Sélection de jurisprudence du Conseil d’État

Septembre 2022 

 

Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse

 

 1 - Actes susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif – Protection de l’environnement - Preuve du dépôt de déclaration d’installation classée – Décision faisant grief – Recours contentieux possible contre elle.

Interrogé par un tribunal administratif, le Conseil d’État répond ici à la question de savoir si la preuve de dépôt d'une déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement, prévue, par le décret du 9 décembre 2015, à l'article R. 512-48 du code de l'environnement constitue, ou non, une décision susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge administratif, au sens des articles L. 512-8 et L. 514-6 du même code.

La réponse du juge est positive.

Celui-ci considère qu’il résulte de ce nouveau régime, institué dans un souci de dématérialisation, que la délivrance par voie électronique de la preuve de dépôt de la déclaration relative à une installation, se substitue à la délivrance du récépissé de déclaration prévue par la réglementation antérieure. Ensuite, cette déclaration conditionne toujours la mise en service par le déclarant de l'installation classée projetée et, enfin, le préfet est tenu de délivrer la preuve de dépôt dès lors que le dossier de déclaration est régulier et complet et que l'installation pour laquelle est déposée la déclaration relève bien de ce régime. Il en déduit donc que la nouvelle procédure n’a pas pour effet de modifier la nature et la portée de la déclaration d'une installation classée soumise à ce régime, d’où il suit nécessairement que la preuve du dépôt d'une déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement telle que prévue à l'article R. 512-48 précité est une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant les juridictions administratives par application des articles L. 512-8 et L. 514-6 du code de l'environnement.

(Avis, 15 septembre 2022, M. F. et autres, SARL L.B.E. et la SARL Johanito Laurent transports, n° 463612)

 

2 - Décret du 11 décembre 2019 portant réforme de la procédure civile – Non-lieu à statuer sur des dispositions définitivement abrogées – Atteinte au principe de sécurité juridique – Erreur manifeste d’appréciation (absence d’-) – Annulation partielle.

De cette très longue décision relative au décret du 11 décembre 2019 qui a profondément réformé certains aspects importants de la procédure civile, et dont il ne saurait être rendu compte ici dans son intégralité, seront retenus trois points de la réponse du juge.

En premier lieu, est rappelé le principe constant régissant les recours pour excès de pouvoir dirigés contre des décisions administratives abrogées. De tels recours ayant pour objet d’obtenir l’annulation rétroactive de ces actes, il s’ensuit que ne sont pas recevables les recours formés contre des décisions administratives qui satisfont à la double condition d’avoir fait l’objet d’une abrogation définitive et inconditionnelle et de n’avoir pas fait l’objet d’applications durant le laps de temps où elles étaient en vigueur. Cette seconde condition est essentielle car l’abrogation n’a pas d’effet rétroactif par elle-même et une application de la décision abrogée avant qu’elle ne le soit ouvrirait pour d’éventuelles personnes concernées un intérêt pour agir en annulation de l’acte appliqué.

Ainsi, plusieurs dispositions du décret attaqué (art. 54, 754 et 761 du code de procédure civile) satisfaisant à la double condition précitée le recours dirigé contre elles est rejeté car il n’y a plus lieu d’y statuer.

En deuxième lieu, et c’est l’aspect le plus important de cette décision – qui eût d’ailleurs mérité à ce titre une publication au Recueil Lebon – le juge est amené à apprécier si le court délai séparant l’entrée en vigueur de ce décret de sa mise en application était légal ou non. Considérant ce délai trop bref, du moins pour certaines de ses dispositions (art. 750-1, 901 et 933 du code précité, art. I et II (en tant qu’il ne mentionne pas les art. 760 à 768 du CPC) de l’art. 55 du décret attaqué), le juge y aperçoit une atteinte à la sécurité juridique en rappelant ainsi sa jurisprudence en la matière : « (…) l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit, sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante. En principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. Toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle. Il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. Ces mesures transitoires peuvent résider dans le report de l'entrée en vigueur de cette réglementation nouvelle. »

Enfin, sont rejetées les diverses critiques dirigées contre des dispositions que les requérants estimaient entachées d’erreur manifeste d’appréciation (ainsi des art. 54 et 57, 82-1, 514, 750-1 du code précité) ou de défaut de clarté et d’intelligibilité voire de contradiction (cf. art. 514-1 et 514-3, 765 et 766, 678) ou d’atteintes à des règles ou principes fondamentaux de procédure contentieuse (cf. art. 446-1, 514-3, 514-4 et 514-6, 524, 750, 760 et 761, 754 et 763).

(22 septembre 2022, Conseil national des barreaux, Conférence des bâtonniers, Ordre des avocats au barreau de Paris, Association des avocats conseils d'entreprises, Confédération nationale des avocats et Fédération nationale des unions de jeunes avocats, n° 436939 ; Syndicat des avocats de France et Syndicat de la magistrature, n° 437002)

 

3 - Procédure administrative non contentieuse – Administration consultative – Composition des comités de bassin – Obligation d’un représentant de l’agriculture biologique – Rejet.

L’organisation requérante demandait l’annulation du décret n° 2020-1062 du 17 août 2020 relatif aux comités de bassin en tant qu'il crée l'article D. 213-19-3 du code de l'environnement et en ce que ce dernier prévoit que chaque comité de bassin comprend au moins un représentant de l'agriculture biologique nommé sur proposition de la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France. 

Le recours est rejeté en ses moyens de légalité externe comme de légalité interne.

Tout d’abord est rejeté le moyen de légalité externe tiré du défaut de consultation du Conseil d’État avant la prise du décret litigieux car contrairement à ce qui est soutenu l’art. L. 213-8-1 du code l’environnement dont les dispositions fixent la composition du conseil d’administration des comités de bassin, n’impose pas une telle consultation s’agissant de la mise en œuvre de l'alinéa 2 bis de l'article L. 213-8 sur le fondement duquel a été pris l’art. D. 213-19-3 attaqué.

Ensuite, les dispositions de ce dernier article ne sont ni illégales, ni entachées d’erreur de droit ou d’erreur manifeste d’appréciation en ce que, en vue d'assurer une meilleure représentation des représentants des usages économiques de l'eau au sein du comité de bassin, elles attribuent, dans le respect de l’art. L. 513-1 du code rural, à la Fédération nationale de l'agriculture biologique la possibilité de proposer un représentant, et en décidant que le représentant de l'agriculture biologique serait nommé sur proposition de la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France et non plus sur proposition de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, comme prévu par les dispositions antérieurement applicables.

Enfin, est rejeté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui résulterait de la « surreprésentation » de l'agriculture biologique par rapport à l'agriculture conventionnelle au sein du comité de bassin car, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions de l’art. D. 213-19-3 n'imposent pas que le comité de bassin comprenne le même nombre de représentants de l'agriculture conventionnelle et de représentants de l'agriculture biologique. 

(22 septembre 2022, Assemblée permanente des chambres d’agriculture, n° 445459)

 

4 - Communication des documents administratifs – Demande de publication en ligne de l’annuaire des avocats inscrits au barreau de Paris avec diverses indications les concernant – Conditions et limites de cette communication – Annulation pour l’essentiel.

L’association requérante a demandé à l'ordre des avocats de Paris de publier en ligne, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, l'annuaire des avocats inscrits au barreau de Paris, des avocats étrangers exerçant ou non sous leur titre d'origine et de ceux exerçant à titre partiel au barreau de Paris et une liste des personnes morales, notamment des cabinets, bureaux, groupements d'avocats et autres structures d'exercice au sein desquelles la profession d'avocat est exercée à Paris, comprenant le type de structure, l'adresse, la ville, le code postal, le barreau, le SIRET, le numéro de toque, la date éventuelle d'inscription au barreau, les bureaux secondaires, les associés, les collaborateurs et les « of counsels ».

Sa demande ayant été implicitement rejetée, elle a saisi le tribunal administratif d’un recours en annulation de ce refus et se pourvoit contre le jugement de rejet de sa demande.

Le Conseil d’État lui donne pour l’essentiel raison au visa, d’abord, de diverses dispositions du code des relations du public avec l’administration (art. L. 300-2, L. 300-4, L. 311-9, L. 312-1-1 et D. 312-1-3, 3°), ensuite des art. 17, notamment son 1°, et 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques fixant les attributions du conseil de l’ordre des avocats et celles du Conseil national des barreaux, établissement d’utilité publique et, enfin, de l’art. 3 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXIème siècle.

Il juge tout d’abord que le tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l'article 3 de la loi du 18 novembre 2016 n'ouvrait pas à l'association requérante le droit d'obtenir la publication en ligne de l'annuaire de l'ordre des avocats de Paris dans un standard ouvert et aisément réutilisable car il n’est relatif qu’à l’interopérabilité des échanges entre les avocats et leurs clients et ne régit donc pas les conditions d'accès aux annuaires qu'il est loisible aux ordres d'établir afin de recenser l'ensemble des avocats inscrits au tableau d'un barreau. 

En revanche, il estime que ce tribunal a commis deux erreurs de droit : D’abord en ce qu’il a estimé que les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 modifiée excluaient l'application de celles précitées du code des relations entre le public et l'administration ; ensuite en jugeant que la mission de service public d'organisation de la profession d'avocat dont les ordres d’avocat ont la charge n'inclut pas l'obligation d'élaborer et de publier en ligne les documents demandés, notamment l'annuaire des avocats inscrits qui a été mis en ligne volontairement par l'ordre, de sorte que ces derniers ne constituent pas des documents administratifs. En effet, le tribunal ne pouvait pas subordonner la qualification de document administratif à la condition que l'administration soit juridiquement tenue de produire et de publier le document, alors qu'il lui appartenait seulement de rechercher si les documents demandés présentaient un lien suffisamment direct avec une mission de service public dévolue à l'ordre des avocats de Paris.

Réglant le litige au fond, le Conseil d’État juge tout d’abord que l'annuaire des avocats inscrits au barreau de Paris comportant les informations demandées, ainsi que la liste des cabinets et autres structures au sein desquelles la profession d'avocat est exercée, dont il n'est pas sérieusement contesté en défense qu'ils existent ou peuvent être établis par extraction des bases de données dont le conseil de l'ordre dispose, sans faire peser sur lui une charge de travail déraisonnable, présente un lien suffisamment direct avec la mission de service public d'organisation de la profession d'avocat incluant l'inscription au tableau des avocats de son ressort et sa publication. Ils constituent, par suite, des documents administratifs. 

Le Conseil juge ensuite que, pour l’essentiel, la satisfaction de la demande de la requérante par le barreau de Paris ne représente pas pour celui-ci une charge disproportionnée et qu’elle ne revêt donc pas, par suite, un caractère abusif. En effet, la plupart d’entre elles ne mettent pas en cause la protection de sa vie privée (cf. art. L. 311-6 du CRPA). En outre, ces données relatives aux conditions d'organisation et d'exercice de la profession d'avocat étant nécessaires à l'information du public, le document qui les contient peut, dans cette mesure, être rendu public sans avoir fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible la réidentification des personnes.

Toutefois, le juge estime que tel n'est pas le cas de l’indication du diplôme obtenu et de l'université de délivrance, de l'année d'obtention du certificat d'aptitude à la profession d'avocat et du centre régional de formation professionnelle des avocats auquel il a été inscrit, de la voie d'accès à la profession et des résultats obtenus à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats et à l'examen pour l'obtention du certificat d'aptitude à la profession d'avocat. Ces éléments devront être occultés ou disjoints avant communication des listes demandées.

Enfin, il est rappelé que l'art. L. 213-1 du code du patrimoine n'ouvre pas à l'association requérante le droit d'exiger la publication d'un document administratif comportant d'autres informations que celles susmentionnées, le surplus des conclusions à fins d'annulation qu'elle présente doit par suite être rejeté.

Cette décision doit être saluée pour son caractère libéral et raisonnable quant à l’étendue de la charge qu’elle fait peser sur les barreaux et sur d’autres organisations corporatives se trouvant dans des situations voisines ou identiques.

(27 septembre 2022, Association Ouvre-boîte, n° 450737)

(5) V. aussi, assez largement comparable, la décision jugeant qu’en refusant de mettre en ligne, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, le document administratif communicable à toute personne que constitue le fichier correspondant à l'annuaire national des avocats qu'il établit conformément à l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971, comportant certaines informations (cf. le point 18 de la décision), le Conseil national des barreaux a méconnu les dispositions du code des relations entre le public et l'administration citées dans la décision ci-dessus. Comme dans cette dernière décision, les conclusions de l'association tendant à la mise en ligne d'un annuaire comportant d'autres informations sont rejetées : 27 septembre 2022, Association Ouvre-boîte, n° 450739.

 

6 - Communication de documents administratifs – Documents détenus par l’Office national des forêts (ONF) – Volumes de bois récoltés et surfaces exploitées dans une forêt – Éléments non publiés du document d’aménagement d’une forêt – Annulation très partielle.

L’association demanderesse sollicitait l’annulation des rejets implicites par l’ONF, d’une part, de sa demande tendant à la communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal (Nord) ainsi que des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées annuellement depuis 2014 dans cette forêt et, d’autre part, de sa demande tendant à la communication d'informations relatives à l'abattage des arbres de la parcelle 901 de la forêt de Mormal.

Sur le premier point (demande de communication des volumes de bois récoltés et des surfaces exploitées de la forêt de Mormal depuis 2014), le Conseil d’État rejette le pourvoi de l’association car, en jugeant que les pièces du dossier ne faisaient pas ressortir que l'ONF serait en possession des données relatives aux volumes de bois récoltés annuellement et aux surfaces exploitées annuellement, le tribunal a exercé son pouvoir souverain d’appréciation sur ces pièces sans dénaturation ni inexactitude matérielle.

Sur le second point (demande de communication des pages et des annexes non publiées du document d'aménagement de la forêt de Mormal), le juge procède en deux temps.

En premier lieu, se fondant tant sur des dispositions du code forestier (L. 112-3, L. 122-6, L. 212-2), de celles du CRPA (L. 311-9) que de celles du code de l’environnement (L. 124-2 et L. 124-3), le juge décide en une rédaction de principe « que si le code forestier prévoit que les documents d'aménagement des forêts sont, pour leur partie technique, communicables à toute personne qui en fait la demande, les obligations de communication pesant sur les personnes publiques pour les bois et forêts relevant du régime forestier ne s'arrêtent pas là. Les dispositions (précitées) prévoient en effet que toute autorité publique relevant des dispositions du code forestier, en particulier tout établissement public, est tenue de communiquer les informations environnementales qu'elle détient, reçoit ou établit à toute personne qui lui en adresse la demande. Toutefois, après avoir apprécié l'intérêt d'une communication, elle peut rejeter une demande d'information environnementale lorsque la consultation ou la communication de cette information porte atteinte au secret des affaires. »

Or, est-il relevé, l’ONF étant un établissement public national à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l'État, il est soumis au 1° de l'article L. 124-3 du code de l'environnement et donc aux obligations résultant de l'article L. 124-1 de ce code en matière de communication des informations relatives à l'environnement, telles que définies par l'article L. 124-2 du même code, qu'il détient, reçoit ou établit.

De ce chef le jugement querellé est annulé pour n’avoir pas mis le juge de cassation en état d’exercer son contrôle en raison de l’insuffisance de sa motivation sommairement tirée de ce que « au regard des dispositions combinées de l'article L. 124-4 du code de l'environnement et de l'article D. 212-6 du code forestier », la divulgation de ces éléments à des tiers devait être regardée comme de nature à porter atteinte au secret des affaires.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État que doivent être communiquées les pages 129 à 133 du document d'aménagement de la forêt de Mormal, qui constituent sa partie économique et ne sont pas publiées et qui comportent une prévision détaillée des volumes annuels de bois à récolter, notamment par essence et par diamètre (page 129), une estimation détaillée de la recette annuelle susceptible d'être tirée de la vente de ces volumes de bois, sur la base de prix unitaires estimatifs (page 130), un tableau récapitulatif des recettes et des dépenses attendues annuellement au titre de la gestion de la forêt de Mormal, assorti de commentaires explicatifs, constituant le bilan financier prévisionnel des programmes d'action envisagés au sens de l'article D. 212-1 du code forestier (pages 131 et 132), ainsi qu'un tableau de bord des indicateurs nationaux de suivi pour la mise en œuvre de l'aménagement forestier (page 133). 

Également, doivent être communiquées les informations concernant la prévision détaillée des volumes de bois à récolter (page 129) et celles concernant les indicateurs nationaux de suivi (page 133) car elles ne se rapportent pas à la stratégie commerciale de l'ONF et leur communication n'est pas de nature à porter atteinte au secret des affaires (Cf. art. L. 311-6 CRPA).

Enfin, doit être communiquée l'annexe n° 6 du document d'aménagement de la forêt de Mormal, qui n'est pas publiée et qui est la liste d'émargement des participants à une réunion d'information et de concertation destinée aux élus locaux le 1er juillet 2013, comportant leur nom, leur prénom, leur qualité et leur signature. En effet, les participants à cette réunion étant des représentants des collectivités territoriales, des services de l'État et de l'ONF, ces informations ne peuvent être regardées comme de nature à porter atteinte au secret des affaires et ne relèvent d'aucune des exceptions mentionnées à l'article L. 124-4 du code de l'environnement.

En revanche, le juge estime que ne peuvent pas être communiquées les informations concernant la recette pouvant être tirée de la vente des volumes de bois susceptibles d'être mis sur le marché et les prix attendus (page 130) et celles concernant les recettes et les dépenses attendues au titre de la gestion de la forêt de Mormal (pages 131 et 132) car elles sont de nature à influer tant sur les conditions de la concurrence entre les opérateurs de vente de bois dont fait partie l'ONF que sur les conditions dans lesquelles l'office négocie la vente de bois avec des acheteurs. Elles se rapportent ainsi à la stratégie commerciale de l'ONF. Par suite, leur communication doit être regardée comme de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Au surplus, il est relevé que ces indications ne présentent pas, au regard de la protection de l’environnement, un intérêt justifiant qu'elles soient communiquées en dépit du secret des affaires, sur le fondement du premier alinéa du I de l'article L. 124-4 du code de l'environnement. 

Cette décision est très intéressante et d’une réelle importance en ce qu’elle illustre l’étendue, la précision (on devrait même écrire le caractère méticuleux) de l’analyse que doit effectuer le juge dans les litiges en refus de communication de documents administratifs pour tenir la balance entre le droit à la transparence de l’action administrative légitimement exercé par les requérants sérieux et les abus qui en peuvent résulter notamment s’agissant du secret des affaires ou d’un usage intempestif des demandes de communication.

(27 septembre 2022, Association Mormal Forêt Agir, n° 451627)

 

7 - Demande de communication de documents administratifs – Communication des « grands livres budgétaires » d’un département – Documents relatifs aux travaux réalisés par un agent du département – Annulation du jugement et admission partielle de la demande.

Une personne a demandé au département de l’Essonne la communication des « grands livres budgétaires » de ce département au titre des années 2015 à 2017 ainsi que la communication de documents administratifs concernant les missions exercées par Mme C. D. dans le cadre de son emploi de chargée de mission auprès du vice-président du département. Le tribunal administratif, saisi des rejets implicites de ces demandes, les a annulés et a enjoint le département défendeur de les communiquer.

Le département s’est pourvu.

Le Conseil d’État annule le jugement au double motif, d’une part, qu’il est entaché d’insuffisance de motivation car il n’indique pas en quoi la charge que représentait la vérification, opération par opération, de près de 380 000 mandats de paiement et 75 000 titres de perception recensés dans les documents sollicités aux fins d'occulter les mentions pouvant notamment porter atteinte au droit à la vie privée des tiers ou au secret des affaires ne constituerait pas une charge disproportionnée au regard des moyens du département et, d’autre part, car il a dénaturé les pièces du dossier en jugeant que le courriel adressé par le demandeur aux services du département listait précisément les pièces demandées alors que tel n’était pas le cas la demande étant imprécise et indéterminée.

Réglant l’affaire au fond, le juge de cassation rappelle d’abord la solution constante selon laquelle si les conclusions aux fins d'annulation directement dirigées contre une décision initiale de refus opposée par l'administration à une demande de communication d'un document administratif sont irrecevables, le contentieux peut être lié par l'intervention d'une décision explicite de refus postérieure à la saisine de la Commission d'accès aux documents administratifs, alors même qu'elle serait prise avant l'expiration du délai d'un mois dont dispose celle-ci pour rendre son avis.

Sur le fond, il est jugé en premier lieu qu’en l’espèce, dès lors qu’à chacune de ces 375 000 opérations comptables peuvent être associés des tiers, tels que, par exemple, les bénéficiaires de dépenses relatives à l'action sociale, d'insertion ou en matière de santé menée par le département, il ne saurait incomber à l'administration d'opérer, sur des documents d'un tel volume, une vérification ligne à ligne des informations potentiellement protégées au titre de l'article L. 311-6 du CRPA, cette recherche représentant effectivement, comme le soutient le département de l'Essonne, une charge disproportionnée au regard des moyens à disposition. Toutefois, le juge relève que, dans les circonstances de l'espèce, les documents sollicités pouvaient néanmoins être communiqués après suppression, au sein de chaque fichier, de l'ensemble des colonnes susceptibles, compte tenu de leur objet, de contenir des données non communicables, telles que par exemple celles intitulées " nom bénéficiaire " ou " objet liquidation ", tout en conservant un intérêt pour le requérant. 

Il est jugé en second lieu que, réclamant l'ensemble des productions réalisées par Mme D. dans le cadre de son emploi de chargée de mission auprès du vice-président du département, quel qu'en soit le support ou l'objet, la requête revêtait, sur ce point, un caractère abusif, d’où il suit que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation du refus implicite opposé à cette demande.

(27 septembre 2022, Département de l’Essonne, n° 452614 et n°454377)

 

Audiovisuel, informatique et technologies numériques - Intelligence artificielle

 

8 - Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Obligation faite aux éditeurs de services de communication audiovisuelle de décompter le temps d’intervention de plusieurs personnalités – Délibération pouvant faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir – Légalité – Notion de « personnalité politique » - Rejet.

Les éditrices de services de communication audiovisuelle requérantes contestaient les décisions des 3 et 10 mars 2021 par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) leur a demandé de décompter intégralement les temps d'intervention dans les médias audiovisuels de Mme A. B. et de MM. Nicolas Hulot, Laurent Joffrin, Arnaud Montebourg et Manuel Valls.

Au CSA, qui avait opposé une fin de non-recevoir à cette requête, il est répondu – sans surprise – que la délibération du 3 mars 2021constitue une décision administrative faisant grief et donc susceptible de recours pour excès de pouvoir.

Ensuite sont rejetés les quatre moyens développés par les demanderesses.

La délibération du 3 mars 2021 ne porte pas atteinte à la liberté d'expression des personnes en cause et à la liberté éditoriale des services de télévision et de radio en ce qu'elle prévoit, s'agissant de certaines personnalités politiques, une obligation de décompter et de transmettre au CSA, pour l'appréciation du respect du pluralisme politique, les données relatives aux temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes des services de radio et de télévision, obligation qui résulte des dispositions du second alinéa de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986. 

Ensuite, cette délibération ne méconnaît pas la loi, contrairement à ce qui était soutenu, car elle ne s’appuie pas sur la délibération du CSA du 22 novembre 2017 qui énonce les critères au regard desquels, sans préjudice des règles qu'il fixe pour les campagnes électorales et pour le traitement de l'actualité qui leur est liée en vertu de l'article 16 de la loi du 30 septembre 1986, mais sur les dispositions du second alinéa de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986. 

Également, la délibération litigieuse fixant la liste nominative des personnalités politiques dont le CSA demande aux éditeurs de services de communication audiovisuelle de décompter et de transmettre les données relatives aux temps d'intervention, ne comporte aucune incertitude ou imprécision quant à son champ d'application. Le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait le principe de sécurité juridique doit être écarté. 

Enfin, en décidant que les cinq personnes qu’il a désignées sont des personnalités politiques car elles appartenaient ou avaient récemment appartenu à des partis, groupements ou mouvements politiques et avaient récemment exercé des fonctions politiques ou aspiraient à exercer de telles fonctions et, d'autre part, qu'elles participaient activement, à la date de la décision attaquée, au débat politique national, le CSA n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation.

(28 septembre 2022, Société Groupe Canal Plus, société d'édition Canal Plus, société C8 et société d'exploitation d'un service d'information, n° 452212)

 

Biens et Culture

 

9 - Abattages de tilleuls situés aux abords d’un monument historique ainsi que de tilleuls centenaires – Absence de déclaration préalable – Préjudice - Demande d’indemnisation – Refus par la commune et rejet par le juge – Annulation avec renvoi.

Les requérants ont demandé réparation à la commune de Torigny-les-Villes du préjudice qu’ils estiment avoir subi du fait de l’abattage sans déclaration préalable, d’une part de cent-un tilleuls situés dans un secteur sauvegardé et d’autre part, de tilleuls centenaires implantés en un autre endroit de la commune.

Ils ont saisi, en vain, les juridictions administratives de premier ressort et d’appel et se pourvoient en cassation.

Le Conseil d’État leur donne raison en estimant qu’il se déduit de la combinaison des dispositions des art. L. 621-30 et suivants du code du patrimoine, de l’art. 112 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine et de l’art. R. 421-24 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable, qu'entre la date de la publication de la loi du 7 juillet 2016 précitée, intervenue le 8 juillet 2016, et le 1er avril 2017, date d'entrée en vigueur du décret du 29 mars 2017 relatif au patrimoine mondial, aux monuments historiques et aux sites patrimoniaux remarquables, pris notamment pour l'application du IV de l'article L. 632-2 du code du patrimoine dans sa rédaction issue de la loi du 7 juillet 2016, les travaux mentionnés dans ce code, relevaient des dispositions réglementaires du code de l'urbanisme relatives aux travaux dans un secteur sauvegardé, notamment celles de l'article R. 421-24 de ce code, d'après lesquelles les travaux ayant pour objet de modifier l'aménagement des abords d'un bâtiment existant doivent être précédés d'une déclaration préalable, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires.

Or en l’espèce, il est constant que les arbres situés le long du mur Grimaldi et de la rue de l'Orangerie, dans le périmètre du château des Matignon, sur le territoire de la commune de Torigny-les-Villes, font l'objet d'une protection au titre des abords d'un monument historique, sur le fondement de l'article L. 621-30 du code du patrimoine et que les travaux d'abattage de ces arbres effectués en décembre 2016 relevaient notamment des dispositions de l'article R. 421-24 du code de l’urbanisme selon lesquelles les travaux ayant pour objet de modifier l'aménagement des abords d'un bâtiment existant doivent être précédés d'une déclaration préalable, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires. C’est donc par suite d’une erreur de droit que la cour administrative d’appel a jugé que ces travaux d'abattage n'avaient pas à faire l'objet d'une déclaration préalable de travaux.

En outre, c’est en vain que la commune défenderesse invoque en défense les dispositions de l'article R. 421-23-2 du code de l'urbanisme qui instituent des dérogations à l'obligation de déclaration préalable pour les coupes et abattages d'arbres car ces dispositions ne sont pas applicables aux travaux réalisés dans un secteur sauvegardé. Elles n’ont donc pas été rendues applicables, en vertu des dispositions de l'article 112 de la loi du 7 juillet 2016 précitée, aux travaux mentionnés aux articles L. 621-32, L. 632-1 et L. 632-2 du code du patrimoine.

(22 septembre 2022, Association de défense du patrimoine arboré (ADPA) de Torigny-les-Villes et des communes de la Manche et M. B., n° 443215)

 

10 - Éoliennes – Atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants – Co-visibilité du projet avec des bâtiments remarquables – Absence de prise en considération – Annulation.

Commet une erreur de droit la cour administrative d’appel qui, pour annuler un refus préfectoral de délivrer une autorisation d’exploiter un parc d’éoliennes, juge que le critère de co-visibilité avec des monuments historiques ne pouvait être utilement invoqué pour caractériser une atteinte contraire à l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en raison de l'implantation du projet en dehors du périmètre de protection résultant des articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine, alors que, au contraire, pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la co-visibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations. 

(22 septembre 2022, ministre de la transition écologique, n° 455658)

 

Droit du contentieux administratif

 

11 - Actes susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif – Protection de l’environnement - Preuve du dépôt de déclaration d’installation classée – Décision faisant grief – Recours contentieux possible contre elle.

(Avis, 15 septembre 2022, M. F. et autres, SARL L.B.E. et la SARL Johanito Laurent transports, n° 463612)

V. n° 1

 

12 - Exécution des décisions de justice – Accès à la prestation de compensation du handicap – Décision du Conseil d’État notifiée le 2 mars 2016 – Décision exécutée le 26 avril 2022 – Astreintes provisoires – Liquidation de l’astreinte définitive – Partage entre les requérants.

Les requérants, une personne physique et une personne morale, avaient contesté la décision implicite par laquelle le premier ministre avait refusé de prendre le décret d'application prévu au deuxième alinéa de l'article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles. Après avoir annulé ce refus par décision du 24 février 2016, le Conseil d’État a, le même jour, enjoint au premier ministre de prendre ce décret sous astreinte de cent euros par jour à l'encontre de l'État s'il ne justifiait pas, dans les neuf mois suivant la notification de sa décision, avoir exécuté cette décision.

Saisi à trois reprises, le Conseil d’État a, chaque fois, prononcé une astreinte en portant la somme à 250 euros par jour. Constatant que c’est finalement par un décret n° 2022-639 du 25 avril 2022, entré en vigueur le 26 avril 2022, relatif à l'amélioration des fonds départementaux de compensation du handicap, qu’a été exécutée sa décision primitive et, à l’invitation des requérants, le juge condamne dans la présente décision l’État à verser la somme de 86650,00 euros pour partie aux deux requérants et pour le solde à une fondation abritée par la Fondation de France alors que cette fondation n’était pas partie au litige.

Le juge rappelle à cette occasion qu’il peut, même d’office, attribuer une fraction du produit de la liquidation de l’astreinte, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, à une personne morale de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'État et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet.

(21 septembre 2022, M. A. et Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs, n° 383070)

 

13 - Décision reposant sur une pluralité de motifs – Caractère erroné de l’un d’eux – Pouvoirs du juge de cassation – Rejet.

A l’occasion d’un litige relatif à un permis de construire dont le refus est annulé par la juridiction d’appel, le juge de cassation rappelle à nouveau comment doit être traité l’arrêt reposant sur une pluralité de motifs dont l’un est erroné.

En principe, en ce cas, le juge de cassation doit, hormis le cas où ce motif erroné présenterait un caractère surabondant, accueillir le pourvoi, étant rappelé qu’à cette occasion il ne lui appartient pas de rechercher si la juridiction aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les autres motifs.

Cependant, par exception, le pourvoi est rejeté lorsque l'un quelconque des moyens retenus par le juge du fond peut suffire à justifier son dispositif d'annulation de la décision administrative. En ce cas, il est procédé au rejet du pourvoi après que, en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle déférée, celui ou ceux de ces motifs qui étaient erronés ai(en)t été annulé(s). Ce qui était précisément le cas de l’espèce.

(21 septembre 2022, Commune du Monêtier-les-Bains, n° 455174)

 

14 - Organe d’une personne morale de droit privé qualifié pour ester en justice au nom de cette dernière – Qualité contestée - Obligation pour le juge administratif de vérifier cette qualité – Possibilité de régulariser jusqu’à la clôture de l’instruction – Erreur de droit – Annulation.

La société requérante avait contesté, en vain, l’exercice par une commune du droit de préemption urbain sur des parcelles dont elle était propriétaire.

Son recours a été rejeté au motif que le président de cette société qui avait signé la requête d’appel n’avait pas qualité pour la représenter en justice, le tribunal de commerce ayant annulé la délibération du 25 juillet 2018 par laquelle l'ancien président, M. A., avait été démis de ses fonctions de président de la société Immo Invest au bénéfice de M. B., et alors que M. A. a certifié n’avoir jamais donné instruction à l’avocat d’interjeter appel.

Cependant le nouveau président a produit devant la cour, avant la clôture de l’instruction, un procès-verbal d’assemblée générale du 21 juillet 2020 d’où il résultait qu’il avait été à nouveau désigné comme président de la société demanderesse et qu’à ce titre il entendait réitérer ses conclusions d’appel au nom de la société.

C’est donc au prix d’une erreur de droit que la cour a accueilli la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de M. B. pour représenter la société en justice.

(21 septembre 2022, Société Immo Invest, n° 455418)

 

15 - Amende pour requête abusive – Objet de la requête distinct de celui d’une précédente requête – Qualification inexacte des faits – Annulation sans renvoi.

Qualifie inexactement les faits à elle soumis, la cour administrative d’appel qui inflige une amende pour requête abusive à une requérante alors que cette requête a un objet distinct de celui de la requête précédente ainsi que des moyens propres.

(23 septembre 2022, Société Sopropêche, n° 458663)

 

16 - « Loi du pays » - Polynésie française – Qualité de membre du conseil économique, social, environnemental et culturel de ce territoire – « Loi » applicable exclusivement aux fonctionnaires et agents publics – Absence de qualité pour agir – Rejet.

Un membre du conseil économique, social, environnemental et culturel de Polynésie française n’a pas qualité lui donnant intérêt pour agir contre une « loi du pays » relative aux fonctionnaires et agents publics. La requête est ainsi irrecevable.

(23 septembre 2022, M. C., n° 464694)

 

17 - Demande de rectification des données à caractère personnel contenues dans une synthèse relative à une personne bénéficiaire de la prestation de compensation du handicap – Refus – Rejet de la demande par le tribunal administratif – Recours contre ce jugement ayant le caractère d’un appel devant être porté devant la cour administrative d’appel – Renvoi à cette juridiction.

Un tribunal administratif a rejeté le recours formé contre la décision implicite par laquelle le directeur de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Pyrénées-Atlantiques a rejeté sa demande de communication de documents administratifs et contre la décision de refus de modification des informations contenues dans la synthèse pluridisciplinaire de visite à domicile de 2017 et dans les autres documents concernant la requérante, dont le GEVA 2017 et les synthèses des années précédentes.

L’intéressée a saisi le Conseil d’État d’un recours contre ce jugement mais celui-ci est mal dirigé car en matière de demande de rectification de données à caractère personnel prétendues inexactes ou incomplètes un tel recours constitue un appel qui doit être porté devant la cour administrative d’appel, puisque le tribunal administratif ne statue pas ici en premier et dernier ressort.

(27 septembre 2022, Mme B., n° 456593)

 

18 - Plan local d’urbanisme – Dispositions du plan annulées par le juge - Jugement rendant inconstructibles certaines parcelles – Propriétaire de ces parcelles sans qualité en tant que tel pour former tierce opposition à ce jugement – Rejet.

Voilà une solution logique en dépit des apparences et de sa sévérité.

Le Conseil d’État juge que le propriétaire de parcelles que l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions d'un plan local de l'urbanisme aurait pour effet de rendre inconstructibles ne justifie pas, en cette seule qualité, d'un droit auquel cette décision juridictionnelle aurait préjudicié, qui le rendrait recevable à former tierce opposition à cette décision.

Il précise que la solution est la même dans le cas où il serait titulaire d'un certificat d'urbanisme délivré en vertu des dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, lequel, s'il lui confère le droit de voir sa demande de permis de construire, déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique, ne lui donne pas un droit à construire suffisamment caractérisé pour le rendre recevable à former tierce opposition à une telle décision d'annulation. 

(27 septembre 2022, Mme J., n° 451013)

 

19 - Opposabilité des délais et voies de recours – Obligation d’en informer les justiciables – Mention incomplète – Absence de déclenchement des délais de recours – Annulation.

L’art. 421-5 du CJA dispose que : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision », il en résulte que n’a pu faire courir, en l’espèce, le délai de recours contentieux le courrier informant les requérants que le directeur départemental des territoires et de la mer disposait d'un délai de six mois pour statuer sur l'existence, l'exigibilité ou le montant de la créance et portant l'indication « En l'absence de décision ou si la décision ne vous donne pas satisfaction, vous disposez d'un nouveau délai de deux mois, pour assigner éventuellement, les services de l'ordonnateur devant la juridiction compétente. »

En effet, l’art. R. 421-5 précité impose d’indiquer dans la notification qu’il prévoit, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, d’indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, de préciser laquelle. En particulier, s'agissant de la contestation d'une décision devant le juge de l'impôt, la notification doit préciser, au regard de l'impôt concerné, s'il s'agit du juge judiciaire ou du juge administratif.

La mention en cause ne permettant pas de déterminer la juridiction compétente que les intéressés devaient saisir, la survenue d’une décision implicite de rejet du directeur départemental des territoires et de la mer ne pouvait donc pas, contrairement à ce qu’a jugé le magistrat de la cour administrative d’appel, déclencher le délai de recours contentieux et la requête de M. et Mme C. ne pouvait pas être jugée comme étant manifestement tardive.

(28 septembre 2022, M. et Mme C., n° 448656)

 

20 - Demande de confirmation expresse du maintien de conclusions – Non réponse – Ordonnance prenant acte du désistement automatique (art. R. 612-5-1 CJA) – Conditions d’application d’un tel désistement – Usage abusif de cette disposition – Annulation.

L’art. R. 612-5-1 du CJA décide que « Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ».

Le Conseil d’État, nonobstant la lettre de ce texte, lui donne une extension considérable.

En effet, il en déduit l’obligation pour le juge d’appel saisi d’un recours contre une ordonnance donnant acte d’un tel désistement de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de cet article, que cette demande lui fixait un délai d'au moins un mois pour répondre, qu’elle l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai, que le requérant s'est réellement abstenu de répondre en temps utile et, enfin,  d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application de ces dispositions.

Ce dernier élément, purement prétorien, interroge. Il ne s’agit pas pour le juge saisi de se limiter à un contrôle mécanique des conditions à remplir, il doit encore en faire une application « juste ». Ce point est important car, normalement, le juge de cassation ne saurait remettre en cause cette appréciation sauf dans le cas où il estime, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, qu'il a été fait un usage abusif de la faculté ouverte par ces dispositions. C’est aller loin dans l’interprétation de l’office du juge tel qu’il résulte de ce modeste art. R. 612-5-1.

En l’espèce, il est reproché au juge d’appel d’avoir, précisément, fait un usage abusif de cette faculté car le requérant demandait à la cour la décharge d'un montant d'imposition de près d'un million d'euros, il avait en outre produit deux mémoires, dont le deuxième n'avait pas suscité d'observations complémentaires de la part de l'administration, selon son deuxième mémoire en défense, lequel n'appelait donc pas lui-même de réponse particulière de la part du requérant. Dès lors, estime le juge de cassation, rien ne permettait de s'interroger sur l'intérêt que sa demande conservait pour ce dernier. Ainsi, en prenant acte du désistement de M. B., il n'a pas été fait une juste application des dispositions précitées, d’où l’annulation de l’ordonnance attaquée.

(28 septembre 2022, M. B., n° 451202)

 

21 - Taxe foncière sur les propriétés bâties – Valeur locative fixée par la méthode prévue à l’art. 1499 du CGI – Rapporteur ne pouvant être dispensé de prononcer ses conclusions – Annulation.

Est irrégulier et encourt la cassation le jugement rendu en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties après recours à l’évaluation de la valeur locative des locaux concernés selon la méthode prévue à l’art. 1499 du CGI alors que le rapporteur public avait été dispensé de prononcer ses conclusions à l’audience.

Ubu n’est pas mort : l’obligation ou la dispense de conclusions du rapporteur public dépendent de la modalité d’évaluation de la valeur locative de biens assujettis à un impôt. Où est l’intérêt du contribuable dans cette solution farcesque qui le fait se retrouver, plus de quatre ans après l’avoir saisi de sa requête initiale, devant le même tribunal pour recommencer la procédure ?

(28 septembre 2022, Société Convivio, n° 457714)

 

22 - Référé suspension – Arrêté préfectoral refusant à une société d’exploitation agricole l’autorisation de prélever de l’eau pour ses cultures – Obligation de modifier les espèces cultivées – Inexistence de la condition d’urgence - Annulation et rejet.

Un juge des référés, après avoir ordonné une expertise à cet effet, a suspendu un arrêté préfectoral faisant opposition à la déclaration d’une entreprise agricole concernant des prélèvements d'eau.

Pour annuler cette ordonnance, le juge de cassation statuant en référé relève que si l’entreprise se voit contrainte de recourir à des cultures moins consommatrices en eau ceci ne constitue pas une atteinte grave et immédiate à ses intérêts au regard de l’intérêt public tenant à la gestion durable de l'eau et aux besoins de la population en eau potable.  Cet intérêt justifie l’arrêté suspendu et ainsi la condition d’urgence n’est pas remplie. Gageons que le cultivateur trouvera amère la nouvelle herbe.

(30 septembre 2022, ministre de la transition écologique, n° 455719)

 

23 - Juge des référés – Incompétence pour connaître d’un recours direct au Conseil d’État – Application de l’art. R. 522-8-1 du CJA – Rejet sans désignation de la juridiction administrative compétente.

Pour rejeter la demande en référé liberté dont il a été directement saisi par une ressortissante congolaise et tendant à la suspension de la décision du consulat de France à Brazzaville d'effectuer une vérification d'état civil concernant ses deux enfants, le juge des référés fait ici application des disposition dérogatoires de l’art. R. 522-8-1 du CJA lui impartissant, lorsqu’il entend décliner sa compétence, de rejeter par voie d'ordonnance les conclusions dont il est saisi.

Le juge des référés n’a donc pas, en cette hypothèse, à appliquer les règles régissant le règlement des questions de compétence au sein de la juridiction administrative.

(ord. réf. 26 septembre 2022, Mme A., n° 467706)

 

24 - Demande d’octroi de l’aide juridictionnelle – Instance se déroulant devant les juridictions de l’ordre judiciaire – Incompétence manifeste du juge administratif – Rejet.

Qui pouvait en douter ? La demande d’aide juridictionnelle en vue d’instances se déroulant devant le juge judiciaire n'est manifestement pas au nombre de celles dont il appartient au Conseil d'État de connaître.

(26 septembre 2022, M. B., n° 467760)

 

Droit fiscal et droit financier public – Comptabilité publique

 

25 - Impôt sur les sociétés – Détermination du bénéfice net imposable - Charges déductibles – Intérêts d’emprunt obligataire – Condition de déductibilité - Taux d’intérêt correspondant au taux moyen des emprunts émis dans des conditions comparables – Termes de comparaison – Dénaturation des pièces du dossier – Preuve non rapportée du caractère normal du taux fixé en l’espèce – Rejet.

Les intérêts des emprunts contractés par une entreprise sont déductibles du bénéfice imposable pour autant que leurs conditions, notamment de taux, sont voisines de celles d’emprunts émis par des entreprises en situation comparable.

En l’espèce, la requérante avait souscrit auprès d’une entreprise en détenant la majorité du capital social un emprunt obligataire, avec obligations convertibles en actions, au taux de 12%, taux rejeté par l’administration fiscale comme ne correspondant pas à la moyenne généralement observée chez les autres sociétés.

La société se pourvoit en cassation contre l’arrêt confirmatif qui rejette sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie ainsi que des majorations y afférentes.

La question du caractère plausible d’un taux d’emprunt en vue de la déductibilité des intérêts est classique et très fréquente. En bref, le juge exige que soit effectuée une comparaison entre les emprunts émis par des sociétés ou entreprises comparables à la fois dans leur profil propre et quant aux modalités techniques des emprunts. Un rôle essentiel est dévolu, naturellement, au facteur du risque couru par le souscripteur de l’emprunt.

La cour a rejeté les termes de comparaison proposés par la requérante au motif qu’au regard de la cotation de l’agence Standard et Poors elle avait une note de BB+ alors que les entreprises comparées n’avaient qu’une note BB-. Ainsi, selon la cour, l’étude (de la société PwC) invoquée par la requérante n’était pas pertinente dès lors que cette dernière présentait un risque de défaut moindre que ses concurrentes et que, par ailleurs, l’étude du cabinet Prad, fondée sur l’échelle de mesure de l’agence de notation Moody’s, lui avait attribué la note B2, ce qui correspond à la note BB+ chez l’agence Standard et Poors. Or le Conseil d’État relève, conformément à l’argumentation de la requérante, que la comparaison des grilles respectives des deux agences de notation devait conduire la cour à constater que la note B2 sur l'échelle de l'agence Moody's correspondait en réalité à une note inférieure de plusieurs degrés à la note BB+ sur l'échelle de l'agence Standard et Poor's, la cour a ainsi dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

Cependant, statuant au fond, le juge de cassation rejette le pourvoi au quadruple motif :

- que l'étude effectuée par la société PwC ne saurait être prise en compte pour apprécier le profil de risque de la société HCL Maître Pierre car elle n’est pas fondée, comme elle le devait pourtant, sur des données propres à cette société, mais sur des données consolidées relatives au groupe qu'elle constituait avec sa mère, la société HGFI Saint-Martin.

- que cette étude ne tient pas compte d’une des particularités de l’emprunt à savoir la valeur de l'option de conversion associée aux obligations émises.

- que l'étude du cabinet Prad évalue la note de risque sur la base des seules données comptables de la société requérante, elle ne procède pas elle-même à une comparaison avec les conditions de financement obtenues par d'autres sociétés mais se contente de renvoyer au panel retenu par la première étude, dont elle ne remédie cependant pas aux insuffisances liées à la non-prise en compte de la valeur de l'option de conversion.

- qu’enfin une autre étude produite ne repose pas sur une analyse des caractéristiques propres de la société requérante mais sur des considérations générales relatives aux problématiques de financement dans le cadre de la restructuration de groupes de sociétés analogues.

(20 septembre 2022, Société HCL Maître Pierre, n° 455651)

(26) V. aussi, à propos de ce même litige, le rejet du recours formé par les deux entités ayant participé à la restructuration du groupe société HCL Maître Pierre, rejet fondé sur ce que ni le pacte conclu entre ces deux entités dont aucune n’est majoritaire au sein du groupe société HCL Maître Pierre, ni aucune autre pièce du dossier - et notamment aucun accord qui conduirait à organiser une action de concert entre les investisseurs financiers, aux fins d'influencer la politique de la société ou d'y exercer un pouvoir de décision - ne permet d'établir que les investisseurs financiers, qui détiennent ensemble la majorité du capital social de la société émettrice, y exerceraient ensemble le pouvoir de décision au sens du 12 de l'article 39 du CGI. Il suit de là que l'article 212 du CGI n’est pas applicable à l'espèce en tant qu'il prévoit des dispositions plus favorables que celles du 3° du 1 de l'article 39 : 20 septembre 2022, Société HGFI Saint-Martin, n° 455655.

 

27 - Frais de déplacements d’un gérant majoritaire de Sarl – Régime fiscal des remboursements de ces frais – Conditions de soumission à l’impôt – Rejet.

Une cour administrative d’appel juge qu’en l’espèce les remboursements des frais de déplacements d’un gérant majoritaire de Sarl avaient bien été comptabilisés comme tels dans la comptabilité d’une société et qu'ils n'avaient pas pour effet de porter la rémunération du contribuable à un niveau excessif. Elle a, en conséquence, rejetant l’appel du ministre, jugé que les sommes en cause étaient imposables entre ses mains sur le fondement des dispositions de l'article 62 du CGI qui décide que les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués aux gérants majoritaires des Sarl n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes.

Le ministre, qui avait soutenu devant la cour, que l'imposition des remboursements de frais non justifiés en litige soit maintenue dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et sollicité une substitution, comme fondement légal de ces impositions, des dispositions du c de l'article 111 du CGI à celles, initialement mises en œuvre, du 2° du 1 de l'article 109 du même code, se pourvoit en cassation.

Il est débouté.

En effet, dès lors que les remboursements de frais de déplacements ne constituent pas des avantages en nature au sens des dispositions de l'article 54 bis du CGI, le ministre demandeur n'était pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel aurait méconnu à cet égard ces dispositions en écartant la demande de substitution de base légale qu'il formait à titre principal alors que les obligations de comptabilisation qu'elles prévoient en cas d'octroi d'avantages en nature n'avaient pas été respectées. Était également sans incidence à cet égard la circonstance, invoquée par le ministre au soutien de son pourvoi, que la société employeur aurait, dans le relevé de frais généraux mentionné à l'article 54 quater du CGI, indiqué les sommes en litige sous une dénomination ne correspondant pas à leur nature réelle, cette circonstance étant seulement de nature à faire obstacle, en vertu du 5 de l'article 39 du même code, à ce que les sommes en question fussent regardées comme des charges déductibles pour l'imposition de la société à l'impôt sur les sociétés et demeurant sans influence sur l'imposition personnelle du contribuable à l'impôt sur le revenu.

(20 septembre 2022, ministre de l’économie, des finances et de la relance, n° 460201)

 

28 - Cotisation foncière des entreprises – Exonération des exploitants agricoles – Société commercialisant des salades – Activité jugée être dans le prolongement de l’acte de production – Absence – Annulation avec renvoi.

Commet une erreur de droit et une erreur dans la qualification juridique des faits, l’arrêt d’appel qui juge que l’activité de vente de salades conditionnées par une société se situe dans le prolongement de l’acte de production alors qu’il résulte, d’une part, des constatations de la cour, que la société commercialisait uniquement des mélanges de salades conditionnées dans la composition desquels entraient des produits non issus de l'exploitation et, d’autre part, des propres écritures de cette société que le prix d'acquisition des salades auprès de tiers représentait environ 30 % de son chiffre d'affaires.

C’est donc à tort qu’elle a cru pouvoir juger que l’activité de cette société était exonérée de la cotisation foncière des entreprises sur le fondement des dispositions de l’art. 1450 du CGI.

Le pourvoi du ministre est donc accueilli.

(20 septembre 2022, ministre de l’économie, des finances et de la relance, n°461477)

 

29 - Impôt sur le revenu des entreprises (art. 57 du CGI) – Prix facturés entre deux entreprises liées, l’une située en France et l’autre à l’étranger, s’écartant en plus ou en moins de ceux pratiqués dans des conditions normales par des entreprises similaires – Existence d’un avantage devant être réintégré dans les résultats de l’entreprise française sauf justification de l’existence de contreparties équivalentes – Recherche en ce sens non effectuée – Annulation.

Une société française est détenue à 98% par la société requérante dont le capital est entièrement contrôlé par une société de droit allemand. La société française a conclu avec la société allemande une convention de gestion de trésorerie centralisée, en vertu de laquelle elle déposait ses excédents de trésorerie auprès de cette dernière, ces excédents étant rémunérés sur la base d'un taux d'intérêt égal au taux de référence interbancaire Euro OverNight Index Average (EONIA) minoré de 0,15 points. 

L’administration fiscale a estimé anormale cette rémunération nulle et a procédé à la réintégration des bénéfices qu'elle a regardés comme indirectement transférés à la société allemande.

Son recours ayant été rejeté en première instance et en appel, cette dernière se pourvoit en cassation.

L’arrêt d’appel est cassé pour erreur de droit.

En effet, la cour a jugé que la société française avait consenti à la société allemande une libéralité du fait de sa renonciation à percevoir une rémunération en contrepartie du dépôt de ses excédents de trésorerie auprès de cette dernière, car cette rémunération nulle était sans rapport avec celle à laquelle la société aurait pu prétendre si elle avait placé à cette date ses excédents de trésorerie auprès d'un établissement financier. De plus, la cour a relevé que cette absence de rémunération ne trouve pas sa contrepartie dans la possibilité de financer des besoins de trésorerie, lesquels étaient inexistants au titre des années en cause.

Le juge de cassation relève que, pour parvenir à cette solution, la cour a considéré qu’était dépourvue d'incidence à cet égard la circonstance que le taux de rémunération des sommes ainsi déposées auprès de la société allemande résultait de l'application de la formule de taux prévue par la convention de gestion de trésorerie et que les parties ont au demeurant fait le choix de limiter à un résultat non négatif en cours d'exécution de cette convention.  

Or la cour ne pouvait pas raisonner ainsi sans rechercher si la société française avait agi conformément à son intérêt en concluant cette convention en ces termes le 17 décembre 2009, ni quelles étaient les obligations qui en découlaient pour elle au cours des années en litige.

(20 septembre 2022, Société SAP France Holding, n° 461639)

(30) V. aussi, dans cette affaire, la solution identique retenue sur le pourvoi de la société française : 20 septembre 2022, Société SAP France, n° 461642.

 

31 - Procédure fiscale – Demande de décharge de rehaussements d’impôt sur les sociétés, de TVA et autre taxe - Délai de réclamation – Opposition de la tardiveté – Erreur de droit – Annulation avec renvoi.

Commet une erreur de droit, par déduction des dispositions combinées des art. L. 169, L. 176, L. 286 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales, la cour administrative d’appel qui juge qu’est tardive une réclamation adressée à l’administration fiscale le 31 décembre 2016 et reçue par elle le 4 janvier 2017, soit postérieurement à l’expiration, le 31 décembre à minuit, du délai de réclamation, alors qu’il résulte de ce code qu’il peut être satisfait aux obligations enfermées dans un certain délai au plus tard à la date prescrite au moyen d’un envoi de correspondance sur lequel est apposée la date postale d’envoi ou, dans le cas d’un courrier électronique,  de l’accusé de réception adressé à l’usager par la même voie.

(23 septembre 2022, Société ECO BAT, n° 458597)

 

32 - Imposition sur le chiffre d’affaires – Contrôle fiscal – Reconstitution du chiffre d’affaires par l’administration – Précision insuffisante des éléments l’ayant conduit à une imposition supplémentaire – Rejet.

C’est sans erreur de droit qu’une cour administrative d’appel juge irrégulière pour non-respect de l’obligation d’information, une procédure d'imposition aboutissant à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu par suite d’une rectification des bénéfices industriels et commerciaux résultant d’une reconstitution, car l'administration fiscale, d'une part, n'avait pas informé les contribuables, devant le tribunal administratif puis lors de l'instance d'appel, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des contrats qu'elle avait obtenus auprès de tiers et qui lui avaient permis, lors de la première instance, de procéder à cette reconstitution, et, d'autre part, n'avait pas non plus satisfait à cette obligation au cours de la procédure d'imposition.

(28 septembre 2022, ministre de l’économie et des finances…, n° 437267)

(33) V. aussi, sur cette même affaire, la même solution avec même motivation : 28 septembre 2022, ministre de l’action et des comptes publics, n° 437555.

 

34 - Taxe foncière sur les propriétés bâties – Entreprise de lavage d’automobiles – Inclusion d’une surface bitumée dans la valeur locative – Légalité – Rejet.

C’est sans illégalité que l’administration fiscale a estimé que le plan bitumé de 715 mètres carrés qui permet aux clients de la société Dives Auto Lavage d'accéder avec leur véhicule aux postes de lavage de l'établissement constitue un élément directement nécessaire à l'exploitation de la station de lavage et qu’il doit par suite en être regardé comme une dépendance indispensable et immédiate et pris en compte dans l'évaluation de la valeur locative de cet immeuble et le calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

(28 septembre 2022, Société Dives Auto Lavage, n° 440760)

 

35 - Taxe foncière sur les propriétés bâties – Valeur locative fixée par la méthode prévue à l’art. 1499 du CGI – Rapporteur ne pouvant être dispensé de prononcer ses conclusions – Annulation.

(28 septembre 2022, Société Convivio, n° 457714)

V. n° 21

 

36 - Impôt sur le revenu des capitaux mobiliers – Indisponibilité d’une somme détenue en compte courant – Résultat déficitaire de la société – Appréciation de l’actif net sans examen de la liquidité des éléments le constituant – Erreur de droit – Annulation.

Encourt annulation pour erreur de droit l’arrêt qui, pour juger qu’une société n’établit pas que la somme inscrite sur le compte courant d'associé était indisponible se borne à relever qu'en dépit d'un résultat déficitaire, il ne ressortait pas du bilan de la société, compte tenu de son actif net, qu'il était impossible de procéder à tout prélèvement au-delà du solde des comptes bancaires alors que la disponibilité de cette somme ne pouvait résulter du seul examen de l'actif net de la société, sans qu’ait été apprécié le caractère suffisamment liquide des éléments qui le constituaient.

(28 septembre 2022, M. A. et société Financière Stanvin, n° 446858)

 

37 - Crédit impôt recherche – Régime résultant du décret du 5 février 2013 – Application dans le temps – Erreur de droit et privation d’une garantie pour le contribuable – Annulations.

Les entreprises peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt en proportion de la part financière qu’elles consacrent à la recherche dans le cadre de leur activité. Le décret du 5 février 2013 a modifié le système de contrôle de la réalité et du contenu de l’activité prétendue de recherche en vue de son éligibilité à la faveur fiscale. L’art. L. 45 B du livre des procédures fiscales décide désormais que la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du CGI peut être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. L’art. L. 45 B-1 de ce livre organise à cet effet une procédure particulière et contradictoire. Ce décret est entré en vigueur, en vertu de son article 2, le 15 février 2013.

Le litige objet de la présente décision portait sur le reproche fait par la requérante à l’agent contrôleur de l’absence de débat oral et contradictoire avec lui. Pour rejeter ce moyen la cour administrative d’appel s’est fondée sur les dispositions de l’art. 45 B-1 du LPF dans leur version antérieure à celle que lui a donnée le décret du 5 février 2013 qui ne prévoyaient pas un tel débat. Ce jugeant, elle a commis une erreur de droit conduisant à la cassation de son arrêt.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État relève que l'agent du ministère chargé de la recherche, tout en soulignant l'ambiguïté et l'insuffisance des explications fournies par la société pour démontrer le caractère novateur des réponses techniques qu'elle soutenait avoir développées, ne lui a adressé ni demande d'éléments justificatifs, ni demandes d'informations complémentaires qui lui auraient permis de mener son expertise à bien. Cette méconnaissance des dispositions de l'article R. 45 B-1 du LPF, alors que l'expert indiquait lui-même que de plus amples informations auraient pu modifier le sens de ses conclusions, a privé en l'espèce la société IRAI d'une garantie.

La société requérante est jugée fondée à obtenir décharge de la cotisation d'impôt supplémentaire à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2012 à raison de la remise en cause du crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elle avait déclarées.

(28 septembre 2022, Société IRAI, n° 451820)

(38) V. aussi, rejetant un recours dirigé contre le refus de restitution de crédits d’impôt au titre des dépenses pour la recherche car les éléments fournis par la requérante ne permettent pas d'identifier les travaux lui incombant ou leur lien avec les dépenses que celle-ci a intégrées dans l'assiette du crédit d'impôt recherche : 28 septembre 2022, Société Akka Technologies, n° 452461.

 

39 - Opposabilité des délais et voies de recours – Obligation d’en informer les justiciables – Mention incomplète – Absence de déclenchement des délais de recours – Annulation.

(28 septembre 2022, M. et Mme C., n° 448656)

V. n° 19

 

40 - Contrat de concession d’un droit à l’image – Existence ou non d’une sous-concession de droits de reproduction d'œuvres d'art dont l’un des contractants est concessionnaire – Régime fiscal – Absence d’activité de caractère commercial – Dénaturation de stipulations contractuelles – Annulation.

Dénature les stipulations d’un contrat de concession de l’image d’un lieu et des œuvres qui le composent, l’arrêt d’une cour administrative d’appel qui juge que ce contrat n’emportait pas sous-concession du droit de reproduction des œuvres, qu’en conséquence l’administration fiscale n’était pas fondée à dire qu’il impliquait la réalisation d'actes de gestion du patrimoine d'autrui et par suite relevait de l'agence d'affaires et, à ce titre, d'une activité commerciale justifiant  d’assujettir la SCI Vae Homini Injusto à l'impôt sur les sociétés.

En effet, relève le juge de cassation, la concession par la SCI du droit à « l'image véhiculée par la Demeure du Chaos et les œuvres qui la composent » s'analyse nécessairement comme la sous-concession de ce droit à reproduction, ainsi que le confirme le rapport établi par le cabinet BMetA dont l'objet consistait à évaluer « la valeur du droit exclusif de reproduction de la Demeure du Chaos concédé par la SCI au Groupe Serveur ». 

(28 septembre 2022, ministre de l’économie, des finances …, n° 459886)

 

41 - Superficie d’une habitation excédant celle déclarée au titre du permis de construire – Mise à la charge des contrevenants de suppléments d’imposition – Infraction commise plus de cinq ans avant – Prescription – Annulation.

Un agent  communal a établi le 30 septembre 2011, à l’encontre des requérants, un procès-verbal d'infraction relevant que la surface hors œuvre nette qu’ils avaient créée excédait de 105 mètres carrés la surface autorisée par le permis de construire leur maison, puis, le 20 décembre suivant, il a fait un rapport d’information constatant une surélévation de la maison ayant fait l'objet du permis de construire du 28 novembre 2002, et la présence de locaux habitables d'une surface de 105 mètres carrés, qui devaient initialement se situer en-dessous du sol naturel et se trouvaient désormais au-dessus de celui-ci, constituant ainsi le rez-de-chaussée de la demeure. Cette surface correspond à trois caves et à un local à vélo. En conséquence, l’administration fiscale a notifié aux intéressés des suppléments d'impositions correspondants, au titre de la taxe locale d'équipement, de la taxe départementale pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement et de la taxe départementale des espaces naturels sensibles, assortis de majorations, qui ont fait l'objet d'un titre de recettes du 7 septembre 2012 et d'un avis d'imposition notifié le 9 octobre 2012.

Le Conseil d’État, saisi pour la seconde fois d’un pourvoi dans cette affaire et, après cassation du jugement querellé pour dénaturation des pièces du dossier, statuait donc au fond et définitivement par application des dispositions de l’art. L. 821-2 du CJA.

Il relève que le fait générateur de la taxe locale d'équipement et des taxes annexes auxquelles M. et Mme B. ont été assujettis ne peut être que l'achèvement des travaux exécutés sans autorisation en vue de la construction, de la reconstruction ou de l'agrandissement d'un bâtiment sur lesquels, en vertu des dispositions de l'article 1585 A du CGI, la taxe est établie. En l’espèce, la date d’achèvement des locaux litigieux est l’année 2006 comme l’atteste l’émission de l’avis d’imposition à la taxe d’habitation pour l’année 2006.

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'art. L. 274 A du livre des procédures fiscales que l'ordonnateur disposait, pour l’émission d’un titre de recouvrement, en cas d'absence d'autorisation de construire, d'un délai expirant au terme de la quatrième année suivant celle de l'achèvement des travaux. Ce délai peut cependant être interrompu dans les conditions prévues par les dispositions de l'art. L. 189 du livre des procédures fiscales, notamment par la notification d'un procès-verbal.

Or en l’espèce, ce délai de quatre ans avait expiré le 31 décembre 2010. Il s’ensuit qu’en l’absence de tout acte interruptif de la prescription - la notification du procès-verbal dressé le 30 septembre 2011 n'ayant pu elle-même en interrompre le cours -, la créance de l’État était prescrite lors de l’émission du titre de recouvrement litigieux. Les requérants sont donc fondés à demander la décharge des suppléments de cotisations à divers impôts mis à leur charge.

(28 septembre 2022, M. et Mme B., n° 439596)

 

42 - Cotisation foncière des entreprises (CFE) – Changement d’exploitant (art. 1478, II et IV, CGI) – Imposition des deux premières années d’exploitation – Repreneur d’une entreprise sur décision du tribunal de commerce – Autorisation d’occupation résultant d’une convention avec le propriétaire des murs – Obligation de retenir la date d’entrée en jouissance du fonds pour le calcul de la CFE – Annulation.

Il résulte des points II et IV de l’art. 1478 CGI qu’en matière de cotisation foncière des entreprises à l’occasion d’un changement d’exploitant celle-ci est calculée, pour les deux premières années de fonctionnement, sur la base des biens passibles de taxe foncière dont le redevable a disposé au 31 décembre de la première année d’activité.

En l’espèce, suite à une mise en liquidation judiciaire suivie de l’attribution de l’exploitation à la société requérante par le tribunal de commerce, la société repreneuse a signé avec un tiers propriétaire des murs et du fonds de commerce, le 20 octobre 2014, une convention d'occupation temporaire, mais non précaire, et gratuite avec entrée en jouissance immédiate. Puis, le 22 mai 2015, a eu lieu la cession du fonds de commerce.

La cour administrative d’appel a estimé que c’était cette dernière date qui devait être retenue pour l’application des dispositions précitées du CGI.

L’administration fiscale estimait, que c’était la date du 20 octobre 2014 qui devait être prise en compte.

Le Conseil d’État donne raison à cette dernière dans la mesure où, quelque temporaire qu’était la convention d’occupation dans l’attente de la cession du fonds de commerce, elle n’était pas précaire. Ainsi, c’est à la date du 31 décembre 2014 et non du 31 décembre 2015 qu’il convenait de se placer pour évaluer les biens du redevable passibles de taxe foncière.

(30 septembre 2022, ministre de l’économie, des finances…, n° 451948)

 

43 - Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) – Possibilité d’intervention de la collectivité ayant fixé le taux de la taxe devant le juge de l’impôt saisi d’une demande de décharge – Régime des ressources excédentaires des communes en la matière en cas de transfert à une intercommunalité – Annulation et rejet.

Dans cette affaire, portant une nouvelle fois sur la TEOM, le Conseil d’État juge tout d’abord qu’il résulte de la nature et de l'objet du contentieux de la TEOM, qu’une métropole venant aux droits d’une communauté d'agglomération, justifie d'un intérêt de nature à la rendre recevable à intervenir devant le juge de l'impôt (qu’il soit de fond ou de cassation) compte tenu de la particularité des litiges en la matière. 

Ensuite, les attributions de compensation versées par un établissement de coopération intercommunale à ses communes membres en vertu des dispositions de l’art. L. 1609 nonies C du CGI, lorsque les ressources de ces communes qui étaient liées aux charges qui ont été transférées à l'établissement étaient excédentaires l'année précédant le transfert, ne sont pas, eu égard à leur objet, au nombre des dépenses susceptibles d'être couvertes par la taxe d'enlèvement sur les ordures ménagères.

(30 septembre 2022, ministre de l’économie, des finances…, n° 455364)

 

Droit public de l'économie

 

44 - Soutien tarifaire à la production d’énergie électrique renouvelable – Art. L. 314-4 du code l’énergie – Obligation et tarif d’achat à la charge des producteurs d’électricité – Règle du non cumul pour une même installation des primes et tarifs avec un autre soutien public financier à la production d'électricité – Rejet.

Le requérant demandait l’annulation de l'article 13 de l'arrêté interministériel du 6 octobre 2021 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l'énergie solaire photovoltaïque d'une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts, en tant que le second alinéa de cet article interdit au producteur de cumuler pour une même installation les primes et tarifs prévus à l'article 8 de cet arrêté avec un autre soutien public financier à la production d'électricité provenant d'un régime d'aides local, régional, national ou de l'Union européenne. 

Le recours est rejeté aux motifs que cet acte réglementaire n’est pas soumis à l’obligation de motivation, qu’il relève bien de la compétence des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, qu’il ne crée ni d'obligation ni d'interdiction à l'égard des collectivités territoriales, ne portant ainsi pas atteinte au principe de libre administration de ces collectivités, garanti par l'article 72 de la Constitution, que l’obligation ainsi mise à la charge des producteurs d'électricité n’est pas manifestement disproportionnée par rapport aux objectifs du régime de soutien tarifaire institué par le législateur. 

(30 septembre 2022, M. B., n° 459176)

 

Droit social et action sociale – Sécurité sociale

 

45 - Défaut de déclaration préalable à l’embauche – Emploi d’étrangers dépourvus de titre de séjour – Sanction d’une fermeture de soixante jours pour l’entreprise – Absence d’irrégularité et de disproportion de la sanction – Rejet.

Le juge des référés rejette l’action en référé liberté de la société requérante dirigée contre la décision préfectorale prononçant – en application de l’art. L. 8272-2 du code du travail - la fermeture pour soixante jours du supermarché qu’elle exploite. En effet, il ressort des pièces du dossier que la société demanderesse employait le 13 avril 2022 un vendeur n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration préalable à son embauche, un préparateur de nationalité algérienne démuni d'autorisation de travail pour lequel elle se borne à indiquer avoir été induite en erreur par une carte d'identité française, laquelle est cependant un faux grossier comportant le nom d'usage « Non d'usage », un employé de nationalité afghane prenant les commandes et démuni d'autorisation de travail pour lequel elle se borne à produire une convention de stage signée postérieurement avec une association, un vendeur de nationalité marocaine démuni d'autorisation de travail pour lequel elle indique avoir été induite en erreur par une carte nationale d'identité roumaine, mais alors que l'intéressé avait indiqué aux services de police avoir présenté un faux titre de séjour italien.

Ni l’allégation d’un vice de procédure (elle ne serait pas l’entreprise visée par les réquisitions du procureur de la république) ni celle du caractère disproportionné de la sanction n’établissent l’existence d’une illégalité manifeste portant atteinte une grave à une liberté fondamentale.

(ord. réf. 16 septembre 2022, Société TMV, n° 467234)

 

46 - Infractions au code du travail – Sanction administrative de la fermeture temporaire de l’entreprise – Suspension par le juge des référés – Nouvelle sanction – Nouvelle suspension ordonnée – Retrait de la sanction – Suspension de l’arrêté précédent levée – Annulation d’une ordonnance devenue sans objet comme sans effet utile.

Suite au constat d’infractions à la législation du travail, un arrêté préfectoral a, le 25 janvier 2022, prononcé pour trois mois la fermeture administrative de l’établissement exploité par la société requérante à compter de la notification de ce constat.  Le juge des référés, au visa de l’art. L. 521-2 du CJA (référé liberté), a, le 15 février 2022, suspendu l'exécution de cet arrêté. Par un arrêté du 19 avril 2022, le préfet a prononcé à nouveau la fermeture administrative de cette même société pour une durée de deux mois à compter de sa notification, ce second arrêté  a été à son tour suspendu par le juge des référés le 16 mai 2022, au motif que ce second arrêté, visant à sanctionner les mêmes faits que ceux ayant donné lieu à la mesure de fermeture administrative ordonnée par le précédent arrêté du 25 janvier 2022, portait atteinte au principe selon lequel nul ne peut être sanctionné plusieurs fois à raison des mêmes faits.

Par un arrêté du 5 juillet 2022, le préfet a prononcé le retrait de l'arrêté du 25 janvier 2022 et a obtenu du juge des référés, le 24 août 2022, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-4 du CJA, la levée de la suspension de l'arrêté préfectoral du 19 avril 2022.

La société Centre Loire Automobile interjette appel de cette ordonnance. 

L’appel est accueilli car la notification du deuxième arrêté de fermeture temporaire, pris pour une durée de deux mois, ayant eu lieu le 6 mai 2022 c’est à tort que le juge des référés a fait droit, le 24 août 2022, aux conclusions tendant à la levée de la suspension d'un arrêté préfectoral dont les effets avaient pris fin à la date à laquelle il a statué, faisant ainsi droit à une demande qui était devenue sans objet et qui ne pouvait avoir aucun effet utile.

Au reste, on peut ajouter qu’annuler la suspension d’une décision que son auteur a lui-même retirée n’a guère de sens…

(ord. réf. 19 septembre 2022, Société Centre Loire Automobile, n° 467103)

 

47 - Élections professionnelles - Élections des membres des conseils de l'ordre des avocats dans chaque barreau – Refus d’abroger certaines dispositions réglementaires – Rejet.

Les requérants demandent l’annulation, d’une part, du refus implicite du premier ministre d’abroger certaines dispositions de l'art. 6 et de l’art. 12 du décret du 27 novembre 1991 fixant les modalités d'élection des membres des conseils de l'ordre des avocats dans chaque barreau, d’autre part, du refus du pouvoir réglementaire de prendre les mesures nécessaires à l'application de l'article 22-1 de la loi du 31 décembre 1971 afin de permettre de contester utilement la composition du conseil régional de discipline de avocats.

Les trois recours sont rejetés.

Tout d’abord, le juge rejette l’argumentation des requérants selon laquelle l'article 12 du décret litigieux ne pouvait réserver la possibilité de contester le résultat des élections à un conseil de l'ordre aux seuls avocats inscrits au tableau du barreau de cet ordre dès lors que le conseil de discipline, qui connaît de la situation des avocats relevant des barreaux qui sont établis dans le ressort d'une cour appel, est composé de représentants des conseils de l'ordre de chaque barreau de ce ressort. Le juge relève qu’aucune disposition législative ni aucun principe n'implique qu'un avocat puisse contester les élections à un barreau auquel il n'est pas inscrit et n'est pas électeur alors même que le conseil de discipline appelé à statuer sur les manquements aux règles disciplinaires de la profession est composé de membres désignés par d'autres barreaux. Par suite, sont écartés les moyens d'incompétence ou de méconnaissance du droit au recours. En outre, les avocats de chaque barreau d'un même ressort d'une cour d'appel n'étant pas, au regard du résultat des élections au conseil de l'ordre du barreau auquel ils sont rattachés, dans la même situation, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le principe d'égalité a été méconnu.  

Reste qu’en cas d’irrégularité affectant l’élection à un conseil de l’ordre d’un barreau peut affecter la juridicité de la composition du conseil de discipline et il ne reste en ce cas que la possibilité d’invoquer devant le juge judiciaire une exception d’illégalité contre la sanction infligée, bien problématique à tous égards.

Ensuite, il est jugé que n’est pas irrégulier en l’espèce le refus du premier ministre de prendre les mesures réglementaires nécessaires à l'application de l'article 22-1 de la loi du 31 décembre 1971 car :

- d’une part, l’art. 13 du décret litigieux prévoit des modalités de publicité particulières pour les « décisions réglementaires », ce qui vise les décisions concernant l'ensemble des avocats relevant du ressort du barreau concerné, telles que la décision de désignation des représentants de chaque ordre au conseil de discipline institué dans le ressort d'une cour d'appel. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, le pouvoir réglementaire n’a pas omis de déterminer le mode de publicité d'une telle décision à l'égard des tiers ;

- d’autre part, la circonstance, invoquée par les requérants, qu'aucune disposition du décret litigieux ne définit les modalités de publicité de la désignation par le conseil de discipline de son président, prévue à l'article 22-1 de la loi du 31 décembre 1971 et rappelée à l'article 182 du décret du 27 novembre 1991, est sans incidence sur la légalité du décret.

Au reste et enfin, le délai de recours d'un mois prévu par l'article 16 du décret en ce qui concerne le recours contre les délibérations du conseil de l'ordre de chaque barreau est applicable à la contestation de la désignation par le conseil de discipline de son président devant la cour d'appel du ressort. D’où il résulte que la décision implicite de refus du premier ministre ne fait pas obstacle à ce que la désignation du président du conseil de discipline institué par l'article 22-1 de la loi du 31 décembre 1971 puisse être utilement contestée devant la cour d'appel du ressort. 

(22 septembre 2022, M. J. et autres, n° 437557, n° 437694 et n° 438677)

 

48 - Élargissement d’une convention collective à La Réunion – Obligation et pouvoir du ministre chargé du travail – Refus d’extension régulier en l’espèce – Rejet.

Les organisations syndicales requérantes demandaient l’annulation de la décision du 3 juin 2020 de la ministre du travail rejetant leur demande d'élargissement à La Réunion de la convention collective nationale des services de l'automobile, du cycle, du motocycle et des activités connexes ainsi que du contrôle technique automobile (IDCC n° 1090).

Le Conseil d’État rejette le recours.

Tout d’abord, le juge apporte cette importante précision que si le ministre chargé du travail ne peut prononcer l'élargissement d'une convention ou d'un accord sur le fondement des dispositions de l’art. L. 2261-17 du code du travail, que si sont remplies les conditions qu'elles prévoient, il n'est pas pour autant tenu, lorsque ces exigences sont satisfaites, de procéder à un tel élargissement mais dispose, à cet égard, d'un pouvoir d'appréciation lui permettant de ne pas y procéder pour des motifs d'intérêt général, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, alors même que l'harmonisation de la couverture conventionnelle des salariés répond, en principe et par elle-même, à des considérations d'intérêt général.

Ensuite, le juge relève :

- d’une part que des différences significatives existent en matière d'emploi entre les champs professionnels relevant de la convention nationale dont les requérants demandent l'élargissement et ceux relevant de la convention collective auto-moto de La Réunion,

- d’autre part, que le projet de cet élargissement a fait l’objet d’un avis défavorable tant de la sous-commission de la restructuration des branches professionnelles de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle, que de l'ensemble des organisations professionnelles d'employeurs représentatives de la convention nationale des services de l'automobile ainsi que de trois organisations syndicales représentatives de cette même convention, et qu’il n'a par ailleurs pas recueilli l'accord des organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans le périmètre de l'ancienne convention collective auto-moto de La Réunion.

La ministre du travail n’a ainsi pas fait une inexacte application des dispositions précitées du code du travail alors même que, en principe et par elles-mêmes, ainsi que le relèvent les requérantes, la restructuration des branches professionnelles et l'harmonisation de la couverture conventionnelle des salariés répondent à des considérations d'intérêt général.

(28 septembre 2022, Fédération CGTR métallurgie et services de l'automobiles, Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT (FTM-CGT), Syndicat commerce et services CFDT de la Réunion et Union régionale de syndicats CFTC de la Réunion, n° 442574)

(49) V. aussi la solution similaire retenue pour rejeter le recours en annulation s’agissant du refus implicite de la ministre du travail d’autoriser la fusion, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2261-32 du code du travail, du champ d'application de la convention collective régionale auto-moto de La Réunion (IDCC n° 1247) avec celui de la convention collective nationale des services de l'automobile (IDCC n° 1090) : 28 septembre 2022, Fédération CGTR métallurgie et services de l'automobiles, Syndicat commerce et services CFDT de la Réunion et Union régionale de syndicats CFTC de la Réunion, n° 449950.

 

50 - Sanction administrative pour manquement à une disposition du code du travail – Loi nouvelle plus douce – Office du juge – Annulation et rejet pour l’essentiel.

Une société est sanctionnée par une amende 10 800,00 euros pour avoir méconnu, s'agissant de neuf salariés, les dispositions de l'article L. 3171-1 du code du travail relatives au décompte de la durée de travail des salariés ne travaillant pas selon un même horaire collectif.

Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt d’appel confirmatif du jugement rejetant sa demande d’annulation ou de minoration de l’amende.

Le Conseil d’État rejette le pourvoi après avoir annulé l’arrêt déféré à sa censure.

Tout d’abord il reproche à la cour de n’avoir pas appliqué en la matière la loi nouvelle plus douce, du 10 août 2018, entrée en vigueur postérieurement à la date de commission de l’infraction et antérieurement à celle à laquelle elle a statué. C’est là l’application d’une jurisprudence constante en la matière.

Ensuite, saisi comme juge d’appel du fait de l’annulation prononcée de ce chef, le Conseil d’État réexamine les faits en raison de l’effet dévolutif de l’appel et en déduit que l’infraction est avérée et répétée et rejette les arguments avancés par la société requérante en vue d’en atténuer la gravité. Au total elle est condamnée à une amende de 10 500,00 euros sur la base de 1200,00 euros par salarié concerné alors que le montant maximal était de 2000,00 euros.

Tout cela donc pour 300 euros… L’utilité marginale de ce recours est assez faible…

(28 septembre 2022, Société Glass Express, n° 453857)

 

51 - Aide sociale – Prestation de compensation du handicap – Vérification de son éventuelle perception incombant au juge – Manquement du juge à son office – Annulation avec renvoi.

Une juridiction ne peut juger qu’un requérant n’ayant pas démontré ne pas percevoir la prestation de compensation du handicap (PCH), l’administration hospitalière doit lui verser une indemnité pour assistance d'une tierce personne déduction faite sur cette indemnité des sommes éventuellement perçues au titre de la PCH.

En effet ces sommes n'avaient à être défalquées que dans l'hypothèse où, ajoutées à l'indemnité due au titre de l'aide d'une tierce personne déterminée après application du taux de perte de chance, elles auraient excédé le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. Or cette vérification incombait à la juridiction elle-même dans le cadre de son office. En s’en abstenant elle a commis une erreur de droit. D’où l’annulation prononcée avec renvoi de la décision attaquée.

(29 septembre 2022, M. A., n° 450266)

 

Élections et financement de la vie politique – Transparence et déontologie de la vie publique

 

52 - Élections départementales – Inéligibilité de l’un des deux membres d’un binôme de candidats – Scrutin majoritaire binominal à deux tours – Binôme devant être hypothétiquement placé dans la situation arithmétique la plus défavorable – Nombre de suffrages concernés supérieur à l’écart de voix entre deux binômes - Confirmation de l’annulation des deux tours de scrutin.

Confirmant la solution retenue en première instance, le Conseil d’État juge que dans l’hypothèse où l’un des deux membres d’un binôme de candidats aux élections départementales est en situation d’inéligibilité aux dates auxquelles le scrutin a été organisé et compte tenu du mode de scrutin majoritaire binominal à deux tours instauré par la loi, ce binôme ne peut pas légalement participer à ce scrutin. Le juge de l'élection, pour apprécier l'influence de cette irrégularité sur le scrutin, doit placer hypothétiquement ce binôme de candidats dans la situation la plus défavorable au plan arithmétique.

Lorsque, comme en l'espèce, le nombre de suffrages en cause est supérieur à l'écart de voix entre deux binômes, la présence du binôme litigieux a nécessairement été de nature à affecter les résultats du premier tour et, par voie de conséquence, ceux du second tour du scrutin, d’où la confirmation du jugement ayant prononcé l’annulation de l’ensemble des opérations électorales qui se sont déroulées dans ce canton.

(20 septembre 2022, M. B. et Mme F., Élections au canton de Perpignan-5, n° 461964)

 

53 - Élections municipales et communautaires – Annulation d’opérations électorales – Recours en rectification d’erreur matérielle – Rejet.

Le Conseil d’État était saisi d’un recours en rectification d’erreur matérielle contre sa décision du 1er octobre 2021qui a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Savigny-sur-Orge, rejeté le surplus des conclusions de M. B. et constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. H. et par M. G.

Le recours est rejeté en tous ses chefs.

Tout d’abord il ne saurait être fait grief au Conseil d’État d’avoir omis de statuer sur des conclusions dont il n’était pas saisi puisque, formulées en première instance, elles n’avaient pas été reprises devant lui en appel.

Ensuite, dès lors qu’était retenu l’un des griefs soulevés devant lui pour prononcer l’annulation qui était demandée, le Conseil d’État n’était pas tenu de se prononcer sur les autres griefs.

Enfin, d’une part, la décision de non-lieu à statuer sur les conclusions d’un autre requérant que celui à la demande duquel le Conseil d’État a procédé à l’annulation de l’élection contestée, constitue une appréciation juridique que ne peut remettre en cause un recours en rectification d’erreur matérielle et, d’autre part, par voie de conséquence, le Conseil n'avait pas à se prononcer sur les griefs que ce dernier soulevait à l'appui de ces conclusions.

(28 septembre 2022, M. G. et M. B., Élections mun. et cnautaires de Savigny-sur-Orge, n° 459388)

 

54 - Élections départementales - Absence de dépôt d’un compte de campagne non certifié par un expert-comptable – Irrégularité – Faible montant des dépenses et absence d’autres irrégularités – Inéligibilité non retenue – Annulation.

Si l’absence de dépôt d’un compte de campagne certifié par un expert-comptable constitue une irrégularité devant entraîner son rejet par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et que l’art. L. 118-3 du code électoral permet de sanctionner par l’inéligibilité du binôme de candidats défaillant, il n’y a pas lieu en l’espèce, eu égard au faible montant en cause et à l’absence d’autre irrégularité relevée, de confirmer le jugement qui a prononcé l’inéligibilité, lequel est donc annulé.

(29 septembre 2022, M. D., Élections départementales du canton de Bethoncourt, n° 461741)

(55) Voir, en revanche, confirmant l’inéligibilité de six mois prononcée en première instance car, en dépit du faible montant des dépenses en cause, plusieurs autres irrégularités ont été relevées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans son courrier adressé aux candidats du binôme : 29 septembre 2022, Mme C. et M. B., Élections dédqartementales du canton de Blois-1, n° 464246.

(56) Voir aussi, annulant le jugement entérinant le rejet d’un compte de campagne par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques alors d’une part que le versement d’une somme de 2315 euros, réglée directement par le binôme en raison des difficultés à ouvrir un compte bancaire, a été régularisé par le mandataire financier, d’autre part que le montant résiduel en litige (386 euros) est très faible. Naturellement, l’inéligibilité subséquemment prononcée par le tribunal est, par voie de conséquence, annulée. Le remboursement par l’État des sommes déboursées est ordonné à hauteur de 19 311 euros : 29 septembre 2022, M. C. et Mme D., Élections départementales du canton d’Évry-Courcouronnes, n° 464644.

(57) V. également, s’agissant des élections régionales, le non prononcé d’une inéligibilité à l’encontre d’un candidat n’ayant pas déposé son compte de campagne car ce manquement, de la part d'un candidat inexpérimenté participant à son premier scrutin, ne présente pas dans les circonstances de l'espèce un caractère délibéré, d’autant que l'intéressé a immédiatement répondu à la mise en demeure de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et qu’enfin il produit, dans le cadre de la présente instance, une attestation de son mandataire relative à l'absence de toute recette ou dépense : 30 septembre 2022, M. B., Élections au conseil régional d’Île-de-France, n° 459493.

 

58 - Élections départementales – Suffrages déclarés irréguliers en nombre égal à l’écart de voix entre deux binômes – Annulation des opérations électorales – Réduction du nombre de signatures déclarées irrégulières – Annulation.

Doit être annulé le jugement qui, constatant des différences entre les émargements de quatre électeurs, annule l’ensemble du scrutin en raison de ce que l’écart des voix entre deux binômes était précisément de quatre car un seul de ces émargements est réellement douteux, les trois autres ayant été, au second tour, identiques aux signatures figurant sur la carte d’identité de chacun des électeurs concernés.

Comme, par ailleurs, aucun des autres griefs développés en première instance (différences significatives de signatures entre les deux tours, violation de l’obligation de neutralité par les membres de plusieurs bureaux de vote, présence d’une poubelle près de l’isoloir permettant de voir les bulletins non retenus, fermeture anticipée de deux bureaux de vote, distribution de tracts et diffusion de fausses informations sur internet) n’est retenu par le juge d’appel, les résultats des élections sont confirmés.

(29 septembre 2022, M. B. et Mme C., Élections départementales du canton de Corbeil-Essonnes, n° 462179)

 

Environnement

 

59 - Véhicules – Lutte contre la pollution et les déchets – Création d’une vignette « certificat qualité de l’air » ou « Crit’Air » - Classement en fonction du degré de pollution – Déplacement de la consommation de gaz naturel vers celle du Biocarburant B100 – Défaut d’urgence – Rejet.

Les sociétés requérantes demandaient au juge des référés le prononcé de la suspension d’exécution de l’arrêté interministériel du 11 avril 2022 modifiant l'arrêté du 21 juin 2016 établissant la nomenclature des véhicules classés en fonction de leur niveau d'émission de polluants atmosphériques en application de l'article R. 318-2 du code de la route. Elles invoquaient en particulier l’urgence à statuer, en raison du report des achats et des immatriculations des véhicules lourds du gaz naturel vers le biocarburant B100, ce qui porterait atteinte à l'impératif de limitation des émissions de polluants atmosphériques et à la viabilité de la filière des stations-service offrant aux poids lourds les carburants issus du gaz naturel dans la mesure où les véhicules fonctionnant au biocarburant B100 s'approvisionnent auprès d'autres circuits.

Pour rejeter le référé, le juge relève :

- d’une part, que le risque invoqué d’une baisse importante des achats et des immatriculations de poids lourds fonctionnant au gaz naturel et une hausse parallèle des achats et des immatriculations de poids lourds fonctionnant au biocarburant B100 alors que la tendance était jusqu'alors à une hausse régulière des achats et des immatriculations de poids lourds fonctionnant au gaz naturel, à supposer qu’il soit en lien direct avec l’arrêté querellé, ne porterait pas, s’il était établi, une atteinte à leur rentabilité d'une ampleur telle qu'elle serait de nature à caractériser une urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du CJA, alors en outre qu'il ressort de l'instruction que la gestion d'une flotte de poids lourds obéit à des considérations de moyen et long termes et présente ainsi un certain degré de stabilité ;

- d’autre part, qu’il ne résulte pas des éléments du dossier comme des échanges ayant eu lieu à l’audience, que l'effet de cet éventuel report induirait par lui-même une évolution des émissions de polluants de nature à caractériser une situation d'urgence. 

Faute d’urgence, il n’était pas utile de statuer sur l’existence de l’autre condition nécessaire à l’octroi d’une suspension en référé car le rejet du recours s’impose.

(ord. réf. 1er septembre 2022, Sociétés Gaz'up, Primagaz, Proviridis et Endesa Energia, n° 466453)

 

60 - Permis de construire des éoliennes – Protection d’espèces animales – Atteinte à ces espèces – Dérogation – Absence – Annulation.

Le Conseil d’État était saisi d’un pourvoi dirigé contre le rejet par une cour administrative d’appel de la demande d’annulation de l’autorisation préfectorale d’implanter trois éoliennes en dépit de l’insuffisance reconnue de l’étude d’impact. Le pourvoi est accueilli.

En premier lieu, alors que les permis de construire en cours de validité à la date du 1er  mars 2017 autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérés, à compter de cette date, comme des autorisations environnementales, est illégale la délivrance par un préfet d’une autorisation de construire trois éoliennes en tant qu'elle n'incorporait pas, à la date à laquelle il a statué, la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces animales non domestiques et de leurs habitats (cf. le I de l’art. L. 411-2 du code de l’environnement).

En effet, cette autorisation environnementale tenant lieu des divers autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés au I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement, elle devait comporter la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces animales non domestiques et de leurs habitats prévue à l'article L. 411-2 précité.

La cour administrative a ainsi commis une omission de statuer en ne répondant pas au moyen opérant tiré de ce que l'autorisation environnementale issue du permis de construire délivré par le préfet le 20 novembre 2014 était illégale en tant qu'elle n'incorporait pas, à la date à laquelle elle a statué, la dérogation précitée dont il était soutenu qu'elle était requise pour le projet éolien en cause. 

En second lieu, l’arrêt d’appel est entaché de dénaturation des pièces du dossier dans la mesure où la cour, tout en relevant  que les requérants sont fondés à soutenir que le contenu de l'étude d'impact du projet n'était pas suffisant au regard des exigences de l'art. R. 122-3 du code de l'environnement, a estimé que ces insuffisances n'ont eu pour effet ni de nuire à l'information du public, dès lors que l'avis défavorable du 2 août 2007 de la direction régionale de l'environnement Languedoc-Roussillon était versé au dossier d'enquête publique et que l'association requérante avait elle-même reconnu en 2008 la qualité de cette étude de 2007, ni d'exercer une influence sur la décision du préfet, qui, après avoir refusé à deux reprises de délivrer le permis de construire sollicité, l'a délivré pour trois éoliennes seulement sur les cinq prévues initialement, et l'a assorti de nombreuses prescriptions de nature à réduire l'impact du projet sur l'avifaune et les chiroptères. En effet, selon le juge de cassation, « Eu égard au nombre et à la gravité des insuffisances de l'étude d'impact relevées par la cour, s'agissant notamment du recensement des espèces présentes sur le site ou susceptible d'être affectées par le projet, elle ne pouvait, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, estimer que ces carences n'avaient pas privé le public d'une garantie ni exercer une influence sur le sens de la décision. »

(22 septembre 2022, Association la Ligue pour la Protection des Oiseaux de l'Aude et autres, n° 443458)

 

61 - Actes susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif – Protection de l’environnement - Preuve du dépôt de déclaration d’installation classée – Décision faisant grief – Recours contentieux possible contre elle.

(Avis, 15 septembre 2022, M. F. et autres, SARL L.B.E. et la SARL Johanito Laurent transports, n° 463612)

V. n° 1

 

62 - Droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (art. 1er, charte des droits fondamentaux) – Liberté fondamentale – Rejet.

(ord. réf. 20 septembre 20222, M. et Mme C., n° 451129)

V. n° 93

 

État-civil et nationalité

 

63 - Circulaire fixant l’usage du prénom d’élèves transgenres au sein des établissements d’enseignement – Souci d’inclusion de tous les élèves – Dispositions contraires de la loi du 6 fructidor an II – Absence de méconnaissance – Rejet.

La loi du 6 fructidor an II dispose en son art. 1er qu’« Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni prénom, autres que ceux exprimés dans son acte de naissance (...) » et, en son art. 4, qu’il « est expressément défendu à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille, les prénoms portés en l'acte de naissance, (...), ni d'en exprimer d'autres dans les expéditions et extraits qu'ils délivreront à l'avenir ».

Le requérant, se fondant sur ces dispositions législatives, demande l’annulation de la circulaire du 29 septembre 2021 par laquelle le ministre de l’éducation nationale invite les personnels de l'éducation nationale et les établissements scolaires à veiller à l'emploi du prénom d'usage des élèves transgenres et non de celui figurant à l’état-civil en ce qu’elle viole les dispositions législatives précitées.

Bien que l’argument puisse apparaître assez fort, le Conseil d’État rejette le pourvoi au prix d’une argumentation qui range ses membres au niveau des plus grands acrobates du monde.

Tirant argument de ce que l’art. L. 111-1 du code de l’éducation impose au service public de l’éducation de veiller « à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction », il estime que, se situant dans ce cadre, la circulaire contestée n’entre pas en contradiction avec la loi de fructidor an II et rejette le recours.

Outre que la solution est, en droit, justifiée de cette manière, peu convaincante, il n’en reste pas moins qu’il existe une contradiction frontale entre la circulaire et la loi. Au lieu de défier aussi maladroitement la hiérarchie des normes, il eût été plus expédient et habile de dire que les art. 1 et 4 de la loi de l’an II ont été abrogés par l’art. L. 111-1 du code de l’éducation en tant que ce dernier concerne les personnes transgenres en milieu scolaire.

Ainsi eussent été conciliés le souci de satisfaire une certaine modernité psycho-sociologique et la hiérarchie des normes.

(28 septembre 2022, M. A., n° 458403)

 

Étrangers

 

64 - Ressortissante algérienne - Résidence en France depuis l'âge de trois ans - Mariée à un ressortissant algérien et mère de deux enfants nés en France - Fourniture d'une assistance aux membres dune organisation terroriste - Condamnation à emprisonnement - Expulsion ne portant atteinte ni au droit de mener une vie familiale (inexistante en l'espèce) normale ni aux dispositions pertinentes du CESEDA - Rejet.

Dans une décision d'une exceptionnelle longueur, remarquable par sa complétude, sa qualité rédactionnelle et son souci de pédagogie argumentative, le juge des référés rejette l'appel dirigé contre l'ordonnance du premier juge en tant qu'elle a rejeté le référé liberté introduit contre l'arrêté du ministre de l'intérieur portant expulsion de la requérante - laquelle était libérable le 15 août 2022 -, retrait de titre de séjour et fixant l'Algérie comme pays de destination.

Aucun des arguments invoqués n'a été retenu par le juge.

Celui-ci considère les mesures attaquées comme justifiées.

En premier lieu, l'intéressée a été convaincue de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et de financement d'une entreprise terroriste, commis, avec sa sœur Anissa, courant 2013, 2014, 2015 et jusqu'au 10 mai 2016 consistant principalement en un financement de nombreux membres de sa famille partis rejoindre les rangs de l'organisation terroriste État Islamique (Daech), actes pour lesquels elle a été condamnée à quatre ans d'emprisonnement sans aménagement de peine et assortie d'un mandat d'arrêt.

En deuxième lieu, a été retenu l'environnement familial acquis aux thèses pro-djihadistes dans lequel l'intéressée a évolué et qui a conduit en 2014 son père et sa mère, son frère et la plupart de ses sœurs à rejoindre la zone syro-irakienne afin d'intégrer l'organisation terroriste Daech, l'intéressée et sa sœur Anissa, restées en France, ayant procédé jusqu'à leur interpellation, à des transferts de fonds aux membres de la famille partis en Syrie et participé à leur soutien logistique.

En troisième lieu, le juge a constaté que tout au long de sa période d'incarcération dans divers centres pénitentiaires elle avait favorisé l'établissement de liens avec diverses personnes connues pour leur radicalisation et leur participation à des faits à caractère terroriste.

En quatrième lieu, est relevée la circonstance qu'elle n'avait pas, en détention, pris ses distances par rapport à ces faits et avait continué à entretenir volontairement des liens avec des personnes radicalisées connues pour leur implication dans des actes de terrorisme.

Enfin, la prégnance de la menace terroriste sur le territoire national manifestée par divers messages de menaces ou actes récents justifiait l'expulsion de la requérante hors du territoire français.

Répondant à un argument en ce sens de la requérante, le juge indique que les mesures querellées sont proportionnées et justifiées en dépit, d'une part, du régime de protection institué à son profit par les dispositions de l'article L. 631-3 du CESEDA, en tant que personne étrangère résidant régulièrement en France depuis qu'elle a l'âge de trois ans et, d'autre part, du droit à mener une vie familiale normale en France, alors que deux jugements en assistance éducative ont été rendus en 2021 et 2022 par la juge des enfants, que les relations entre les deux enfants mineurs de l'intéressée et leur mère sont « complexes et tendues », que ces derniers, actuellement placés à l'aide sociale à l'enfance depuis 2021, pour une durée renouvelable d'une année, avec interdiction de sortie du territoire, indiquent appréhender d'entrer en relation avec leur mère et que les jugements précités mentionnent, celui de 2021, que les enfants vivent actuellement à l'abri d'une pratique religieuse rigoureuse à laquelle ils auraient été soumis avant l'incarcération de leur mère et que celui de 2022 signale qu'ils auraient été exposés - alors qu'ils sont âgés de huit et neuf ans - au visionnage de vidéos d'égorgement en zone de guerre.

Au surplus, les affirmations d'absence de radicalisation et de simples gestes de soutien à sa famille avancées par la requérante pour expliquer et justifier son attitude sont formellement contredites par les pièces du dossier.

(ord. réf. 15 septembre 2022, Mme C., n° 467145)

 

65 - Ressortissante algérienne – Demande de restitution de son certificat de résidence algérien – Défaut d’urgence – Rejet.

C’est sans erreur de fait ou de droit que le juge des référés d’un tribunal administratif rejette pour défaut d’urgence une demande en référé liberté :

- d’une part, car ni la décision de retrait de son certificat de résidence algérien qui, en l'absence de notification régulière, n'est pas entrée en vigueur et ne lui est donc pas opposable, ni l'expiration du délai de huit jours prévu par les dispositions de l'article L. 342-19 du CESEDA, ne peuvent avoir pour effet, en l'état de l'instruction, de faire obstacle au droit au séjour qu'elle tient du certificat de résidence algérien dont elle est titulaire, tant qu'il est en cours de validité,

- et, d’autre part, car si l’intéressée s’y croit fondée, elle peut demander l'exécution complète de l'ordonnance du 7 septembre 2022 ou saisir le juge des référés en application des dispositions de l'article L. 521-3 du CJA.

En outre, faute pour elle d'avoir pu conserver son certificat de résidence qui ne lui a pas été restitué par la police de l'air et des frontières, elle pourrait, en cas de besoin, justifier de son droit au séjour, au-delà du délai de huit jours fixé par les dispositions précitées, en se prévalant de l'ordonnance du 19 septembre 2022 ne rejetant sa requête que pour défaut d’urgence ainsi que de celle du 7 septembre 2022 enjoignant au ministre de l'intérieur de lui délivrer sans délai un document l'autorisant à pénétrer sur le territoire national, à y séjourner et à y travailler à titre provisoire. 

(ord. réf. 26 septembre 2022, Mme A., n° 467654)

 

Fonction publique et agents publics – Agents des services publics

 

 

66-85 Agents publics et obligation vaccinale anti-Covid19

 

Une série de vingt décisions rendues en référé (art. L. 521-1CJA) au cours du mois de septembre 2022 permet de faire à nouveau le point sur l’étendue de l’obligation vaccinale contre le virus Covid-19 pour les personnels de santé et de soins en hôpital ou en établissements pour personnes âgées (n° 458666).

 

Tout d’abord, s’il est loisible à l’autorité administrative d’informer l’agent concerné, lorsqu’il est en congé ou congé pour maladie, de son obligation de se faire vacciner faute de quoi il sera suspendu, elle ne saurait faire produire effet à cette décision pendant le déroulement de son congé à peine d’illégalité (n°s 458693, 458699, 459016, 459120, 459121, 459122, 459123) ; l'administration doit attendre son retour de congé (n° 458666, n° 458690, n° 459987).

 

Ensuite, l’obligation vaccinale imposée à ces personnels est toujours une exigence légale découlant directement des textes applicables (n°s 458681, 458686, 458690, 458695, 459120), en revanche, sauf cas particulier, il est toujours irrégulier que le juge refuse d’apercevoir l’urgence à statuer lorsqu’est invoquée la perte par un agent, du fait de son absence de vaccination, de son traitement, en tout ou en partie (n°s 458517, 458681, 458686, 458690, 458695, 459120) sauf à établir une situation spécifique en termes de revenus et/ou de charges.  Le Conseil d’État aperçoit même pratiquement toujours dans ce refus d’admettre l’urgence à statuer une dénaturation des pièces du dossier.    

 

Également, il s’ensuit que le fait de faire courir le délai dans lequel la personne concernée doit se faire vacciner pendant une période de congé, assorti de la privation, partielle ou complète, de son traitement entraîne toujours la suspension de la mesure administrative par le juge du référé suspension (n°s 458693, 458699, 459106, 459120, 459121, 459122, 459123, 459974, 459987, 460010, 462400).

 

Encore, il est aussi jugé que ne saurait créer un doute sérieux quant à la légalité d’une mesure suspendant un agent non vacciné ni le fait qu'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire est pendante devant la Cour de cassation, ni l’allégation qu'elle est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en matière d'obligation vaccinale ou qu'elle porte atteinte au droit au travail, consacré par le Préambule de la Constitution de 1946 (n° 458517).

 

Enfin, lorsque le premier juge a expressément constaté qu’il n’y avait pas urgence à suspendre la décision contestée après avoir pris en considération à la fois les conséquences financières du refus de se faire vacciner, les charges que doit supporter l’intéressé et le risque de cette attitude pour la santé publique, son ordonnance est confirmée par le juge des référés du Conseil d’État (n° 459119). Il s’ensuit que le moyen tiré de ce que cette ordonnance a, à tort, considéré comme régulière l’application de la mesure pendant le temps de congé est, ici, rendu inopérant, la première des deux conditions cumulativement nécessaires à l’obtention d’une mesure de suspension n’étant pas satisfaite (même décision).

 

Il convient de mettre à part la décision n° 462201 qui concerne le recours formé par un médecin contre une mesure de suspension d’exercice de sa fonction prise par le directeur d’une agence régionale de santé pour défaut de vaccination et contre la décision subséquente de « récupération financière » prise à son encontre par la directrice d’une caisse primaire d’assurance maladie et qui invoque au soutien de la demande d’annulation de ces décisions une QPC que le juge des référés du tribunal administratif a refusé de transmettre au Conseil d’État.

Ce dernier estime, comme le premier juge, n’y avoir lieu à transmission de cette QPC et rejette, eu égard aux moyens soulevés, le pourvoi en cassation.

 

Les décisions ci-dessous sont toutes des ordonnances de référé suspension.

 

23 septembre 2022, Mme A. c/ Centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Nîmes, n° 458517

23 septembre 2022, Mme C. épouse B. c/ EHPAD Résidence Emeraude Anne Laffont, n° 458666

23 septembre 2022, Mme A. c/ Centre hospitalier du Pays d’Aix, n° 458681

23 septembre 2022, Mme A. c/ Centre hospitalier du Pays d’Aix, n° 458686

23 septembre 2022, Mme B. c/ Centre hospitalier du Pays d’Aix, n° 458690

23 septembre 2022, Mme A. c/ Centre hospitalier du Pays d’Aix, n° 458693

23 septembre 2022, Mme A. c/ Centre hospitalier du Pays d’Aix, n° 458695

23 septembre 2022, M. B. c/ Centre hospitalier du Pays d’Aix, n° 458699

23 septembre 2022, Mme A. c/ Hôpital Nord-Franche Comté, n° 459016

23 septembre 2022, Mme B. c/ Centre hospitalier d’Hauteville, n° 459119

23 septembre 2022, M. B. c/ Centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Tours, n° 459120

23 septembre 2022, Mme B. c/ Centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Tours, n° 459121

23 septembre 2022, Mme B. c/ Centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Tours, n° 459122

23 septembre 2022, Mme A. c/ Centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Tours, n° 459123

23 septembre 2022, Mme A. c/ Centre hospitalier Paul Martinais de Loches, n° 459125

23 septembre 2022, Mme B. c/ Centre hospitalier intercommunal de Morestel, n° 459987

23 septembre 2022, Mme A. c/ Centre hospitalier de Die, n° 459974

23 septembre 2022, Mme A. c/ Centre hospitalier Pierre Oudot, n° 460010

23 septembre 2022, Mme B. c/ Assistance publique-Hôpitaux de de Paris (AP-HP), n° 462400

23 septembre 2022, Mme A. c/ Agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d’Azur, n° 462201

 

86 - Enseignement supérieur - Prime de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) - Montant annuel individuel de la prime versée aux professeurs inférieur à celui de la prime versée aux maîtres de conférences – Absence d’illégalité s’agissant de deux corps différents – Rejet.

Les requérantes demandaient l’annulation de l'arrêté du 26 février 2021 fixant le montant annuel des attributions individuelles de la prime de recherche et d'enseignement supérieur instituée par le décret n° 89-775 du 23 octobre 1989 relatif à la prime de recherche et d'enseignement supérieur des personnels de l'enseignement supérieur (PRES) relevant du ministère chargé de l'enseignement supérieur, en tant qu'il prévoit un montant de la prime de recherche et d'enseignement supérieur versée aux professeurs d'universités inférieur d’environ 30% au montant de la prime versée aux maîtres de conférences.

Pour rejeter le recours le Conseil d’État retient que s’agissant de deux corps différents de fonctionnaires le principe d’égalité ne s’applique pas et ne s’impose dès lors pas au pouvoir réglementaire pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. C’est le cas en l’espèce, d’où le rejet du recours.

Cette décision est contestable car elle repose sur une contradiction et sur un paralogisme.

Le juge, concernant la mise à l’écart du principe d’égalité, réserve le cas où « la norme en cause (n’est), en raison de son contenu, pas limitée à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires. ». C’est précisément la situation de la PRES qui, dans l’un et l’autre corps, rémunère selon d’identiques critères exactement les mêmes espèces d’activités et de responsabilités, elle est donc bien transversale et n’est pas limitée dans ses composantes d’attribution à un seul corps mais recouvre a minima à la fois ceux des professeurs et des maîtres de conférences.

Le paralogisme qui entache ici le raisonnement du juge vient de ce qu’il s’en tient à l’existence de deux corps distincts omettant d’apercevoir qu’ils sont corrélés et qu’ils le sont en tant qu’ils sont hiérarchisés. En effet, par exemple, les professeurs peuvent participer au recrutement de maîtres de conférences et non l’inverse ou encore en matière disciplinaire ou de prise de décisions quelconques seuls peuvent y participer ceux d’un grade au moins égal à celui de l’agent concerné : une décision prise à l’égard d’un professeur par un collège composé de maîtres de conférences serait illégale parce que le maître de conférences n’est pas dans un grade « au moins égal » à celui de professeur, il se situe donc en-dessous. Les deux corps ne sont donc pas tant distincts que corrélés dans un sens hiérarchique, ce qui contredit l’argument retenu pour justifier la décision contestée.

(28 septembre 2022, Mme E. et autres, n° 451488)

(87) V. aussi, réitérant la regrettable décision précédente : 28 septembre 2022, M. AD et M. Z., n° 461102 ; Mme S. et autres, n° 461724 ; Mme Q. et autres, n° 461862 ; M. D., n° 461863.

 

88 - Commandant de police – chef de cellule du renseignement - Refus d’exécuter un ordre de son supérieur hiérarchique - Mise à la retraite d’office – Absence de caractère disproportionné de la sanction – Rejet.

En infligeant la sanction de la mise à la retraite d’office à un commandant de police, chef de cellule du renseignement, en raison du refus d’exécuter l’ordre de son supérieur hiérarchique de couvrir un mouvement de protestation sur le site d’un aéroport, le ministre de l’intérieur n’a pas pris une sanction disproportionnée eu égard à la gravité, au nombre et à la réitération des faits reprochés. 

(29 septembre 2022, M. C., n° 452874)

 

Hiérarchie des normes

 

89 - Limitation à 40 tonnes du poids maximal des ensembles de véhicules circulant en trafic international – Décret du 29 juillet 2021 pris pour la transposition de directives européennes - Exception d’invalidité d’une directive de l’Union européenne – Régime contentieux – Rejet.

Pris pour la transposition de directives de l’Union européenne, le décret n° 2021-1006 du 29 juillet 2021 relatif aux poids et dimensions des véhicules terrestres à moteur et modifiant le code de la route fixe à 40 tonnes le poids maximal autorisé d'un véhicule comportant plus de quatre essieux et prévoit des possibilités de dépassements en cas d'opération de transport intermodal. En outre ce décret prévoit que, par dérogation, « le poids total roulant autorisé d'un ensemble comportant plus de quatre essieux peut dépasser 40 tonnes, sans excéder 44 tonnes, pour un transport routier réalisé entièrement sur le territoire national ».

Les requérantes soulèvent à l’encontre de ce décret, pour en demander l’annulation, une exception d’invalidité à l’encontre de la directive du 25 juillet 1996 qu'il transpose, en tant qu'elle limite à 40 tonnes le poids maximal autorisé des véhicules ou ensembles de véhicules routiers à cinq ou six essieux circulant entre États membres ; elles invoquent également des moyens tirés du seul droit interne.

Ainsi est rejetée la première branche de l’argumentation, qui vise la prétendue invalidité de la directive contestée.

Sur le moyen d’exception d’invalidité d’une directive, le Conseil d’État rappelle sa jurisprudence désormais classique. Lorsqu’il est saisi d’une demande d’annulation d’un acte de droit interne au motif qu’il transpose une directive violant elle-même le droit de l’Union (dispositions des traités, charte des droits fondamentaux de l'Union, principes généraux du droit de l'Union ou stipulations d'une convention à laquelle l'Union européenne est partie), le juge administratif adopte l’une des deux attitudes suivantes :  si la réponse à l’exception d’invalidité soulevée devant lui ne présente pas de difficulté sérieuse il lui revient d'écarter le moyen invoqué, dans le cas contraire, il doit saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle (cf. art. 267 TFUE). 

En l’espèce, il lui apparaît n’exister aucune difficulté sérieuse à ce qu’il constate lui-même devoir écarter le moyen.

Premièrement, si l’art. 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union proclame la liberté d’entreprise, cette dernière ne saurait être absolue et peut être soumise, dans l’intérêt de la société et de ses membres, à diverses limitations comme en l’espèce où les mesures en cause s’efforcent de parvenir, selon les propres termes de la directive, à un « équilibre entre l'utilisation rationnelle et économique des véhicules routiers utilitaires et les exigences d'entretien de l'infrastructure, de sécurité routière et de protection de l'environnement et du cadre de vie ».

Deuxièmement, il ne saurait être sérieusement soutenu que la limite de 40 tonnes constituerait par elle-même une entrave à la libre circulation des marchandises ainsi qu'une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives prohibée par le droit de l'Union européenne, alors que la directive vise à éviter les effets préjudiciables sur la concurrence et la libre circulation entre les États membres qu'entraîneraient des différences de normes en matière de poids des véhicules routiers. 

Troisièmement, est rejeté car non étayé le moyen selon lequel la limitation à 40 tonnes du poids maximal des ensembles de véhicules circulant en trafic international aura pour effet une augmentation du nombre de véhicules roulant sur le territoire européen dans les zones frontalières et par suite des émissions de gaz à effet de serre.

Sur les moyens tirés du droit interne, ils sont tous rejetés soit parce qu’en réalité ils visent non ce droit mais le contenu de la directive soit parce qu’ils répètent un moyen déjà dirigé contre la directive soit, enfin, parce que la discrimination alléguée entre nationaux et non nationaux n’existe pas, la dérogation relative à la circulation intranationale découlant directe d’une faculté ouverte par la directive elle-même.

(27 septembre 2022, Union professionnelle du transport et de la logistique, société Transports Dubacque Belgique, Fédération des industries extractives et transformatrices de roches non combustibles et société Carrières unies de porphyre, n° 457029 ; Union nationale des producteurs de granulats et société STB Transport, n° 457147)

 

Libertés fondamentales

 

90 - Ressortisante ukrainienne - Bénéfice de la protection temporaire instituée par décision du Conseil de l'Union européenne (4 mars 2022) - Conditions d'application de ce régime - Absence de satisfaction à celles-ci - Rejet.

La requérante, ressortissante ukrainienne est entrée régulièrement en France le 13 novembre 2021, sous couvert d'un visa en qualité d'étudiante. A la suite de l'invasion de son pays par les forces russes le 24 février 2022, elle s'est rendue le 4 mars en Ukraine pour en ramener son fils, né le 18 novembre 2010. Ils sont revenus tous les deux en France le 16 avril 2022.

Mme A. s'est vue refuser le bénéfice de la protection temporaire par l'autorité préfectorale et sa demande de référé liberté dirigée contre ce refus d'enregistrer sa demande de protection temporaire et de lui délivrer un titre de séjour a été rejetée par une ordonnance du 2 septembre 2022 du tribunal administratif.

Son appel est rejeté par le juge des référés du Conseil d'État. Celui-ci relève en effet qu'il résulte de la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil de l'Union européenne du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, au sens de l'article 5 de la directive 2001/55/CE du 20 juillet 2001, qu'une protection temporaire est instituée à cette date au bénéfice des catégories de personnes énumérées en son article 2.

Or la requérante, qui résidait régulièrement en France à la date du 24 février 2022, jour de l'invasion de l'Ukraine, ne peut prétendre directement au bénéfice de la protection temporaire instituée par la décision du Conseil de l'Union européenne du 4 mars 2022.

En outre, à supposer que son fils puisse être regardé comme résidant en Ukraine au 24 février 2022, elle ne peut davantage prétendre au bénéfice de cette protection en qualité de membre de sa famille, dès lors qu'il résulte des dispositions de la décision d'exécution précitée que cette notion doit s'entendre uniquement des membres de la famille qui résidaient eux-mêmes en Ukraine à cette même date.

En l'absence d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, ainsi que l'a relevé le premier juge, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, celui-ci a rejeté sa demande. 

On peut trouver la solution bien sévère.

(ord. réf. 9 septembre 2022, Mme A., n° 467244)

 

91 - Liberté de l'enseignement - Ouverture d'une école hors contrat - Opposition préfectorale - Motif d'ordre public - Défaut d'urgence - Rejet du référé liberté.

N'établit pas l'existence de l'urgence propre au référé de l'art. L. 521-2 du CJA, l'association qui, pour demander la suspension d'exécution de l'opposition préfectorale à l'ouverture d'une école hors contrat, fondée sur des motifs d'ordre public, invoque l'urgence résultant de ce qu'elle a été contrainte de reporter la rentrée scolaire prévue le 2 septembre et qu'elle a besoin du paiement des frais d'inscription de ses vingt élèves pour continuer à louer ses locaux et conserver ses quatre salariés.

Par suite sa demande ne peut qu'être rejetée ainsi que jugé en première instance.

(ord. réf. 12 septembre 2022, Association Cours Trilingue Arthur Rimbaud (CTAR), n° 467299)

 

92 - Droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (art. 1er, charte des droits fondamentaux de l'UE) – Liberté fondamentale – Rejet.

Le conseil départemental du Var a entrepris en 2021 des travaux en vue du recalibrage d’une route départementale avec création d'une voie cyclable. Les requérants, qui possèdent un laboratoire limitrophe de l'endroit où se déroulent les travaux contestés et où ils mènent depuis plusieurs années un travail de recensement et d'études des espèces protégées s'y trouvant, font valoir que la poursuite de ces travaux portera atteinte de manière irréversible à ces espèces protégées et entraînera la destruction de leur habitat. Ils se pourvoient en cassation contre l’ordonnance de rejet de leur demande par le premier juge au visa de l’art. L. 521-2 CJA.

La principale question posée par le pourvoi était de savoir si les intéressés pouvaient fonder leur action sur l’art. L. 521-2 du CJA. En effet, ils invoquaient l’atteinte portée par les travaux publics litigieux à la liberté fondamentale du droit de vivre dans un environnement sain.

Précisément, leur demande en référé liberté avait été rejetée en première instance car le juge avait estimé qu’il n’y avait pas là une « liberté fondamentale » au sens et pour l’application de l’art. L. 521-2 CJA.

Le Conseil d’État casse sur ce point l’ordonnance de rejet en jugeant que « le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l'article premier de la Charte de l'environnement, présente le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ».

La requête est cependant rejetée pour défaut d’urgence et absence d’irrégularité de la décision préfectorale accordant pour ce projet une dispense d’étude d’impact.

(ord. réf. 20 septembre 20222, M. et Mme C., n° 451129)

 

93 - Demande d’asile par une mère et son fils mineur – Protection subsidiaire accordée à la mère et refusée à son fils – Erreur de droit – Annulation et octroi de cette protection.

Commet une erreur de droit au regard des dispositions du deuxième alinéa de l’art. L. 741-1 du CESEDA, la Cour nationale du droit d’asile qui, saisie d’une demande d’asile d’une mère et de son fils mineur représenté par cette dernière, accorde à la mère le bénéfice de la protection subsidiaire et le refuse au fils.

Réglant l’affaire au fond, le juge de cassation prononce l’annulation de ce refus et accorde lui-même le bénéfice de la protection subsidiaire au fils.

(23 septembre 2022, M. C. représenté par sa mère, n° 455233)

 

94 - Suppression du statut de réfugié – Complicité à la réalisation d’un crime de guerre – Transport et pose de mines antipersonnel – Application d’un protocole additionnel aux conventions de Genève de 1949 – Erreur de droit – Annulation.

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmé par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a mis fin au statut de réfugié du requérant sur le fondement du 1° de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, repris désormais à l'article L. 511-8 de ce code.

Ces décisions reposent sur la conviction de l’OFPRA et de la CNDA que le demandeur a participé à la commission de crimes de guerre car lors de la seconde guerre de Tchétchénie, il avait apporté son concours au transport de mines antipersonnel et aidé les ingénieurs et poseurs de ces mines, dans les districts de Kourtchaloï et d'Argoun. Or l'article 35 du Premier protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, adopté le 8 juin 1977, proscrit l'utilisation des armes de nature à causer des maux superflus, auxquels la CNDA a assimilé les mines antipersonnel. 

Après avoir relevé que ce protocole ne s’applique qu’aux conflits armés internationaux et non, comme dans le cas de l’espèce, aux conflits armés non internationaux comme l’était le conflit armé opposant la Fédération de Russie aux indépendantistes tchétchènes, le Conseil d’État estime cependant que l’art. 35 invoqué par la CNDA constitue une règle coutumière du droit international humanitaire et donc applicable à des conflits internes aux États. En assimilant les mines antipersonnel à de telles armes prohibées, la CNDA n’a donc pas commis d’erreur de droit.

En revanche, c’est au prix d’une erreur de droit qu’elle a, en conséquence, jugé que les agissements de M. B. devaient être qualifiés de complicité à la réalisation d'un crime de guerre, en retenant l'aide qu’il avait apportée à l'emploi de mines antipersonnel. Selon le juge de cassation, « il ne résulte ni de cette règle (coutumière), ni d'aucun autre principe du droit international humanitaire, ni d'aucune convention internationale, notamment pas, en l'état de son processus de ratification, de la convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, signée le 18 septembre 1997, pas plus que de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, en particulier de son article 8, point 2, définissant les crimes de guerre au sens de cette convention, que l'emploi de mines antipersonnel serait interdit en tant que tel pour l'ensemble des Etats. » La CNDA ne pouvait de ce seul fait apercevoir l’existence de crime de guerre sauf à établir qu’en l’espèce les conditions d'emploi de ces armes ont été telles qu'elles traduisaient notamment l'exercice d'une violence indiscriminée impliquant nécessairement des atteintes graves à la vie et à l'intégrité physique de civils et qu’ainsi la participation à leur transport et à leur pose est susceptible d'être regardée comme présentant le caractère d'un crime de guerre au sens du a) du F de l'article de la convention de Genève.

Faute qu’ait été effectuée la recherche en ce sens, la décision de la Cour est annulée.

On dira notre désaccord avec une solution qui illustre pleinement, hélas, la maxime cicéronienne summun ius summa iniuria : lorsque l’on sait quelles horreurs produisent les mines antipersonnel, il devient très immoral et même assez répugnant de conserver à celui qui les fournit et aide à les poser le beau statut français de réfugié.

Il y a là une véritable contradiction dans les termes.

(27 septembre 2022, M. B., n° 455663)

 

95 - Principe d’égalité entre praticiens en matière de dépassements d’honoraires – Possibilité ouverte aux seuls praticiens exerçant dans un établissement public de santé – Existence de différences objectives justificatives – Refus de transmission d’une QPC.

A l’appui d’un recours dirigé contre  le décret du 5 février 2022 relatif à l'activité libérale des praticiens dans les établissements publics de santé, les requérants avaient soulevé une QPC fondée sur la méconnaissance, par ces dispositions, du principe d'égalité en ce qu'elles autorisent les seuls praticiens des établissements publics de santé à exercer au sein de leur établissement une activité libérale, pouvant donner lieu le cas échéant à dépassement d'honoraires, sans prévoir cette possibilité pour les praticiens des établissements de santé privés d'intérêt collectif.

La requête reposait sur l’affirmation que les situations respectives des deux catégories de praticiens sont comparables.

Pour rejeter le recours, le Conseil d’État estime que ce n’est pas le cas car il existe entre ces catégories de médecins des différences appréciables de situation.

En premier lieu, il est jugé que contrairement aux praticiens exerçant dans les établissements de santé privé d'intérêt collectif, les praticiens hospitaliers ont vocation à consacrer l'intégralité de leur carrière au secteur public et sont régis par un statut de droit public. Ce statut régit entièrement les conditions de leur rémunération, sans possibilité de dérogation par voie conventionnelle, et fixe, en dépit des assouplissements apportés sur ce point par l'ordonnance du 17 mars 2021, des règles contraignantes pour l'exercice d'activités extérieures à l'établissement public de santé, auxquelles ne sont pas soumis les médecins exerçant dans les établissements de santé privé d'intérêt collectif.

L’affirmation que les praticiens hospitaliers « ont vocation à consacrer l'intégralité de leur carrière au secteur public » est quelque peu inexacte : c’est l’intégralité de leur temps d’activité non de leur carrière – Dieu merci pour eux – qu’ils doivent consacrer au service public. Quant à l’affirmation qu’ils « sont régis par un statut de droit public », c’est un truisme puisqu’il concerne le libellé même de la question, si tous les praticiens étaient soumis au même statut cette question ne se poserai pas. Ce qu’il convenait de se demander c’est si la différence statutaire est un motif suffisant et pertinent de différenciation en matière de dépassements d’honoraires.

En second lieu, il est également jugé que « l'exercice d'une activité libérale au sein des établissements publics de santé reste soumis, même à la suite des assouplissements introduits par l'ordonnance du 17 mars 2021, à des conditions restrictives. L'exercice, dans de telles conditions, d'une activité libérale vise à offrir, uniquement à titre accessoire, un complément de rémunération et de retraite aux praticiens statutaires des établissements publics de santé. Il permet d'améliorer l'attractivité des carrières hospitalières publiques et la qualité des soins prodigués dans les établissements publics de santé. »

Ici encore, il faut se demander si ce sont là des motifs pertinents au regard de la question posée. Cela veut-il dire, par exemple, qu’un coup de pouce salarial via les dépassements d’honoraires peut bien être donné aux praticiens hospitaliers et pas aux autres ?

Bref, il y a là une solution dont la motivation ne parvient pas à la rendre complètement convaincante.

(28 septembre 2022, Association Hôpital Foch, fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, association Hôpitaux privés de Metz, mutualité Fonction publique action santé social et groupement de coopération sanitaire « Groupement des hôpitaux de l'Institut catholique de Lille », n° 462637)

 

Police

 

96 - Police de la sécurité publique - Risque d'éboulements d'une falaise en surplomb d'un restaurant en bord de mer - Rejet par le préfet de la demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public - Arrêté municipal de fermeture de l'établissement jusqu'aux résultats d'une  étude géotechnique de cette falaise - Rejet.

La requérante, exploitante d'un  restaurant situé au pied d'une falaise, a été informée en 2015, par un bureau d'études, de la nécessité de faire un diagnostic de cette falaise afin d'apprécier les risques de chute de blocs et de définir le cas échéant les travaux à effectuer. Elle n'a pas fait réaliser ce diagnostic.

Par deux courriers des mois de novembre 2017 et de mars 2021, le préfet a mis cette société en demeure de cesser toute occupation du domaine public maritime, de démonter le bâtiment abritant ce restaurant et rejeté une demande d'autorisation occupation temporaire du domaine public, soulignant les risques de chute de blocs et de glissement de terrain existant dans la zone où il se situe, et les effets inacceptables d'une exploitation qui attire du public dans une telle zone. 

C'est dans ces conditions que le maire de la commune a, par l'arrêté attaqué, usé de ses pouvoirs de police pour ordonner la fermeture de cet établissement, jusqu'à la levée de tout risque par une étude géotechnique portant sur la fiabilité de la falaise.

Le juge des référés du Conseil d’État rejette la demande en référé liberté formée par la société et fondée sur ce que cet arrêté constituerait une mesure manifestement inadaptée ou disproportionnée ou serait entaché de détournement de pouvoir alors qu'il a été pris pour garantir la sécurité publique face au risque de chute de blocs ou de glissement de terrain.

(ord. réf. 9 septembre 2022, Société Austin, n° 467212)

 

97 - Police des animaux dangereux - Pouvoir de police du maire – Confiscation de l’animal dangereux - Droit de propriété sur un animal – Liberté fondamentale –Mesure sans caractère manifestement illégal – Rejet.

Les requérants sont propriétaires d'un chien qui a mordu une personne. Le maire de la commune a ordonné, sur le fondement de dispositions du code rural, une évaluation comportementale du chien qui a conclu au classement de ce chien au niveau 2 de risque de dangerosité, soit, aux termes de l'article D. 211-3-2 du code rural, « un risque de dangerosité faible pour certaines personnes ou dans certaines situations » nécessitant de ne pas laisser le chien seul, sans surveillance, de sécuriser le portail et d'attacher le chien lorsque ce dernier se retrouve seul. Un mois après, le chien s’est échappé de la propriété de ses maîtres et, divaguant sur la voie publique, a attaqué des voitures et s’est révélé impossible à maîtriser, mordant à nouveau une personne.

Par un arrêté du 12 septembre 2022, le maire a ordonné le placement du chien dans un lieu de dépôt sécurisé et a autorisé son euthanasie. 

Les propriétaires forment un référé liberté contre cette décision.

Le juge admet que la non restitution d’un animal à ses maîtres constitue une atteinte à leur droit de propriété qui est une liberté fondamentale au sens et pour l’application de l’art. L. 521-2 du CJA.

Cependant, s’agissant d’une mesure de police, le maire n’était pas tenu, d’une part, d’entendre les intéressés préalablement à sa décision, d’autre part, de ne prendre cette mesure qu’envers des chiens déclarés dangereux par le code rural.

Enfin, la décision contestée ne revêt pas une illégalité manifeste alors que ce chien, échappé sur la voie publique, a mordu une femme une première fois, que le maire a ordonné son évaluation comportementale ce qui a conduit à recommander de ne pas laisser le chien seul, sans surveillance, de sécuriser le portail et d'attacher le chien lorsque ce dernier se retrouve seul, qu’ensuite le chien a brisé sa chaîne, s'est à nouveau échappé sur la voie publique et a alors mordu un père de famille, qui a dû se réfugier dans son véhicule avec sa femme et ses enfants.

Si les intéressés proposent de confier l’animal à d'autres personnes, dont leur fils, maître-chien et dresseur, le directeur par intérim de la direction départementale de la protection des populations de Vaucluse, vétérinaire, a estimé qu'eu égard à son âge, sa race et aux deux morsures intervenues à quelques semaines d'intervalle, la probabilité que diminue l'agressivité de ce chien vis-à-vis des humains qu'il ne connaît pas est très faible, y compris s'il est confié à un chenil ou au fils des requérants, qui ne dispose par ailleurs que d'un petit jardin, dans Marseille, ce qui augmente les risques.

La décision du maire n'est, au regard du droit de propriété comme, en tout état de cause, du « droit à la vie » de l'animal, pas manifestement illégale, d’où le rejet du référé liberté.

(21 septembre 2022, M. et Mme C., n° 467514)

 

98 - Police de la santé publique – Obligation faite aux restaurateurs de contrôler au moyen d’un téléphone mobile la validité des passes sanitaires de leurs clients – Absence d’atteinte à divers droits et libertés – Rejet.

Le juge rejette le recours pour excès de pouvoir dirigé contre les dispositions du III de l'article 2.3 du décret du 1er juin 2021 en ce qu'elles imposent aux restaurateurs, pour prouver l'exécution de leur obligation de contrôler la validité des passes sanitaires de leurs clients au travers de l'application gouvernementale dénommée « TousAntiCovid Vérif », de disposer d’un téléphone portable et de l'utiliser à cette fin.

Le juge estime que l’obligation de détenir un téléphone susceptible de procéder au contrôle du « code-QR » présenté par leurs clients, eu égard au coût d'un tel appareil, ne saurait par elle-même porter une atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie. Il considère qu’eu égard au fait qu'il s'agit d'appareils légalement commercialisés, couramment utilisés par les professionnels et dont certains modèles répondent aux préoccupations éthiques et environnementales des requérantes, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l’art. 6 de la Charte de l’environnement par les dispositions résultant de l'obligation de disposer d'un téléphone mobile susceptible de procéder au contrôle des « codes-QR » des passes sanitaires.

Pas davantage ne peut être invoquée ici la liberté de conscience de ceux qui désapprouvent cette technologie alors que cette atteinte est néanmoins justifiée par la nécessité de contrôler les justificatifs dans des conditions garantissant à la fois la confidentialité des données médicales qu'ils contiennent et leur authenticité.

Enfin, sont rejetés, d’une part, le moyen tiré de ce que de l’illégalité d’une mesure de police qui est, à la fois, nécessaire, adaptée et proportionnée et qui ne saurait être regardée, en tout état de cause, comme portant atteinte à la liberté de choix des moyens pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, et d’autre part, de ce que les sanctions pénales établies par le décret attaqué et assortissant cette obligation méconnaîtraient le principe constitutionnel de nécessité des peines  alors qu’elles ont été établies par les dispositions du D du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021. 

(23 septembre 2022, Société Le Poirier-au-Loup et Mme C., gérante, n° 455412)

(99) V. aussi, rejetant le recours dirigé contre le décret du 14 février 2022, qui a modifié le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire afin de prévoir, au 2° de l'article 2-2 de ce décret, que, s'agissant des vaccins autres que le vaccin « COVID-19 Vaccine Janssen », les personnes de dix-huit ans et un mois ou plus ayant reçu le vaccin doivent, pour que leur schéma vaccinal reste reconnu comme complet, avoir reçu une dose complémentaire d'un vaccin à acide ribonucléique (ARN) messager au plus tard quatre mois suivant l'injection de la dernière dose requise, alors que ce délai était précédemment fixé à sept mois. La durée de validité du certificat de rétablissement délivré à une personne à la suite d'une contamination à la Covid-19, mentionnée au 3° de l'article 2-2, a, quant à elle, été ramenée de six à quatre mois également, lorsque cette personne ne justifiait pas d'un schéma vaccinal initial complet ou que l'infection est intervenue moins de trois mois après celui-ci. La mesure est jugée adaptée, nécessaire et proportionnée aux circonstances prévalant à la date du décret attaqué au regard des avis scientifiques alors disponibles ainsi que de l’avis du Haut conseil scientifique rendu le 23 décembre 2021 après celui en sens contraire du 13 octobre 2021 : 23 septembre 2022, M. G. et autres, n° 461567.

 

100 - Police de la détention d’armes – Armes détenues par voie successorale – Régime de droit commun applicable – Rejet.

Le requérant se pourvoit en cassation contre l’arrêt confirmatif rejetant sa demande d’annulation de l’arrêté préfectoral qui lui a ordonné de remettre les armes, éléments d'armes et munitions en sa possession au commissariat de police, l'a interdit d'acquisition et de détention de toutes catégories d'armes, d'éléments d'armes et de munitions et l'a informé de son inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes. 

Son pourvoi est rejeté au visa de dispositions du code de la sécurité intérieure (cf. L. 312-4, L. 312-11, L. 314-2, R. 312-51, R. 312-74 et R. 312-75) desquelles le juge déduit que la détention d’armes de catégorie B, même par voie successorale, sans être autorisé à les détenir, est dans l’obligation soit de s’en défaire (par vente, destruction, neutralisation ou remise à l’État) en produisant un certificat de cette opération soit obtenir l’autorisation administrative de les conserver après avoir, dans l’attente, déposé ces armes chez un armurier autorisé.

En l’espèce, l’intéressé, qui n’avait pas remis sans délai ses armes, ne peut invoquer le non respect d’une procédure contradictoire avant la prise de l’arrêté litigieux car cette procédure est prévue pour le dessaisissement des armes non pour leur remise (cf. art. L. 312-11 CSI). Ce moyen est donc ici inopérant.

Enfin, le juge rejette trois moyens qui auraient peut-être mérité un autre traitement ou un examen plus approfondi.

D’abord, il est jugé que c’est sans erreur de droit que l’arrêt attaqué a estimé que le préfet avait pu ordonner la remise des armes par l’intéressé sans lui avoir demandé préalablement de s’en dessaisir.

Ensuite, la circonstance que les armes qu'il lui a été ordonné de remettre aux services de police n'étaient pas conservées à son domicile mais à celui de sa mère ne fait pas, par elle-même, obstacle -  ainsi que l’a jugé la cour - à ce qu'il puisse être regardé comme ayant été mis en possession de ces armes au sens des dispositions de l'art. R. 312-51 susvisé dès lors qu'il y avait librement accès et qu'il avait manifesté son intention de ne pas s'en dessaisir mais de régulariser sa situation afin de les conserver.

Enfin, le moyen tiré de ce que le requérant ne présente ni un comportement dangereux ni un état psychologique instable et qu'il n'a jamais commis d'infraction pénale est inopérant car ce n’est pas là le motif fondant l’arrêté litigieux, lequel réside seulement dans le fait que, dans le délai qui lui était imparti, il ne s’était pas dessaisi de ces armes et n'avait pas obtenu l'autorisation de les détenir.

(28 septembre 2022, M. A., n° 453580)

 

101 - Police des mines – Application du code minier outre-mer – Participation du public en l’absence d’entrée en vigueur de l’ordonnance prévoyant cette participation – Application directe du code de l’environnement – Rejet.

Les autorisations d’exploitation de mines accordées outre-mer alors que n’était pas encore entrée en vigueur l’ordonnance du 13 avril 2022  relative à l’adaptation outre-mer du code minier et que n’y existaient pas de dispositions législatives régissant les conditions dans lesquelles une autorisation d'exploitation de mines est accordée, étaient néanmoins soumises, eu égard à leurs incidences directes et significatives sur l'environnement, au principe de participation du public prévu à l’art. 7 de la Charte de l’environnement que met en œuvre le I de l’art. L. 123-19-2 du code de l’environnement.

(30 septembre 2022, Associations France nature environnement et Guyane nature environnement, n° 455062)

 

102 - Grave excès de vitesse - Suspension du permis de conduire en urgence – Absence de procédure contradictoire nécessaire – Rejet.

Par une décision quelque peu latitudinaire le Conseil d’État juge que les conditions particulières d'urgence dans lesquelles intervient la décision par laquelle le préfet suspend un permis de conduire sur le fondement de l'article L. 224-2 du code de la route, qui doit être prise dans les 72 heures et qui a pour objet de faire obstacle à ce qu'un conducteur ayant commis un grave excès de vitesse retrouve l'usage de son véhicule, permettent au préfet de prendre légalement cette décision en se dispensant de la procédure contradictoire prévue 1° de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration.

(29 septembre 2022, ministre de l’intérieur, n° 460634)

 

103 - Nouvelle conductrice - Permis à points d’un capital de six points – Infractions commises durant la période probatoire – Perte de points – Stage de sensibilisation avec rétablissement de points - Décision constatant la perte de validité du permis – Annulation de la décision – Erreur de droit – Annulation du jugement.

Commet une erreur de droit le jugement qui, pour annuler une décision « 48 SI » constatant la perte de validité du permis de conduire d’une automobiliste qui s’était déjà vue retirer des points du fait d’infractions commises en 2014 et 2015 et compte tenu de la perte par la suite de deux fois quatre points pour des infractions commises les 24 janvier 2017 et 18 septembre 2019, relève d’abord qu'avant le terme de sa période probatoire, celle-ci avait reconstitué le capital de six points du début de période probatoire, ensuite, que le relevé d'information intégral portait la mention « Fin de période probatoire 16/07/2016 K = 12 » et, enfin, que les infractions précitées de 2017 et 2019 n'ayant entraîné qu'une perte totale de huit points, l'intéressée conservait quatre points au capital de points de son permis de conduire.

En réalité, les infractions commises en 2014 et 2015 avaient fait obstacle à ce que son capital de points puisse bénéficier des majorations prévues, à l'issue des première et deuxième années du délai probatoire, en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 223-1 et du II de l'article R. 223-1 du code de la route. De plus, la mention figurant au relevé d'information intégral selon laquelle « K = 12 » n'indique pas le solde effectif de points du permis mais seulement le nombre maximal de points dont ce permis aurait pu être affecté à la date d'expiration du délai probatoire. Le jugement repose donc sur une erreur de droit conduisant à constater à tort que le permis de conduire de l'intéressée était affecté d'un capital de douze points en fin de période probatoire sur lequel ont été ensuite imputés les retraits de points intervenus postérieurement.

(29 septembre 2022, ministre de l’intérieur, n° 460900)

 

Professions réglementées

 

104 - Ordre des experts comptables – Ordonnance de 1945 – Contraintes particulières pour les ressortissants étrangers – Limitations de nature législative – QPC impossible – Refus de transmission.

(20 septembre 2022, M. D. et autre, société LF Audit Conseil et société Kaerus, n° 465288)

V. n° 110

 

105 - Médecin spécialiste en anesthésie-réanimation - Dépendance alcoolique - Experts attestant l'absence d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession - Suspension temporaire d'exercice de ses fonctions et obligation de se soumettre à une nouvelle expertise - Rejet du référé suspension.

Le juge rejette le référé suspension dirigé par un médecin anesthésiste-réanimateur contre la décision du Conseil national de l'ordre des médecins le suspendant du droit d'exercer la médecine pour une durée de six mois et subordonnant la reprise de son activité professionnelle aux résultats d'une nouvelle expertise.

Le demandeur faisait valoir à l'appui de sa demande de suspension que cette décision était entachée d'une erreur d'appréciation car fondée sur le motif « qu'il n'apporte pas la preuve d'un réel suivi pour une dépendance à l'alcool depuis plusieurs années », alors que, d'une part, les experts désignés sur le fondement de l'article R. 4124-3 du code de la santé publique ont relevé qu'il bénéficiait d'un suivi médical et psychologique pour son trouble anxieux et sa dépendance à l'alcool et abouti à la conclusion qu'il ne se trouvait pas dans un état pathologique rendant dangereux l'exercice de sa profession et, d'autre part, qu'il produit de nouvelles pièces attestant d'un tel suivi et de ce qu'il exerçait sa profession à la satisfaction de tous depuis la reprise de ses fonctions en septembre 2021.

De façon très laconique, la juge des référés estime que cette argumentation, en l'état, n'établit pas l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

(ord. réf. 9 septembre 2022, M. A., n° 467022)

 

106 - Vétérinaires – Procédure disciplinaire – Tentative de conciliation ou de médiation ordinale – Absence de caractère obligatoire avant dépôt d’une plainte – Erreur de droit – Annulation.

Commet une erreur de droit la décision de la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires qui juge irrecevable une plainte formée par les requérants devant un conseil régional de l’ordre au motif que ce dépôt de plainte n’avait pas été précédé d’une tentative de conciliation ou d’une demande de médiation ordinale contrairement aux dispositions du dernier alinéa de l’art. R. 242-39 du code rural et de la pêche maritime. En effet, ce texte n’institue pas, contrairement à ce qu’a jugé la chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires, un préalable obligatoire à toute plainte, sous la forme d’une conciliation ou d’une médiation, qui en conditionnerait la recevabilité.

(28 septembre 2022, M. C. et société vétérinaire Le loup blanc, n° 442713)

 

107 - Médecins – Nouveau régime de communication professionnelle – Demandes d’annulation de dispositions du code de déontologie – Rejet.

Les requérants demandaient l’annulation de dispositions de l'article 1er du décret n° 2020-1662 du 22 décembre 2020 portant modification du code de déontologie des médecins et relatif à leur communication professionnelle. Les premiers (requête n° 448293) poursuivaient l'annulation de la première phrase de l'article R. 4127-13 du code de la santé publique ainsi que de l'article R. 4127-19-1 du même code, tels que résultant du décret du 22 décembre 2020 ; le second voulait obtenir l’annulation du II de l'article R. 4127-19-1 du code de la santé publique, issu du décret litigieux du 22 décembre 2020.

Tout d’abord, la première phrase de l'article R. 4127-13 du code de la santé publique dispose désormais que : « Lorsque le médecin participe à une action d'information du public à caractère éducatif, scientifique ou sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il ne fait état que de données confirmées, fait preuve de prudence et a le souci des répercussions de ses propos auprès du public » tandis que celle de l’art. R. 4127-19-1 de ce code énonce « I. - Le médecin est libre de communiquer au public, par tout moyen, y compris sur un site internet, des informations de nature à contribuer au libre choix du praticien par le patient, relatives notamment à ses compétences et pratiques professionnelles, à son parcours professionnel et aux conditions de son exercice. »

Ensuite, le II de l'article R. 4127-19-1 dudit code dispose « II. - Le médecin peut également, par tout moyen, y compris sur un site internet, communiquer au public ou à des professionnels de santé, à des fins éducatives ou sanitaires, des informations scientifiquement étayées sur des questions relatives à sa discipline ou à des enjeux de santé publique. Il formule ces informations avec prudence et mesure, en respectant les obligations déontologiques, et se garde de présenter comme des données acquises des hypothèses non encore confirmées. »

Les moyens sont rejetés.

Le juge estime que sont suffisamment claires et précises les expressions données confirmées, informations scientifiquement étayées ou hypothèses non encore confirmées, et que contrairement à ce qui est soutenu elles ne méconnaissent pas l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme.

Il juge ensuite que ces prescriptions ne contreviennent pas aux dispositions de l’art. 10 de la Convention EDH sur la liberté d’expression et de communication en tant qu’elles tendent à éviter les risques qu'une communication imprudente pourrait faire courir en matière de santé publique ainsi que ceux pouvant résulter d’informations communiquées par les médecins qui ne seraient pas scientifiquement étayées ou encore de ce que ces derniers présenteraient comme acquises des hypothèses non encore confirmées. De telles limitations n'excèdent pas les limites que la protection de la santé justifie d'apporter à la liberté d'expression des médecins.

(28 septembre 2022, M. H. et autres, n° 448293 ; Syndicat des médecins Aix et Région, n° 450127)

 

108 - Médecins - Praticiens hospitaliers – Risque de concurrence directe entre leurs fonctions hospitalières et l’exercice de certaines activités rémunérées extérieures en cas de départ de l’hôpital- Interdiction d’exercice temporaire – Transmission d’une QPC.

(8 septembre 2022, Conseil national de l’ordre des médecins, n° 462977)

() V. aussi, comparable : 28 septembre 2022, Conseil national de l’ordre des médecins, n° 462978

V. n° 114 et n° 115

 

Question prioritaire de constitutionnalité

 

109 - Demande de reconnaissance de la qualité de réfugié - Audition du demandeur d'asile par la Cour nationale du droit d'asile en l'absence d'un avocat (art. L. 531-16 CESEDA) - Art. 88-1 de la Constitution inopposable en l'espèce en l'absence de mise en cause d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France - Procédure administrative n'ayant pas le caractère de sanction - Absence de mise en cause d'un droit ou d'une liberté garanti par la Constitution - Refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Le requérant avait formé une QPC à l'encontre des dispositions de l'art. L. 531-16 du CESEDA en ce qu'elles permettent à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de mener l'entretien individuel avec le demandeur d'asile sans la présence d'un avocat, dans le cas où l'avocat d'un demandeur incarcéré et dont l'entretien se déroule par visioconférence n'a pu se rendre au centre pénitentiaire pour un motif indépendant de la volonté du demandeur.

Le juge rejette in fine cette QPC mais le raisonnement conduit pour parvenir à ce résultat est très intéressant.

Pour résister à la demande de transmission de la QPC le ministre de l'intérieur et l'OFPRA défendeurs soutenaient que la procédure régie par la disposition litigieuse se borne à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises du troisième alinéa du point 4 de l'article 23 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Or l'on sait qu'il résulte de l'interprétation donnée de l'art. 88-1 de la Constitution par le Conseil constitutionnel que ce dernier considère qu'il n'est pas compétent pour contrôler la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive de l'Union européenne sauf dans le cas où serait mis en cause une règle ou un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. En dehors de cette hypothèse, il n'appartient qu'au juge de l'Union européenne, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par cette directive des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du traité sur l'Union européenne. 

Cette argumentation est ici rejetée car cette même directive, en son article 5, réserve aux Etats membres la faculté de «prévoir ou maintenir des normes plus favorables en ce qui concerne les procédures d'octroi et de retrait de la protection internationale, pour autant que ces normes soient compatibles avec la présente directive.» Ainsi, la rédaction retenue exclut l'existence pour ces États d'une « obligation inconditionnelle et précise » au sens et pour l'application de la jurisprudence constitutionnelle sus-évoquée. Il suit de là qu'en ce cas, même en l'absence de mise en cause d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, le Conseil constitutionnel est compétent pour juger une QPC.

Toutefois, le droit à l'assistance d'un avocat n'est une exigence constitutionnelle, issue de l'art. 16 de la Déclaration de 1789, selon le Conseil constitutionnel, que lorsqu'est en cause une procédure juridictionnelle ou, en dehors des procédures juridictionnelles, l'infliction d'une sanction ayant le caractère d'une punition ou l'audition d'une personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction. Tel n'est pas le cas d'une procédure se déroulant devant l'OFPRA lequel n'est pas une juridiction de jugement ou d'instruction et ne connaît donc que d'une procédure administrative au terme de laquelle ne peut être prise qu'une décision qui, même en cas de refus, ne constitue pas une sanction.

D'où il suit que l'OFPRA peut réaliser l'entretien personnel du demandeur d'asile en l'absence de son avocat dès lors que les dispositions législatives contestées n'affectent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit.

Par ailleurs aucun des moyens développés au soutien du pourvoi en cassation devant le Conseil d'État n'étant de nature à en permettre l'admission, l'entier recours est rejeté.

(16 septembre 2022, M. B., n° 459394)

 

110 - Ordre des experts comptables – Ordonnance de 1945 – Contraintes particulières pour les ressortissants étrangers – Limitations de nature législative – QPC impossible – Refus de transmission.

Saisi d’une QPC dirigée contre l'article 7 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, le Conseil d’État en refuse la transmission au Conseil constitutionnel.

Il considère celle-ci irrecevable car dirigée contre des dispositions non de nature législative mais de nature réglementaire. Selon lui, au nombre des libertés publiques – lesquelles ressortissent à la compétence du législateur en vertu de l’art. 34 de la Constitution - figure le libre accès à l'exercice par les citoyens d'une activité professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale. Toutefois, l'ordonnance du 19 septembre 1945 a subordonné l'exercice de la profession d'expert-comptable au respect de règles prévoyant notamment des contraintes particulières pour les ressortissants étrangers. Compte tenu des limitations qui ont été ainsi apportées par la loi, antérieurement à la Constitution du 4 octobre 1958, à l'exercice de la profession d'expert-comptable, la réglementation de la création des sociétés d'expertise comptables prévue à l'article 7 de l'ordonnance de 1945, qui réserve aux seuls ressortissants d'un des États membres de l'Union européenne ou d'autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou à des sociétés ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement dans l'un de ces États, la possibilité de détenir plus d'un tiers des droits de vote et aux seules personnes physiques ressortissantes de ces mêmes États la possibilité d'être représentants légaux des sociétés d'expertise comptable, ne relève pas du domaine de la loi par application de l'article 34 de la Constitution, mais présente un caractère réglementaire. 

La QPC est donc irrecevable en tant qu’elle porte sur une disposition réglementaire.

On peut ne pas être convaincu par ce raisonnement autant elliptique que spécieux.

(20 septembre 2022, M. D. et autre, société LF Audit Conseil et société Kaerus, n° 465288)

 

111 - Crèches associatives – Assujettissement à taxe sur la création de locaux à usage de bureaux, commerce et stockage en Île-de-France – Absence du bénéfice de certaines exonérations – Question de la constitutionnalité de ce régime présentant un caractère sérieux – Transmission.

Les associations sans but lucratif, si elles ne constituent pas des associations reconnues d’utilité publique, d’une part, sont assujetties à la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, commerce et stockage en Île-de-France, sont assujetties à raison de la construction des locaux professionnels qu'elles détiennent et utilisent pour l'exercice de leurs activités à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel, tel un service de crèche et, d’autre part, ne bénéficient ni des exonérations prévues en faveur des locaux, notamment de même type, affectés au service public et appartenant ou destinés à appartenir à l'État, à des collectivités territoriales ou à des établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial, ni de l'exemption de taxe prévue en faveur des locaux de caractère social ou sanitaire qui sont mis à la disposition du personnel travaillant dans les immeubles soumis à la taxe, ni encore, si leur activité est réalisée à titre non lucratif, des tarifs réduits applicables aux locaux commerciaux, alors que ceux-ci peuvent être destinés à l'exercice de prestations de services de même type.

Par suite, il est jugé que présente un caractère sérieux la question de savoir si cette situation, résultant des dispositions combinées des dispositions des art. L. 520-1 et L. 520-6 du code de l’urbanisme, porte atteinte notamment au principe d’égalité devant les charges publiques garanti à l’art. 13 de la Déclaration de 1789. Cette question est donc transmise.

Il est étrange que puisse exister un tel mécanisme qui froisse autant le bon sens que l'élémentaire souci de bienveillance sociale.

(23 septembre 2022, Association France Horizon, n° 452256)

 

112 - Régime disciplinaire des professionnels libéraux de santé à raison d’actes de fonction publique – Limitation des autorités pouvant engager l’action disciplinaire – Différence de traitement entre les médecins chargés d’un service public et les autres – Refus de transmission de la QPC.

L’art. L. 4124-2 du code de la santé publique dispose que « Les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit ».

Les requérants faisaient valoir deux griefs d’inconstitutionnalité au soutien de leur demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre ce texte. Ils sont rejetés par le juge.

En premier lieu, il est jugé que les autorités énumérées dans cette disposition ne sont pas les seules détenant le pouvoir d’agir ce qui paralyserait toute autre action. D’abord parce que le refus de l’une quelconque d’entre elles d’exercer des poursuites disciplinaires peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et ensuite parce que toute personne victime d’un manquement déontologique lui portant préjudice dispose du pouvoir d’en poursuivre la réparation devant la juridiction compétente.

En second lieu, et contrairement à ce qui est soutenu, d’une part, s'agissant des praticiens chargés d'un service public en leur qualité d'agents publics, le principe d'égalité n'impose pas que les conditions de mise en œuvre des poursuites disciplinaires à l'égard d'agents publics soient identiques à celles applicables aux autres praticiens, d’autre part, s'agissant des praticiens n'ayant pas la qualité d'agent public mais devant être regardés, pour certains de leurs actes, comme chargés d'un service public en raison de l'intérêt général qui s'attache à leur mission et des prérogatives qui lui sont associées, les dispositions contestées, en prévoyant que seules les autorités publiques ou ordinales peuvent mettre en cause leur responsabilité disciplinaire dans l'accomplissement de ces missions de service public, ne les mettent pas à l'abri de toute poursuite disciplinaire pour des actes commis dans l'exercice de leur mission de service public.

La QPC n’est donc pas transmise.

(28 septembre 2022, Mme E. de Bourbon et M. C. de Linage, n° 465394)

 

113 - Forfait de post-stationnement – Déclaration d’inconstitutionnalité d’une disposition le régissant – Instance non encore jugée à la date de cette déclaration – Annulation de l’ordonnance rejetant la demande pour irrecevabilité.

L’intéressé a contesté le titre exécutoire émis le 21 août 2018 par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions en vue du recouvrement du forfait de post-stationnement qui lui a été adressé pour absence de paiement d'une redevance de stationnement constatée le 15 mai 2018 pour un véhicule qu'il avait cédé 20 juin 2017.

Par une ordonnance du 8 juin 2020, le magistrat désigné par la présidente de la commission du contentieux du stationnement payant, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 2333-87 du CGCT subordonnant la recevabilité du recours contentieux contre la décision rendue à l'issue du recours administratif préalable obligatoire et contre le titre exécutoire émis au paiement préalable du montant de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement et de la majoration prévue au IV de l'article L. 2333-87 si un titre exécutoire a été émis, a rejeté comme irrecevables les conclusions du requérant tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 21 août 2018 au motif qu'il n'avait pas transmis à la commission, contrairement aux dispositions du II de l'article R. 2333-120-31 du même code, la pièce justifiant du paiement préalable du montant du forfait de post-stationnement majoré dont il demandait la décharge.

M. B. se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

Le Conseil d’État, appliquant une jurisprudence bien établie dans ce genre de situations,  annule l’ordonnance attaquée motif pris de ce que le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2020-855 QPC du 9 septembre 2020, a déclaré contraire à la Constitution l'art. L. 2333-87-5 du CGCT, décision prenant effet à compter de la date de la publication de cette décision et de ce que l’instance engagée par le requérant n’était pas définitivement jugée à la date de la décision du Conseil constitutionnel.

(29 septembre 2022, Maître Descorps-Declère, n° 445438)

 

114 - Médecins - Praticiens hospitaliers – Risque de concurrence directe entre leurs fonctions hospitalières et l’exercice de certaines activités rémunérées extérieures en cas de départ de l’hôpital - Interdiction d’exercice temporaire – Transmission d’une QPC.

Le Conseil national de l’ordre des médecins soulève, au soutien d’un recours pour excès de pouvoir en annulation du décret du 5 février 2022 portant diverses dispositions relatives aux personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques des établissements publics de santé, une question prioritaire de constitutionnalité contestant la conformité à la Constitution des dispositions de l’art. L. 6152-5-1 du code de la santé publique.

Celles-ci font interdiction, pour une durée maximum de vingt-quatre mois, aux praticiens qui exerçaient à titre principal dans un établissement public de santé  et qui le quittent, dont la quotité de temps de travail est au minimum de 50 %, d'exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif, un cabinet libéral, un laboratoire de biologie médicale privé ou une officine de pharmacie lorsque cette nouvelle activité risque d'entrer en concurrence directe avec l'établissement public de santé dans lequel ils exerçaient à titre principal et qu’elle est située dans un rayon de dix kilomètres de l’établissement public de santé.

Le Conseil d’État juge que les moyens tirés de ce que ces dispositions portent atteinte à la liberté d'entreprendre et sont entachées d'incompétence négative affectant par elle-même la liberté d'entreprendre soulèvent une question présentant un caractère sérieux justifiant sa transmission.

Ajoutons, au surplus, circonstance aggravante, que ce régime ne joue pas en cas de départ du secteur privé vers le secteur public.

(8 septembre 2022, Conseil national de l’ordre des médecins, n° 462977)

(115) V. aussi, comparable : 28 septembre 2022, Conseil national de l’ordre des médecins, n° 462978

 

116 - Principe d’égalité entre praticiens en matière de dépassements d’honoraires – Possibilité ouverte aux seuls praticiens exerçant dans un établissement public de santé – Existence de différences objectives justificatives – Refus de transmission d’une QPC.

(28 septembre 2022, Association Hôpital Foch, fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, association Hôpitaux privés de Metz, mutualité Fonction publique action santé social et groupement de coopération sanitaire « Groupement des hôpitaux de l'Institut catholique de Lille », n° 462637)

V. n° 95

 

117 - Immeuble menaçant ruine – Prise d’un arrêté de péril – Obligation pour le propriétaire de reloger ou d’héberger les occupants - Absence d’atteinte au droit de propriété ainsi qu’à l’égalité devant les charges publiques – Refus de transmission d’une QPC.

Saisi d’une QPC dirigée contre les dispositions de l’art. L. 521-1 du code de la construction et de l’habitation qui font obligation au propriétaire dont l’immeuble est frappé d’un arrêté de péril d’assurer l’hébergement ou le relogement de ses occupants éventuels, le Conseil d’État en refuse la transmission.

Cette disposition n’aboutit pas, selon lui, à priver le propriétaire de son droit de propriété car elle est justifiée par un motif d'intérêt général et elle est proportionnée à l'objectif poursuivi ; elle ne contrevient pas au principe d’égalité devant les charges publiques ni non plus au principe constitutionnel de responsabilité énoncé à l’art. 4 de la Déclaration de 1789.

Cette solution, excellente pour les locataires de gros propriétaires fonciers et les marchands de sommeil, risque d’être très lourde de conséquences pour les petits propriétaires d’un seul appartement…

(28 septembre 2022, M. B., n° 465405)

 

Responsabilité

 

118 - Victime d’un dommage bénéficiaire de l’assistance par une tierce personne – Détermination du montant de l’indemnité due – Existence d’un crédit d’impôt – Conditions de déduction, ou non, de ce crédit d’impôt du montant de l’indemnité allouée.

Le Conseil d’État, par la présente décision - dont l’importance a motivé sa publication au Recueil Lebon -, répond à la demande d’avis de droit (art. L. 113-1 CJA) suivante : « Le crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 199 sexdecies du code général des impôts doit-il être pris en considération - et, le cas échéant, selon quelles modalités - pour la détermination de l'indemnité due à la victime en réparation de son besoin d'assistance par une tierce personne ? ».

Très pédagogiquement, tant par sa rédaction que par son contenu, la réponse donnée fournit un vade-mecum complet pour guider les juges du fond en pareille hypothèse.

Tout d’abord, l’indemnisation de la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, impose au juge saisi de procéder en deux temps :

- en premier lieu doit être établie l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir ;

- en second lieu, doivent être déduites du montant de l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance par tierce personne les prestations ayant pour objet la prise en charge de tels frais.

Sur le premier point, pour établir les dépenses nécessitées par les besoins de la victime, le juge doit se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.

Cependant, à ce stade, le juge n’a pas à tenir compte de l'aide qui a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

Sur le second point, le Conseil d’État précise dans sa réponse qu’il n’y a pas lieu à déduction des prestations, telle un crédit d’impôt, lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune.

(Avis, 30 septembre 2022, Hôpitaux universitaires de Strasbourg et société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), n° 460620)

 

Service public

 

119 - Comités de bassin – Composition du conseil d’administration – Obligation d’un représentant de l’agriculture biologique – Désignation par une fédération - Procédure administrative non contentieuse – Administration consultative –– Rejet.

(22 septembre 2022, Assemblée permanente des chambres d’agriculture, n° 445459)

V. n° 3

 

120 - La Poste - Service universel – Offres commerciales – Modification des tarifs applicables au service « Colissimo outre-mer » - Hausses tarifaires supérieures outre-mer par rapport à ceux de la France continentale – Absence d’erreur manifeste d’appréciation ou d’atteinte manifeste au principe du concours à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire – Rejet.

Les requérants demandaient l’annulation des tarifs de l'offre « Colissimo outre-mer » fixés par le catalogue des offres commerciales de La Poste relevant du service universel.

Ils estimaient que ces tarifs tels que fixés à partir du 1er janvier 2022 ne respectent pas, d’une part, l'article 12 de la directive 97/67/CE du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service et, d’autre part, les principes du service universel.

Le recours est rejeté.

En premier lieu, il est jugé que si les dispositions du 1 de l’art. 12 de la directive précitée prévoient, par dérogation au principe selon lequel les prix reflètent les conditions et les coûts du marché, que les États membres peuvent décider d'appliquer à certains services faisant partie de la prestation du service universel un tarif unique sur l'ensemble de leur territoire national, elles n'imposent pas que toute péréquation des tarifs prenne la forme d'un tarif uniforme sur l'ensemble de ce territoire. Ainsi, le 6ème alinéa de l'article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, sur le fondement duquel les tarifs litigieux ont été adoptés, n’est pas incompatible avec ces dispositions en ce qu'il prévoit que certains services d'envois postaux à l'unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés au même tarif sur l'ensemble du territoire métropolitain, et non sur l'ensemble du territoire national. Le raisonnement est limite dans une perspective, traditionnelle en France, d’élimination de tout facteur de renchérissement du coût des services publics pour leurs usagers ultra-marins.

En second lieu, est rejeté le moyen tiré de ce que les tarifs litigieux ont connu une hausse supérieure à celle des tarifs applicables à la métropole, et qu'ils présentent avec ces derniers des différences importantes et injustifiées, en particulier compte tenu du rétablissement des conditions du trafic aérien après la crise de la Covid-19 et de la dotation budgétaire versée à La Poste à compter de 2022, alors que les revenus moyens dans les outre-mer sont inférieurs à ceux de la métropole.

L’argument n’est pas sans valeur et sans fondement et l’on peut regretter que, pour le rejeter, le juge se borne à constater  que les tarifs de l'offre « Colissimo outre-mer » n'ont pas été fixés à un niveau tel qu'ils la rendraient économiquement inabordable pour une partie de la population, qu'ils ne sont pas entachés d'une erreur manifeste au regard de l'exigence de prix abordables pour tous les utilisateurs et, qu’enfin ces tarifs ne méconnaissent pas manifestement le principe de concours à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. 

(27 septembre 2022, M. S. et autres, n° 460534)

 

Urbanisme et aménagement du territoire

 

121 - Permis de construire – Intérêt pour agir contre la décision accordant le permis - Règles applicables à Saint-Barthélemy – Erreurs de droit – Annulation.

Le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a délivré un permis autorisant la construction d'un restaurant de plage comprenant une boutique, une cave à vin et un bar, ainsi que d'un parc de stationnement semi-enterré, après démolition de l'habitation présente sur le terrain à l'exception de la citerne conservée pour le projet. La société requérante, implantée dans le même quartier, a demandé en référé la suspension de l’exécution de cette décision. Sa requête a été rejetée en raison de son irrecevabilité pour défaut d’intérêt pour agir.

Après avoir relevé l’applicabilité à cette collectivité ultra-marine des dispositions des art. L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du code de l’urbanisme, le Conseil d’État annule cette ordonnance pour erreurs de droit après avoir rappelé qu’il se déduit des dispositions de l’art. L. 600-1-3 de ce code que – ce qui n’allait pas de soi - « l’intérêt pour agir d'un requérant contre un permis de construire s'apprécie au vu des circonstances de droit et de fait à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures, qu'elles aient pour effet de créer, d'augmenter, de réduire ou de supprimer les incidences de la construction, de l'aménagement ou du projet autorisé sur les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance mentionnées à l'article L. 600-1-2. A ce titre, il y a lieu de procéder à cette appréciation au vu des constructions environnantes dans leur état à cette date. »

D’une part, l’ordonnance de rejet attaquée repose sur une première erreur de droit en ce qu’elle retient la densification du bâti existant dans cette zone, notamment une résidence de tourisme de cinq logements sur une parcelle adjacente à celle servant d’assiette au projet litigieux, alors qu’à la date de cette ordonnance cette résidence n’existait pas, la demande de permis la concernant étant encore en cours d’instruction.

D’autre part, cette ordonnance est entachée d’une seconde erreur de droit en ce qu’elle estime que chacun des deux terrains en cause étant desservi par une voie d’accès distincte, la société demanderesse ne justifie pas d’un intérêt à agir alors que les voies d'accès aux deux parcelles en cause, distantes d'une cinquantaine de mètres, sont desservies par la RD 209 et que la circonstance que la parcelle d'assiette du projet litigieux n'est pas directement desservie par cette route départementale ne fait pas par elle-même obstacle à ce que ce projet, par son incidence sur la circulation sur cette route, soit de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de la propriété de la société Maison Camp David demanderesse.

On saluera cette application souple d’une règle stricte d’appréciation de l’intérêt pour agir.

L’affaire est renvoyée au tribunal administratif.

(21 septembre 2022, Société Maison Camp David, n° 461113)

 

122 - Refus illégal d’un permis de construire – Détermination du préjudice  en résultant – Absence de lien direct – Annulation.

Qualifie inexactement les faits de l’espèce la cour administrative d’appel qui condamne une commune à raison du préjudice résultant pour le pétitionnaire du refus d’un permis de construire fondé sur une disposition illégale du plan d’occupation des sols qui l’a contraint à céder son bien à un prix inférieur à sa valeur vénale.

En effet, selon une jurisprudence constante du Conseil d’État la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation, à moins que le requérant ne justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain.

Or cette preuve n’est pas, ici, rapportée d’autant plus qu'à la date de la vente des terrains, le 30 novembre 2011, le plan d'occupation des sols litigieux n'était plus en vigueur, un nouveau plan d’urbanisme ayant alors été approuvé qui rendait d'ailleurs les parcelles en cause partiellement constructibles.

(21 septembre 2022, Commune de Bormes-les-Mimosas, n° 448601)

 

123 - Octroi d’un permis de construire – Constatation du caractère incomplet du dossier – Sursis à statuer en vue de la régularisation de la demande – Absence de notification d’une régularisation – Abstention du juge de se prononcer sur une demande subsidiaire lors du second jugement – Rejet.

N’est pas insuffisamment motivé, ne méconnaît pas l'office du juge et ne commet pas d’erreur de droit, le second jugement qui, après avoir constaté qu'aucune mesure de régularisation n’avait été notifiée en exécution d’un premier jugement, s’abstient de se prononcer sur les conclusions subsidiaires tendant, à défaut de report d'audience, à l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, qui étaient dépourvues de toute portée.

(21 septembre 2022, Société Nexity IR Programmes Domaines, n° 452513)

 

124 - Décision reposant sur une pluralité de motifs – Caractère erroné de l’un d’eux – Pouvoirs du juge de cassation – Rejet.

(21 septembre 2022, Commune du Monêtier-les-Bains, n° 455174)

V. n° 13

 

125 - Plan local d’urbanisme – Dispositions du plan annulées par le juge - Jugement rendant inconstructibles certaines parcelles – Propriétaire de ces parcelles sans qualité en tant que tels pour former tierce opposition à ce jugement – Rejet.

(27 septembre 2022, Mme J., n° 451013)

V. n° 18

 

126 - Permis de construire en zone de tension entre offre et demande de logements – Recours dirigé contre le refus de retirer un tel permis – Compétence de premier et dernier ressort du tribunal administratif – Recours dirigé contre le refus de retirer un permis de construire assujetti aux dispositions de l’art. R. 600-1 du code de l’urbanisme – Défaut d’accomplissement de cette formalité – Irrecevabilité – Rejet.

A l’occasion du rejet d’un pourvoi dirigé contre un jugement qui a rejeté le recours des requérants tendant à l’annulation du permis de construire – valant permis de démolir - un immeuble de vingt logements dans une zone de forte tension entre l’offre et la demande de logements (art. 232 du CGI), le Conseil d’État fait d’utiles rappels de procédure contentieuse propres au droit de l’urbanisme.

Tout d’abord, il résulte de l’art. R. 811-1-1 du CJA que les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours dirigés contre « les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du CGI et son décret d'application ».

Compte tenu de l’intention du législateur d’accélérer les procès lorsqu’ils portent sur des immeubles situés dans les zones de forte tension entre l'offre et la demande de logements, la disposition précitée du CJA doit être considérée comme applicable non seulement aux  recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d'aménager, mais également, lorsque ces autorisations  ont été accordées puis retirées, aux recours dirigés contre ces retraits comme à ceux dirigés contre les refus de retraits. 

Il s’ensuit qu’en l’espèce le jugement querellé a été rendu en premier et dernier ressort et que le recours dirigé contre ce jugement a la nature d'un pourvoi en cassation, donc relevant directement de la compétence du Conseil d'Etat.

Ensuite, la décision refusant de retirer un permis de construire constitue une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme au sens et pour l’application des dispositions de l’art. R. 600-1 du code de l’urbanisme. Dès lors, il appartient à l'auteur d'un recours contentieux dirigé contre une telle décision d'adresser au greffe de la juridiction où le recours contentieux a été enregistré la preuve de la notification de ce recours à l'auteur de la décision contestée et au titulaire de l'autorisation. L’inaccomplissement de cette formalité entraîne l’irrecevabilité de la requête, irrecevabilité que le juge peut relever d’office.

Également, au cas de l’espèce il ne résulte du jugement attaqué ni la preuve de la notification par les requérants de leur recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation, ni une invitation du tribunal administratif à produire celle-ci. En ne s’assurant pas du respect de la formalité prévue à l'article R. 600-1 précité, le jugement est entaché d’irrégularité et doit être annulé.

Enfin, réglant le litige au fond, le juge de cassation constate que, destinataires de la part de la société défenderesse, d’une fin de non-recevoir tirée du défaut d'accomplissement des formalités susindiquées, les demandeurs n’ont pas accompli ces formalités en notifiant leur recours à l'auteur et au titulaire des permis de construire attaqués. Leur recours présenté devant le tribunal administratif ne peut qu'être rejeté comme irrecevable.

(27 septembre 2022, M. D. et autres, n° 456071)

 

127 - Superficie d’une maison d’habitation excédant celle déclarée au titre du permis de construire – Mise à la charge des contrevenants de suppléments d’imposition – Infraction commise plus de cinq ans avant – Prescription – Annulation.

(28 septembre 2022, M. et Mme B., n° 439596)

V. n° 41

 

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