du CGCT que l'intéressé peut contester, dans le cadre d'un litige dirigé contre le titre exécutoire, l'obligation de payer la somme réclamée par l'administration.

Démonstration confirmée de ce que les lois simplificatrices, surtout en matière contentieuse, compliquent.

(8 juin 2021, M. A., n° 436444)

(121) V. aussi, identique : 8 juin 2021, M. B., n° 437380.

 

122 - Schéma national de maintien de l’ordre – Document de portée générale à effets possiblement notables sur les individus – Condition des journalistes au sein des manifestations – QPC sur des dispositions du code de la sécurité intérieure – Recours à la technique de l’encerclement – Annulations diverses et rejet pour le surplus.

Une circulaire du ministre de l’intérieur du 16 septembre 2020 comporte en annexe le schéma national du maintien de l'ordre qui a pour objet de définir le cadre d'exercice du maintien de l'ordre, applicable à toutes les manifestations se déroulant sur le territoire national, permettant ainsi de fixer une doctrine commune pour l'ensemble des forces de l'ordre. Certaines dispositions de ce schéma sont, pour l’essentiel, critiquées par les différentes requêtes jointes.

Tout d’abord se posait une question de recevabilité dans la mesure où les recours étaient dirigés contre un document de portée générale émanant d’autorités publiques. Le juge estimant qu’il était susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation des organisateurs de manifestations, des manifestants, des journalistes, des observateurs et de tiers, le recours pour excès de pouvoir dirigé contre celui-ci était recevable.

Ensuite le juge rappelle très clairement le cadre d’exercice des pouvoirs de police en présence d’une liberté reconnue. Ainsi, il est rappelé que si la matière des libertés publiques (ici de manifester, d’opinion et de communication) relève de la loi, d’une part, les autorités de police sont compétentes pour en régler l’usage concret en cas de risques d’atteintes à l’ordre public, et d’autre part, le ministre de l’intérieur tient de sa qualité de chef de service (reconnue par l’arrêt Jamart en 1936) la compétence pour prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous son autorité, dans la mesure où l'exige l'intérêt du service.

Plusieurs dispositions de ce document étaient critiquées directement ou indirectement. Les unes sont rejetées et les autres admises.

Au chapitre des rejets autres que de procédure, il faut retenir celui de la critique faite au ministre de l’intérieur de n’avoir pas prévu le cas des observateurs alors qu’il n’était pas tenu à une obligation d’exhaustivité, celui aussi du moyen tiré de ce que la possibilité d'obtenir des forces de l'ordre, en temps réel, des informations supplémentaires relatives au déroulement d'une manifestation, plus précises ou complètes que celles directement rendues publiques, peut être réservée à certains journalistes seulement, décision qui n'affecte pas, par elle-même, les règles concernant la liberté d'expression et de communication. Semblablement l’instauration (au point 2 .2.2. du schéma) d’une accréditation des journalistes titulaires de la carte de journaliste professionnel, et alors même que la possession de cette carte n’est pas requise pour l’exercice de la profession de journaliste, n’introduit pas une différence illégale par rapport aux journalistes non détenteurs de cette carte. Enfin, la QPC dirigée contre divers articles du code de la sécurité intérieure servant de fondement au point 3.1.4 du schéma litigieux est rejetée car aucune de ces dispositions n’est applicable au litige.

En revanche, nombreuses sont les annulations prononcées :

Celle du point 2.2.1. du schéma qui permet aux journalistes de porter des équipements de protection, dès lors que leur identification est confirmée et que leur comportement est exempt de toute infraction ou provocation, mesure qui est jugée, d’une part, comme rédigée dans des termes au demeurant ambigus et imprécis, et d’autre part, comme ne relevant pas de la compétence du ministre de l'intérieur en sa qualité de chef de service, en tant qu’elle édicte des règles à l'égard des journalistes, non plus d'ailleurs qu'à l'égard de toute personne participant ou assistant à une manifestation.

Celle du point 2.2.2. selon laquelle est ouverte à certains journalistes la possibilité d'obtenir des forces de l'ordre, en temps réel, des informations supplémentaires relatives au déroulement d'une manifestation, plus précises ou complètes que celles directement rendues publiques, dans la mesure où l’utilisation de la notion de journalistes « accrédités auprès des autorités », sans préciser la portée, les conditions et les modalités d'une telle « accréditation » est susceptible, faute de précision, de permettre un choix discrétionnaire des journalistes accrédités parmi tous ceux titulaires de la carte de presse en faisant la demande, de porter une atteinte disproportionnée à la liberté de la presse et à la liberté de communication.

Celle du point 2.2.4 en ce qu’elle décide que « le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d'associations » et qui enjoint aux journalistes et aux observateurs indépendants d'obtempérer aux injonctions des forces de l'ordre en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser. En effet, selon le juge, les journalistes peuvent ainsi continuer d'exercer librement leur mission lors de la dispersion d'un attroupement sans être tenus de quitter les lieux, dès lors qu'ils se placent de telle sorte qu'ils ne puissent être confondus avec les manifestants et ne font pas obstacle à l'action des forces de l'ordre. Il en va de même pour les observateurs indépendants.

Celle du point 3.1.4. qui permet le recours à la technique de l’encerclement en tant qu’elle n’encadre pas précisément les cas dans lesquels elle peut être mise en œuvre, notamment pour en vérifier le caractère adapté, nécessaire et proportionné aux circonstances.

(10 juin 2021, Syndicat national des journalistes et Ligue des droits de l'homme, n° 44849 ; Confédération générale du travail et le Syndicat national des journalistes CGT, n° 445063 ; Union syndicale Solidaires et autres, n° 445355 ; M. A., n° 445365, jonction)

 

123 - Libertés fondamentales – Possibilité d’instauration de boxes vitrés dans les salles d’audience des juridictions judiciaires – Illégalité – Rejet.

Le Conseil d’État, après décision du Tribunal des conflits estimant que cette question relève de la compétence des juridictions administratives, examine au fond une requête dirigée contre la possibilité, à l’égard de certains prévenus, d’installer dans les salles d’audience des juridictions judiciaires des boxes vitrés.

Aucun des moyens soulevés au soutien de leur illégalité et donc à l’annulation du refus du garde des sceaux d’abroger l'arrêté du 18 août 2016 en ce qu'il concerne l'installation de boxes sécurisés vitrés n’est retenu : le ministre de la justice avait bien compétence pour prendre une telle décision sur le fondement des art. L. 1332-1 et R. 1332-1 du code de la défense ; les dispositions combinées du 4è alinéa du III de l’article préliminaire du code de procédure pénale et de l’art. 318 de ce code ne font pas obstacle à la prise de mesures de contraintes justifiées tant par la sécurité des personnes présentes à l’audience que par les risques susceptibles d’être engendrés par la personne du prévenu ; les mesures en question n’ayant nullement pour effet d’instaurer une présomption de culpabilité et sont décidées sous le contrôle du juge judiciaire compétent ne contreviennent ni à l’art. 9 de la Déclaration de 1789 ni à l’art. 5 de la directive du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre de procédures pénales ; le placement en box sécurisé ne constitue pas un traitement inhumain ou dégradant qui contreviendrait à l’art. 3 de la Convention EDH ni non plus une atteinte au droit à un procès équitable comma aux droits de la défense tels que garantis à l’art. 6 de cette Convention ; pas davantage cette mesure n’apparaît entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

(21 juin 2021, Syndicat des avocats de France, n° 418694)

 

124 - Chasse – Chasse à la glu – Autorisation – Dérogation à l’interdiction posée par une directive – Condition de dérogation à son interdiction – Motivation insuffisante – Annulation.

Les associations requérantes avaient saisi le Conseil d’État de recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d’arrêtés de septembre 2018 du ministre de la transition écologique et solidaire, relatifs à l'emploi des gluaux pour la capture des grives et des merles noirs destinés à servir d'appelants, respectivement, dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse et du Var, pour la campagne 2018-2019. Le juge avait sursis à statuer sur ces requêtes jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée à titre préjudiciel sur les questions qu’il estimait devoir lui poser. La Cour de justice ayant rendu son arrêt le 17 mars 2021 (aff. C-900/19), le Conseil d’État statue au fond.

Tout l’enjeu juridique était de déterminer l’étendue et les conditions du pouvoir de dérogation nationale à l’interdiction d’utiliser des gluaux pour immobiliser les oiseaux dits appelants destinés à attirer les espèces à chasser. La CJUE dit pour droit, d’une part, que cette dérogation devait être motivée scientifiquement et pertinemment et, d’autre part, que la seule indication de l’inexistence d’une autre solution possible ne saurait constituer à elle seule la motivation exigée.

Le Conseil d’État en tire très logiquement cette conclusion qu’en l’état, le droit national, en se bornant à soutenir, sans plus, l’absence d’autres solutions techniques possibles et à invoquer une pratique traditionnelle, contrevient aux dispositions du § 1 de l’art. 8 combinées avec celles de l’art. 9, de la directive du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, dite directive oiseaux, en ce qu’il ne motive pas réellement la dérogation qu’il institue en faveur de la pose de gluaux.

Les intéressés et le ministre n’ayant pas davantage, au reçu de l’arrêt de la CJUE, motivé la solution retenue, il s’ensuit que doivent être annulés les arrêtés attaqués.

(28 juin 2021, Associations One Voice et Ligue française pour la protection des oiseaux, n° 425519)

(125) V. aussi, identiques les espèces jointes : 28 juin 2021, Association One Voice, n° 434365, 434367, 434368, 434369 et 434374 ; Ligue française pour la protection des oiseaux, n° 435737, 435738, 435739, 435741 et 435742.

(126) V. également, identique mais en sens inverse en ce qu’est confirmé le refus ministériel d’autoriser la chasse avec emploi de gluaux : 28 juin 2021, Fédération nationale des chasseurs et Fédération régionale des chasseurs de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, n° 443849.

 

127 - Réfugié – Permis de conduire étranger – Échange d’un permis syrien contre un permis français - Certificat d’authenticité non obtenu par la voie diplomatique – Refus – Erreur de droit – Annulation.

Commet une erreur de droit le tribunal administratif qui, saisi par un syrien ayant obtenu en France le statut de réfugié et demandant l’échange de son permis de conduire syrien avec un permis français, estime sans valeur le certificat d’authenticité dudit permis au motif qu’il n’a pas été obtenu par la voie diplomatique. Il incombait à la juridiction de rechercher si les documents présentés offraient des garanties suffisantes d’authenticité.

La solution est parfaitement justifiée car il est assez illusoire, nous semble-t-il, d’attendre du régime syrien qu’il authentifie lui-même le permis de conduire d’un homme qui l’a fui au point d’être reconnu réfugié…

(28 juin 2021, M. B., n° 432847)

 

Professions réglementées

 

128 - Masseur-kinésithérapeute – Poursuites disciplinaires – Prise en compte d’un contrat de droit privé – Allégation de méconnaissance d’une obligation déontologique pour non-respect d’un contrat de droit privé – Rejet.

Le Conseil d’État approuve la juridiction disciplinaire de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes d’avoir, pour apprécier l’éventuel manquement d’un praticien à ses obligations déontologiques, retenu le non-respect par celui-ci d’une clause d’un contrat de droit privé, en l’espèce un contrat de collaboration le liant à un confrère.

Le juge de cassation indique cet examen possible si, à la date du manquement allégué, cette clause n’est ni résiliée, ni annulée par une décision de justice ni entachée d’une illégalité susceptible d’être relevée d’office.

(16 juin 2021, Mme D., n° 437366)

 

129 - Médecin – Décision sur l’aptitude d’un médecin à exercer – Décision de nature administrative et non juridictionnelle – Obligation de motivation non de discussion d’arguments – Rejet.

Dans une affaire de suspension temporaire d’exercice d’un médecin à raison du danger présenté pour ses patients par son éloignement de la médecine générale et dans l’attente qu’il ait reçu une formation, se posait la question de la qualification juridique de la décision du conseil national de l’ordre. En effet, le requérant se plaignait du non-respect de principes s’appliquant à une procédure juridictionnelle. Le Conseil d’État rappelle opportunément que la décision prise au terme de l’examen de l’aptitude d’un praticien à exercer ses fonctions n’a pas une nature disciplinaire et qu’elle constitue une décision administrative, donc sans caractère juridictionnel : si elle est soumise à l’obligation de motivation, elle n’a pas à répondre aux arguments du demandeur.

(23 juin 2021, M. E., n° 433605)

 

Question prioritaire de constitutionnalité

 

130 - Cour des comptes – Membre se trouvant dans une situation de conflit d’intérêt – Cas du procureur général près la Cour – Principe d’impartialité - Silence de la loi sur son obligation de déport – QPC – Rejet.

Le requérant demandait le renvoi au Conseil constitutionnel d’une QPC à propos de l’art. L. 120-12 du code des juridictions financières qui, en ne prévoyant pas pour le procureur général près la Cour des comptes, l’obligation de se déporter en se faisant substituer lorsqu’il est susceptible de se trouver en conflit d’intérêt, serait contraire au principe d’impartialité et à celui d'indépendance des juridictions garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789.

Sans surprise, le Conseil d’État refuse le renvoi de cette QPC : le silence de la loi ne constitue bien évidemment pas une dispense pour le procureur général de respecter le principe d’impartialité, lequel s’impose, même sans texte, à lui.

(7 juin 2021, M. A., n° 447398)

 

131 - QPC imaginaire – Contestation de la constitutionnalité d’un décret non d’une loi – Invocation d’impossibilité de QPC – Erreur de droit – Cassation avec renvoi.

La loi du 13 juillet 1972 a institué, en son article 3, une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse quatre cents mètres carrés dans ceux des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. Elle a aussi prévu que les établissements redevables de la taxe sur les surfaces commerciales bénéficieraient de la réduction de taux prévue par la loi à raison des surfaces qu'ils affectent à titre exclusif à une activité consistant à vendre des marchandises mentionnées dans une liste à laquelle elle renvoie.

La société requérante soutenait que les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, pris pour l’exécution de la loi précitée, en posant une condition selon laquelle seule la vente à titre exclusif de certaines marchandises peut permettre aux professions nécessitant des surfaces anormalement élevées de bénéficier d'une réduction de 30 % du taux de la taxe, créaient une différence de traitement injustifiée entre les contribuables qui se livraient exclusivement à la vente des marchandises éligibles et ceux qui vendaient à titre quasi exclusif ou à titre principal ces mêmes marchandises, violant ainsi le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789.

L’ordonnance attaquée a rejeté ce moyen d’inconstitutionnalité au motif qu’il revenait à contester la constitutionnalité des dispositions du dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi de 13 juillet 1972 et que par suite, il ne pouvait être utilement soulevé que par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité. Ce jugeant, l’ordonnance querellée a commis, selon le Conseil d’État, une erreur de droit car le critère critiqué par la demanderesse figurait bien dans le décret attaqué non dans la loi.

Après cette cassation l’affaire est renvoyée au tribunal administratif.

(9 juin 2021, Société Lapeyre, n° 436285)

(132) V. aussi, sur les conditions et la portée de l’assujettissement à la taxe sur les surfaces commerciales : 16 juin 2021, Société Castorama France, n° 436240.

 

133 - Art. L. 1453-4 code du travail – Institution d’un « défenseur syndical » – Conditions de présentation et de désignation – Atteinte au principe d’égalité devant la loi – Question de caractère sérieux justifiant le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel.

Présente un caractère sérieux qui justifie son renvoi au Conseil constitutionnel la QPC de savoir si l’art. 1453-4 du code du travail qui institue un « défenseur syndical » et en fixe les conditions de présentation et de désignation ne porte pas atteinte en particulier au principe d'égalité devant la loi.

(9 juin 2021, Confédération nationale des travailleurs solidarité ouvrière, n° 450861)

 

134 - Art. 35 et 39-1 du code de procédure pénale – Transmission, par les magistrats du parquet ou du parquet général, d’informations sur des procédures judiciaires en cours - Atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis pour insuffisance d’encadrement de la procédure de transmission - Question de caractère sérieux justifiant le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel.

Présente un caractère sérieux qui justifie son renvoi au Conseil constitutionnel la QPC de savoir si les art. 35 et 39-1 du code de procédure pénale qui instituent à la charge des magistrats du parquet et du parquet général une obligation de transmission d'informations sur des procédures judiciaires en cours à l'attention du ministre de la justice, à leur initiative ou sur demande de ce dernier, ne portent pas atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

(9 juin 2021, Confédération nationale des travailleurs solidarité ouvrière, n° 450861)

 

Responsabilité

 

135 - ONIAM - Réparation du préjudice résultant d’une incapacité permanente de travail (art. L. 431-1 c. trav.) – Rente accident du travail - Réparation sur une base exclusivement forfaitaire (art. L. 431-4 c. trav.) – Postes de préjudices ainsi réparés – Imputation d’arrérages de la rente accident sur l’indemnisation du déficit fonctionnel – Impossibilité – Absence d’erreur de droit – Rejet.

Rappel de ce qu’en vertu des dispositions combinées des art. L. 431-1 et L. 431-4 du code du travail, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, et ne saurait être imputée sur un poste de préjudice personnel. Il suit de là que l’ONIAM n’est pas fondé à demander que le montant de l'indemnité due au titre des préjudices liés aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle subis par la victime s'impute également sur la part des arrérages à échoir au titre de la rente d'accident du travail qui lui a été allouée.

(14 juin 2021, ONIAM, n° 436108)

 

136 - Saisine du juge à fins indemnitaires – Absence de demande préalable en ce sens à la puissance publique – Formation postérieure d’une telle demande en vue de régularisation – Silence de l’administration valant décision implicite liant le contentieux pour tous les dommages découlant du même fait générateur même ceux non repris dans la demande préalable – Pouvoir des chefs de juridiction de réparer les erreurs matérielles contenues dans les jugements et arrêts – Annulation partielle.

(21 juin 2021, Commune de Montigny-lès-Metz, n° 437744 et n° 437745 ; M. B., n° 437781) V. n° 31

 

137 - Responsabilité pour faute – Délivrance d’une autorisation de lotir – Risque connu de submersion marine – Fautes de la commune et de l’État – Indemnisation du refus subséquent de délivrer un permis de construire – Rejet.

Une autorisation de lotir est délivrée le 6 mars 2007 sur le territoire d’une commune riveraine de la mer. Le 2 février 2009 un couple acquiert le lot n° 10 du lotissement et dépose un permis de construire ; la tempête Xynthia étant survenue dans la nuit du 27 au 28 février 2010, le permis est refusé le 20 décembre 2010 en raison du risque de submersion.

Les intéressés réclament, et obtiennent, réparation du préjudice découlant de l’autorisation de lotir qu’ils estiment fautive. La cour administrative d’appel accorde cette indemnisation en la mettant à la charge solidaire, d’une part, de l’État pour sous-évaluation du risque de submersion ayant faussé l’appréciation du maire et l’ayant dissuadé de classer ce secteur en zone inconstructible, d’autre part, de la commune, dûment informée depuis plusieurs années du risque très grave de submersion marine et de crue combinées existant dans la zone de l’estuaire du Lay.

État et commune se pourvoient en cassation, en vain, le Conseil d’État confirmant en tous points l’arrêt d’appel.

Tout d’abord, les indications fournies aux acquéreurs, qui ne sont pas des professionnels de l’immobilier, lors de la signature de l’acte notarié, n’étaient pas de nature à les éclairer sur la gravité du risque couru, aucune faute ne saurait leur être reprochée.

Ensuite, la cour a correctement motivé son arrêt en jugeant que des fautes avaient été commises par les deux personnes publiques et qu’elles étaient en lien direct de causalité avec le dommage subi par les intéressés.

(14 juin 2021, Commune de la Faute-sur-Mer, n° 433393 ; Ministre de la transition écologique et solidaire, n° 433464)

 

Santé 

 

138 - Produit de santé – Larmes artificielles – Fixation de leur prix par le comité économique des produits de santé – Termes de comparaison erronés – Comparaison devant être effectuée entre produits de même classe thérapeutique – Annulation.

La requérante est jugée fondée à soutenir qu’est irrégulière la décision du Comité économique des produits de santé se bornant à faire état du prix inférieur des spécialités à base de ciclosporine, mentionnées comme étant à même visée thérapeutique, que les larmes artificielles produites par la société Teofarma, alors qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, notamment pas de l'avis émis par la commission inscrivant les « Larmes artificielles Martinet » sur la liste des médicaments remboursables, que ces spécialités aient pu être envisagées comme un comparateur pertinent et alors que la société Teofarma s'était en revanche prévalue du prix plus élevé d'une spécialité à base, comme la sienne, de chlorure de sodium, qu'elle estimait relever de la même classe thérapeutique.

Injonction est faite au Comité de se prononcer à nouveau sur ce prix sous deux mois.

(16 juin 2021, Société Teofarma, n° 436561)

 

Service public

 

139 - Traitement des demandes de communication des décisions de justice – Note du garde des sceaux susceptible de produire des effets notables – Distinction et traitement de trois catégories de demandes de communication – Absence d’illégalité – Rejet.

La requérante recherchait l’annulation de la note du garde des sceaux du 19 décembre 2018, publiée au JO du 31 décembre 2018, relative à la communication de décisions judiciaires civiles et pénales aux tiers à l'instance, ainsi que de ses annexes.

Rejetant la fin de non-recevoir du ministre, le juge aperçoit dans cette note un document de portée générale susceptible d’avoir des effets notables sur certaines personnes.

La circulaire envisage trois hypothèses de communication des décisions de justice. Aucune d’elles ne mérite la critique du juge qui rejette ainsi le recours dont il était saisi.

S’agissant des décisions de justice communicables aux tiers, l’absence de référence de la note aux textes applicables est sans effet sur sa légalité tout comme l’absence de traitement différencié selon les demandeurs de communications. Enfin, cette note se borne à rappeler la règlementation existante sans y ajouter.

S’agissant de la procédure de communication des décisions de justice aux tiers, l’obligation imposée que soient identifiés tant le demandeur de la communication que la partie figurant dans la décision ne servent qu’à identifier le document afin de le trouver et ne porte point atteinte à la vie privée de la personne concernée, tout comme n’est pas irrégulière la recommandation, en certaines matières (diffamation, décisions prises en chambre du conseil), de ne pas effectuer une communication complète de la décision  qui porterait atteinte à la vie privée.

S’agissant du traitement des demandes de masse, c’est sans illégalité que l’auteur de la note rappelle de s’abstenir de telles communication qui visent non à connaître des décisions mais la jurisprudence de la juridiction en certains domaines. En effet, elle ferait peser sur la juridiction une charge disproportionnée notamment du fait de l’anonymisation.

Le recours est rejeté.

(21 juin 2021, Société Forseti, n° 428321)

 

Travaux publics - Expropriation                

 

140 - Création d’une liaison entre routes départementales – Expropriation – Propos publics du commissaire-enquêteur – Parti pris – Vice de procédure – Rejet.

C’est sans erreur de droit et usant de son pouvoir souverain d’appréciation, qu’une cour d’appel juge que constitue un vice de procédure ayant privé le public d’une garantie, le fait que, dans la cadre d’une procédure d’expropriation, le commissaire enquêteur désigné pour donner son avis sur le projet litigieux s'était exprimé dans le principal journal local, au lendemain de l'ouverture de l'enquête publique, et avait répondu à la question de savoir si le projet lui paraissait viable qu'il ne voyait pas d'anomalie à l'utilité publique du prolongement et que, sauf à découvrir « une énormité », il pensait que le projet « irait à son terme ». A cet égard, est indifférente la circonstance que les conclusions du commissaire-enquêteur rendues au terme de l'enquête publique étaient complètes et motivées. 

(28 juin 2021, Département des Alpes-Maritimes, n° 434150 ; Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, n° 434327 ; Commune de Grasse, n° 434409)

 

Urbanisme - Aménagement du territoire

 

141 - Permis de construire – Demande de permis entaché de fraude – Acquisition d’un terrain mitoyen par voie successorale postérieurement à la délivrance du permis de construire – Date d’appréciation de l’intérêt à agir – Rejet.

Une personne devient propriétaire par voie successorale, le 1er août 2017, d’un terrain contigu à un autre sur lequel a déjà été délivré un permis de construire le 8 juin 2017. Elle entend contester ce permis pour divers motifs.

Se pose une première question : celle de la date à laquelle doit être apprécié l’intérêt à agir de cette nouvelle propriétaire. Le Conseil d’État approuve le tribunal administratif d’avoir estimé qu’existaient en l’espèce des circonstances particulières justifiant de se placer non à la date d'affichage de la demande de permis de construire mais à la date d'introduction de son recours.

Ensuite, le Conseil d’État approuve les juges du fond d’avoir relevé que le permis de construire portant sur un terrain enclavé accessible par un passage situé sur la propriété de la demanderesse, celle-ci dispose bien d’un intérêt à agir contre le permis à l’origine de l’octroi d’un droit de passage.

Enfin, confirmant le jugement annulant le permis de construire, le Conseil d’État estime entachée de fraude la demande de permis, celle-ci faisant état, dans le plan de masse, de l’existence d’un droit de passage permanent pour permettre l’accès à la voie publique alors que le compromis de vente n’accordait qu’un droit de passage temporaire expirant le 30 juin 2020.

(8 juin 2021, Mme A. et M. D., n° 437788)

 

142 - Plan local d’urbanisme – Emprise au sol des constructions urbaines – Dispositions dérogatoires en faveur des équipements d'intérêt collectif et des services publics – Construction d’une maison d’assistantes maternelles et d’un logement – Construction pouvant bénéficier de la dérogation – Erreur de droit – Annulation.

Alors que le règlement d’un PLU communal prévoit une dérogation aux règles générales d’emprise au sol des constructions dans les zones urbaines en faveur des équipements d’intérêt collectif et de services publics, commet une erreur de droit le jugement estimant que la construction d’une maison d’assistantes maternelles et d’un logement n’entre pas dans cette catégorie dérogatoire en raison de ce que la surface de plancher de l'ensemble de la construction destinée à l'habitation était majoritaire par rapport à celle destinée à l'accueil d'une crèche, alors que cette dernière circonstance est sans effet sur l’aspect intérêt collectif ou service public de cette construction.

(11 juin 2021, Commune de Neuilly-Plaisance, n° 432457)

 

143 - Condition d’autorisation d’urbanisation en zone littorale – Travaux et implantations dérogatoires – Antenne-relais de téléphonie mobile et ses accessoires – Soumission au principe d’urbanisation en continuité – Avis rendu en ce sens.

Le Conseil d’État répond ici à une demande d’avis de droit sur le point de savoir si, dans les communes littorales, les infrastructures de téléphonie mobile sont constitutives d'une extension de l'urbanisation soumise au principe de continuité posé par les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige.

La réponse est positive car d’une part, il résulte des dispositions combinées des art. L. 121-8 et L. 121-10 du code de l’urbanisme que dans les communes littorales s’applique, sauf dérogations limitativement énumérées, le principe d’urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants et, d’autre part, que les installations d’antennes de téléphonie mobile ne figurent pas au nombre des constructions susceptibles de bénéficier d’une telle dérogation.

(11 juin 2021, Mme D. et M. C., n° 449840)

 

144 - Règlement d’un PLU – Création d’un cône de vue ou d’un secteur à caractéristiques particulières – Conditions de légalité – Contrôle du juge – Erreur de droit – Annulation et renvoi.

S’il est loisible à une commune d’instituer dans le règlement de son PLU un cône de vue ou un secteur à caractéristiques particulières (cf. art. L. 151-19 et L 151-23 c. urb.), c’est sous une double limite.

En premier lieu, la délimitation et les prescriptions de ce cône ou de ce secteur ne peuvent avoir d’effet ou de portée que dans la limite de ce qui est couvert par le PLU.

En second lieu, lorsque cette institution est assortie de l’interdiction de toute construction, il incombe au juge saisi, en cas de contentieux, de rechercher si la création d’une zone non aedificandi était l’unique moyen juridique de parvenir au résultat recherché.

Faute de cette recherche, le juge commettrait une erreur de droit en se bornant à avaliser ce choix. C’est le cas en l’espèce.

(14 juin 2021, Société des Sables, n° 439453)

 

145 - Commandant de zone terre – Compétence pour autoriser une construction visée par l’art. L. 5112-2 du code de la défense – Impossibilité de confier cette compétence à l'établissement du service d'infrastructure de la défense – Annulation.

Si le commandant de zone terre tient des dispositions de l’art. L. 5112-2 du code de la défense la qualité pour représenter le ministre de la défense auprès des services déconcentrés de l'Etat et des collectivités territoriales pour les questions d'urbanisme, dans les limites de la zone terre, et pour donner son accord, au nom de ce ministre, à une construction, telle que celle en litige, soumise à l'autorisation de ce dernier, il ne peut confier l’exercice de cette compétence à l'établissement du service d'infrastructure de la défense, qui assure seulement l'instruction des dossiers sur les questions d'urbanisme intéressant le ministère de la défense et, le cas échéant, pour assurer, à la demande du commandant de zone, sa représentation auprès des services déconcentrés de l'Etat et des collectivités territoriales.

L’arrêt est annulé pour erreur de droit pour avoir jugé cette délégation régulière dans la présente affaire.

(16 juin 2021, Société Almo, n° 436143)

 

146 - Plan local d’urbanisme – Classement de deux parcelles en zone agricole – Annulation par le tribunal administratif de leur classement – Appel ne portant que sur le classement de l’une des deux parcelles – Cour administrative d’appel statuant sur les deux parcelles – Ultra petita – Annulation dans cette mesure.

Alors que le juge de première instance avait annulé le classement de deux parcelles, section A et section B, en zone agricole, la commune n’avait interjeté appel que sur la seule annulation du classement de la parcelle de la section A.

Par suite, en statuant sur le classement des sections A et B, la cour a statué ultra petita car au-delà des conclusions dont elle était saisie.

Son arrêt est annulé en tant qu’il porte sur le classement de la section B.

(16 juin 2021, Commune de La Clusaz, n° 442505)

 

147 - Permis de construire un supermarché – Projet nécessitant une étude d’impact (art. L. 122-2 c. env.) – Existence antérieure d’une étude environnementale sur la zone d’implantation de ce supermarché – Nécessité d’une étude par projet – Erreur de droit – Annulation sur ce point.

Le juge des référés du tribunal administratif, saisi d’une demande de suspension du permis de construire un supermarché pour absence d’étude d’impact, avait rejeté la requête de ce chef motif pris de ce que la zone Uy où devait être implanté le projet de construction avait déjà fait l’objet antérieurement d’une étude environnementale. Le juge de cassation annule pour erreur de droit cette ordonnance car il résulte de la logique de l’art. L. 122-2 du code de l’environnement que celui-ci requiert une étude d’impact par projet surtout lorsque, comme en l’espèce, l’aire de stationnement ouverte au public devait comporter 122 places au lieu de 50 maximum prévu à la rubrique 41 du tableau annexé audit article ; l’étude environnementale précédente ne saurait donc dans ces circonstances en tenir lieu.

Toutefois, statuant au fond après cette cassation, le Conseil d’État relève que le préfet de région ayant dispensé le projet en cause d'évaluation environnementale, dispense qui a été suivie de la délivrance d’un permis de construire modificatif, fait donc désormais défaut la condition d’application de l'article L. 122-2 du code de l'environnement.

La demande de suspension est à nouveau rejetée.

(ord. réf. 24 juin 2021, Sociétés Mottin et July, n° 442316)

 

148 - Référé suspension - Plan local d’urbanisme (PLU) – Permis de construire méconnaissant l’une de ses dispositions – Impossibilité pour le juge de l’urgence d’inviter à régulariser en application de l’art. L. 600-5 c. urb. – Erreur de droit – Annulation sur ce point.

Commet une erreur de droit le juge du référé suspension qui, constatant la méconnaissance par un permis de construire d’une disposition du PLU et estimant ce vice régularisable par application de l’art. L. 600-5 c. urb. car en sa qualité de juge de l’urgence il ne saurait user de pouvoirs que le code de l’urbanisme n’accorde qu’au juge du fond

(24 juin 2021, M. et Mme A., n° 450048)

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