Sélection de jurisprudence du Conseil d'État

Septembre 2023

 

Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse

 

1 - Acte réglementaire – Acte d’un ministre – Absence – Incompétence du Conseil d’État en premier et dernier ressort – Renvoi au tribunal administratif.

Les requérantes contestaient devant le Conseil d’État, saisi en premier lieu, l’arrêté interministériel du 31 décembre 2022 établissant la liste des communes mentionnées à l'article 1609 H du CGI, qui, parce qu’elles sont situées à moins de soixante minutes par véhicule automobile d'une gare desservie par les futures lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, sont assujetties à une taxe spéciale d'équipement destinée à financer l'exercice des missions de l'établissement public créé par l'article 1er de l'ordonnance du 2 mars 2022 relative à la Société du Grand Projet du Sud-Ouest.

Aux termes du troisième alinéa de cet article 1609 H, les redevables de cette taxe sont les personnes, physiques ou morales, assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale et à la cotisation foncière des entreprises dans les rôles de ces communes.

Pour rejeter sans examen du fond cette requête, le juge relève que l’arrêté attaqué, en ce qu’il se borne à donner la liste des communes dans lesquelles s’applique la taxe prévue à l'article 1609 H, ne revêt pas un caractère réglementaire et, en outre, n’entre dans aucune des autres catégories de recours dont il appartient au Conseil d'État de connaître en premier et dernier ressort.

Le dossier est renvoyé, y compris la question prioritaire de constitutionnalité présentée à l'appui de celle-ci, au tribunal administratif de Paris. 

(18 septembre 2023, Commune de Saint-Simon-de-Bordes, communautés de communes de la Haute Saintonge et des 4B Sud-Charente, n° 472320)

 

2 - Détenu employé dans un centre pénitentiaire - Mutation d’un emploi à un autre –Qualification juridique des faits – Mesure d’ordre intérieur – Rejet.

(21 septembre 2023, M. B., n° 468441)

V. n° 46

 

3 - Textes relatifs aux services numériques d'assistance aux déplacements - Nécessité d’une consultation préalable du public – Absence – Annulation.

Le décret attaqué (n° 2022-1119 du 3 août 2022) a pour objet de définir les informations que les services numériques d'assistance aux déplacements doivent porter à la connaissance de leurs utilisateurs ou leur rendre accessibles, en particulier en ce qui concerne les différents modes de transport utilisables pour se rendre d'un point à un autre, les restrictions de circulation visant les poids lourds, les effets de l'utilisation d'un véhicule individuel et les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques pour chaque itinéraire proposé, et de leur imposer, lorsqu'ils proposent des itinéraires, de tenir compte de la qualification de voies comme secondaires au sens du 2° de l'art. L. 1115-8-1 du code des transports, afin d'en limiter l'utilisation, et de mettre en avant les itinéraires dont l'impact est le plus faible en termes d'émissions de gaz à effet de serre.

Le juge estime qu’eu égard à sa finalité et à sa portée, ce décret, en encadrant les informations et les propositions fournies aux utilisateurs de véhicules individuels et de services de transports par les services numériques d'assistance aux déplacements, qu'ils consultent massivement, contribue à modifier leurs comportements au regard, en particulier, des incidences environnementales du choix des modes de transport et des trajets qu'ils empruntent.

Le juge en déduit cette conséquence qu’il doit être regardé comme ayant une incidence directe et significative sur l'environnement, au sens des dispositions de l'art. L. 123-19-1 du code de l'environnement et que son adoption devait, par conséquent, être précédée, à peine d'illégalité, d'une consultation préalable du public conformément à ces dispositions.

La société requérante est ainsi fondée à soutenir que le décret attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que ses dispositions n'ont pas fait l'objet d'une consultation du public préalablement à leur adoption. Le décret est annulé.

(27 septembre, Société Coyote System, n° 468050)

 

4 - Loi du 28 décembre 2015 – Absence de décret d’application – Dépassement du délai raisonnable – Injonction de le faire sous six mois avec astreinte.

Le juge constate qu’à la date de la présente décision il s'est écoulé plus de sept ans et demi depuis l'entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, sans qu’ait été pris le décret en Conseil d’État prévu par l’art. 477-1 du Code civil aux termes duquel « Le mandat de protection future est publié par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l'accès sont réglés par décret en Conseil d'État ».

Le juge relève que si le ministre de la justice fait valoir que le changement de gouvernement intervenu en mai 2017 a remis en cause un projet de décret, qu'a été ensuite envisagé un plan de transformation numérique qui s'est heurté à des difficultés de divers ordres, et enfin qu'une proposition de loi « portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France » est actuellement en cours de discussion au Parlement, ces circonstances ne justifient pas une abstention qui s'est prolongée au-delà d'un délai raisonnable, alors qu'au demeurant il ressort des écritures du ministre que la disposition de la proposition de loi dont il se prévaut a pour objet d'adapter le contenu du mandat de protection future sans remettre en cause explicitement les dispositions de l'article 477-1 du Code civil. 

Les refus de prendre ce décret sont annulés et il est fait injonction de le faire sous six mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle la présente décision aura reçu exécution.

(27 septembre 2023, Fédération internationale des associations de personnes âgées (FIAPA), n° 471646 ; M. B. et Mme C., n° 471647)

 

Droit du contentieux administratif

 

5 - Épidémie de Covid-19 – Ordonnances du 25 mars et du 13 mai 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif – Refus de transmission de deux QPC.

Dans le cadre d’un litige principal en responsabilité contractuelle et subsidiaire en responsabilité extracontractuelle l’opposant  au Syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa (SMTU), le groupement requérant soulevait deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux deux premiers alinéas de l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif dans la rédaction qui lui a été donnée par l'ordonnance n° 2020-558 du 13 mai 2020 la modifiant.

Le Conseil d’État se prononce d’abord sur la recevabilité de cette action en QPC en relevant en premier lieu que ces deux ordonnances, prises sur le fondement de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif n’ont pas été soumises à la ratification parlementaire à la date de la présente décision.

En second lieu, le juge rappelle que les dispositions régissant la procédure applicable devant les juridictions administratives relèvent en principe de la compétence réglementaire sauf lorsqu'elles mettent en cause des matières réservées au législateur par l'article 34 de la Constitution ou d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle. 

En troisième lieu, ces dispositions figurant dans une ordonnance de l’art. 38 frappée de QPC, il est jugé, en conséquence, qu’il appartient au Conseil d'État de déterminer si les dispositions critiquées de l'ordonnance relèvent du domaine de la loi ou de la compétence réglementaire puisqu’en ce second cas elles ne sauraient faire l’objet d’une QPC.

Or, en l’espèce, il est considéré que les alinéas incriminés disposant, le premier que : « Sur décision du président de la formation de jugement insusceptible de recours, les audiences des juridictions de l'ordre administratif peuvent se tenir en utilisant un moyen de télécommunication audiovisuelle permettant de s'assurer de l'identité des parties et garantissant la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats » et le second que : « En cas d'impossibilité technique ou matérielle de recourir à un tel moyen, le juge peut, par décision insusceptible de recours, décider d'entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique, permettant de s'assurer de leur identité et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges », ils fixent des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques et relèvent ainsi du domaine de la loi.

La QPC est donc recevable.

Le Conseil d’État se prononce ensuite sur le bien-fondé des questions soulevées pour apprécier leur éventuelle transmissibilité. Sur ce point les requêtes sont rejetées pour défaut de caractère sérieux : l’objet des dispositions contestées, applicables du 12 mars au 13 mai 2020 en raison de l’état d’urgence sanitaire, était de permettre aux chefs de juridictions administratives, juges de cette opportunité, de certifier l'identité des personnes et d'assurer la qualité et la confidentialité des échanges, y compris, à défaut d’autres moyens, par voie téléphonique, elles n’étaient applicables que pour un temps limité, elles visaient à concilier l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, le principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice et le respect du droit des justiciables à ce que leur cause soit entendue dans un délai raisonnable, en évitant le report du jugement de certaines affaires. En outre, ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que, le cas échéant, des tiers assistent à l'audience publique afin d'informer le demandeur de son déroulement, ou à ce qu'un autre conseil le représente utilement à l'audience publique ou enfin, qu’ainsi informé le demandeur adresse une note en délibéré postérieurement à l'audience.

Ainsi, ces dispositions ne méconnaissaient pas les droits de la défense garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789. 

Enfin, sur le fond, le juge refuse d’admettre le pourvoi en cassation du groupement requérant.
(14 septembre 2023, Groupement d'intérêt économique Transport en Commun de Nouméa (GIE TCN), n° 472208 et n° 472220)

 

6 - Avertissement sanitaire sur divers conditionnements de produits tabagiques – Demande de suspension en référé – Conditions d’appréciation de l’urgence – Rejet.

Le juge des référés était saisi d’une demande de suspension de l’exécution de l'arrêté du 17 juillet 2023 modifiant l'arrêté du 19 mai 2016 relatif aux modalités d'inscription des avertissements sanitaires sur les unités de conditionnement des produits du tabac, des produits du vapotage, des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac et du papier à rouler les cigarettes.

Le recours est rejeté pour défaut d’urgence.

A ce sujet le juge rappelle une constante de son contrôle souvent mal comprise par les requérants et aussi par les spécialistes.

En premier lieu, pour décider de l’existence d’une urgence à statuer, le juge du référé suspension peut, dans la balance des intérêts à laquelle il procède, tenir compte de ce que l'intérêt public commande que soient prises les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser immédiatement l'atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne.

En second lieu, toutefois, à supposer établie l'atteinte aux droits conférés par cet ordre juridique, contrairement à ce qui est soutenu, celle-ci ne constitue pas par elle-même et indépendamment de toute autre considération, une situation d’urgence.

Ainsi, en l'espèce, ni le coût devant être supporté par la société Philip Morris pour se conformer aux dispositions litigieuses, dont il n'est, en tout état de cause, pas soutenu qu'il représente une part importante de son chiffre d'affaires, ni l'éventualité de sanctions en cas de non-respect de la règlementation litigieuse, qui ne saurait constituer un préjudice, ne peuvent être regardés comme des considérations justificatives de l’urgence alléguée.

(ord. réf. 07 septembre 2023, Philip Morris France, n° 478518)

 

7 - Référé suspension et référé liberté – Distinction et effets – Rejet.

Nouveau rappel des différences caractérisant d’une part le référé suspension (L. 521-1 CJA) et d’autre part le référé liberté (art. L. 521-2 CJA).

Dans le cadre d’un contentieux né de la demande « de faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale portée au droit de connaître ses origines, par le décret n° 2023-785 du 16 août 2023 fixant au 31 mars 2025 la date prévue à l'article 5 VII C et VII D de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique », le juge réitère qu’en distinguant les procédures prévues par les articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, le législateur a entendu répondre à des situations différentes. Les conditions auxquelles est subordonnée l'application de ces dispositions ne sont pas les mêmes, non plus que les pouvoirs dont dispose le juge des référés. En particulier, le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. »

Le rejet est ici commandé par le fait que l’association requérante ne fait état d'aucune circonstance de nature à caractériser l'urgence particulière à laquelle est subordonnée l'intervention du juge des référés statuant sur le fondement de l'art. L. 521-2 du CJA (référé liberté).

(ord. réf. 11 septembre 2023, Juristes pour l'enfance, n° 488062)

(8) V. aussi, adoptant la même solution à propos d’une demande de référé liberté dirigée contre une décision ministérielle abrogeant un visa d’entrée en France et prononçant une OQTF à l’encontre d’un ressortissant algérien époux d’une française : ord. réf. 12 septembre 2023, M. et Mme C., n° 487858.

 

9 - Appel d’une ordonnance de référé – Mesure municipale ayant cessé de produire effet avant l’introduction de l’appel – Non-lieu à statuer.

Est déclaré sans objet et ne pouvant donner lieu à y statuer l’appel formé contre une ordonnance de référé rejetant la demande tendant à voir annulée la disposition d’un arrêté municipal interdisant la circulation des piétons sur certaines voies de la commune en raison de la tenue d’un festival, dès lors que la décision querellée a cessé de produire ses effets avant l’introduction de l’appel.

(ord. réf. 15 septembre 2023, M. B., n° 487907)

 

10 - Décision de radiation d’un bénéficiaire du dispositif du RSA – Incompétence du juge des référés du Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort – Rejet.

Rappel de ce que le juge administratif des référés ne peut être régulièrement saisi que pour autant que le litige principal auquel se rattache l’action en référé relève lui aussi de la compétence de ce juge.

(ord. réf. 15 septembre 2023, M. A, n° 488197)

(11) V., même solution, s’agissant d’un référé liberté dirigé contre un arrêté préfectoral interdisant l'accès au stade du Hainaut à Valenciennes aux supporters du Football Club des Girondins de Bordeaux, ou à toute personne se comportant comme tel, souhaitant assister à la rencontre sportive de football qui y est organisée le samedi 16 septembre 2023, un tel recours n'étant manifestement pas au nombre de ceux dont il appartient au Conseil d'État de connaître en premier et dernier ressort : ord. réf. 15 septembre 2023, M. B., n° 488316.

 

12 - Refus d’octroi d’un permis de construire puis, sur recours contentieux, retrait du refus et octroi du permis – Annulation contentieuse de la seconde décision puis de la première – Rejet de l’appel contre le second jugement – Autorité de chose jugée – Impossibilité d’obtenir l’annulation du refus initial du permis – Rejet.

(21 septembre 2023, Société A2C, n° 467076)

V. n° 68

 

13 - Compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’État – Décisions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – Décision non prise au titre de la mission de contrôle et de régulation de la Haute Autorité – Rejet.

Les requérants ont saisi le Conseil d’État d’un recours direct contre la décision de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique renouvelant l'agrément accordé à l'association Anticor au titre de l'art. 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Le recours est rejeté car, juge le Conseil d’État, sa compétence de premier et dernier ressort ne peut porter, en la matière, que sur les recours dirigés contre les décisions prises par la Haute Autorité au titre de sa mission de contrôle ou de régulation or tel n’est pas le cas de celles de ses décisions qui agréent une association se proposant, dans ses statuts, de lutter contre la corruption.

Il nous semble qu’est ici retenue une interprétation assez étroite de la notion de mission de contrôle ou de régulation.

(21 septembre 2023, M. B. et M. D., n° 469866)

 

14 - Établissements pénitentiaires – Droits fondamentaux des détenus – Office du juge du référé liberté – Rejet.

(ord. réf. 21 septembre 2023, Section française de l'Observatoire international des prisons (OIP-SF) et Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), n° 488135)

V. n° 53

 

15 - Décisions du juge du référé, juge du provisoire - Caractère exécutoires de ces décisions mais décisions non dotées de l’autorité de chose jugée – Rejet d’une première demande n’empêchant pas la saisine à nouveau du juge des référés– Nouvelle ordonnance se croisant avec un pourvoi en cassation – Pourvoi sans objet – Rejet.

 Le maire de Saint-Gervais-les-Bains, par un arrêté du 3 mai 2021, a rendu une décision de non-opposition à la déclaration préalable effectuée le 22 décembre 2020 par M. B. en vue de travaux portant sur la réhabilitation d'une ancienne ferme, puis, agissant au nom de l'État, il a, par un arrêté du 31 août 2022, ordonné l'interruption des travaux sur le fondement de l'art. L. 480-2 du code de l'urbanisme. M. B. a saisi à trois reprises (29 septembre 2022, 23 novembre 2022 et 27 janvier 2023) le juge des référés du tribunal administratif d’un référé tendant à la suspension de l’arrêté portant interruption des travaux ; ce juge a, chaque fois, rejeté le recours pour défaut d’urgence (ordonnances des 14 octobre 2022, 10 janvier et 1er mars 2023).

M. B. s’est pourvu en cassation de la troisième ordonnance de rejet et, postérieurement à ce pourvoi, il a présenté une quatrième demande de suspension de l'arrêté litigieux qui a également été rejetée par une nouvelle ordonnance par le même juge des référés.

Pour rejeter ce pourvoi, le Conseil d’État, dans une formulation de principe qui donne toute sa portée à cette décision de la Section du contentieux, juge trois questions importantes même si la première constitue un rappel.

En premier lieu : « Si les ordonnances par lesquelles le juge des référés fait usage de ses pouvoirs de juge de l'urgence sont exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires, elles sont, compte tenu de leur caractère provisoire, dépourvues de l'autorité de chose jugée. »

En deuxième lieu, le juge tire de ce qui précède que « la circonstance que le juge des référés a rejeté une première demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne fait pas obstacle à ce que le même requérant saisisse ce juge d'une nouvelle demande ayant le même objet, notamment en soulevant des moyens ou en faisant valoir des éléments nouveaux, alors même qu'ils auraient pu lui être soumis dès sa première saisine. » C’est l’application directe d’une solution jurisprudentielle assez récente (29 juin 2020, SCI Eaux douces, n° 435502) qui se trouve ici clairement et nettement confirmée.

En troisième lieu enfin, quand le demandeur, après le rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du CJA, « fait usage de cette faculté en saisissant à nouveau le juge des référés de conclusions ayant le même objet et se pourvoit également en cassation contre la première ordonnance ayant rejeté sa demande, l'intervention, postérieurement à l'introduction de ce pourvoi, d'une nouvelle ordonnance rejetant la nouvelle demande rend, eu égard à la nature de la procédure de référé, sans objet les conclusions dirigées contre la première ordonnance, alors même que la seconde n'est pas devenue définitive. » Est ainsi renversée la jurisprudence antérieure (cf., par ex., 8 juillet 2015, Sarl Pompes funèbres lexoviennes, n° 385043) qui était exactement en sens contraire.

On avoue n’être pas pleinement convaincu par ce raisonnement nouveau.

De là résulte le rejet du pourvoi car le fait que le juge des référés a, par une ordonnance du 28 avril 2023, rejeté la nouvelle demande ayant le même objet, introduite par M. B. sur le même fondement, prive d'objet le pourvoi que ce dernier a formé contre l'ordonnance attaquée, prise le 1er mars 2023.

(Section, 22 septembre 2023, M. B., n° 472210)

 

16 - Référé « mesures utiles » (L. 521-3 CJA) – Demande au Conseil d’État d’intervenir pour voir le juge des référés d’un tribunal administratif statuer à bref délai sur une requête introductive d’instance – Irrecevabilité manifeste – Rejet.

Il n’entre pas dans l’office du juge du référé de l’art. L. 521-3 CJA de statuer sur une requête lui demandant d’intervenir pour inciter un juge à se prononcer dans les plus brefs délais sur une requête introductive d'instance, enregistrée le 24 juin 2023 au greffe d’un tribunal administratif.

(ord. réf. 22 septembre 2023, M. A., n° 488372)

 

17 - Mise en demeure de produire, dans un certain délai, le mémoire complémentaire expressément annoncé – Production non effectuée - Désistement d’office - Demande d’un délai supplémentaire durant le délai imparti – Absence d’effet sur le désistement d’office – Rejet.

Il résulte des dispositions de l’art. R. 612-5 du CJA que dans le cas où un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel choisit d'adresser au demandeur une mise en demeure d’avoir à produire avant l’expiration d’un certain délai le mémoire dont il a annoncé la production, cette juridiction, à la quadruple condition que l'intéressé ait annoncé expressément la production d'un mémoire complémentaire, qu'il ait reçu la mise en demeure prévue, qu'elle lui laisse un délai suffisant pour y répondre et l'informe des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai, peut constater le désistement d'office du requérant si celui-ci ne produit pas le mémoire complémentaire à l'expiration du délai fixé. 

La circonstance que celui-ci a demandé l’octroi d’un délai supplémentaire est sans effet sur le prononcé du désistement, acquis dès l’expiration du délai fixé.

Cette solution confirme celle, plus discutable car manquant à la loyauté procédurale, selon laquelle le désistement est acquis à la date d’expiration du délai fixé pour produire alors même que la juridiction a accordé, à la demande de l’intéressé, un délai supplémentaire pour effectuer cette production dès lors que cette demande a elle-même était formée après l’expiration du délai initialement fixé (9 mars 2018, Mme Eveno-Lapinard, n° 402378).

(29 septembre 2023, M. B., n° 460160)

 

18 - Litige au fond pendant devant un tribunal administratif – Demande au Conseil d’État de suspendre l’arrêté préfectoral en litige – Irrecevabilité manifeste – Rejet.

Est manifestement irrecevable – et doit être rejeté selon la procédure de l’art. L. 522-3 CJA - la requête saisissant le juge des référés du Conseil d'Etat d’une demande de suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral du 13 juin 2023, « au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative », dans l'attente du jugement au fond de sa requête pendante devant un tribunal administratif. 

(ord. réf. 28 septembre 2023, M. B., n° 488499)

 

19 - Rejet d’une demande de naturalisation – Saisine directe du Conseil d’État – Incompétence de cette juridiction – Renvoi à mieux se pourvoir – Rejet.

Le requérant demandait au juge du référé liberté du Conseil d’État d'annuler la décision par laquelle le préfet de Haute-Savoie a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que celle du ministre de l'intérieur confirmant ce rejet.

Après avoir charitablement rappelé le texte de l’art. R. 312-18 du CJA qui confie la compétence pour connaître de ce litige au tribunal administratif de Nantes, le juge du Conseil d’État rejette la demande à raison de son incompétence à y statuer en premier et dernier ressort et il invite le requérant, s'il s'y croit fondé, à présenter une requête en ce sens auprès de la juridiction compétente pour en connaître.

(ord. réf. 28 septembre 2023, M. B., n° 488541)

 

Droit fiscal et droit financier public – Comptabilité publique

 

20 - Taxe d’enlèvement des ordures ménagères – Déchets non produits par des ménages mais par le public – Dépenses à ce titre prises en compte au titre des dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers – Annulation.

Dans un litige portant sur une demande de décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères, où le tribunal administratif avait donné gain de cause à l’association syndicale libre demanderesse, le Conseil d’État annule notamment le jugement pour l’erreur de droit qui a consisté pour ce tribunal à juger que la collectivité publique n'était pas fondée à prendre en compte, au titre des dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers, le coût de la collecte et du traitement des déchets et immondices jetés dans les corbeilles de rue ou sur la voie publique au motif que ces déchets étaient produits non par les ménages mais par les usagers de l'espace public, alors que ne sont exclus du champ des dépenses éligibles que les déchets qui n'ont pas la nature, soit de déchets habituellement produits par les ménages, soit de ceux, mentionnés à l'art. L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, que les collectivités peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières.

(18 septembre 2023, ministre de l’économie, des finances…, n° 466461)

 

21 - Impôt sur les sociétés – Abus de droit – Notion et régime – Abus de droit distincts de celui fondant la proposition de rectification – Annulation partielle.

La présente décision est surtout intéressante par son approche de la théorie fiscale de l’abus de droit.

On sait qu’aux termes de l'art. L. 64 du livre des procédures fiscales : « Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ». 

En premier lieu, et c’était là l’essentiel du litige, le ministre soutenait que constituait un abus de droit l’opération suivante entre sociétés de droit luxembourgeois ayant des avoirs et des biens en France.

Une société immobilière, Lupa immobilière France, acquiert le 28 mars 2006 les titres de sociétés (anonymes et civiles immobilières) appartenant au même groupe qu’elle pour une valeur totale de 19 345 900 euros ; elle inscrit ensuite, après leur dissolution-confusion le 29 mars 2006, les parts des SCI directement à son actif à la même valeur, et enfin, après dissolution-confusion de ces dernières le 30 mars 2006, elle réalise une plus-value de confusion de 361 872 euros. Ce faisant, elle a appliqué ce que l’on appelle la « correction Quéméner », ainsi dénommée du chef d’une décision du Conseil d’Etat (16 février 2000, Société anonyme établissements Quéméner, n° 133296).

Selon cette décision, dans le cas où une société, une entreprise ou une personne soumise à l'impôt à raison des bénéfices qu'elle tire de son activité professionnelle, cède les parts inscrites à l'actif de son bilan qu'elle détient dans une société ou dans un groupement relevant ou ayant relevé du régime prévu aux art. 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du CGI ou, lorsqu'elle ne dresse pas de bilan, les parts de même nature qu'elle a affectées à l'exercice de sa profession, le résultat de cette opération, imposable dans les conditions prévues à l'art. 39 duodecies et aux articles suivants du même code, doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés et groupements susmentionnés, en retenant comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée en premier lieu, d'une part de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus, et d'autre part des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé ; qu'en outre, lorsque les parts de la société de personnes faisant l'objet de la cession ont été acquises ou souscrites à des dates différentes, le prix de revient des parts acquises ou souscrites à la même date est calculé distinctement suivant les modalités susmentionnées.

En l’espèce, l’application de la « correction Quéméner » permettait à la requérante de déduire un déficit extracomptable de 19 535 970 euros neutralisant l'imposition dont elle était redevable au titre de la réévaluation de l'actif des SCI et aboutit à ce qu'elle soit imposée à raison du seul enrichissement dont elle a bénéficié du chef de la détention des parts des SCI.

Le juge estime donc que l’application de cette correction n'était ainsi, par elle-même, pas contraire à l'objectif de neutralité d'application de la loi fiscale au niveau de la société Lupa Immobilière France et qu’elle ne constituait pas un abus de droit. Mais l’administration fiscale fait plaider qu’en réalité c’est l'ordre des actes litigieux qui, à lui seul, était de nature à caractériser un but exclusivement fiscal. Pour cela, l’administration relève d'une part, que si la réévaluation des immeubles inscrits à l'actif des SCI avait été réalisée avant la dissolution des sociétés anonymes qui les contrôlaient, le profit de réévaluation aurait été taxable en France. Elle soutient, d'autre part, que si la réévaluation des immeubles avait été affectée, après la dissolution des SCI, à l'actif de la requérante, celle-ci aurait également supporté l'impôt sur le profit de réévaluation ainsi dégagé.  Toutefois, pour rejeter cette argumentation, le juge retient qu’à supposer même que la charge fiscale de la requérante ait effectivement été allégée par l'ordre dans lequel ces actes ont été réalisés, cette seule circonstance ne saurait révéler l'existence d'un abus de droit, faute de pouvoir écarter un ou plusieurs actes qui auraient été pris pour rechercher, dans un but exclusivement fiscal, le bénéfice d'une application littérale des textes en cause contraire à l'intention de leurs auteurs. 

En second lieu, le ministre saisissant invoque, à titre de motifs devant être substitué à celui précédemment rejeté, la commission de trois autres abus de droit. Ils sont tous rejetés par le juge car ils sont distincts de celui, principal, décrit plus haut qui était le seul motif invoqué par l’administration à l’appui de sa proposition de rectification litigieuse et à laquelle la contribuable a répondu. Au reste, l’admission par le juge de pareilles substitutions de motifs aurait privé la contribuable de la possibilité de saisir le comité de l'abus de droit fiscal, ce qui l’aurait privée d’une garantie prévue par la loi (cf. art. L. 64 du LPF précité).

(18 septembre 2023, ministre de l’économie, des finances…, n° 466868)

(22) V. aussi, globalement identique : 18 septembre 2023, ministre de l’économie, des finances…, n° 466871.

 

23 - Soulte inscrite en compte courant d’associé – Placement sous le régime du report d’imposition (art. 150-0 B ter du CGI) – Abus de droit – Absence – Rejet.

L’associé unique d’une Sarl, société holding HTTP,  apporte à cette société des actions d’une autre société et reçoit en contrepartie des actions de cette Sarl ainsi qu’une soulte ; il place les plus-values ainsi réalisées sous le régime du sursis d’imposition prévu par l'art. 150-0 B ter du CGI. L’administration fiscale requalifie en abus de droit cette opération.

Le ministre se pourvoit en cassation de l’arrêt qui a accordé au contribuable décharge des impositions et pénalités mises de ce chef à sa charge.

Le juge de cassation rejette le pourvoi.

L’administration soutenait qu'en stipulant l'octroi de cette soulte, les parties à l'opération d'apport ont recherché le bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'art. 150-0 B ter du CGI à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, dans le seul but d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'apporteur aurait normalement supportées. Confirmant entièrement l’arrêt d’appel, le Conseil d’État retient d’abord que si, comme le soutient le ministre défendeur, des sommes inscrites au crédit du compte courant d'un associé dans les comptes d'une société doivent, en principe, être regardées comme mises à la disposition de cet associé et sont immédiatement taxables entre ses mains, en l’espèce la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'inscription de la soulte en litige au crédit du compte courant d'associé du contribuable dans les comptes de la société holding HTTP ne suffisait pas par elle-même, en présence d'une convention prévoyant le blocage de cette somme, à la faire regarder comme ayant été effectivement appréhendée par l'intéressé.

Il relève ensuite que la cour a pu, sans erreur de qualification juridique et dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, dès lors que le contribuable, qui avait souscrit un engagement contractuel de blocage de son compte courant d'associé à concurrence du montant de la soulte pendant une durée de cinq ans, que cette soulte ne lui avait été effectivement remboursée ni immédiatement, ni au 31 décembre 2018, ni au-delà, que ce blocage visait à ce que la somme correspondante puisse être proposée en garantie aux banques et à ce que les financements nécessaires au développement du groupe puissent être demandés avec de meilleures chances de succès et que ce nantissement avait été effectivement proposé, même s'il n'y avait pas été in fine recouru, à un établissement bancaire à l'occasion d'une opération de développement du groupe animé par la holding, déduire de là que la stipulation de la soulte poursuivait au moins en partie un objectif autre que fiscal, de sorte qu'elle ne pouvait être regardée comme constitutive d'un abus de droit.

Enfin, le juge de cassation rappelle que le juge peut, comme en l’espèce, à titre confortatif, s’appuyer sur des éléments postérieurs à la date de l’opération litigieuse pour éclairer l'intention animant les parties à l'opération.

(29 septembre 2023, ministre de l’économie, des finances…, n° 471003)

(24) V. aussi, s’agissant d’un litige relatif à une éligibilité au régime du report d’imposition et aux conséquences à tirer d’un jugement de tribunal de commerce proclamant la nullité d’une décision d’assemblée générale prononçant la dissolution de la société holding bénéficiaire d’apports de titres d’une Sarl : 29 septembre 2023, ministre de l’économie, des finances…, n° 471235.

 

25 - Non résident fiscal en France – Résident fiscal en Suisse – Détermination de cette qualité – Rejet.

Dans un litige en décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, le contribuable se prévalait de la qualité de résident fiscal suisse au sens et pour l’application de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966.

Pour rejeter cette qualification, le juge retient que si le requérant avait en Suisse son foyer du 1er juin 2005 au 15 novembre 2005, date de la cession des titres de la société Adonix, il résulte cependant de l'instruction qu'il a exercé jusqu'au 15 novembre 2005 la fonction de président-directeur général de la société Adonix dont le siège était situé en France, pour laquelle il a perçu une rémunération de 128 406,42 euros pour la période allant du 1er janvier au 15 novembre 2005. Il exerçait, en outre, la présidence du conseil d'administration de la société Meta 4 France, dont le capital social était intégralement détenu par la société Adonix et dont le siège social était également situé en France. Dans ces conditions, M. B., qui a perçu au cours de l'année 2005 la majorité de ses revenus, sous forme de salaires et de dividendes, de sociétés ayant leur siège social en France, doit être regardé comme ayant eu son domicile fiscal en France lors de l'année 2005 au sens des b) et c) du 1 de l'article 4 B du code général des impôts.

(18 septembre 2023, M. B., n° 469789)

 

26 - Zone franche urbaine – Exonération temporaire d’impôt – Modification postérieure rétroactive de la loi – Restriction du champ d’application de l’exonération – Annulation.

La prudence devrait commander à tout contribuable imposé en France de fuir comme la peste la plupart des faveurs fiscales. Octroyées par le législateur qui n’y comprend pas grand-chose, elles sont de facto puis de iure, pourchassées par l’administration fiscale au moyen soit d’interprétations anesthésiantes soit de lois modificatives et contraires que le parlement vote tout aussi aisément que la loi précédente dans une ignorance normative déconcertante. Si l’on ajoute qu’à ce principe de rapacité fiscale le juge prête volontiers la main en raison d’un vieux et tenace copinage intellectuel avec l’administration des finances, on aura une vision clinique complète de la présente affaire.

Une loi du 31 mars 2006 a institué (cf. art. 44 octies A du CGI), dans le but d'inciter les entreprises à créer ou exercer des activités dans des zones franches urbaines, une exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant de ces activités, totale pendant une première période de cinq années, puis partielle et dégressive pendant une seconde période de neuf années. Il s’agissait d’un mécanisme destiné à durer quatorze années avec une intensité progressivement déclinante.

En particulier, il était précisé au II de l’art. précité que si le contribuable n'exerçait pas l'ensemble de son activité dans une zone franche urbaine, le bénéfice exonéré était déterminé en affectant le montant résultant du calcul ainsi effectué du rapport entre, d'une part, la somme des éléments d'imposition à la cotisation foncière des entreprises définis à l'art. 1467 afférents à l'activité exercée dans les zones franches urbaines et relatifs à la période d'imposition des bénéfices et, d'autre part, la somme des éléments d'imposition à la cotisation foncière des entreprises du contribuable définis au même article pour ladite période.

La loi du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 est venue décider que la détermination du bénéfice exonéré lorsque le contribuable ne réalise pas l'ensemble de ses activités dans une zone franche urbaine, serait calculé non plus sur le prorata des bases de cotisation foncière des entreprises afférentes à l'activité exercée dans la zone franche urbaine, mais sur le prorata de chiffre d'affaires ou de recettes réalisé dans cette zone. Ce nouveau dispositif a été rendu applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2013. Il s’appliquait donc rétroactivement pour toute l’année 2013.

Saisies par des contribuables goûtant peu cette palinodie, les juridictions du fond ont estimé, d’une part, que cette dernière loi avait porté atteinte à une espérance légitime devant être regardée comme un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention EDH car l'avantage fiscal consenti en contrepartie de l'implantation d'une activité dans une zone franche urbaine était garanti pour une période de temps limitée et non sans limite de durée, d’autre part, répondant à un argument du ministre défendeur, selon lequel existerait un motif d'intérêt général de nature à justifier la modification du régime fiscal en cause sans qu'il soit porté une atteinte excessive aux droits des contribuables, que le coût élevé d'un régime fiscal ne pouvait constituer, par lui-même, un tel motif d'intérêt général. Le Conseil d’État annule cet arrêt motif pris de ce que, sur le premier point, il contiendrait une erreur de droit et de ce que, sur le second point, il serait insuffisamment motivé.

On dira notre désaccord avec chacun des éléments de cette motivation.

Tout d’abord, pour refuser l’application de l’art. 1er du premier protocole additionnel à la CEDH, les juges du Palais-Royal objectent qu’il ne saurait exister aucune espérance légitime pour le contribuable opposable à une loi qui ne dispose que pour l’avenir. En effet, la jurisprudence est fixée en ce sens que les situations fiscales sont établies au 31 décembre de l’année, de sorte que toute modification normative intervenue avant cette date est applicable à toutes les décisions et options ainsi qu’à tous les choix antérieurs à cette date alors même que le contribuable, dans l’ignorance de la modification législative postérieure (ici intervenue un 29 décembre…), a pris des décisions en se fondant sur l’état du droit à ce moment précis, donc antérieurement à la date d’adoption ou de publication de la loi. Nous avons à maintes reprises dit notre hostilité intellectuelle à une telle position qui, à notre connaissance, n’a pas d’équivalent en Europe, pour ne rien dire des autres Etats.

Ensuite, est jugé insuffisamment motivé l’argument tiré de ce qu’il ne suffit pas pour le ministre d’invoquer le coût élevé d'un régime fiscal pour que cela constitue un motif d'intérêt général. On ajoutera que de ce coût ledit ministre était conscient lors de l’adoption de la mesure, si celle-ci présentait alors un intérêt général aux yeux du parlement on ne saurait en dire autant du choix contraire.

Difficile dans ces conditions, pour les citoyens, du moins ceux contribuables, d’accorder crédit à un État qui se comporte ainsi et impunément.

(18 septembre 2023, ministre de l’économie, des finances…, n° 471851)

(27) V. aussi, identiques : 18 septembre 2023, ministre de l’économie, des finances…, n° 471927 ; 18 septembre 2023, ministre de l’économie, des finances…, n° 471929.

(28) V. encore, partiellement identique seulement concernant l’invocation de la notion de « bien » au sens de l’art. 1er du premier protocole à la Convention EDH : 18 septembre 2023, ministre de l’économie, des finances…, n° 471928.

 

29 - Cession de parts de capital – Imposition comme plus-values de cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière – Invocation d’un droit à exonération (a quinquies du I de l’art. 219 CGI) – Notion d’immeubles affectés par l'entreprise à sa propre exploitation – Rejet.

La société Bagest a cédé des participations qu'elle détenait dans le capital de trois sociétés en nom collectif. L’administration fiscale a imposé les plus-values à long terme réalisées à cette occasion selon le régime des plus-values de cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière, prévu au a sexies-0 bis) du I de l'article 219 du CGI. La société, estimant que cette plus-value était exonérée sur le fondement du a quinquies du I du même article, a demandé à l'administration la restitution de la cotisation correspondante.

Elle se pourvoit en cassation de l’arrêt d’appel infirmatif qui a rejeté sa demande de restitution.

Le pourvoi est rejeté.

Le Conseil d’État retient que l’exonération invoquée ne concerne que les « immeubles affectés par l'entreprise à sa propre exploitation ». Or par cette expression, le législateur n’a entendu exclusivement que les immeubles servant de moyens permanents d'exploitation, à l'exclusion des immeubles qui sont l'objet même de cette exploitation ou qui constituent des placements en capitaux car dans ces deux derniers cas les sociétés concernées sont à prépondérance immobilière. 

C’est sans erreur de droit ni dénaturation, que la cour administrative d’appel a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, estimé que les trois sociétés en nom collectif (SNC) dans le capital desquelles la contribuable détenait des participations ayant pour seule activité de donner en location nue des locaux construits par elles et constituant les murs d'un centre commercial, il en résulte que les immeubles en cause constituent l'objet même de l'exploitation des SNC et donc que, par voie de conséquence, ces immeubles ne pouvaient être regardés comme affectés à cette exploitation : ils devaient donc être pris en compte pour déterminer si ces sociétés étaient à prépondérance immobilière.

C’est encore sans erreur de droit que la cour a jugé sans incidence sur cette qualification juridique les circonstances, à supposer même qu'elles soient susceptibles de conférer un caractère commercial à la location de ces locaux nus, que les loyers perçus comportaient une part variable indexée sur le chiffre d'affaires des preneurs, que les charges étaient refacturées aux preneurs, que les travaux réalisés par les preneurs dans le cours du contrat faisaient accession aux SNC en fin de bail et que les SNC auraient participé au financement du stationnement gratuit des clients, de certains travaux d'aménagement ainsi que d'opérations de promotion du centre commercial.

(29 septembre 2023, Société Bagest, n° 469788)

 

30 - Taxe sur les surfaces commerciales (loi du 13 juillet 1972) – Notion d’unité locale –Qualification inexacte des faits – Annulation.

Qualifie inexactement les faits le jugement qui pour décider qu’une société ne doit pas être assujettie à la taxe sur les surfaces commerciales, retient que ses locaux ne constituent pas une seule unité locale et, par suite, un seul établissement au sens de la loi du 13 juillet 1972, aux motifs qu'ils sont assujettis séparément à la cotisation foncière des entreprises et que les différents sites commerciaux ne sont pas aménagés pour que leurs clientèles respectives puissent librement circuler de l'un à l'autre sans emprunter la voie publique. En effet, le juge de cassation estime, au contraire, que ces locaux, qui comprennent un hypermarché, une station-service, un commerce de vins au détail et un centre d'entretien automobile exploités par la société contribuable, sont situés au sein de la même zone commerciale sur un groupe de parcelles contiguës ou voisines formant un ensemble intégré d'établissements et doivent être regardés comme formant un ensemble géographiquement cohérent pour l'exercice de l'activité de l'entreprise.

(29 septembre 2023, ministre de l’économie, des finances…, n° 470164)

 

31 - Taxe d’enlèvement des ordures ménagères – Précisions devant être données dans le budget – Taux inchangé – Absence de vote formel obligatoire – Annulation.

Le Conseil d’État apporte dans cette décision l’importante précision que si les dispositions du 1. de l'art. 1636 B undecies du CGI, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 dont elles sont issues, font obligation d’un vote formel de l’assemblée délibérante de la collectivité en cas d’augmentation ou de diminution du taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année considérée, elles n'imposent cependant pas à la collectivité un vote formel annuel sur ce taux lorsque celui-ci est inchangé par rapport à l'année précédente. 

(29 septembre 2023, Société civile immobilière Immorente, n° 473571)

 

32 - Locaux meublés à usage d’habitation – Nature possible d’activité commerciale – Éligibilité au bénéfice de l’exonération des droits de mutation à titre gratuit (art. 787 B CGI) – Annulation.

Le requérant, qui exploite une entreprise individuelle exerçant une activité de loueur en meublé, demande l’annulation de la décision refusant d'abroger les commentaires administratifs publiés au BO des impôts selon lesquels l’activité qu’il exerce est exclue du bénéfice de l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit instituée par l’art. 787 B du CGI, cette activité étant sans caractère commercial.

Pour accueillir cette demande, le juge rappelle tout d’abord que le fait de donner habituellement en location des locaux d'habitation garnis de meubles ne saurait être systématiquement regardé, pour l'application de la loi fiscale, comme une activité civile dépourvue de caractère commercial. Ensuite, et plus audacieusement, il indique que si le législateur a précisé que, pour l'application des dispositions relatives à l'impôt sur la fortune immobilière, comme du reste pour d'autres régimes fiscaux, une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier n'est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, aucune disposition de portée similaire ne permet, en revanche, de dénier de manière générale à la location de locaux meublés à usage d'habitation le caractère d'activité commerciale au sens des art. 787 B et 787 C du CGI.

(29 septembre 2023, M. B., n° 473972)

 

Droit public de l'économie - Énergie – Régulation

 

33 - Autorité de régulation des transports (ART) – Avis - Expression publique d’une opinion négative sur un avenant au cahier des charges d’une concession d’autoroutes – Absence d’effets notables – Rejet.

A la suite de la conclusion d’un nouvel avenant à la convention passée entre l'État et la société Autoroute du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes et au cahier des charges annexé à cette convention, par son avis du 15 novembre 2022, l'Autorité de régulation des transports (ART) a, d'une part, estimé que cet avenant et le décret l'approuvant étaient illégaux faute qu'ait été recueilli au préalable son avis, en application de l'art. L. 122-8 du code de la voirie routière et, d'autre part, exprimé des doutes sur la légalité de certaines stipulations de cet avenant.

L'ART ayant publié cet avis sur son site internet, diffusé un communiqué de presse s'y rapportant, également publié sur son site internet, et l'ayant commenté sur plusieurs réseaux sociaux, la société ASF en demande l'annulation. 

Sa requête est rejetée en raison de l’absence d’effets notables de ces différentes formes de l’intervention de l’ART (sur la théorie des effets notables, cf. Section, 12 juin 2020, GISTI, n° 418142).

Le juge relève d’abord que la position prise par l'ART sur la portée exacte de l'obligation, faite au Gouvernement, de la consulter, en vertu de l'article L. 122-8, ne peut être regardée comme ayant par elle-même un effet notable sur l'autorité chargée de mettre en œuvre les dispositions de cet article. Il relève ensuite que si la requérante soutient que l'avis rendu sur l’avenant litigieux en ce qu'il conclut à l'illégalité de cet avenant en raison de l'absence de consultation de l'ART et à l'existence de doutes sérieux sur la légalité de certaines de ses stipulations emporterait des effets notables, en particulier en ce qu'il affecterait sa situation ou celle d'autres sociétés concessionnaires d'autoroutes, elle ne produit à l'appui de ces allégations que des articles de presse faisant état de la position de l'ART, ne fournissant notamment aucun élément sur la dégradation actuelle ou probable de sa situation financière. La seule circonstance qu'un recours contentieux ait été introduit contre le décret et cet avenant est insusceptible à elle seule de constituer un effet notable.

Par suite, les conclusions de la requête tendant à l'annulation de cet avis sont irrecevables. 

(27 septembre 2023, Société Autoroute du Sud de la France (ASF), n° 470331)

 

Droit social et action sociale – Sécurité sociale

 

34 - Droit au logement opposable – Action des propriétaires dont le bien est occupé – Demande de mise en demeure de libération des lieux – Absence de convocation des propriétaires à l’audience – Rejet et invitation à former tierce opposition.

Les demandeurs qui, dans le cadre d’un litige relatif à la mise en demeure adressée aux occupants de lieux leur appartenant, de les quitter, n’ont été ni appelés ni présents à l'instance ayant abouti à l'ordonnance qu'ils attaquent, ne sont pas recevables à la contester par la voie de l'appel, n'ayant pas eu la qualité de partie au cours de l’instance.

Le juge d’appel les invite, s'ils s'y croient fondés, à saisir le juge des référés du tribunal administratif sur le fondement de l'art. L. 521-4 du CJA qui permet à toute personne intéressée de demander à tout moment au juge des référés de modifier les mesures qu’il a ordonnées ou d'y mettre fin ou en formant, sur le fondement de l'art. R. 832-1 de ce code, une tierce opposition, voie ouverte à toute personne qui n'a été ni présente ni représentée dans l'instance ayant abouti à une décision qui préjudicie à ses droits.

(ord. réf. 13 septembre 2023, M. et Mme H., n° 488090)

 

35 - Dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse – Demande d’attribution d’un logement d’urgence – Refus de signer le « contrat d’hébergement » - Demandeurs s’étant mis en état d’être dépourvus d’hébergement – Rejet.

Les demandeurs, la femme étant enceinte de quatre mois et le couple étant accompagné de deux enfants mineurs, recherchaient l’attribution d’un logement d’urgence et ont, à cet effet, saisi le juge des référés du Conseil d’État d’un appel dirigé contre l’ordonnance de rejet de leur demande.

Le juge constate tout d’abord que la situation actuelle des demandeurs n’est que la conséquence de leur refus de signer le « contrat d’hébergement » qui rappelle le règlement intérieur de l’hôtel les accueillant. Si les requérants font valoir en appel que ce document n'était pas rédigé dans une langue qu'ils pouvaient comprendre, il ressort des pièces du dossier qu’ils ont bénéficié des explications de personnes travaillant dans l'hôtel sur le sens et la portée de ce « contrat » ainsi que sur les conséquences de leur absence de signature de ce document. 

Il rappelle ensuite que, saisi d’un référé liberté, il ne peut, compte tenu du cadre temporel dans lequel il se prononce, ordonner que des mesures utiles en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a déjà prises, par suite les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, et eu égard à son office, le juge des référés du tribunal administratif a jugé qu'aucune carence de l'État ne peut être caractérisée en l'espèce.

(ord. réf. 14 septembre 2023, Mme D. et M. C., n° 488118)

(36) V. aussi, dans le même domaine, la décision confirmant l’ordonnance du premier juge estimant que la difficulté invoquée par un département à gérer en un temps raisonnable les demandes d’hébergement dont il est saisi, mettant ainsi les demandeurs dans une situation de grave précarité, résulte notamment des procédures qu’il a mises en place et qui, simplifiées, accéléreraient le délai d’examen des demandes : ord. réf. 29 septembre 2023, département d’Ille-et-Vilaine, n° 488099.

 

Élections et financement de la vie politique – Transparence et déontologie de la vie publique

 

37 - Compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’État – Décisions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – Décision non prise au titre de la mission de contrôle et de régulation de la Haute Autorité – Rejet.

(21 septembre 2023, M. B. et M. D., n° 469866)

V. n° 13

 

38 - Circulaire du ministre de l’intérieur relative à l’attribution des nuances aux candidats aux élections sénatoriales de septembre 2023 – Incompétence du ministre de l’intérieur – Méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats - Atteinte à la sincérité du scrutin - Rejet.

La formation politique requérante demandait en référé la suspension de la circulaire par laquelle le ministre de l’intérieur, pour la préparation et le déroulement des opérations électorales et en vue de la mise en œuvre des deux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés « Application élection » et « Répertoire national des élus » régis par les dispositions du décret du décret du 9 décembre 2014, a établi une grille des nuances politiques destinée à permettre l'agrégation des résultats des élections.

Sa demande est rejetée, aucun des griefs développés n’étant retenu par le juge.

Concernant l’incompétence alléguée du ministre de l’intérieur, le juge rappelle le pouvoir d’organisation des services dont celui-ci dispose en vertu de la jurisprudence Jamart (1936) et qui lui permet notamment de prévoir, à l’occasion des élections sénatoriales de septembre 2023, l'attribution de nuances politiques aux candidats à ces élections, sur la base de deux grilles, une grille de 21 nuances pour les candidats et une grille de 22 nuances pour les listes. Ces nuances sont regroupées en six blocs destinés à agréger les résultats des différentes nuances, dénommés « extrême gauche », « gauche », « autres », « centre », « droite », « extrême droite ». 

Concernant les griefs, adressés à cette circulaire, de méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et entre les candidats, d’atteinte à la sincérité du scrutin, de détournement de pouvoir et d'erreur manifeste d'appréciation en raison du rattachement de la nuance politique « Rassemblement National » au bloc « extrême droite », le juge les rejette car en l’état de l'instruction, aucun de ces moyens n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la circulaire contestée.

(ord. réf. 21 septembre 2023, Association Rassemblement national, n° 488379)

 

État-civil et nationalité

 

39 - Déclaration d’acquisition de la nationalité française à raison du mariage – Opposition à cette acquisition pour indignité – Absence d’urgence et de préjudice grave et immédiat – Rejet de la demande en référé suspension.

Le requérant, congolais époux d’une française et résidant lui-même en France, demande la suspension du décret primo-ministériel s’opposant, pour indignité, à ce qu’il acquière la nationalité française du fait de son mariage.

Pour justifier de l’urgence à suspendre ce décret, l’intéressé invoque d’une part, qu’il serait de ce fait en état d’apatridie et d’autre part qu’il serait empêché de se rendre en Angola, pour rendre visite à sa fille de 12 ans, orpheline de mère depuis 2015, qui se trouverait sans hébergement pérenne, en situation de détresse affective et matérielle et souffrirait de troubles respiratoires, et, également, de faire venir celle-ci en France dans les meilleurs délais.

La demande est rejetée car il n’est pas démontré que le requérant ne puisse pas se rendre en Angola, ni, non plus, qu’il ne possèderait plus la nationalité congolaise et enfin car il lui est toujours possible de faire venir sa fille en France au titre du regroupement familial.

(ord. réf. 18 septembre 2023, M. B., n° 487622)

 

40 - Déchéance de la nationalité française – Motifs – Indifférence du comportement de l’intéressé postérieurement au prononcé de cette déchéance – Rejet.

Est légalement justifiée en l’espèce la sanction de déchéance de la nationalité française, qui a notamment pour effet de priver l'intéressé de ses droits civils et politiques en France, eu égard à la nature et à la gravité des faits commis par le requérant qui ont conduit à sa condamnation pénale sans que le comportement de l'intéressé postérieur à ces faits permette de remettre en cause cette appréciation.

(27 septembre 2023, M. B., n° 471515)

(41) V. aussi, adoptant la même motivation s’agissant d’un individu qui a été condamné à une peine de sept ans d'emprisonnement assortie d'une période de sûreté des deux tiers pour des faits qualifiés de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, notamment en participant au recrutement, à l'endoctrinement et au départ en Syrie de plusieurs personnes issues de l'agglomération orléanaise ayant rejoint les rangs de l'organisation terroriste Jaysh B. et en ayant eu en mars et avril 2014 plusieurs contacts téléphoniques avec ces individus où il a explicitement énoncé sa volonté de les rejoindre sur le théâtre d’opérations syrien, projet qu'il a plusieurs fois reconnu par la suite : 27 septembre 2023, M. A., n° 471588.

 

42 - Demande de rectifications d’identité - Incompétence du juge administratif – Rejet.

Est irrecevable comme portée devant une juridiction incompétente pour connaître la demande en rectification d’identité formée par la requérante pour elle-même et son frère, en France et au Congo, et pour ses père et mère en France. Les litiges d’état-civil relèvent, sauf exceptions très limitées, de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

(ord. réf. 26 septembre 2023, Mme B., n° 488382)

(43) V. aussi, la solution identique à la précédente et pour le même motif, à l’occasion d’une demande en référé liberté tendant à voir le requérant être « retiré de la catégorie des majeurs protégés » : ord. réf. 26 septembre 2023, M. A., n° 488415.

 

Étrangers

 

44 - Demande de carte de séjour temporaire – Fabrication du titre non effectuée par erreur – Invocation d’une atteinte à la liberté d’aller et venir – Absence de situation d’urgence née de l’atteinte à une liberté fondamentale – Rejet.

La requérante, ressortissante russe, a obtenu le 28 juillet 2022 une attestation de décision favorable au renouvellement de sa carte de séjour temporaire mention « visiteur », pour la période du 29 juillet 2022 au 28 juillet 2023, indiquant qu’elle était alors en cours de fabrication.

Ayant appris que la fabrication de son titre de séjour n'avait pas été lancée, l’intéressée a saisi, en vain, le juge du référé liberté d'une demande d’injonction au préfet de police de Paris de lancer, dans un délai de quarante-huit heures, la fabrication de sa carte de séjour temporaire, mention « visiteur », valable du 29 juillet 2022 au 28 juillet 2023, afin notamment de lui permettre de demander un nouveau titre de séjour. Elle interjette appel de cette ordonnance de rejet, par les mêmes moyens que ceux soulevés en première instance, fondés sur ce qu'en l’absence de fabrication de sa carte de séjour temporaire, il serait porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir.

Relevant qu’en appel, la requérante n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge car elle « ne justifie pas d'une situation d'urgence particulière impliquant qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans un délai de quarante-huit heures », le juge rejette son appel.

Toutefois, le juge invite la demanderesse à saisir, si elle s'y croit fondée, le juge du référé « mesures utiles » (cf. art. L. 521-3 CJA) dont le champ de compétences et les pouvoirs sont, en effet, plus appropriés au contenu de cette requête.

(ord. réf. 05 septembre 2023, Mme B., n° 487617)

 

45 - Ressortissant marocain concubin d’une française et père de quatre enfants français – Menace grave pour l’ordre public – Expulsion – Atteinte grave à sa situation personnelle et familiale – Grave dangerosité de l’intéressé – Rejet.

Un ressortissant marocain, entré en France à l’âge de treize ans, époux d’une française, père de quatre enfants français, dont les parents et les frères et sœurs sont français, a fait l’objet d’une mesure d’expulsion en raison de multiples infractions et d’un comportement dangereux au point que sa présence en France constituait une menace grave pour l'ordre public, de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État ou liés à des activités à caractère terroriste..

Il interjette appel de l’ordonnance qui a rejeté son recours contre l’arrêté d’expulsion pris à son encontre par le ministre de l’intérieur.

Son recours soulève deux questions distinctes : la mesure d’expulsion est-elle justifiée ? à supposer cette mesure justifiée, ne porte-t-elle pas une atteinte excessive à la vie personnelle et familiale de l’intéressé au regard des éléments susindiqués ?

Le juge du Conseil d’État répond par la négative à chacune d’elles.

Sur le premier point, le juge retient, pour estimer justifiée et proportionnée la décision d’expulsion vers le Maroc, que l’intéressé a été condamné à de multiples reprises à compter de 2014 pour des faits d'usage de stupéfiants, de vol, de recel, de violences ou menaces sur personne dépositaire de l'autorité publique et d'escroquerie, qu’il a, au cours de son incarcération, entre 2019 et 2021, proféré à plusieurs reprises des menaces explicites de mort, en particulier par égorgement, à l'encontre du personnel pénitentiaire voire de membres de leur famille, au nom de l'islam, appelé au djihad et menacé de commettre des attentats terroristes, et qu'il a été condamné à ce titre, notamment pour apologie publique du terrorisme, à des peines de deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire de deux ans et de douze mois d'emprisonnement. Il a, par ailleurs, manifesté un comportement prosélyte en prison et des supports de propagande terroriste et des ouvrages de promotion du djihadisme et du salafisme ont respectivement été retrouvés à son domicile et dans sa cellule. C’est donc à bon droit que le premier juge a rejeté sa demande de référé tendant à la suspension de la mesure d’expulsion et à la restitution de son titre de séjour, cela alors même que le requérant n'apparaît pas engagé dans la conception effective d'une opération à caractère terroriste car un tel risque semble   sérieux compte tenu de la gravité et de la récurrence des menaces et violences dont il est l'auteur, en lien avec l'idéologie djihadiste, de la fragilité psychologique qu'il présente et de l'absence de garanties sérieuses de réinsertion professionnelle et sociale, en dépit de la promesse d'embauche qu'il évoque.

Sur le second point, le juge reconnaît que cette expulsion, d’une part, porte une atteinte particulièrement grave à la situation personnelle et familiale du requérant compte tenu de l'ancienneté et de la durée de son séjour en France ainsi que des liens effectifs et affectifs avec les personnes mentionnées plus haut, d’autre part, est susceptible d'affecter de façon suffisamment directe et certaine la situation de ses enfants mineurs.

Toutefois, comme le premier juge, le juge d’appel relève d’abord que ses enfants sont en réalité à la charge effective de leur mère depuis plusieurs années en raison de son incarcération et qu’ils ne sont pas empêchés de rendre visite à leur père au Maroc.

Ensuite et surtout, le juge retient que le requérant, qui a fait l'objet, entre 2014 et 2022, de douze condamnations pour plusieurs dizaines d'infractions, pour un quantum total des peines prononcées de sept ans, ainsi que de dix-sept procédures disciplinaires au sein des établissements pénitentiaires où il a purgé ses peines, eu égard à son comportement, à la gravité de la menace qu'il représente compte tenu de son profil radicalisé et de sa « dangerosité psychiatrique » décrite par un expert psychiatre ainsi qu'à ses faibles perspectives de réinsertion professionnelle en dépit des démarches qu'il a engagées, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif a estimé que les arrêtés litigieux ne constituaient pas une ingérence manifestement illégale dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention EDH ni une violation manifeste du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990. 

(ord. réf. 13 septembre 2023, M. B., n° 488045)

 

Fonction publique et agents publics – Agents des services publics

 

46 - Détenu employé dans un centre pénitentiaire- Mutation d’un emploi à un autre – Absence de « déclassement d’emploi » - Qualification juridique des faits – Mesure d’ordre intérieur – Rejet.

Le demandeur, qui exerçait en sa qualité de détenu les fonctions de bibliothécaire dans un bâtiment pénitentiaire, a été muté sur décision du directeur du centre pénitentiaire sur un emploi d'auxiliaire aux ateliers du service général dans son nouveau bâtiment de détention. Estimant avoir été l’objet d’un « déclassement d’emploi », il a, après avoir demandé en vain à être réaffecté dans son ancien emploi, saisi le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir dirigé à la fois contre la décision de mutation et contre le rejet de son recours gracieux à fin de réintégration dans son précédent emploi.

Il se pourvoit en cassation de l’arrêt d’appel confirmant le jugement de rejet de ses demandes.

Fidèle à sa jurisprudence antérieure, le Conseil d’État réitère en premier lieu que : « Le travail auquel les détenus peuvent prétendre constitue pour eux non seulement une source de revenus mais encore un mode de meilleure insertion dans la vie collective de l'établissement, tout en leur permettant de faire valoir des capacités de réinsertion. Ainsi, eu égard à sa nature et à l'importance de ses effets sur la situation des détenus, une décision de « déclassement d'emploi » au sens des (art. D. 432, D. 432-2 et D. 432-3) du code de procédure pénale, c'est-à-dire mettant fin à l'affectation sur un emploi, constitue un acte administratif susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. »

Il indique également, en second lieu, qu’il en va autrement des refus opposés à une demande d'affectation sur un emploi ainsi que des mesures portant affectation sur un emploi ou changement d'affectation d'un emploi sur un autre emploi, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus, celles-ci ne constituant que des mesures d’ordre intérieur. 

Concernant les faits de l’espèce, le Conseil d’État considère que la cour n’a pas commis d’erreur dans la qualification juridique des faits en jugeant, dans le cadre de son appréciation souveraine :

- d’une part, que du fait du transfert de l’intéressé d’un bâtiment pénitentiaire à un autre, sa réaffectation d’un emploi de bibliothécaire dans le premier bâtiment à un emploi d'auxiliaire aux ateliers du service général dans son nouveau bâtiment de détention, n’a pas constitué, au sens de l’art. D. 432-4 du de de procédure pénale, un « déclassement » de l’emploi occupé antérieurement mais simplement une décision d’affectation sur un emploi ;

- d’autre part, que dès lors que les différences de conditions de rémunération et de travail existant entre l'emploi de bibliothécaire dans un bâtiment et l'emploi d'auxiliaire aux ateliers du service général d’un autre bâtiment n'avaient pas aggravé les conditions de détention du requérant, la décision de reclassement prise par le directeur du centre pénitentiaire n'avait pas affecté les droits et libertés du requérant et qu'elle avait ainsi le caractère d'une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours. 

On peut trouver cette solution par trop latitudinaire envers l’administration pénitentiaire.

(21 septembre 2023, M. B., n° 468441)

 

Libertés fondamentales

 

47 - Enceintes d’établissements scolaires - Interdiction du port de certaines tenues vestimentaires – Insignes, habits ou comportements manifestant de manière ostentatoire l’appartenance à une religion – Atteinte à la laïcité – Rejet.

Statuant en référé en formation collégiale, le Conseil d’État rejette la très médiatisée demande de suspension d’exécution, au visa de l’art. L. 521-2 du CJA, de la décision du 27 août 2023 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse portant interdiction du port de l'abaya, y compris le port du qamis, dans l'enceinte des écoles, collèges et lycées publics, telle que confirmée par la décision du 31 août 2023 et par une lettre aux parents d'élèves du même jour.

Selon une constante de sa jurisprudence, le juge rappelle que si l’exigence de laïcité dans les enceintes scolaires peut s’accommoder du port par l’ensemble des membres de la communauté éducative de signes discrets d’appartenance religieuse, il n’en va pas de même du port, comme en l’espèce, de vêtements ou de l’adoption de comportements constituant une manifestation ostensible de l'appartenance religieuse des élèves concernés.

Dès lors, il ne saurait être soutenu que la décision querellée porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée, à la liberté de culte, au droit à l'éducation et au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant ou au principe de non-discrimination. 

La requête est rejetée sans examen de la condition d’urgence.

(ord. réf. format. collégiale, 07 septembre 2023, Association Action droits des musulmans, n° 487891)

(48) V. aussi, identique et rendu par la même formation : ord. réf. format. collégiale, 25 septembre 2023, Associations La voix lycéenne et Le poing levé, n° 487891 ; Syndicat SUD Éducation, n° 487975, jonction.

 

49 - Demandeur d’asile – Conditions matérielles d’accueil – Refus d’étendre le bénéfice de ces conditions à une personne n’étant pas elle-même demandeur d’asile – Rejet.

Le CESEDA (art. L. 551-8) a prévu, en application d’une directive de l’Union, que soient prises des mesures prévues garantissant aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande.

Le juge rappelle que si la privation du bénéfice de ces mesures est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile, le juge des référés, saisi d’un référé liberté (art. L. 551-2 CJA)  ne peut faire usage de ses pouvoirs d’injonction à l'administration que dans le cas où, d'une part, le comportement de celle-ci fait apparaître une méconnaissance manifeste des exigences qui découlent du droit d'asile et où, d'autre part, il résulte de ce comportement des conséquences graves pour le demandeur d'asile, compte tenu notamment de son âge, de son état de santé ou de sa situation familiale.

En l’espèce, le premier juge a enjoint l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) d’attribuer à la requérante et à ses deux filles âgées d’un mois un hébergement pour demandeurs d'asile mais il a refusé d'étendre ce bénéfice à M. E., requérant, père des deux filles de la requérante car il n'était pas lui-même demandeur d'asile.

Les requérants demandaient au Conseil d’État, ici juge d’appel, d’annuler l’ordonnance attaquée en faisant valoir que M. E. est le père des deux enfants de Mme C. et qu'il fait ainsi partie du foyer familial.

Il est jugé que l’intéressé, qui n’invoque aucune circonstance particulière propre à la situation personnelle et familiale de Mme C. et de ses filles de nature à établir la nécessité qu'il soit hébergé avec elles, n’est pas fondé à soutenir que l'absence de proposition d'un hébergement pour lui-même, dont il n'est pas contesté qu'il n'a pas formé de demande d'asile, porterait une atteinte manifestement illégale au droit d'asile de Mme C.

Par suite, l’appel dirigé contre l'ordonnance attaquée est rejeté.  

(ord. réf. 11 septembre 2023, Mme C. et M. E., n° 487930)

(50) V. aussi, estimant qu’il n’existe aucune urgence particulière à accorder un hébergement pérenne et un soutien matériel à une ressortissante étrangère dont la demande d’asile a été rejetée car si elle est accompagnée de trois enfants en bas âge, elle est actuellement accueillie en centre d'hébergement d'urgence et bénéficie d'une aide mensuelle pour l'achat de produits de première nécessité pour elle et ses enfants : ord. réf. 18 septembre 2023, Mme B., n° 488101.

 

51 - Demandeur d’asile – Allocation des conditions matérielles d’accueil (art. L. 551-8 CESEDA) – Versement à titre rétroactif de cette allocation – Impossibilité pour le juge du référé liberté – Rejet.

Dans une affaire un peu complexe relative à une demande de rétablissement rétroactif des conditions matérielles d’accueil, le juge du référé liberté rappelle que si, saisi afin de faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile qui pourrait résulter d'une privation des conditions matérielles d'accueil d’un demandeur d’asile, il peut enjoindre à l'administration de les rétablir, et en particulier de reprendre le versement de l'allocation mentionnée à l'art. L. 551-8 du CESEDA, il ne lui appartient pas, en principe, d'enjoindre le versement de cette allocation à titre rétroactif pour une période écoulée.

Il tire de là cette conséquence procédurale que les requérants  ne sont pas fondés à soutenir que le fait pour l'Office français de  l’immigration et de l’intégration (OFII) de leur avoir versé l'allocation litigieuse à compter de la notification de l'ordonnance du 18 février 2023 par laquelle juge des référés du tribunal administratif de Paris de leur accorder cette allocation, et non à titre rétroactif pour la période écoulée entre le dépôt de la demande d'asile de leur fille et cette date, caractériserait une inexécution de l'injonction prononcée par ce juge et réformée par le juge des référés du Conseil d'État.

(ord. réf. 18 septembre 2023, Mme A. et M. C., n° 487814)

 

52 - Réfugié – Agissements contraires aux buts et principes des Nations-Unies – Comportements assimilables à de tels agissements – Perte du statut de réfugié – Annulation.

Un ressortissant turc d’origine kurde s’est vu privé de la qualité de réfugié par l’OFPRA suite à sa condamnation pénale, par arrêt irrévocable, pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste et de financement d'entreprise terroriste.

Sur recours de l’intéressé, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), jugeant qu'il n'existait aucune raison sérieuse de penser qu'une part de responsabilité dans des agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies pouvait être imputée à celui-ci, tout en reconnaissant le soutien qu’il a apporté aux activités opérationnelles d'un groupe armé en Turquie, dont elle a reconnu la dimension internationale de l'action, a annulé la décision de l’OFPRA. Celui-ci se pourvoit en cassation de cet arrêt.

Le Conseil d’État accueille le pourvoi au motif que la Cour a inexactement qualifié les faits.

Pour cela le juge administratif suprême pose en principe que « Les actes terroristes ayant une ampleur internationale en termes de gravité, d'impact international et d'implications pour la paix et la sécurité internationales peuvent être assimilés à des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies au sens du c du F de l'article 1er de la convention de Genève. Il en va ainsi des actions de soutien à une organisation qui commet, prépare ou incite à la commission de tels actes, notamment en participant de manière significative à son financement. » 

Cette solution, même si elle n’est pas sans précédent, est importante en ce qu’elle crée ainsi, en quelque sorte, une catégorie « d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies » par assimilation.

Le juge retient, pour fonder cette assimilation en l’espèce, que l’intéressé :

- a été condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste et financement d'entreprise terroriste résultant de ce qu’il a personnellement et sciemment participé à la collecte de fonds en France au profit du parti révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), organisation kurde d'inspiration marxiste-léniniste ayant commis de nombreux actes terroristes et figurant sur la liste officielle des organisations terroristes de l'Union européenne, participant ainsi de manière significative à son financement, dans le cadre de l'association culturelle de solidarité Anatolie Paris (ACSAP) qui en est une émanation, qu'il a fréquentée à compter de 2007, dont il ne s'est jamais désolidarisé et dont il a temporairement exercé les fonctions de trésorier, en lien étroit et permanent avec d'autres membres de l'ACSAP également condamnés pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste.

- que ses déclarations selon lesquelles il ignorait les liens entre l'ACSAP et le DHKP-C et la destination réelle des fonds collectés étaient, selon l’arrêt de condamnation, « dépourvues de toute vraisemblance eu égard à son parcours militant de longue date ».

C’est pourquoi la décision de la CNDA est cassée car elle ne pouvait juger, - après avoir relevé les éléments précités et alors qu' il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que lors d'une perquisition réalisée au cours de l'enquête pénale, des documents personnels appartenant aux dirigeants de l'ACSAP, en particulier à son président, ont été retrouvés au domicile de l’intéressé, attestant de sa proximité avec eux -, qu'il n'existait aucune raison sérieuse de penser qu'une part de responsabilité dans des agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies pouvait être lui être imputée, tout en reconnaissant le soutien apporté par l'intéressé aux activités opérationnelles d'un groupe armé en Turquie, dont elle a reconnu la dimension internationale de l'action.

Nous aurions été davantage enclin à prononcer une annulation pour dénaturation des pièces du dossier.

(21 septembre 2023, Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), n° 463489)

 

53 - Établissements pénitentiaires – Droits fondamentaux des détenus – Office du juge du référé liberté – Rejet.

Les organisations requérantes ont demandé au juge du référé liberté d’ordonner un certain nombre de mesures pour obvier à la situation existant au centre pénitentiaire de Perpignan portant une atteinte grave et manifestement illégale aux droits garantis par les art. 2, 3 et 8 de la Convention EDH ainsi qu'à la dignité des détenus, spécialement s’agissant des conditions matérielles de détention dans les cellules du centre pénitentiaire, du maintien des liens personnels et familiaux des personnes détenues ainsi que des fouilles intégrales.

Elles se pourvoient en cassation de l’ordonnance du premier juge en ce qu’elle n’a que partiellement fait droit à leurs demandes.

Le recours est rejeté après un rappel de la jurisprudence fermement établie en la matière.

En premier lieu, il est indiqué, une nouvelle fois, d’une part, qu’eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis-à-vis de l'administration, il appartient à celle-ci de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les art. 2 et 3 de la Convention EDH et, d’autre part, qu’en cas de carence de l'autorité publique créant un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou risquant de les exposer à un traitement inhumain ou dégradant, le juge doit intervenir en prenant toute mesure appropriée, pour autant que la situation permette de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures.

En deuxième lieu, il est aussi rappelé que si ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l'art. L. 521-2 du CJA, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son autorité lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Ces importants pouvoirs ainsi reconnus au juge du référé liberté ne sont pas sans limite, en particulier ce juge ne peut ordonner que celles des mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale.

En troisième lieu, et cet aspect de l’ordonnance est le plus original et assez innovant exprimé ainsi, le juge des référés peut, eu égard à son office, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s'imposent et qui peuvent également être très rapidement mises en œuvre à condition que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires.

Rappelant enfin, que le juge des référés ne saurait ordonner des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en œuvre à très bref délai, le juge du Conseil d’État confirme en tous points l’ordonnance attaquée.

(ord. réf. 21 septembre 2023, Section française de l'Observatoire international des prisons (OIP-SF) et Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), n° 488135)

 

54 - Enfant né sans vie – Décision de crémation prise par le centre hospitalier – Non-respect de l’obligation d’informer les parents et de respecter un certain délai – Comportement fautif – Annulation sans renvoi.

L’affaire est dramatique et n’est pas loin du scandale.

La requérante a accouché d'un enfant sans vie dont la crémation a été organisée six jours plus tard par le centre hospitalier où a eu lieu l’accouchement. Elle a demandé la réparation du préjudice moral qu'elle estimait avoir subi du fait de la faute commise par le centre hospitalier d'une part, pour ne pas l'avoir informée du délai dont elle disposait pour réclamer le corps de son enfant afin de procéder elle-même à ses obsèques et, d'autre part, pour avoir procédé à sa crémation avant l'expiration de ce délai. Elle a attaqué le silence gardé par l'administration sur sa demande. Son recours a été rejeté en première instance et en appel, motif pris de ce que Mme B. et son conjoint avaient donné leur accord pour que le centre hospitalier prenne en charge le corps de l'enfant et, d'autre part, qu'aucun texte ne prévoyait l'obligation de leur délivrer une information sur la procédure.

Sur pourvoi de la mère le Conseil d’État est à la cassation.

Au visa du III de l’art. R. 1112-76 du code de la santé publique, le juge de cassation rappelle que les parents d'un enfant pouvant être déclaré sans vie à l'état civil disposent d'un délai de dix jours, pour faire le choix de réclamer le corps de cet enfant.

De là il déduit, et c’est évidemment l’apport essentiel de la décision, que l'établissement de santé est tenu, d'une part, de conserver le corps de l'enfant pendant la totalité de cette durée, y compris lorsque le père et la mère ont exprimé avant son terme leur accord pour confier au centre hospitalier le soin de procéder aux opérations funéraires. Il lui appartient, d'autre part, de délivrer aux parents une information complète et appropriée leur permettant d'exercer dans le délai qui leur est imparti le choix qui leur appartient.

C’est pourquoi, il incombe à cet établissement de porter à leur connaissance l'existence de ce délai et les conditions dans lesquelles le corps sera pris en charge s'ils ne le réclament pas. 

En l’espèce, est jugé, bien évidemment, fautive la décision du centre hospitalier de procéder à la crémation avant l’expiration du délai de dix jours sans que puisse faire échec à cette responsabilité la circonstance que les parents ont signé, lors de leur sortie de la maternité le lendemain de l'accouchement, un formulaire qui ferait apparaître, selon le centre hospitalier, leur intention de lui confier le soin de procéder aux opérations funéraires. Ce délai ne saurait être modelé dans sa durée à la convenance de ceux chargés de l’appliquer et donc de le respecter.

Pour finir, comment peut-on penser que des parents qui viennent d’apprendre que leur enfant est venu au monde sans vie, ne soient pas traumatisés, déboussolés et portés à exprimer sous le coup de l’émotion et dans la douleur des avis peu réfléchis ? C’est à cela que tente de pallier l’instauration d’un délai de réflexion et de deuil de dix jours. Raison pour quoi il est impératif de le respecter.

(29 septembre 2023, Mme B., n° 468220)

 

Police

 

55 - Police des spectacles – Interdiction d’un spectacle – Résiliation antécédente du contrat de location de la salle prévue pour ce spectacle – Défaut de l’urgence particulière à l’art. L. 521-2 CJA – Rejet.

Le préfet de police de Paris a interdit le 6 septembre 2023 la tenue d’un spectacle de MM. Dieudonné et Lalanne devant se dérouler au Zénith de Paris-La Villette le 14 septembre. Les intéressés ont saisi le juge administratif d’un référé liberté qui a été rejeté en première instance ; ils interjettent appel de ce rejet.

On sait que le juge de ce référé a une conception étroite de la notion d’urgence qui n’est pas celle commune mais une exigence propre à ce référé puisqu’il s’agit de justifier qu’il faut avoir statué sous 48h en raison de la nécessité qu’interviennent des mesures effectives et efficaces dans ce même délai.

Pour rejeter la requête pour défaut de l’urgence propre au référé liberté, le juge relève que, par un courrier du 6 septembre 2023 adressé à la société productrice de ce spectacle, la société Zénith de Paris a résilié avec effet immédiat le contrat la liant à la société productrice du spectacle en vue de la location de la salle du Zénith de Paris - La Villette le 14 septembre 2023, au motif du non-respect de plusieurs obligations contractuelles, et a en conséquence publié sur son site internet la mention de l'annulation du spectacle.

Le litige en matière contractuelle, distinct de celui dont le juge administratif des référés était saisi en l’espèce, à savoir la contestation d’une décision de résiliation d’un contrat de droit privé, relève de la compétence du juge judiciaire, plus précisément du tribunal de commerce. Si les requérants prétendent avoir assigné la société productrice en référé d'heure à heure devant ce tribunal, il est constant qu’il n’a pas encore rendu de décision au moment où est rendue la présente ordonnance.  Dès lors, le spectacle ne peut pas se tenir du fait de la résiliation du contrat de location quelle que soit ou que puisse être la décision du juge à l’égard de l’arrêté préfectoral litigieux.

Dans ces circonstances très particulières, il est certain que le juge administratif est dans l’impossibilité d’intervenir dans le litige né de la résiliation contractuelle.

C’est à bon droit que le premier juge a estimé que la condition d'urgence particulière requise par l'art. L. 521-2 du code de justice administrative n'était pas remplie en l’espèce.

(ord. réf. 12 septembre 2023, M. Lalanne et M. Dieudonné, n° et M. Dieudonné, n° 488195)

 

56 - Pertes de points d’un permis de conduire – Solde nul – Reconstitution postérieure de points de points – Solde non négatif – Illégalité de la décision constatant l’invalidité du permis – Réattribution de points et du permis de conduire – Annulation du jugement contraire pour erreur de droit.

Rappel que le juge administratif, saisi d'une contestation portant sur un retrait de points du permis de conduire, lequel constitue une sanction que l'administration inflige à un administré, se prononce sur cette contestation comme juge de plein contentieux et qu’il en va de même lorsqu’il est saisi d'un recours contre une décision constatant la perte de validité d'un permis de conduire pour solde de points nul.

De là s’ensuit cette conséquence que dans le cas où il apparaît que le solde des points était nul à la date à laquelle intervient la décision constatant la perte de validité du permis, quelle que soit la date à laquelle elle a été portée à la connaissance de l'intéressé (sur ce point, voir : Section, Avis, 20 juin 1997, M. Fety et autres, n° 185323 et suivants), et faute pour l'administration de l'avoir rendue opposable en la notifiant à l'intéressé, celui-ci a pu ultérieurement remplir les conditions pour bénéficier d'une reconstitution totale ou partielle de son capital de points.

Il appartient en cette hypothèse au juge de prononcer l'annulation de la décision administrative et d’ordonner le rétablissement du permis. 

Les automobilistes doivent profiter de cette bonne nouvelle car elles sont rares en cette matière.

(29 septembre 2023, M. B., n° 461479)

(57) V. aussi, très voisin : 29 septembre 2023, M. A., n° 465756.

 

58 - Permis de conduire et handicap – Dispositions relatives à l’obtention, au renouvellement ou au maintien du permis de conduire pour les personnes porteuses de certains handicaps – Rejet.

Les organisations requérantes demandaient l’annulation de l'arrêté du 28 mars 2022 fixant la liste des affections médicales incompatibles ou compatibles avec ou sans aménagements ou restrictions pour l'obtention, le renouvellement ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance du permis de conduire de durée de validité limitée.

Le recours est rejeté en tous ses chefs d’argumentation.

Cet arrêté est jugé n’être pas contraire aux stipulations du paragraphe 3 de l'art. 4 et de l'art. 20 de la convention de New York du 30 mars 2007 relative aux droits des personnes handicapées, ni à celles de l’art. 15 de la charte sociale européenne, révisée, du 3 mai 1996, l’une et l’autre étant ininvocables à l’encontre des dispositions litigieuses ni, non plus, méconnaître les objectifs de la directive n° 2006/126/CE et de l'article R. 226-1 du code de la route.

Les autres griefs articulés à l’encontre de cet arrêté ne sont pas, non plus, retenus.

L’un d’eux aurait mérité une plus grande attention, il s’agit de celui tiré de ce que le risque d’impossibilité de pouvoir continuer conduire est de nature à décourager les intéressés de se faire dépister alors que la précocité du diagnostic est pour ces maladies un facteur très important pour l’efficacité du traitement.

(29 septembre 2023, Union France Alzheimer, association France parkinson, APF France handicap et société française de neurologie, n° 464677)

 

59 - Police des origines canines – Inscription des portées de chiots au Livre des origines françaises des chiens – Subordination à l’identification génétique des reproducteurs – Absence d’atteinte grave et immédiate aux intérêts des requérants – Rejet.

Le Syndicat national des professions du chien et du chat et Mme B., éleveuse de chiens, ont demandé la suspension de l'exécution de la décision de la Société centrale canine, publiée le 14 septembre 2022 sur son site Internet, subordonnant l'inscription des portées de chiots au Livre des origines françaises à l'identification génétique de leurs reproducteurs. 

Leur action est rejetée en l’absence de démonstration d’une atteinte grave et immédiate à leurs intérêts d’où se déduit qu’il n’y a nulle urgence à statuer sur celle-ci. Le juge du référé suspension retient pour cela que si les intéressés invoquent la charge financière supplémentaire résultant du coût des tests, d’abord ces derniers concernent non pas chaque chiot à sa naissance mais uniquement leurs reproducteurs et ne doit être effectué qu'une fois au cours de la vie de ces derniers ; ensuite, que le coût d’un test est aujourd'hui de 30 euros hors taxe ; enfin, qu’existe un intérêt public à assurer la fiabilité de l'identification des chiens de race français pour la protection tant des consommateurs que des éleveurs eux-mêmes.

(ord. réf. 29 septembre 2023, Syndicat national des professions du chien et du chat et Mme B., n° 488077)

 

Professions réglementées

 

60 - Infirmière – Rapports avec les organismes de protection sociale – Compétence juridictionnelle pour connaître des litiges nés de ces rapports – Décision de conventionnement - Exercice de prérogatives de puissance publique – Absence – Incompétence de la juridiction administrative.

Une caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), faisant application des dispositions de l'avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les infirmiers libéraux et les caisses d'assurance maladie, a conditionné le conventionnement de la requérante comme infirmière à la déclaration préalable par Mme A. de sa cessation effective d'activité auprès du conseil départemental de l'ordre des infirmiers.

La requérante demande l'annulation de l'ordonnance par laquelle le juge des référés a rejeté sa requête tendant à la suspension de l'exécution, d'une part, de cette décision du directeur de la CPAM et, d'autre part, de la décision implicite de rejet qu'aurait opposé le conseil départemental de l'ordre des infirmiers au contrat de cession de patientèle que lui avait transmis Mme A.

Les litiges nés des décisions opposées par les organismes de protection sociale, qui sont des personnes morales de droit privé, et les infirmiers sont en principe des rapports de droit privé dont la connaissance relève des juridictions de l’ordre judiciaire. Ce n’est que dans le cas où ces litiges se rattachent à l'exercice des prérogatives de puissance publique dont ces organismes sont dotés en vue de l'accomplissement de leurs missions de service public, qu’ils relèvent de la compétence de la juridiction administrative.  

En l’espèce, par application de cette ligne de partage des compétences juridictionnelles, il est jugé que la décision, prise en application de l'avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les infirmiers libéraux et les caisses d'assurance maladie, par laquelle la CPAM a conditionné le conventionnement d'une infirmière à la cessation effective d'activité de Mme A., ne se rattache pas à l'exercice de prérogatives de puissance publique. Dès lors, la contestation de cette décision constitue un différend résultant de l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, au sens des dispositions des art. L. 142-1 et L. 162-12-12 du code de la sécurité sociale. Elle est, en conséquence, manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative. L’ordonnance attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier doit être annulée en tant qu'elle statue incompétemment sur ce litige.

(29 septembre 2023, Mme C., n° 470908)

 

Question prioritaire de constitutionnalité

 

61 - Épidémie de Covid-19 – Ordonnances du 25 mars et du 13 mai 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif – Refus de transmission de deux QPC.

(14 septembre 2023, Groupement d'intérêt économique Transport en Commun de Nouméa (GIE TCN), n° 472208 et n° 472220)

V. n° 5

 

62 - Lutte contre le dérèglement climatique – Loi validant des décisions de préemption prises sur le fondement d’une disposition législative estimée inapplicable par le juge administratif – Absence de justification par un motif impérieux d’intérêt général – Question de caractère sérieux – Transmission d’une QPC.

Par un avis contentieux du 29 juillet 2020, le Conseil d’État a estimé que, depuis le 1er janvier 2016, le droit de préemption prévu aux art. L. 215-1 et suivants du code de l'urbanisme n'était plus applicable dans les zones de préemption créées par les préfets au titre de la législation sur les périmètres sensibles avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 1985, sauf à ce que le département les ait incluses depuis dans les zones de préemption qu'il a lui-même créées au titre des espaces naturels sensibles.

Or le II de l'art. 233 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dispose : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et l'entrée en vigueur du présent article, en tant que leur légalité est ou serait contestée par un moyen tiré de l'abrogation de l'article L. 142-12 du code de l'urbanisme par l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme ».

Les demandeurs soulèvent une QPC portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l'art. 233 de la loi du 22 août 2021.

Pour juger transmissible cette QPC, le juge retient en premier lieu que ces dispositions, applicables au litige, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision rendue par le Conseil constitutionnel.

Il relève, en second lieu, qu'à la date d'entrée en vigueur de l'art. 233 de la loi précitée, un très petit nombre de décisions de préemption prises entre le 1er janvier 2016 et le 25 août 2021 portant sur des biens situés dans une zone de préemption créée avant le 1er juin 1987 n'étaient pas devenues définitives, dès lors le moyen tiré de ce que les dispositions de validation en litige portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, en ce qu’elles méconnaissent l'article 16 de la Déclaration de 1789 faute d'être justifiées par un motif impérieux d'intérêt général, soulève une question présentant un caractère sérieux. 

(25 septembre 2023, Groupement foncier agricole (GFA) et autres, n° 464315)

 

63 - Pénalités infligées en qualité d’armateur d’une part, de capitaine de navire d’autre part - Méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, de la liberté d'entreprendre et de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi – Défaut de caractère sérieux – Refus de transmettre une QPC.

Les requérants soutenaient que l’art. L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime, qui institue un pouvoir de suspension ou de retrait de titres, licences, autorisations ou permis dans les cas qu’il vise, méconnaît les principes de légalité des délits et des peines ainsi que de la liberté d'entreprendre et l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi en tant que les dispositions de son 2° ne prévoient pas de limitation de durée à la suspension ou au retrait qu'elles prévoient.

Inexplicablement, le juge n’y voit pas motif à transmission d’une QPC en relevant que : « Dès lors que les dispositions contestées, qui sont suffisamment claires et précises, prévoient, au rang des mesures permettant de sanctionner les manquements aux obligations instituées par les textes auxquels elles renvoient, non seulement la suspension de toute licence de pêche, autorisation de pêche, titre permettant l'exercice du commandement d'un navire ou permis de mise en exploitation d'un navire, mais aussi le retrait de ces actes, ce retrait constituant la peine la plus élevée des sanctions ainsi instituées, le législateur pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, ne pas préciser la durée des sanctions moins élevées constituées par la suspension temporaire de ces actes. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de ce principe ne présente pas de caractère sérieux. » On avoue ne pas percevoir le bien-fondé de cette affirmation plus péremptoire qu’argumentative.

(29 septembre 2023, M. Comtesse, n° 475575 et n° 475577 ; Société Cap Fagnier, n° 475578)

 

64 - Principe de la responsabilité élargie du producteur de déchets – Principe de proportionnalité et d'individualisation des peines – Principe d'égalité devant la loi répressive – Incompétence négative du législateur – Refus de transmettre une QPC.

Les requérantes soutiennent que les dispositions de l'art. L. 541-10-11 du code de l'environnement, dans leur rédaction issues de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, méconnaissent les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines garantis par l'art. 8 de la Déclaration de 1789 et le principe d'égalité devant la loi répressive garanti par l'art. 6 de la même Déclaration et qu'elles sont entachées d'une incompétence négative du législateur affectant l'égalité devant la loi et les droits de la défense, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.

En bref, le texte litigieux prévoit les modalités selon lesquelles est déterminée l'amende administrative qui peut être prononcée à l'encontre des producteurs, importateurs et distributeurs de produits relevant de la responsabilité élargie du producteur en raison, notamment, de l'inobservation des obligations qui leur sont applicables en matière de gestion de déchets. Ce texte dispose que ces personnes peuvent être soumises à une obligation de pourvoir ou de contribuer à la gestion de déchets :

- soit en mettant en place collectivement des éco-organismes agréés, dont elles assurent la gouvernance et auxquels elles transfèrent leur obligation en leur versant en contrepartie une contribution financière,

- soit en mettant en place des systèmes individuels de collecte et de traitement des déchets, en l'absence d'éco-organisme agréé.

En premier lieu, les demanderesses font grief à cette disposition de ne pas respecter les principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines découlant de l'art. 8 de la Déclaration de 1789 qui imposent qu'une sanction administrative ayant le caractère d'une punition ne puisse être appliquée que si l'autorité compétente la prononce en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Ce moyen est ainsi balayé par le juge : « Eu égard à l'intérêt public qui s'attache à la prévention des atteintes à l'environnement et à la limitation de leurs conséquences, ainsi qu'à la contribution à la réparation des dommages causés à l'environnement par leur auteur, le grief tiré de ce que ces dispositions auraient méconnu le principe de proportionnalité et d'individualisation des peines n'a pas de caractère sérieux. » Ceci n’est pas très convaincant d’autant que le juge commet un paralogisme à cet endroit en écrivant que l’autorité compétente tient compte « … des circonstances dans lesquelles les manquements sont intervenus, et notamment des volumes de déchets ayant fait l'objet du manquement constaté, lesquels sont en lien avec la gravité du manquement … ». En effet, le texte en litige ne fait nullement de la quantité ou du volume de déchets « irréguliers » une condition d’appréciation de la gravité des manquements, cette quantité pouvant résulter d’un seul manquement, malheureux ou accidentel, ou de plusieurs, évidemment peccamineux.

En deuxième lieu, le juge estime sans caractère sérieux le grief d’incompétence négative qui affecterait ici le principe de légalité des peines, l'égalité devant la loi et les droits de la défense ou méconnaîtrait l'objectif constitutionnel d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi en ce que ces dispositions ne prévoient pas expressément la prise en compte du comportement des personnes concernées. Là aussi, le rejet méritait une véritable « argumentation ».

(29 septembre 2023, Sociétés PPG AC France et Cromology services, n° 475737)

 

Santé publique – Santé – Droit du médicament et des dispositifs médicaux

 

65 - Admission en soins psychiatriques – Demande de mainlevée de la mesure d’hospitalisation – incompétence de l’ordre juridictionnel administratif – Rejet.

Le juge administratif est incompétent pour connaître d’un recours qui ne tend en réalité qu’à obtenir la mainlevée de la mesure d'admission en soins psychiatriques prise à l’égard de la requérante, un tel litige ne relevant que de la compétence du juge judicaire par application de dispositions du code de la santé publique (cf. L. 3211-12, L. 3211-12-1, L. 3213-2 et L. 3216-1).

(ord. réf. 15 septembre 2023, Mme A., n° 488233)

 

Service public

 

66 - Handicap – Autisme – Bénéfice d’une aide humaine individuelle – Absence d’accompagnateur – Urgence non caractérisée – Rejet du référé liberté.

Le requérant, père d’un enfant de 13 ans, inscrit au sein du collège Albert Schweitzer de Créteil, a demandé au juge des référés d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil d'attribuer au plus tôt à l'enfant, qui souffre de troubles autistiques, un accompagnement d'élève en situation de handicap de 8h30 à 16h00 les lundi, mardi, jeudi et vendredi.

Par une ordonnance du 13 septembre 2023, dont M. Anas relève appel, la juge des référés de ce tribunal a rejeté sa demandé. L’appel est lui aussi rejeté.

Le juge constate qu’en dépit du droit reconnu à cet enfant, par la commission départementale des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, à bénéficier d'une aide humaine individuelle en sa qualité d’élève handicapé pour l'accompagner dans les activités de la vie scolaire, la circonstance que la personne devant y assurer à la rentrée scolaire l'accompagnement de l'enfant a quitté son poste au sein du collège Albert Schweitzer, ne crée pas la situation particulière d'urgence exigée par l'art. L. 521-2 du CJA, ou d'une carence susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale à laquelle il serait possible de porter remède dans les quarante-huit heures. 

(ord. réf. 26 septembre 2023, M. Zobert Anas, n° 4888304)

 

Travaux publics et expropriation

 

67 - Ouvrage public mal planté – Demande démolition – Méthodologie et principes applicables – Inopérance de la prescription trentenaire (art. 2227 Code civ.) – Annulation et rejet.

Des requérantes ont demandé au juge administratif l’annulation du refus de la société Énedis de procéder à la dépose du pylône implanté irrégulièrement sur leur terrain, de condamner cette société à leur verser la somme de 30 000 euros au titre de l'absence d'indemnisation de la présence du pylône sur leur parcelle et la somme de 30 000 euros au titre de l'implantation illégale de l'ouvrage litigieux et de lui enjoindre de procéder à la dépose de cet ouvrage et au déplacement de la ligne électrique dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard. 

La société Énedis se pourvoit en cassation et forme sursis à l’encontre de l’arrêt d’appel infirmatif qui a enjoint à cette société de procéder à la dépose du pylône irrégulièrement implanté sur leur propriété et au déplacement ou à l'enfouissement de la ligne électrique dans un délai de six mois à compter de la notification de son arrêt. 

Au préalable, il faut rappeler que le Conseil d’État écarte le moyen tiré de la prescription trentenaire prévue en matière immobilière par l’art. 2227 du Code civil car selon lui compte tenu des spécificités de l'action en démolition d'un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni ces dispositions ni aucune autre disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action. L'invocation de ces dispositions du Code civil au soutien de l'exception de prescription trentenaire opposée par la société Énedis était donc inopérante. L’argumentation est laconique et faible.

Pour annuler l’arrêt déféré à sa censure, le Conseil d’État commence par rappeler la méthodologie applicable aux actions en démolition d’ouvrages publics prétendus irrégulièrement implantés  : 1°/ en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle le juge statue, il convient qu’il vérifie si l'ouvrage est irrégulièrement implanté ; 2°/ si tel est le cas, le juge doit rechercher d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible ; 3°/  lorsque cette régularisation n’est pas possible le juge doit, en tenant compte de l'écoulement du temps, prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général. 

Ensuite, le juge vérifie in concreto les différents éléments susindiqués.

En l’espèce, il note en premier lieu que si la ligne électrique surplombe la voie d'accès à la maison d'habitation des requérantes et longe sa façade et son entrée à une distance inférieure à quatre mètres et si l'un des pylônes soutenant cette ligne est implanté sur leur propriété, cependant, en dépit de l'ancienneté de la présence de ces ouvrages, les intéressées n'ont pas sollicité de mesures tendant à leur déplacement avant que la commune ne décide de procéder à l'enfouissement de certaines lignes électriques sans intégrer la ligne litigieuse dans ce projet.

Le juge note ensuite que si le maire a refusé d’autoriser la construction d'une piscine sur leur propriété au motif des risques liés au surplomb par la ligne électrique, la demande de déclaration préalable de travaux n'a été présentée que postérieurement aux premières démarches entreprises afin d'obtenir le déplacement de la ligne électrique.

En outre, il juge que si l'intérêt public s'attache à la protection de l'église Saint-Martin, bâtiment inscrit au titre de la législation sur les monuments historiques, les ouvrages litigieux ne sont pas situés à proximité immédiate de cet édifice.

La cour a donc inexactement qualifié les faits de l’espèce en retenant chacun de ces trois moyens pour fonder sa décision d’annulation du jugement du tribunal administratif.

(27 septembre 2023, Société Énedis, n° 466321 et n° 468606)

 

Urbanisme et aménagement du territoire

 

68 - Refus d’octroi d’un permis de construire puis, sur recours contentieux, retrait du refus et octroi du permis – Annulation contentieuse de la seconde décision puis de la première – Rejet de l’appel contre le second jugement – Autorité de chose jugée – Impossibilité d’obtenir l’annulation du refus initial du permis – Rejet.

L’attention du lecteur est attirée sur l’importance de la décision présentement rapportée en dépit de son apparente technicité car un tel enchevêtrement des décisions n’est pas rare en droit de l’urbanisme.

La requérante s’est d’abord vu refuser le permis de construire trois maisons individuelles par un arrêté municipal du 18 octobre 2016, puis, un recours contentieux ayant été formé contre ce refus, le maire, par un arrêté du 6 août 2018, a retiré son arrêté précédent et a accordé le permis de construire demandé.

Par la suite, le tribunal administratif, saisi par des voisins du projet, a, par un premier jugement, du 8 octobre 2020, annulé l'arrêté du 6 août 2018 et, ensuite, par un second jugement rendu le même jour, il a rejeté le premier recours, dirigé contre le refus initial d’accorder le permis Par un second jugement de la même date, il a rejeté le recours de la société A2C contre le refus de permis de construire opposé par l'arrêté du 18 octobre 2016.

De ce second jugement la société A2C ayant interjeté en vain appel, elle se pourvoit en cassation de cet arrêt d’appel confirmatif.

Pour rejeter le pourvoi, le Conseil d’État pose, de façon particulièrement innovante, une ligne jurisprudentielle très intéressante.

Le juge énonce dans une formulation de principe que « l'autorité de chose jugée (qui s’attache) au dispositif d'un jugement, devenu définitif, annulant un permis de construire ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le refus opposé antérieurement ou ultérieurement par l'autorité administrative à la demande d'un permis ayant le même objet soit annulé par le juge administratif dès lors que ce refus est fondé sur le même motif que celui ayant justifié l'annulation du permis de construire. »

Il y a cependant une difficulté dans la mesure où l’action en annulation du permis de construire est un recours pour excès de pouvoir et que la juridicité d’une telle décision s’apprécie au jour où elle a été prise.

Le juge ne s’arrête pas à cette objection, au reste il y a bien longtemps qu’il donne des coups de canif (ou d’épée) à la classique distinction de l’excès de pouvoir et de la pleine juridiction. Cependant, ici, l’argument invoqué est original et moins critiquable. En effet, il est jugé qu’il est dans l’obligation, alors même qu’il statue en tant que juge de l'excès de pouvoir, de prendre acte de l'autorité de la chose jugée s'attachant, d'une part, à l'annulation juridictionnelle devenue définitive du permis de construire ayant le même objet, délivré postérieurement à la décision de refus, et, d'autre part, aux motifs qui sont le support nécessaire de cette annulation. Pour cette raison, cette décision aurait pu prendre la forme d’un arrêt de Section, il est vrai qu’elle aura tout de même l’honneur d’une publication au Lebon.

Examinant les faits de l’espèce, le Conseil d’État relève tout d’abord que le refus initial du maire d’accorder en 2016 le permis sollicité était fondé sur les risques de glissement de terrain existant dans le secteur et que la cour, relevant l'absence de changement de circonstances de droit et de fait, a, sans erreur ce droit, retenu l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du 8 octobre 2020 du tribunal administratif, devenu définitif, qui a annulé, pour le même motif que celui fondant le refus de permis contesté, le permis de construire ayant le même objet et délivré par le maire le 6 août 2018, soit postérieurement à ce refus de permis.

Le juge relève ensuite que si le tribunal avait retenu dans son jugement du 8 octobre 2020, outre le motif susénoncé, quatre autres moyens, celui relatif aux risques de glissement de terrain suffisait à lui seul à justifier la solution qu’il a retenue et peut donc être regardé comme un support nécessaire du dispositif de ce jugement, auquel s'attache l'autorité de la chose jugée.

(21 septembre 2023, Société A2C, n° 467076)

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