Sélection de jurisprudence du Conseil d’État

Janvier 2022 

(La relative brièveté de cette Chronique résulte du faible nombre d'arrêts publiés)

  

Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse

 

1 - Décision du président de l’Assemblée nationale nommant un membre du Conseil constitutionnel – Incompétence manifeste de l’ordre administratif de juridiction – Rejet du référé.

Doit être rejeté selon la procédure de l’art. L. 522-3 du CJA, comme porté devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître, le référé liberté tendant à la suspension de la décision par laquelle le président de l’Assemblée nationale nomme, en application des dispositions de l’art. 56 de la Constitution, un membre du Conseil constitutionnel

(ord. réf. 21 janvier 2022, M. A., n° 460456)

 

Audiovisuel, informatique et technologies numériques - Intelligence artificielle

 

2 - Site internet - Politique relative aux « cookies » - Non-respect des obligations s’imposant aux responsables de sites internet – Sanction – Compétence à cet effet de la formation restreinte de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) – Rejet.

Une nouvelle fois, c’est le comportement déplorable de Google qui est sur la sellette et motive l’importante décision ici rapportée.

Suite à un contrôle en ligne effectué le 16 mars 2020 sur le site « google.fr », il a été constaté des manquements aux obligations s’imposant aux responsables de sites en matière de « cookies », certains de ces manquements persistant le 10 septembre 2020 après engagement d’une procédure de sanction et alors que les sociétés requérantes ont mis à jour leur système le 17 août 2020.

En conséquence, une sanction a été infligée, respectivement de 60 millions et de 40 millions d’euros, par la formation restreinte de la CNIL assortie d’une obligation de se mettre en conformité avec la loi sous astreinte de cent mille euros par jour de retard et de la publication de ces décisions avec anonymisation deux ans plus tard.

Les requérantes demandent l’annulation de ces décisions ; leurs recours est rejeté.

Quatre points sont successivement examinés par le juge dont le premier est très important, justifiant la publication de la décision au Recueil Lebon : la compétence de la formation restreinte de la CNIL, la régularité de la procédure suivie, l’existence de manquements aux obligations en matière de « cookies » et le caractère proportionné des sanctions infligées.

C’est le débat sur la compétence de la formation restreinte de la CNIL pour édicter les sanctions qui retient, au principal, l’attention.

 I. - Les requérantes soutenaient – en s’appuyant sur les dispositions de l’art. 56 du règlement général sur la protection des données du 27 avril 2016 (RGPD) -  que s’agissant d’un traitement transfrontalier la seule autorité compétente pour constater et, éventuellement sanctionner, un manquement en la matière est l'autorité nationale de contrôle de l'établissement du responsable du traitement, c'est-à-dire en l'espèce l'autorité irlandaise, laquelle serait compétente pour agir en tant qu'autorité de contrôle chef de file pour un tel traitement transfrontalier. Par suite, la CNIL et en particulier sa formation restreinte, n’était pas compétente pour prendre les décisions dont l’annulation est, en conséquence, demandée. Il est vrai que selon, d’une part, le paragraphe 1 de l'article 55 du RGPD « Chaque autorité de contrôle est compétente pour exercer les missions et les pouvoirs dont elle est investie conformément au présent règlement sur le territoire de l'État membre dont elle relève » et, d’autre part, le paragraphe 1 de l'article 56 du même règlement « Sans préjudice de l'article 55, l'autorité de contrôle de l'établissement principal ou de l'établissement unique du responsable du traitement ou du sous-traitant est compétente pour agir en tant qu'autorité de contrôle chef de file concernant le traitement transfrontalier effectué par ce responsable du traitement ou ce sous-traitant, conformément à la procédure prévue à l'article 60 ».

Bien que ces dispositions soient en elles-mêmes très claires, le Conseil d’État, pour rejeter l’argumentation qui en est tirée, se fonde sur les dispositions de l'article 15 bis de la directive du 12 juillet 2002, qui est relatif aux sanctions applicables aux violations des objectifs de cette directive telles que ces dispositions sont interprétées par la jurisprudence constante de la CJUE (1er octobre 2019, Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände Verbraucherzentrale Bundesverband eV/Planet49 GmbH, aff. C-673/17 ;  15 juin 2021, Facebook Ireland Ltd e.a., aff. C-645/19). Or il résulte de cette jurisprudence que si les conditions de recueil du consentement de l'utilisateur prévues par le RGPD du 27 avril 2016 sont applicables aux opérations de lecture et d'écriture dans le terminal d'un utilisateur, il n'a pas été prévu l'application du mécanisme dit du « guichet unique » aux traitements transfrontaliers, défini à l'article 56 de ce règlement, pour les mesures de mise en œuvre et de contrôle de la directive précitée du 12 juillet 2002, qui relèvent de la compétence des autorités nationales de contrôle en vertu de l'article 15 bis précité de cette directive.

Le Conseil d’État en tire donc cette conséquence que, pour ce qui concerne le contrôle des opérations d'accès et d'inscription d'informations dans les terminaux des utilisateurs en France d'un service de communications électroniques, même procédant d'un traitement transfrontalier, les mesures de contrôle de l'application des dispositions ayant transposé les objectifs de la directive de 2002 précitée relèvent de la compétence conférée à la CNIL par la loi du 6 janvier 1978.

En effet, en premier lieu, le paragraphe 3 de l'article 5 de la directive de 2002 dispose que : « Les États membres garantissent que le stockage d'informations, ou l'obtention de l'accès à des informations déjà stockées, dans l'équipement terminal d'un abonné ou d'un utilisateur n'est permis qu'à condition que l'abonné ou l'utilisateur ait donné son accord, après avoir reçu (…) une information claire et complète, entre autres sur les finalités du traitement. Cette disposition ne fait pas obstacle à un stockage ou à un accès technique visant exclusivement à effectuer la transmission d'une communication par la voie d'un réseau de communications électroniques, ou strictement nécessaires au fournisseur pour la fourniture d'un service de la société de l'information expressément demandé par l'abonné ou l'utilisateur. ». Et, en second lieu, l'article 82 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui a procédé à la transposition dudit paragraphe 3 de l'article 5 de la directive de 2002, dispose : « Tout abonné ou utilisateur d'un service de communications électroniques doit être informé de manière claire et complète, sauf s'il l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant :

1° De la finalité de toute action tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations déjà stockées dans son équipement terminal de communications électroniques, ou à inscrire des informations dans cet équipement ;

2° Des moyens dont il dispose pour s'y opposer.

Ces accès ou inscriptions ne peuvent avoir lieu qu'à condition que l'abonné ou la personne utilisatrice ait exprimé, après avoir reçu cette information, son consentement qui peut résulter de paramètres appropriés de son dispositif de connexion ou de tout autre dispositif placé sous son contrôle.

Ces dispositions ne sont pas applicables si l'accès aux informations stockées dans l'équipement terminal de l'utilisateur ou l'inscription d'informations dans l'équipement terminal de l'utilisateur :

1° Soit, a pour finalité exclusive de permettre ou faciliter la communication par voie électronique ; 2° Soit, est strictement nécessaire à la fourniture d'un service de communication en ligne à la demande expresse de l'utilisateur ».

 

Par suite, la décision attaquée de la CNIL n’ayant entendu assurer le respect que des seules obligations résultant de l'article 82 de la loi du 6 janvier 1978 transposant les exigences du paragraphe 3 de l'article 5 de la directive de 2002, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la formation restreinte de la CNIL n'aurait pas été compétente, qu'elle aurait fait une inexacte application des dispositions litigieuses et commis une erreur d'appréciation en considérant que sa compétence excluait l'application du mécanisme dit du « guichet unique ».

La solution, peut-être formulée avec un certain embarras que traduit une rédaction longue et complexe, est cependant très logique et l’on doute fortement qu’elle puisse ne pas être entièrement approuvée par la Cour de Luxembourg.

 

II. – Ensuite, c’est sans difficulté qu’est écarté le moyen tiré du caractère irrégulier du déroulement de la procédure de sanction en ce que la formation restreinte de la CNIL aurait méconnu les droits de la défense et les exigences de la contradiction, en l'absence de mise en demeure préalable et de prise en compte de la coopération que les contrevenantes auraient apportée au cours de la procédure. L’analyse des divers échanges, écrits et oraux, intervenus au cours de l’examen de cette affaire, y compris l’intervention du rapport rédigé par le rapporteur et les réponses qui y ont été données, conduisent à écarter le moyen d’autant plus que le prononcé d'une sanction n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une mise en demeure du responsable de traitement ou de son sous-traitant par le président de la CNIL.

 

III. – Également, les manquements aux obligations pesant sur les responsables de sites internet en matière de « cookies » ne sont guère discutables et certains d’entre eux subsistaient encore après la mise à jour du 17 août 2020 consécutive à l’engagement de la procédure de sanction. A cet égard, les points 16 à 18 de cette décision sont particulièrement éloquents et illustratifs.

 

IV. – Enfin, le lecteur ne sera pas étonné d’apprendre que le juge a retenu le caractère proportionné à la fois de la sanction financière et des mesures correctrices décidées par la CNIL. Rappelons que le moteur de recherche de Google représente en France une part de marché supérieure à 90% et 47 millions d’utilisateurs environ. On imagine sans peine que les recettes publicitaires engrangées du fait des cookies intempestifs, injustifiés et, parfois, dont la présence est cachée à l’utilisateur, rendent même très modérées les sommes infligées à titre de sanction à une entreprise dont le bénéfice net était de 74 milliards de dollars en 2021 (un peu plus de 65 milliards d’euros).

(28 janvier 2022, Sociétés Google LLC et Google Ireland Limited, n° 449209)

 

Contrats

 

3 - Marché public conclu sous la forme d’un accord-cadre – Marché de collecte, tri et valorisation de déchets – Obligation d’indications devant être contenues dans l’avis de marché ou l’accord-cadre - Interprétation par la CJUE – Obligation d’indiquer la qualité et/ou la valeur estimée ainsi que la quantité et/ou valeur maximale des produits à fournir – Jurisprudence d’effet immédiat – Application au cas de l’espèce – Rejet.

La communauté de communes Convergence Garonne a -  par des avis d'appel public à la concurrence publiés au Bulletin officiel des annonces de marchés publics et au Journal officiel de l'Union européenne - engagé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché sous forme d'accord-cadre ayant pour objet la « collecte en porte-en-porte et en apport volontaire, tri et valorisation des déchets », ces prestations étant décomposées en deux lots dont le n° 1 est relatif à la collecte des déchets ménagers et assimilés en porte-en-porte.

La société Coved, classée deuxième s'agissant du lot n° 1, a été informée du rejet de son offre et de l'attribution de l'accord-cadre à une autre société. Elle a saisi le juge des référés précontractuels sur le fondement de l'article L. 551-1 du CJA d’une demande d’annulation des décisions relatives à la procédure de passation de ce lot n° 1.

La communauté de communes se pourvoit en cassation contre l'ordonnance de référé annulant la procédure d'attribution du lot n° 1.

Ce pourvoi posait une délicate question de combinaison de textes.

En premier lieu, l’art. R. 2162-4 du code de la commande publique, dans sa rédaction applicable au litige, disposait : « Les accords-cadres peuvent être conclus :

1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ;

2° Soit avec seulement un minimum ou un maximum ;

3° Soit sans minimum ni maximum ». 

En second lieu, toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne (17 juin 2021, Simonsen Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark, aff.C-23/20), a, sans prévoir une application différée dans le temps de cette interprétation, jugé que les dispositions de la directive 2014/24/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics devaient être interprétées dans le sens, d’une part, que « l'avis de marché doit indiquer la quantité et/ou la valeur estimée ainsi qu'une quantité et/ou valeur maximale des produits à fournir en vertu d'un accord-cadre et qu'une fois que cette limite aurait été atteinte, ledit accord-cadre aura épuisé ses effets » et, d’autre part, que « l'indication de la quantité ou de la valeur maximale des produits à fournir en vertu d'un accord-cadre peut figurer indifféremment dans l'avis de marché ou dans le cahier des charges ». 

Il suit de là que pour ceux des marchés entrant dans le champ d’application de cette directive, tout appel à concurrence relatif à un tel marché destiné à être passé sous la forme d'un accord-cadre, l'avis publié à cet effet doit comporter la mention du montant maximal en valeur ou en quantité que prévoit le pouvoir adjudicateur, cette indication pouvant figurer indifféremment dans l'avis de marché ou dans les documents contractuels mentionnés dans l'avis de marché et librement accessibles à toutes les personnes intéressées.

En l’espèce, le juge des référés précontractuels a souverainement, d’une part, jugé que ni l'avis de marché, ni le cahier des clauses techniques particulières, ni aucune autre pièce du marché ne mentionnait la quantité ou la valeur maximale des produits à fournir dans le cadre du lot n° 1 de l'accord-cadre en litige, et, d'autre part, estimé qu'en l'espèce, l'absence de cette information n'avait pas mis la société Coved à même de présenter une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre. Ce jugeant, il n'a pas inexactement qualifié les faits soumis à son appréciation en annulant la procédure de passation du lot en litige. 

(28 janvier 2022, Communauté de communes Convergence Garonne, n° 456418)

 

Droit du contentieux administratif

 

4 - Référé liberté – Demande de retrait ou d’interdiction de fresques à caractère pornographique et sexiste affichées au sein de structures hospitalières - Condition d’urgence – Absence en l’espèce – Rejet.

Est rejetée pour défaut d’urgence la demande des associations requérantes tendant à voir le juge du référé liberté ordonner au premier ministre et au ministre de la santé dans les quarante-huit heures, en premier lieu, de prendre des mesures contraignantes et de portée nationale à l'attention de tous les directeurs de centres hospitaliers visant à interdire, et le cas échéant retirer, l'ensemble des fresques à caractère pornographique et sexiste affichées au sein de leurs services, en deuxième lieu, d'évaluer les conséquences néfastes qu'ont pu avoir ces fresques pour les usagers et personnels et de prendre toutes mesures propres à réparer les éventuels dommages causés par ces fresques et, en dernier lieu, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les professionnels soient sensibilisés aux violences sexistes.

(ord. réf. 17 janvier 2022, Associations « Osez le féminisme ! » et « Les Effronté-e-s », n° 460166)

 

5 - Demande en référé suspension – Obligation d’une requête distincte en annulation – Absence – Irrecevabilité manifeste – Rejet.

Rappel de ce que les dispositions de l’article L. 521-1 du CJA imposent à l’auteur d’une demande en référé suspension d’accompagner celle-ci d’une requête en annulation de la décision dont est demandée la suspension. A défaut, la requête en référé est manifestement irrecevable et doit être rejetée selon la procédure expédiente de l’art. L. 522-3 du CJA.

(ord. réf. 21 janvier 2021, M. A., n° 460595)

 

6 - Établissement du tableau d’avancement au grade de président du corps des magistrats des tribunaux et cours administratifs - Recours contre des délibérations du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTACAA) rendues en cette matière - Compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’État – Rejet.

Statuant sur un recours en annulation de délibérations du CSTACAA n’ayant pas inscrit le requérant respectivement au tableau d'avancement principal au grade de président du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et au tableau d'avancement complémentaire à ce même grade, le Conseil d’État, confirmant un tendance jurisprudentielle, juge implicitement être compétent en premier et dernier ressort pour connaître d’un tel recours.

(24 janvier 2022, M. P., n° 445786)

 

7 - Recours en rectification d'erreur matérielle - Admission du recours - Conséquences - Déclaration comme "non avenue" de la décision entachée d'erreur.

Le litige portait sur un recours en rectification d'erreur matérielle d'une ordonnance d'un président de chambre de la section du contentieux du Conseil d'État refusant d'admettre un pourvoi en cassation.

L'intéressée, après saisine du Conseil d'État, avait déposé une demande d'aide juridictionnelle devant la section spécialisée pour les affaires relevant du tribunal administratif du bureau d'aide juridictionnelle établi près le tribunal judiciaire de Pontoise. Or celui-ci, tenu de la transmettre au bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'État, ne l'avait pas fait.

Le juge saisi d'un pourvoi était donc tenu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision sur la demande d'aide et cela alors même qu'il n'avait pas été avisé de l'existence de la demande d'aide juridictionnelle. L'ordonnance refusant l'admission du pourvoi, entachée d'erreur matérielle, est déclarée "non avenue" et non pas "annulée".

(31 janvier 2022, Mme O., n° 454992)

 

8 - Référé suspension - Incompétence manifeste du juge administrtatif - Rejet.

Le juge des référés du Conseil d'État se déclare "manifestement incompétent" pour connaître de conclusions tendant, sur le fondement de l'art. L. 521-1 CJA, à la suspension d'exécution de dispositions législatives. Le référé suspension ne peut concerner que des décisions administratives.

Il eut été plus logique d'opposer non l'incompétence du juge saisi mais l'irrecevabilité du recours dont il était saisi.

(25 janvier 2022, M. B., n° 460713)

 

9 - Arrêté ministériel portant extension d’un accord de branche relatif à la tenue d’élections professionnelles – Élections ayant eu lieu – Requête devenue sans objet – Non-lieu à statuer.

(24 janvier 2022, Fédération CFE-CGC Énergies, n° 430294)

V. n° 12

 

 

Droit fiscal et droit financier public

 

 

10 - Abus de droit (art. L. 64 LPF) – Notion – Existence en l’espèce – Conséquences sur la procédure et le régime d’imposition – Rejet.

Dans le cadre du contrôle d’une opération de rachat d’un groupe d’édition par une autre société, l’administration fiscale a aperçu un abus de droit dans le montage de l’opération et imposé, en conséquence, dans une certaine catégorie d’impositions, les gains réalisés.

La cour administrative d’appel a confirmé l’existence d’un abus de droit et requalifié la catégorie dont relevait l’imposition litigieuse. Les requérants se pourvoient en cassation contre cet arrêt. Ils sont déboutés.

En premier lieu, le juge de cassation rejette deux moyens tirés d’irrégularités de l’arrêt attaqué et de la procédure d’imposition. 

Tout d’abord, ayant constaté l’erreur de catégorie d’imposition retenue par l’administration fiscale la cour pouvait relever d’office  ce moyen qui est d’ordre public puisqu’il concerne le champ d’application de la loi ; parallèlement, l’administration fiscale, qui peut  à tout moment de la procédure contentieuse suivie devant le juge de l'impôt, justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée, pouvait, informée de ce relèvement d’office, demander au juge de l'impôt de procéder à une substitution de base légale en assujettissant les intéressés non au titre de la plus-value de cession de valeurs mobilières comme elle l’avait initialement estimée, mais à celui de l'imposition des traitements et salaires. 

Ensuite, contrairement à ce que soutenaient les requérants, c’est sans qualifier inexactement les faits de l’espèce que la cour a jugé qu’en l’absence de toute substance, la société créée entre membres de la famille des demandeurs ne constituait qu’une interposition présentant un caractère artificiel dans le but d'éluder le paiement de l'impôt dont le contribuable aurait été redevable s'il avait cédé lui-même à la société acquéreuse les titres qu'il détenait. Par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que l'apport de ces titres à une société de droit belge n'aurait pas conduit à modifier la charge fiscale personnelle du demandeur.

En deuxième lieu, confirmant la cour administrative d’appel, le Conseil d’État juge qu’en l’espèce a été commis un abus de droit. L’art. L. 64 du LPF autorise l’administration à écarter - comme lui étant inopposables - ceux actes passés par le contribuable qui n’ont qu’un caractère fictif ou qui ne sont inspirés que par le souci d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que, sans ces actes, le contribuable aurait normalement supportées. Ici le contribuable a acquis, lors de l’opération de rachat sus-rappelée, des actions qu’il a revendues à une société de droit belge constituée entre lui-même, son épouse et ses enfants. Ladite société a, quatre ans plus tard, cédé ses actions à une société filiale de celle ayant acquis originairement les parts. Le contribuable a prétendu bénéficier de l'exonération totale d'imposition, instituée par l'article 192 du code belge de l'impôt sur les revenus, en faveur des plus-values de cession de participations détenues par des sociétés holdings belges.

L’administration, confirmée par le juge, a considéré que la société créée entre le contribuable et les membres de sa famille n’avait eu aucune consistance économique et qu’elle n’avait été interposée dans l’opération d’abord de cession puis de revente que dans un but exclusivement fiscal : échapper à l’imposition que, sans cette interposition le contribuable aurait normalement été conduit à payer au titre du régime des plus-values de cession.

En troisième lieu, enfin, c’est à bon droit que la cour a jugé, au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, que la souscription initiale des actions visait à associer le requérant à raison de ses fonctions dirigeantes au sein du groupe cédant, au partage de la plus-value dégagée lors de la cession ultérieure du groupe, et que le gain, dans les conditions dans lesquelles il a été réalisé, résultant de la cession de ses titres, se rattachait aux fonctions exercées au sein de ce groupe. Dès lors qu’il s’agissait là d'un revenu acquis en contrepartie des fonctions de cadre dirigeant, ce gain ne pouvait être regardé comme un gain en capital taxable dans la catégorie des plus-values mais constituait un complément de rémunération, imposable au barème de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du CGI.

(28 janvier 2022, M. et Mme H., n° 433965)

 

Droit public de l’économie

 

11 - Urbanisme commercial – Permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un hypermarché – Avis favorable de la commission départementale  d’aménagement commercial et défavorable de la commission nationale – Refus du  permis – Recours du maire contre l’avis défavorable et du pétitionnaire contre le refus du permis – Avis constituant un acte préparatoire à la décision sur la demande de permis de construire – Distinction entre les effets de l’avis sur le permis de construire et ceux sur l’autorisation d’exploitation commerciale - Cassation sur le fond sans renvoi – Renvoi partiel du pourvoi sous forme de tierce opposition.

Complexité du droit de l’urbanisme commercial, déroute d’une simplification mal ficelée, subtilités par trop stupéfiantes du contentieux administratif. On n’en finirait plus d’énumérer les habituelles critiques adressées au contentieux de l’urbanisme commercial.

La présente espèce en constitue une belle et édifiante illustration.

Une commission départementale d'aménagement commercial émet le 12 juillet 2018 un avis favorable à la demande d’un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un hypermarché. Sur recours de sociétés concurrentes, la Commission nationale d'aménagement commercial rend un avis défavorable sur ce projet le 8 novembre 2018.

La société pétitionnaire ayant modifié son projet initial, le 28 janvier 2019, la commission départementale d'aménagement commercial donne un avis favorable à ce projet modifié mais la Commission nationale, sur recours d’une société de distribution, rend à nouveau un avis défavorable le 4 avril 2019. En conséquence, le maire de la commune a refusé de délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

La cour administrative d’appel, statuant en cette matière en premier ressort, a été saisie par la commune d’un recours en annulation de l'avis du 4 avril 2019, et par la société d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’arrêté municipal portant refus du permis de construire. Elle a annulé l’avis défavorable de la commission nationale et l’arrêté municipal de refus du permis, enjoignant au maire de statuer à nouveau sur la demande de la société, après nouvel examen du projet par la Commission nationale, celui-ci devant intervenir dans les quatre mois suivant la notification de son arrêt.

Les sociétés qui avaient initialement saisi la commission nationale se pourvoient contre cet arrêt.

Le juge de cassation apporte les précisions suivantes.

En premier lieu, il est rappelé que l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial ou celui de la Commission nationale d'aménagement commercial, qu’il soit favorable ou défavorable, n’est qu’un acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Seule cette dernière décision est susceptible de recours contentieux.

En deuxième lieu, il en découle donc cette conséquence très étrange qu'alors même qu'un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être légalement délivré par le maire que sur avis favorable de la commission départementale ou de la commission nationale d'aménagement commercial et qu'ainsi cet avis lie le maire s'agissant de l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée, la commune d'implantation du projet n'est pas recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir de cet avis car il n’a que le caractère d'acte préparatoire à la décision prise sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

En troisième lieu cependant, la commune est recevable à contester, par la voie d'un recours pour excès de pouvoir, la décision qu'elle prend sur cette demande en tant seulement qu'elle se prononce sur l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée, pour autant qu'elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir. 

C’est pourquoi le Conseil d’État est à la cassation de l’arrêt contesté devant lui par le pourvoi.

Statuant au fond et donc sans renvoi, ce dernier juge que les sociétés qui avaient contesté devant la Commission nationale d'aménagement commercial l'avis favorable délivré par la commission départementale d'aménagement commercial, n'ont été ni mises en cause, ainsi qu'elles auraient dû l'être, ni représentées dans l'instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mai 2019 portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Ces sociétés ne sont ainsi pas recevables à former un pourvoi en cassation contre l'arrêt en tant qu'il est relatif à la légalité de cet arrêté.

Cependant, l'arrêt étant toutefois susceptible de préjudicier à leurs droits, leurs conclusions doivent, dans cette mesure, être regardées comme une requête en tierce opposition qu'il convient de renvoyer à la cour administrative d'appel. 

Le marathon se poursuit, espérons que les coureurs ne sont pas, déjà, à bout de souffle…

(24 janvier 2022, Société Année distribution et autres, n° 440164)

 

Droit social et action sociale

 

12 - Arrêté ministériel portant extension d’un accord de branche relatif à la tenue d’élections professionnelles – Élections ayant eu lieu – Requête devenue sans objet – Non-lieu à statuer.

La requérante demandait l’annulation de l'arrêté interministériel du 19 février 2019 portant extension de l'accord de branche du 7 septembre 2018 relatif aux élections professionnelles dans la branche des industries électriques et gazières.

Des organisations syndicales et d’employeurs ont conclu un accord fixant la date des élections professionnelles pour les entreprises de la branche, la date de clôture du premier tour des élections des représentants du personnel au comité social et économique dans les entreprises de la branche étant fixée au 14 novembre 2019.

Cependant, l’art. 2 de cet accord prévoyait que les sociétés nouvellement créées depuis le 23 septembre 2017, qui ont mis en place pour la première fois le CSE (comité social et économique) avant la date commune prévue à l’article 1er, ne sont pas obligées de réorganiser des élections à cette date.

Il a été procédé à l’extension de cet accord par l’arrêté interministériel précité qui est la décision attaquée.

Le recours fait l’objet d’une décision de non-lieu car ses conclusions sont devenues sans objet du fait de la tenue des élections à la date précitée.

(24 janvier 2022, Fédération CFE-CGC Énergies, n° 430294)

 

13 - Salarié protégé - Réintégration après annulation de l'autorisation de licenciement - Point de départ du délai de protection de six mois - Cas du salarié réintégré mais dans un autre emploi par suite d'un transfert - Erreur de droit - Annulation.

Le code du travail (art. L. 2422-2) prévoit qu'en cas d'annulation de la décision autorisant le licenciement d'un salarié protégé celui-ci est réintégré dans son emploi et dans son mandat électif lorsque l'instance au sein de laquelle il siège n'a pas été renouvelée. En cas contraire, il bénéficie de la protection dont il disposait avant son licenciement, pendant six mois à compter de sa reprise effective du travail dans l'entreprise.

En l'espèce, le salarié avait été transféré dans une autre entreprise lors de sa réintégration. Se posait la double question du maintien ou non de sa protection et, en cas de réponse positive, du point de départ du délai de protection de six mois.

Il est jugé que la protection est maintenue pendant six mois à compter de sa prise de fonction effective dans l'entreprise de transfert.

(24 janvier 2022, M. P., n° 443356)

 

14 - Normes supplétives - Dénonciation partielle  d'une convention collective par une des fédérations signataires - Création d'un vide juridique - Accord de substitution frappé d'opposition majoritaire - Existence d'une recommandation patronale - Agrément ministériel à cette recommandation - Renvoi préjudiciel au juge judiciaire - Rejet.

Une des fédérations d'établissements hospitaliers qui en étaient originairement signataires a partiellement dénoncé la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951. L'accord de substitution qui avait été envisagé ayant été frappé d'opposition majoritaire, il avait été réputé non écrit en vertu de l'article L. 2231-9 du code du travail.

Devant le vide juridique ainsi créé, la ministre de la santé a agréé une recommandation patronale émise le 4 septembre 2012 par la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés à but non lucratif (FEHAP).

La demande d'annulation de cet arrêté d'agrément par la Fédération CGT Santé et action sociale ayant été rejetée par jugement du tribunal administratif du 23 décembre 2014, puis ce rejet ayant été annulé en appel par arrêt du  31 mai 2017, le Conseil d'État, saisi d'un pourvoi, a, par sa décision du 28 décembre 2018, annulé l'arrêt d'appel, sursis à statuer sur l'appel de la fédération CGT Santé et action sociale contre le jugement du tribunal administratif jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de la validité de la recommandation patronale émise par la FEHAP le 4 septembre 2012. 

Le tribunal judiciaire a, le 24 mai 2021, jugé que la recommandation patronale du 4 septembre 2012 ne pouvait valablement suppléer à l'absence d'un accord collectif, dès lors que sa négociation était en cours. La Cour de cassation, par arrêt du 10 novembre 2021 a partiellement cassé ce jugement  et  décidé qu'en ce qu'elle était destinée à prévoir au profit de tous les salariés des entreprises adhérentes de la FEHAP, quelle que soit leur date d'engagement, le maintien des avantages conventionnels à la suite de la dénonciation partielle de la convention collective de 1951 et qu'elle n'avait vocation à entrer en vigueur qu'après son agrément par la ministre des affaires sociales, et postérieurement à l'expiration du délai pendant lequel la fédération patronale devait tenter loyalement la négociation d'un accord de substitution, l'adoption de la recommandation patronale de la FEHAP du 4 septembre 2012 ne constituait pas un manquement au principe de loyauté, peu important que son contenu soit similaire à celui d'un accord de substitution négocié le 12 novembre 2012 et ayant fait l'objet ultérieurement d'une opposition syndicale majoritaire.

Tirant les conséquences de cet arrêt, le Conseil d'État juge :

- Tout d'abord, que "ni la circonstance que la recommandation patronale du 4 septembre 2012 ait suppléé à l'absence d'un accord collectif, alors même que sa négociation était en cours, ni l'opposition syndicale majoritaire à l'accord de substitution du 12 novembre 2012, de contenu similaire à cette recommandation patronale, ne faisaient obstacle, au motif que ces circonstances auraient affecté sa validité, à ce que la ministre des affaires sociales et de la santé agrée cette recommandation patronale".

- Ensuite, que, de même que dans le cas où la convention ou l'accord collectif satisfait à la condition de validité, le ministre chargé de l'action sociale n'est pas pour autant tenu d'accorder l'agrément car il conserve un pouvoir d'appréciation qui lui permet de s'opposer à l'agrément sollicité pour des motifs d'intérêt général, de même en va-t-il dans le cas où un agrément est donné à une recommandation patronale.

Le juge de l'excès de pouvoir exerçant un contrôle entier sur l'appréciation portée par la ministre, est constatée ici l'absence de toute erreur manifeste d'appréciation dans la décision d'agréer qui a été prise alors même que la recommandation patronale était de contenu similaire à celui d'un accord de substitution frappé d'opposition majoritaire, cette situation ne constituant pas en l'espèce un motif d'intérêt général s'opposant à ce qu'elle lui accorde son agrément.

(31 janvier 2022, Fédération CGT Santé et action sociale, n° 412849)

 

15 - Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) résultant d'un accord collectif - Licenciements collectifs pour motif économique - Obligations s'imposant à l'administration - Rejet.

La fédération syndicale requérante demandait l'annulation d'une décision de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Hauts-de-France validant l'accord collectif fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de l'union économique et sociale (UES) Happychic constituée des sociétés Happychic, Brice, BZB, Jules, Happychic services, Happychic logistique, Happychic production international, Gentle Factory et Happychic stores.

Elle estimait en particulier que la procédure suivie était irrégulière du fait que l'administration n'avait enjoint à l'employeur de ne communiquer à l'expert-comptable mandaté par le comité d'entreprise qu'une partie des documents mentionnés par la demande d'injonction formulée par le comité d'entreprise.

Le Conseil d'État retient que l'esprit général des textes ici applicables est d'assurer une information des organes intéressés (comité d'entreprise et expert-comptable) leur permettant de se déterminer en toute connaissance de cause ; de là se déduit que la communication des pièces ne doit pas nécessairement être complète mais qu'en revanche elle doit être suffisante.

D'où la solution, assez classique, retenue en l'espèce.

D'une part, les dispositions pertinentes du code du travail (L. 1233-24-1 et L. 1233-57-5, R. 1233-3-4 et R. 1233-3-5) n'imposent pas à l'administration de faire droit à toute demande tendant à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de communiquer des pièces au comité d'entreprise ou à l'expert-comptable désigné dans le cadre de la procédure de consultation du comité d'entreprise en cas de licenciements collectifs pour motif économique.

D'autre part, en revanche, sous le contrôle du juge, il lui incombe impérativement de vérifier que le comité d'entreprise, et le cas échéant, l'expert-comptable qu'il a désigné, ont été mis à même de rendre leurs avis en toute connaissance de cause.

Relevant que la cour administrative d'appel, au bénéfice de son pouvoir souverain d'appréciation, avait appliqué les principes susindiqués, le juge de cassation rejette le pourvoi dont il était saisi.

(31 janvier 2022, Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, n° 435888)

 

Élections et financement de la vie politique

 

16 - Élections municipales, communautaires et d’arrondissement – Établissement frauduleux de procurations – Utilisation par le juge administratif d’éléments provenant d’une instruction pénale – Écart des voix justifiant le rejet de la demande d’annulation des opérations dans un des secteurs électoraux – Manœuvres frauduleuses par réticence – Inéligibilité – Conséquences.

Des candidats à des élections municipales, communautaires et d’arrondissement demandent l’annulation d’opérations électorales du fait de manœuvres frauduleuses auxquelles se seraient livrés certains de leurs adversaires dans l’établissement de procurations.

En droit, deux questions étaient soulevées en forme d’objections, toutes deux rejetées par le juge.

Tout d’abord, pour étayer leur argumentation les demandeurs entendaient utiliser notamment un rapport de police judiciaire dont les défendeurs soutenaient, d’une part, qu’en tant qu’élément d’une instruction pénale il ne pouvait être utilisé dans un procès administratif, et d’autre part, que ce rapport aurait été irrégulièrement obtenu par les demandeurs. Le Conseil d’État rejette cette défense.

Ensuite, les défendeurs invoquaient l’inconstitutionnalité des dispositions de l’art. L. 118-4 du code électoral qui permettent notamment au juge de l'élection de déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Ils soulevaient donc une QPC à l’encontre de ces dispositions : celle-ci est, bien évidemment, rejeté.

En fait, il s’agissait d’apprécier la réalité de l’existence des manœuvres alléguées et, éventuellement, d’en tirer les conséquences.

Tout d’abord, les faits frauduleux sont jugés établis.

Cependant, en raison de l’écart des voix entre les listes, le nombre présumé et plausible de procurations frauduleuses ne permet pas d’annuler le scrutin, ce qui confirme la solution retenue par le tribunal administratif.

En revanche, par application du texte précité, les élus aux conseils municipal, communautaire ou d’arrondissement, impliqués dans cette fraude, sont frappés d’une inéligibilité que le juge fixe à un an, ce qui nous semble, bien clément en l’état des circonstances relevées par le rapport de la police judiciaire et des constatations du juge.

Leurs élections respectives sont invalidées et il est procédé au remplacement de chacun(e) par le suivant de liste.

(11 janvier 2021, M. AN. Et autres, n° 451509)

 

Environnement

 

17 - Lutte contre le gaspillage – Promotion d’une économie circulaire – Interdiction de vente des fruits et légumes non transformés sous emballage partiellement ou totalement en plastique – Date d’entrée en vigueur trop proche - Dispositions législatives – Rejet.

L’association requérante demandait la suspension d’exécution du décret n° 2021-1318 du 8 octobre 2021 relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique. Elle invoquait deux moyens au soutien de sa requête : d’abord, l’obligation pour ses membres de supporter le coût de la mise en œuvre de cette interdiction ainsi que le risque de voir leurs produits déréférencés lorsqu'aucune alternative aux emballages plastiques ne sera disponible, et le caractère tardif de la publication du décret contesté, le caractère inefficace des mesures transitoires qu'il prévoit et l'absence d'urgence de son entrée en vigueur. 

Le recours est rejeté d’abord parce que les conséquences financières induites découlent directement de l’art. 77 de la loi du 20 février 2020 non du décret attaqué et parce que la requérante n’apporte pas d’éléments permettant de chiffrer celle de ces conséquences directement imputables au seul décret contesté. Il est également rejeté car la date d’entrée en vigueur de la prohibition a été fixée par la loi et non par le décret litigieux ; elle était donc connue des intéressés depuis le 20 février 2020.

(ord. réf. 5 janvier 2022, Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais, n° 459809)

 

Étrangers

 

18 - Arrêté préfectoral décidant le transfert d’un étranger aux autorités italiennes – Jugement annulant cet arrêté, ordonnant  l’enregistrement de la demande d’asile et la délivrance d’une attestation de demande d’asile – Ordonnance de référé constatant une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile pour incomplète exécution du jugement par les services préfectoraux – Injonction en ce sens – Intervention d’un arrêt d’appel sursoyant à l’exécution du jugement – Demande de mettre fin aux mesures décidées par l’ordonnance précitée – Rejet – Annulation.

Un arrêté préfectoral du 10 août 2021 décide le transfert d’un étranger aux autorités italiennes. Cet arrêté est annulé par un jugement du 16 août 2021 qui ordonne l’enregistrement de la demande d’asile de l’intéressé et la délivrance d’une attestation de demande d’asile (ADA). Le juge des référés, saisi d’un référé liberté fondé sur ce que si les services préfectoraux avaient délivré le 19 octobre 2021, en exécution du jugement du 16 août 2021, une attestation de demande d'asile en procédure normale, ils s’étaient abstenus de délivrer également au requérant le formulaire de demande d'asile ainsi que les informations liées à la procédure de demande d'asile permettant de solliciter l'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), a, le 24 novembre 2021,  estimé qu’il avait été porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile. Il a donc enjoint aux services préfectoraux de délivrer au demandeur le formulaire de demande d'asile dans un délai de 48h suivant la notification de l'ordonnance sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Le 25 novembre 2021 est rendu un arrêt d’appel sursoyant à l’exécution du jugement du 16 août 2021. La préfecture a, par suite, demandé, sur le fondement des dispositions de l’art. L. 521-4 du CJA, qu’il soit mis fin aux mesures décidées par l’ordonnance rendue la veille de cet arrêt. Cette requête ayant été rejetée, le ministre de l’intérieur se pourvoit.

Le Conseil d’État juge que, faute d’une reconnaissance de la compétence des autorités françaises pour traiter de la demande d’asile en l’état des pièces et attestations fournies, l’arrêté du 10 août 2021 était redevenu exécutoire suite à l’arrêt d’appel ordonnant qu’il soit sursis à l’exécution du jugement du 16 août 2021.

L’intervention de cet arrêt constitue ainsi bien un élément nouveau au sens et pour l’application de l’art. L. 521-4 du CJA, ce qui entraine la reprise par les autorités italiennes de la procédure asilaire et donc, nécessairement, la cessation des mesures ordonnées en référé le 24 novembre 2021 ainsi que le soutient le ministre de l’intérieur.

(ord. réf. 6 janvier 2022, Ministre de l’intérieur, n° 459750)

 

19 - Demandeur d’asile – Décision de transfert vers l’État responsable de l’examen de la demande – Procédure contentieuse spéciale instituée par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) – Procédure exclusive – Impossibilité d’utiliser l’une des procédures d’urgence régies par le titre V du CJA – Rejet.

Dans le cas où un étranger demandeur d’asile en France fait l'objet d'une décision de transfert vers un autre État estimé responsable de l'examen de sa demande d'asile, il dispose, pour la contester, d’une voie contentieuse spéciale régie par le I de l'article L. 572-5 du CESEDA. Cette procédure, est exclusive de toute autre, en particulier des procédures d’urgence régies par le titre V du CJA, elle en présente d'ailleurs les mêmes garanties.

Ainsi, le recours fondé, comme en l’espèce, sur l’art. L.521-1 (référé suspension), est irrecevable.

(ord. réf. 12 janvier 2022, M. B., n° 460231)

 

20 - Octroi du statut de réfugié – Décision mettant fin à ce statut – Absence d’effet sur la qualité de réfugié de celui remplissant les conditions pour l’être – Conditions de régularité de la décision mettant fin au statut de réfugié – Rejet.

Rappel, solennel et ferme, d’une part des effets de la décision de mettre fin au statut de réfugié, et d’autre part, des conditions auxquelles est subordonnée la régularité de cette décision.

En premier lieu, il est rappelé que, en vertu des dispositions de l’art. L. 711-6 du CESEDA, la possibilité de mettre fin au statut de réfugié est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié dès lors qu'il en remplit les conditions.

En second lieu et surtout, il résulte du 2° de cet article que cette décision est subordonnée à deux conditions cumulatives.

Tout d’abord, l'OFPRA et, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), doivent s’assurer que l'intéressé a fait l'objet d'une condamnation soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement.

Ensuite, ils doivent apprécier si sa présence sur le territoire français est de nature à constituer, à la date de leur décision, « une menace grave pour la société » au sens des dispositions de cet article.

Commentant cette dernière condition, le juge précise que la gravité de cette menace se mesure en ce qu’elle est de nature à affecter un intérêt fondamental de la société, compte tenu des infractions pénales commises – « lesquelles ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une décision refusant le statut de réfugié ou y mettant fin » - et des circonstances dans lesquelles elles ont été commises, mais aussi du temps qui s'est écoulé et de l'ensemble du comportement de l'intéressé depuis la commission des infractions ainsi que de toutes les circonstances pertinentes à la date à laquelle ils statuent. 

En l’espèce, il est jugé que l’OFPRA n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision de la Cour nationale du droit d’asile jugeant que ne constitue pas « une menace grave pour la société » un ressortissant russe d'origine arménienne, âgé de 54 ans à la date de la décision attaquée, entré en France en 2005, y ayant fait l'objet de huit condamnations à des peines allant de 300 euros d'amende à 10 mois d'emprisonnement pour des faits commis entre 2006 et 2009 portant, d'une part, sur le vol de divers produits dans des magasins, dont trois téléphones portables, du parfum, deux cordons d'alimentation et du matériel de bricolage et, d'autre part, sur l'usage d'une fausse plaque d'immatriculation, puis y ayant obtenu le statut de réfugié le 26 février 2009, condamné par la suite à trois ans d'emprisonnement pour le vol d'un ordinateur et de bijoux avec circonstances aggravantes et en récidive, puis à des peines de quinze jours, un mois et trois mois d'emprisonnement pour des faits commis entre 2010 et 2013 d'usage d'un faux document, de recels de biens provenant d'un délit et de détention non autorisée de stupéfiants, puis a encore été condamné, d'une part, à 450 euros d'amende pour des faits de conduite sans assurance et sans permis commis en 2018 et, d'autre part, à six mois d'emprisonnement dont quatre avec sursis pour des faits analogues et de conduite sous l'emprise de stupéfiants commis en 2020. 

Selon le juge de cassation, la CNDA n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant ainsi, à la date de sa décision, le 28 janvier 2021, que l’intéressé ne constituait pas une menace grave pour la société, de nature à justifier que le statut de réfugié dont il bénéficiait soit révoqué, en se fondant pour cela sur l'ancienneté et la nature des infractions commises jusqu'en 2013, ainsi que sur la nature et la gravité limitée des délits commis en 2018 et 2020, aucune de ces infractions ne portant sur des atteintes aux personnes, ne traduisant un comportement agressif ou violent à l'égard des tiers ou ne révélant une particulière dangerosité de l'intéressé.

Il s’agit là d’une interprétation très bienveillante de la disposition législative en cause, dont seraient peut-être surpris les parlementaires qui l’ont adoptée.

(28 janvier 2022, OFPRA, n° 451105)

 

Fonction publique et agents publics

 

21 - Indemnité spécifique de service – Régime des corps et emplois techniques du ministère de la transition écologique - Création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) dans la fonction publique de l'État (décret du 20 mai 2014) – Demande de suspension d’une disposition du décret du 16 décembre 2021 tirant les conséquences de l'application du RIFSEEP à des corps techniques du ministère de la transition écologique – Rejet.

Le décret du 20 mai 2014 a créé un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) dans la fonction publique de l'État, ce dispositif devant se substituer aux divers régimes existants en la matière dans les différents corps de certains ministères. Il renvoyait à des arrêtés ministériels le soin de fixer, pour chaque corps, le nombre de groupes de fonctions et les montants minima et maxima de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise. C’est ainsi que des arrêtés du 5 novembre 2021 ont rendu ces dispositions applicables, à compter du 1er janvier 2021, à certains corps techniques du ministère de la transition écologique, dont les corps des ingénieurs des travaux publics de l'État, des techniciens supérieurs du développement durable, des dessinateurs de l'équipement et des experts techniques des services techniques. 

L’art. 2 du décret du 16 décembre 2021, tirant les conséquences de cette application, à compter du 1er janvier 2021, du RIFSEEP à des corps techniques du ministère de la transition écologique auxquels avait été jusqu'ici maintenu un régime indemnitaire propre (issu de l’art. 1er du décret du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement),  est venu préciser que l'année 2020 constitue la dernière année d'acquisition de droit à cette indemnité et définir les modalités de versement de la part d'indemnité correspondante à compter de l'année 2022. La fédération requérante demande, sur le fondement de l'article L. 521-1 du CJA, la suspension de l'exécution de cet article 2 en tant qu'il dispose que « l'année 2020 constitue la dernière acquisition du droit à l'indemnité spécifique de service ».

La requête aux fins de suspension est rejetée car, d’une part, aucun élément n’est apporté par la demanderesse permettant d'apprécier l'ampleur des atteintes à la situation financière des agents du seul fait du report du versement de cette indemnité à compter de l'année 2022 et donc l’existence d’une urgence propre à permettre l’intervention du juge des référés et, d’autre part, les autres arguments, tirés de l’absence d’une « note de gestion » accompagnant la disposition attaquée et permettant d’éclairer les agents et de ce que la disposition finalement retenue contredirait des échanges antérieurs qui auraient eu lieu avec le ministère compétent, ne résultent pas du texte critiqué.

(ord. réf. 24 janvier 2022, Fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services - Force ouvrière (FEETS - FO), n° 460238)

 

22 - Covid-19 - Tenue de réunions syndicales et régime des absences pour motif syndical dans l'éducation nationale - Réponse publiée à la rubrique "FAQ" du site internet du ministère de l'éducation - Rejet.

La fédération syndicale requérante demandait la suspension de l'exécution de la réponse, publiée dans une version du 6 janvier 2022 de la rubrique « foire aux questions » du site internet du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, apportée à la question : « quelles sont les recommandations concernant la tenue des réunions syndicales et les absences pour motif syndical ? ».

La fédération invoquait une atteinte grave et immédiate aux intérêts syndicaux qu'elle représente et à la liberté syndicale dans l'éducation nationale ainsi que l'existence de décisions de refus d'absence qui seraient déjà intervenues sur le fondement de cette réponse, en Gironde, dans l'Hérault et dans les Hautes-Alpes pour des raisons liées à la crise sanitaire et du report à une date ultérieure d'une session de formation syndicale prévue les 17 et 18 janvier en raison de refus opposés à des professeurs des écoles.

Constatant le défaut d'urgence d'une demande fondée au surplus sur des considérations très générales et des faits peu circonstanciés, le juge rejette la demande de suspension.

 (27 janvier 2022, Fédération Sud Education, n° 460778)

 

23 - Pension militaire d'invalidité - Absence du bénéfice d'une présomption légale d'imputabilité au service - Exigence de preuve - Limites - Rejet.

Rappel, d'une part, de ce que l'agent public qui sollicite l'octroi d'une pension d'invalidité (ici militaire mais la solution serait identique pour une demande de pension civile) doit, faute de se trouver dans un cas où existe une présomption légale d'imputabilité au service, rapporter la preuve d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque.

Rappel, d'autre part, de ce que cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis de ce fait à des contraintes et des sujétions identiques. 

(31 janvier 2022, M. D., n° 437228)

 

24 - Professeur agrégé du second degré - Demande de reprise intégrale d'ancienneté après démission de la fonction de la fonction publique et réussite, à nouveau, au concours d'agrégation - Refus - Invocation de l'illégalité du décret fondant le refus - Décision rejetant la demande d'abrogation du décret - Rejet.

Une professeur agrégée du second degré, placée au 8ème échelon de son grade, démissionne de la fonction publique plusieurs années après son admission au concours pour s'installer comme notaire. Puis, ayant à nouveau réussi le concours d'agrégation, elle a été nommée en qualité de professeur agrégé au premier échelon donc sans que lui ait été conservée son ancienneté antérieure. Elle a demandé au premier ministre, tout comme la fédération requérante, l'abrogation du décret du 5 décembre 1951 portant règlement d'administration publique pour la fixation des règles suivant lesquelles doit être déterminée l'ancienneté du personnel nommé dans l'un des corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale, en tant qu'il ne prévoit pas de disposition permettant à un enseignant titulaire qui a accompli à ce titre des services d'enseignement dans l'enseignement public ou dans l'enseignement privé et qui a démissionné de la fonction publique, de bénéficier de la reprise intégrale de son ancienneté au titre de ces services d'enseignement lorsque l'intéressé est de nouveau nommé comme titulaire dans un corps d'enseignement.

Les recours, joints, sont rejetés au motif que le décret ne concerne que les agents qui ont conservé la qualité de fonctionnaire jusqu'à la date de leur nomination dans un des corps concernés et point ceux qui, à cette date, ne disposaient plus de la qualité de fonctionnaire du fait de leur démission de la fonction publique. 

En outre, cette différence de traitement, qui n'est pas contraire au principe d'égalité car elle concerne des personnes se trouvant dans des situations objectivement différentes, ne contrevient pas davantage à l'art. 1er du premier protocole additionnel à la Convention EDH (règle du respect des biens) ni non plus à une espérance légitime puisque la reprise d'une ancienneté de services n'est prévue par aucun texte.

(24 janvier 2022, Mme P., n° 438801 ; Fédération SGEN-CFDT, n° 445465, jonction)

 

Libertés fondamentales

 

25 - Liberté de la presse – Préservation du pluralisme de la presse – Aide exceptionnelle accordée aux seules publications de presse à caractère d'information politique et générale – Absence d’atteinte au principe d’égalité – Rejet.

Cette décision est encore une conséquence de la mise en redressement judiciaire de la société Presstalis provoquant un séisme juridique et financier dans le monde de la presse.

Un décret n° 2020-1384 du 13 novembre 2020 a créé, à la fois du fait de la défaillance de Presstalis et de la survenance de l’épidémie de Covid-19, une aide exceptionnelle au bénéfice des éditeurs de la presse à caractère d'information politique et générale. 

La société requérante demande son annulation en invoquant un moyen de forme et un moyen de fond.

Sur la forme, il était reproché à l’auteur du décret de n’avoir pas fait précéder l’édiction de ce texte d’une consultation de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). Le moyen est rejeté car cette consultation préalable n’est obligatoire que pour les décisions à caractère réglementaire, ce qui n’est pas le cas du décret litigieux, lequel n’est pas de nature générale et impersonnelle.

Sur le fond, était reproché la violation du principe d’égalité en ce que l’aide en cause était réservée aux seules publications de presse à caractère d'information politique et générale. Le moyen est rejeté en l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où cette aide, liée aux pertes de créances qu’ils ont subies, est destinée à maintenir via les éditeurs le pluralisme de la presse et où, on le sait, le principe d’égalité n’interdit pas, à certaines conditions, le traitement différencié de situations eles-mêmes objectivement différentes.

(28 janvier 2022, Société Les Editions Croque Futur, n° 448592)

(26) V. aussi, identique : 28 janvier 2022, Société Coop’Mag, n° 452592)

 

27 - Covid-19 – Entrée de ressortissants français sur le territoire national – Conditions pour ceux ne disposant pas d’un justificatif de statut vaccinal et provenant de certains pays - Caractère limitatif des motifs invoqués - Annulation très partielle.

L’art. 23-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, modifié cinq fois, régit les déplacements de toute personne de plus de douze ans à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution.

Le requérant en demandait l’annulation :

- d’abord en tant que ces dispositions subordonnent l'entrée des ressortissants français sur le territoire national : 1° à la présentation d'un certificat de vaccination ou d'un examen de dépistage, 2° lorsqu'ils sont en provenance d'un pays classé en zone rouge ou orange et qu'ils ne sont pas vaccinés, à la justification d'un motif impérieux, ainsi qu'à une déclaration sur l'honneur de s'engager à accepter un test de dépistage et à respecter un isolement prophylactique à l'arrivée sur le territoire national ;  

- ensuite, 3° en tant qu’elles imposent aux ressortissants nationaux qui ne sont pas vaccinés et souhaitent quitter le territoire français à destination d'un pays classé en zone orange et rouge de justifier d'un motif impérieux. 

Rejetant les autres demandes d’annulation car les dispositions visées, eu égard à leur nature comme à leur objectif, ne sont pas illégales, le juge ne retient que la demande d’annulation des dispositions de l’art. 23-1 qui imposent à toutes les personnes en provenance des zones classées orange et rouge, ne disposant pas d'un justificatif de statut vaccinal, de justifier d'un motif impérieux d'ordre personnel ou familial, d'un motif de santé relevant de l'urgence ou d'un motif professionnel ne pouvant être différé. En effet, cette exigence est susceptible, s'agissant des ressortissants français, de faire durablement obstacle à l'exercice du droit fondamental de rejoindre le territoire national dont tout Français dispose, sans que le bénéfice sanitaire d'une telle mesure soit manifestement de nature à justifier l'atteinte qui est ainsi portée à ce droit.

Ceci est la conséquence directe du droit fondamental, reconnu par le juge, qu’a tout Français de rejoindre le territoire national sauf nécessité impérieuse pour la sauvegarde de l'ordre public, notamment pour prévenir, de façon temporaire, un péril grave et imminent.

De là résulte que le juge considère que les restrictions de toute nature mises à l'embarquement de Français depuis l'étranger dans un moyen de transport à destination de la France, en vue de préserver la situation sanitaire sur le territoire national, ne peuvent être légalement prises que si le bénéfice, pour la protection de la santé publique, excède manifestement l'atteinte ainsi portée au droit fondamental en cause et ne sauraient avoir pour effet de faire durablement obstacle au retour d'un Français sur le territoire national, sans préjudice de la possibilité, pour l'autorité administrative compétente, une fois la personne entrée sur le territoire national, de prendre à son égard les mesures que la situation sanitaire justifierait.

(28 janvier 2022, M. J., n° 454927)

 

28 - Covid-19 – Obligation vaccinale imposée à diverses catégories de professionnels oeuvrant dans des institutions hospitalières, médico-sociales, de santé ou de retraite – Conséquences du non-respect de cette obligation – Rejet.

Par voie de QPC était contestée la constitutionnalité pour cause d’atteintes à des droits ou libertés fondamentaux constitutionnellement garantis, d’une part de l’art. 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, d’autre part de l’art. 14 de ce texte. Le premier de ces articles rend obligatoire la vaccination contre le Covid-19 pour les personnels de certaines institutions hospitalières, sanitaires, sociales, médico-sociales, de retraite, etc. Le second définit la sanction du non-respect de cette obligation vaccinale.

Le recours est bien évidemment rejeté.

L’art. 12 ne méconnaît aucun droit constitutionnel dans la mesure où il ne porte pas atteinte au principe d’égalité tel qu’entendu par la jurisprudence ainsi que – en raison des conditions et des motifs de son institution - au droit à la protection de la santé, à l'inviolabilité du corps humain et au droit à la dignité de la personne humaine.

L’art. 14 ne porte pas atteinte au droit de travailler et d’obtenir un emploi prévu au cinquième alinéa du Préambule de 1946, notamment car il ne prévoit pas, pour les personnes concernées, la rupture de leur contrat de travail ou la cessation de leurs fonctions, mais la suspension du contrat de travail ou des fonctions exercées jusqu'à ce que l'agent produise les justificatifs requis.

(28 janvier 2022, Mme G. c/ Centre hospitalier d’Arpajon, n° 457879)

(29) V. également, mais soulevant d’inédites questions procédurales : 28 janvier 2022, Mme F. c/ Centre hospitalier d’Arpajon, n° 457987.

V. aussi sur l’aspect procédural, le n° 43

(30) V., identique, avec rejet sur les mêmes dispositions : 28 janvier 2022, Mme D. c/ Centre hospitalier d’Arpajon, n° 458212.

(31) V., toujours dirigé contre le même centre hospitalier, le recours rejeté par : 28 janvier 2022, Mme D. c/ Centre hospitalier d’Arpajon, n° 458267.

(32) V. aussi, très semblable, rejetant la contestation des mêmes articles de la loi du 5 août 2021 : 28 janvier 2022, M. C. c/ Centre hospitalier de Cholet, n° 457043.

(33) V. encore, semblable, avec identique rejet : 28 janvier 2022, Mme B. c/ établissement public de santé Erasme, n° 458102.

 

34 - Site internet - Politique relative aux « cookies » - Non-respect des obligations s’imposant aux responsables de sites internet – Sanction – Compétence à cet effet de la formation restreinte de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) – Rejet.

(28 janvier 2022, Sociétés Google LLC et Google Ireland Limited, n° 449209)

V. n° 2

 

Police

 

35 - Police sanitaire – Covid-19 – Port obligatoire du masque à l’extérieur – Mesure justifiée en l’état des données scientifiques et épidémiologiques – Nécessité de leur caractère strictement proportionné aux circonstances de lieu – Légalité – Rejet.

Le requérant demandait, par voie de référé liberté, la suspension de l'exécution de la décision du premier ministre – contenue dans sa conférence de presse du 27 décembre 2021 - de donner instruction aux représentants de l'État territorialement compétents de mettre en œuvre l'obligation du port du masque en extérieur prévue au II de l'article 1er du décret du 1er juin 2021, pour faire face à la déferlante de contaminations liées à la prédominance en France du variant Omicron du Covid-19.

Il soutient, en premier lieu, qu'il n'est pas établi que le port du masque en plein air en toute circonstance soit nécessaire en l'état actuel des connaissances scientifiques et du taux de vaccination de la population et, en second lieu, que les conditions d'application de cette obligation ne sont pas suffisamment encadrées.

Le recours est rejeté en formation collégiale, signe de l’importance attachée par le juge au contenu de la requête dont il était saisi.

Cette décision se situe dans un mouvement plus général des juridictions administratives tendant à resserrer le contrôle qu’elles exercent sur les mesures prises en matière de protection contre un virus devenu fortement contagieux mais plus faiblement dangereux.

Les juges relèvent, tout d’abord, que les données scientifiques actuelles, relativement au mode de contamination par le Covid-19 au moyen d’aérosols formés de gouttelettes projetées par les corps humains, ne faisaient pas apparaître l’inutilité du port du masque du moins lorsque la situation locale effectivement constatée le justifie. Cette formulation manifeste une vision plus restrictive de la liberté dont disposent les pouvoirs publics dans le cadre de la lutte sanitaire.

Ensuite, et c’est cela qui est le plus nouveau et le plus important dans cette décision, rappel est fait – puisqu’il ne s’agit de rien moins que d’apprécier la légalité d’une mesure de police – que les mesures générales ou individuelles réglementant la circulation des personnes pour limiter la propagation de l'épidémie « doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. »

Et, allant plus loin, les juges précisent, sur un ton un tantinet menaçant, combien est encadrée l’action des pouvoirs publics en ce domaine : « Par suite, des dispositions rendant obligatoire le port du masque en extérieur doivent être justifiées par la situation épidémiologique constatée sur le territoire concerné. Elles ne peuvent être proportionnées que si elles sont limitées aux lieux et aux heures de forte circulation de population ne permettant pas d'assurer la distanciation physique et aux lieux où les personnes peuvent se regrouper, tels que les marchés, les rassemblements sur la voie publique ou les centres-villes commerçants, les périodes horaires devant être appropriées aux risques identifiés. Le préfet, lorsqu'il détermine, pour ces motifs, les lieux et les horaires de port obligatoire du masque en plein air, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour que la règle soit compréhensible et son application cohérente. » 

Si le recours est en définitive rejeté c’est parce que, dans le cas de l’espèce, le premier ministre s’est borné à donner instruction aux préfets pour prendre, sous le contrôle du juge, les mesures appropriées dans le respect des principes susénoncés ; il n’a ainsi porté atteinte à aucune liberté fondamentale.

(ord. réf. 11 janvier 2021, M. E., n° 460002)

(36) V. aussi, voisin, jugeant légale la disposition d'un arrêté préfectoral imposant le port du masque à toutes les personnes âgées de 11 ans ou plus sur le territoire des communes de Lyon et Villeurbanne, de 6 heures à 2 heures du matin en raison du mode de transmission par aérosol du virus du Covid-19, de la situation préoccupante de la situation du département du Rhône à la date de l'arrêté litigieux et des effets de la densité de population tant sur les déplacements quotidiens que sur la fréquentation des commerces et des administrations : ord. réf. 27 janvier 2022, M. C. et Mme D., n° 460459.

 

37 - Police sanitaire – Covid-19 – Vaccination facultative des enfants de 5 à 11 ans – Absence possible de prescription médicale préalable – Obligation de l’accord d’un seul des parents – Rejet.

La requérante entendait obtenir la suspension de l'arrêté du 22 décembre 2021 modifiant l'arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ainsi qu’une injonction de réexamen de deux des modalités d’application de l’arrêté. Elle soutenait qu’en permettant que les enfants de 5 à 11 ans soient vaccinés par des infirmiers sans prescription médicale préalable et qu’en ne soumettant cette vaccination qu’à l'accord d'un seul des parents l’arrêté litigieux porte une atteinte grave et manifestement illégale à l'intérêt supérieur des enfants, à leur sécurité et à leur vie privée et familiale.

Sa demande est rejetée car, d’une part, les infirmiers ne peuvent procéder à l’administration de la forme pédiatrique du vaccin Pfizer-BioN’Tech que sur prescription médicale et d’autre part, la possibilité que l’accord parental à la vaccination puisse n’être donné que par un seul des parents ne résulte pas de l’arrêté attaqué mais des dispositions des art. 372 et suivants du Code civil.

(ord. réf. 4 janvier 2022, Mme A., n° 459823)

 

38 - Police sanitaire - Mesures concernant les élèves des écoles maternelles et primaires, des collèges et des lycées - Demandes d'injonctions diverses à adresser au premier ministre et au ministre de l'éducation - Rejet.

Le juge du référé liberté était saisi de demandes d'injonctions envers le premier ministre et le ministre de l'éducation  tendant à voir modifier le protocole sanitaire dans les établissements scolaires en imposant : 1) la commande immédiate et la distribution de capteurs de CO2 pour chaque classe d'école maternelle, d'école primaire, de collège et de lycée de France ; 2) la suspension de toute activité sans masque en intérieur ; 3) les dépistages itératifs en milieu scolaire consistant pour les écoles primaires en deux tests salivaires hebdomadaires ; 4) la réalisation d'un test RT-PCR ou antigénique pour rompre l'isolement des cas contacts ; 5) la réalisation d'un test RT-PCR à J+0 pour les mineurs cas contacts.

Le lecteur ne sera sans doute pas surpris de lire que ces diverses demandes d'injonction sont rejetées après que le juge des référés a examiné chacune d'elles.

(ord. réf. 27 janvier 2022, Mme J. épouse B. et autres, n° 460594)

 

39 - Covid-19 - Maintien de la fermeture des discothèques et établissements de nuit (de type P « salles de danse » ) - Différence de traitement par rapport salles de jeux ou les lieux d'exercice de sports collectifs - Rejet.

De ce jugement rejetant un recours dirigé contre un décret maintenant la fermeture des établissements de type P, « salles de danse », tels les discothèques ou établissements de nuit, on retiendra la pauvreté de la motivation en réponse au moyen tiré de ce que ces établissements sont traités inégalitairement par rapport aux salles de jeux ou aux lieux d'exercice de sports collectifs.

En effet, il est simplement répondu que ces derniers « se trouvent dans une situation différente de celle des salles de danse » (sic) ce qui peine à convaincre du bien-fondé de la solution adoptée sur ce point. On aurait tendance à considérer, à l'instar de la requérante, « que la mesure contestée (est) incohérente ».

(31 janvier 2022, Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), n° 441800)

(40) V. aussi, à propos des établissements de type P (« salles de danse »), le rejet d'un recours invoquant successivement l'incompétence du premier ministre pour prendre le décret du 10 juillet 2020, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé, l'atteinte à l'objectif à valeur constitutionnelle de prévisibilité et d'intelligibilité de la loi et le principe de légalité des délits et des peines, etc. : 31 janvier 2022, Société Nénuphar, n° 442036.

 

Professions réglementées

 

41 - Médecin – Suspension temporaire du droit d’exercer la médecine – Rejet du référé introduit en première instance – Absence d’élément nouveau apporté en appel -Rejet.

Le requérant, gynécologue-obstétricien, le docteur Bennis, demandait en appel au juge du référé liberté, l’annulation de l’ordonnance du premier juge rejetant sa demande de suspension d’exécution de la décision du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine suspendant immédiatement son droit d'exercer la médecine, pour une durée de cinq mois, à raison de pratiques exposant ses patientes à des risques graves.

Pour rejeter l’appel, le juge des référés du Conseil d’État relève que le requérant n’apporte en appel aucun élément nouveau susceptible d’infirmer l’appréciation des faits retenue en première instance. Or, à ce stade, il avait été tout d’abord jugé que les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée ainsi que de la méconnaissance du respect des droits de la défense n'étaient pas de nature à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale du requérant d'exercer sa profession et à la liberté des patients de choisir leur médecin. Il avait, ensuite, été jugé qu'eu égard aux graves incidents qui se sont produits lors d'actes médicaux pratiqués par le docteur Bennis au cours de l'année 2021, il ne résultait pas de l'instruction que le directeur général de l’ARS, en prenant la mesure conservatoire contestée, aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du requérant d'exercer sa profession. Enfin, dès lors que la mesure de suspension a été prise en vue de garantir la sécurité des patients, le fait que le directeur général de l’ARS ait exercé, avant sa nomination, les fonctions de directeur de la stratégie du groupe auquel appartient la clinique dans laquelle exerce le docteur Bennis, n'était pas de nature à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales.

(25 janvier 2022, M. Salim Bennis, n° 460430)

 

Question prioritaire de constitutionnalité

 

42 - Demande de renvoi d’une QPC – Question identique déjà renvoyée au Conseil constitutionnel – Refus de réitération de la question dans le cadre d’un contentieux pendant devant ce Conseil – Rejet.

La demande des trois fédérations requérantes tendait à voir saisi le Conseil constitutionnel d’une QPC portant sur la constitutionnalité du troisième alinéa de l'article L. 421-5, de l'article L. 426-3 et des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du code de l'environnement, or ces textes ont déjà fait l’objet d’un renvoi à ce Conseil par voie de QPC par une décision du Conseil d’État, du 15 octobre 2021, Fédération nationale des chasseurs, n° 454722, il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu dans la présente espèce de renvoyer au Conseil constitutionnel l’identique question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les fédérations départementales des Landes, du Gers et du Gard (cf. art. R. 771-18 du CJA).

(19 janvier 2022, Fédération départementale des chasseurs des Landes, n° 455054 ; Fédération départementale des chasseurs du Gers, n° 455246 ; Fédération départementale des chasseurs du Gard, n° 457751, jonction)

 

43 - Covid-19 – Obligation vaccinale imposée à diverses catégories de professionnels œuvrant dans des institutions hospitalières, médico-sociales, de santé ou de retraite – Conséquences du non-respect de cette obligation – QPC soulevée devant le juge des référés en première instance ou en cassation – Régime procédural – Rejet du pourvoi et refus de transmission de la QPC.

L’intérêt principal de cette décision ne tient pas au problème de fond qu'elle tranche mais à une très intéressante question de procédure née de la combinaison des textes régissant la QPC et de ceux gouvernant les référés administratifs urgents.

Deux situations peuvent se présenter.

La première situation est celle où la QPC est soulevée devant le juge administratif des référés statuant, en première instance, sur le fondement des art. L.521-1, L521-2 ou L. 522-3 CJA. Ce juge des référés peut rejeter la demande qui lui est soumise pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence et décider, ainsi, de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État.

La seconde situation est celle où le Conseil d'État est saisi d'un pourvoi dirigé contre une ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a rejeté, sur le fondement des art. L.521-1 ou L. 522-3 du CJA, la demande qui lui était soumise, pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence. En ce cas, le Conseil d'État, juge de cassation peut, si une QPC est alors soulevée pour la première fois devant lui, rejeter le pourvoi qui lui est soumis et décider de ne pas transmettre la QPC, en jugeant, dans le délai de trois mois prévu par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, que l'ordonnance attaquée a pu, régulièrement et à bon droit, opposer, selon le cas, l'incompétence de la juridiction administrative, l'irrecevabilité de la demande ou le défaut d'urgence. 

En l’espèce, aucun des moyens soulevés n’a pu convaincre le juge d’admettre le pourvoi en cassation ou de transmettre la QPC.

(28 janvier 2022, Mme F., n° 457987)

(44) V. aussi, identique : 28 janvier 2022, Mme J., n° 457988.

 

45 - QPC - Décision de justice refusant de transmettre une QPC - Contrôle du Conseil d'État sur le bien-fondé de la décision - Annulation - Transmission de la QPC.

Saisi d'un pourvoi contre un jugement refusant, en référé suspension, de transmettre une QPC, le Conseil d'État, confirmant pleinement une tendance jurisprudentielle (V. notamment : 30 décembre 2011, Mme X., n° 350412 ; 30 décembre 2014, Mme X., n° 382830), contrôle le bien-fondé de ce refus. Estimant en l'espèce que la question soulevée présente un caractère sérieux, il annule sur ce point l'ordonnance et, sursoyant à statuer, renvoie la question au Conseil constitutionnel.

(ord. réf. 31 janvier 2022, Association Le Sphinx, n° 455122)

 

46 - Application contrainte du régime forestier à des parcelles – Atteintes au droit de propriété et au principe de libre administration des collectivités territoriales – QPC – Refus de transmission.

Les communes requérantes soulevaient une QPC à l’encontre de l’art. L. 214-3 du code forestier en tant qu’il permet au ministre chargé des forêts, contre le gré des propriétaires concernés, d’assujettir les parcelles dont ils sont propriétaires au régime forestier.

Ce régime emportant transfert à l'ONF, pour les bois et forêts concernés, de la gestion des coupes et des ventes, de l'affectation des parcelles ou de leur défrichement, les collectivités requérantes estimaient – non sans quelque vraisemblance – qu’il porte atteinte au droit de propriété et à leur pouvoir de libre administration, libertés que garantit la Constitution ; elles demandaient donc que soit transmise la question de leur conformité à la Constitution.

Pour rejeter la demande de transmission, le Conseil d’État, sans réellement convaincre malgré un solide numéro d’équilibriste, invoque deux arguments.

Selon le premier argument, les collectivités locales propriétaires conserveraient un pouvoir de décision et de contractualisation sur leur domaine forestier, pourraient s’opposer au document d'aménagement qui définit les programmes d'action envisagés pour la gestion des bois et forêts et conserveraient un rôle déterminant dans la programmation des coupes, le choix des quantités mises en vente et la façon dont les coupes sont mises à disposition de l'ONF ou, lorsque leur produit est vendu après façonnage, dans le choix de leurs modalités d'exploitation en régie par la collectivité ou par l'intermédiaire d'entrepreneurs qu'elle choisit, la collectivité étant associée aux opérations de vente, dont le produit lui est reversé. Enfin, les collectivités propriétaires conservent la faculté de vendre librement leurs bois et forêts soumis au régime forestier, dès lors qu'une sortie du régime forestier n'est pas envisagée.

Selon le second argument, l’existence d’un régime forestier poursuit l'objectif d'intérêt général d'assurer, d'une part, la cohérence de la politique forestière nationale, la mise en valeur de la forêt et de ses produits dans des conditions économiques satisfaisantes et, d'autre part, la prise en compte des bassins d'approvisionnement des industries du bois.

Reste qu’au total, on ne retrouve guère les droits souverains attachés à la qualité de propriétaire et la libre administration tourne in fine à la farce : l’atteinte qui leur est portée n’est pas de nature à justifier la transmission de la QPC. Le poète a raison, ces libertés s’effondrent comme des arbres morts :

« Oh! quel farouche bruit font dans le crépuscule,

Les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule!

Les chevaux de la mort se mettent à hennir,

Et sont joyeux, car l’âge éclatant va finir; » (V. Hugo, Le tombeau de Théophile Gautier, Hauteville-house, 2 nov. 1872, Jour des Morts).

(28 janvier 2022, Commune d’Audenge et commune du Teich, n° 458196)

 

Responsabilité

 

47 - Responsabilité pour faute - Illégalité fautive - Refus de visa par le contrôleur budgétaire - Intérêt à agir du ministre qu'en tant qu'une faute de l'État est en cause - Rejet.

Un agent contractuel de l'Agence régionale de santé publique de la région PACA (ARS PACA) demandait la réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait du non renouvellement de son contrat par l'ARS PACA auprès de laquelle elle avait été détachée.

Le ministre se pourvoit contre l'arrêt infirmatif condamnant solidairement l'État et l'ARS PACA à lui verser une certaine somme en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non-renouvellement de son contrat.

Le pourvoi soulevait deux questions principales.

En premier lieu, l'intérêt du ministre à se pourvoir était discuté. En effet, la cour administrative d'appel avait condamné solidairement l'État et l'ARS PACA à raison, pour le premier, de l'illégalité fautive dont est entaché le refus de visa de la contrôleuse budgétaire régionale et, pour la seconde, de l'illégalité fautive dont est entachée la décision du directeur général de l'ARS de ne pas renouveler le contrat. Elle estimait que chacune de ces fautes avait contribué à causer, dans leur globalité, le préjudice financier, le préjudice tiré de la minoration des droits à pension, et le préjudice moral dont se prévalait l'appelante.

C'est pourquoi l'intérêt du ministre à se pourvoir est limité, par la présente décision, à la contestation de la partie de l'arrêt d'appel jugeant que le refus de visa de la contrôleuse budgétaire régionale est entaché d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'État et qui condamne l'État à indemniser les préjudices qui résulteraient directement de ce refus de visa. Le pourvoi est donc rejeté en tant que le ministre soutient, sans y avoir aucun intérêt à le faire, que l'arrêt qu'il attaque est entaché d'erreur de droit et d'inexacte qualification juridique des faits en ce qu'il juge que le non-renouvellement du contrat de la requérante constitue une illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de l'État, dès lors que cette faute n'a pas conduit à la condamnation de l'État à indemniser cette dernière mais seulement à la condamnation de l'ARS PACA.

En second lieu, examinant l'application de la règle de droit, le juge de cassation considère que c'est sans erreur de droit que la cour a jugé, d'abord, qu'une illégalité affectant un visa du contrôleur budgétaire ou un refus de visa opposé par le contrôleur budgétaire est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'État et, ensuite, que le refus de visa opposé par la contrôleuse budgétaire régionale au projet d'avenant visant à renouveler le contrat liant la requérante et l'ARS PACA était de nature, en raison de son illégalité fautive, à engager la responsabilité de l'État.

(24 janvier 2022, Ministre de l'action et des comptes publics, n° 434470)

 

Santé publique

 

48 - Lutte contre l’épidémie de Covid-19 – Obligation d’aviser le public des effets secondaires des vaccins anti-Covid – Obligation de faire cesser les entraves à la prescription de médicaments anti-Covid – Rejet.

Doit être  rejetée en ses deux moyens la requête tendant d’une part, à ce que le public soit avisé des effets graves qu’auraient les vaccins anti-Covid alors que l’injection de 123 552 600 doses (au 30 décembre 2021) n’a produit que des effets secondaires majoritairement attendus et non graves et, d’autre part, à ce que soient autorisés des médicaments anti-Covid comme préconisé par un urologue à la retraite dans un entretien avec le magazine Capital, ce qui n’est manifestement pas une indication médicale suffisante.

(ord. réf. 13 janvier 2022, M. B., n° 460253)

 

49 - Enfants de plus de douze ans déclarés cas contact et non complètement vaccinés – Autorisation de se rendre en classe sur présentation d’un test antigénique à J+0 négatif - Demande subsidiaire, à défaut, de mise en place d’un enseignement à distance – Rejet.

Depuis le 3 janvier 2022, un protocole sanitaire prévoit, d’une part, un isolement de sept jours pour les élèves de douze ans et plus sans vaccination ou avec une vaccination incomplète lorsqu'ils sont contacts à risque d'une personne testée positive au Covid-19 et, d’autre part, pour les élèves de moins de douze ans qui sont également contact à risque, la possibilité de rester en classe s'ils subissent un test négatif immédiat, à J+2 et J+4, les autotests étant admis à partir du 14 janvier 2022.

La requérante demandait à titre principal, que soit prise une  mesure provisoire et transitoire autorisant pendant une durée d'au minimum huit semaines les élèves de douze ans qui seront déclarés cas contact à risque et ne seront pas vaccinés ou de manière incomplète à pouvoir se rendre en classe en présentant un test négatif ; elle demandait également, à titre subsidiaire, qu’injonction soit faite au ministre de l'éducation nationale de mettre en place un enseignement à distance quotidien pour ces élèves. 

Relevant que la vaccination a été ouverte à l'ensemble des enfants à compter du 23 décembre 2021 et que la durée pour obtenir une vaccination complète a été réduite à trois semaines, le juge des référés estime que tous les enfants atteignant l'âge de douze ans sont donc dorénavant susceptibles de disposer d'un schéma vaccinal complet ; même si tel n'est pas encore le cas pour certains enfants venant juste d'avoir douze ans, compte tenu des délais d'obtention des rendez-vous de vaccination, cette situation a vocation à disparaître de manière rapide.

Il s’ensuit l’absence d’atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'éducation qui aurait été portée par l’instauration du protocole litigieux, d’où le rejet du référé.

(ord. réf. 19 janvier 2022, Mme Janura, n° 460331)

 

50 - Substances ou préparations classées comme vénéneuses (L. 5132-8 c. santé pub.) - Cannabis (plante, résine et produits dérivés) – Autorisation en dessous d’une certaine teneur – Interdiction concernant les fleurs et feuilles même d’une teneur respectant ce seuil – Absence de nocivité démontrée justifiant cette interdiction – Illégalité – Suspension de certaines des dispositions contestées – Rejet du surplus.

L’art. R. 5132-86 du code de la santé publique pris pour l’application de l’art. L. 5132-8 de ce code, interdit la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi du cannabis, de sa plante et de sa résine, des produits qui en contiennent ou de ceux qui sont obtenus à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine. Toutefois, il peut être dérogé à cette prohibition générale pour celles des variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes et pour ceux des produits contenant de telles variétés.

Un arrêté ministériel du 30 décembre 2021, pris sur le fondement de ces dispositions, décide, d’une part, en son I., que sont autorisées la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de cannabis sativa L. dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol n'est pas supérieure à 0,30 % et qui sont inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France et, d’autre part, en son II., que sont interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d'autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation, même lorsque celles-ci ont une teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), substance classée comme stupéfiante, inférieure au seuil de 0,30 %.

Les requérants arguent de l’illégalité de cet arrêté en tant qu’il estime en son I. comme non stupéfiants les produits dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol  (THC) est inférieure à 0,30% et, en son II. que sont stupéfiantes les fleurs et feuilles dont la teneur en THC est également inférieure à 0,30 %.

Le juge des référés, statuant, selon les requêtes, en référé liberté ou en référé suspension, distincts ou combinés, estime qu’existe un doute sérieux sur la légalité de la disposition litigieuse car il ne résulte pas de l'instruction, à la date de l’ordonnance, que les fleurs et feuilles de chanvre dont la teneur en THC n'est pas supérieure à 0,30 % revêtiraient un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d'interdiction générale et absolue de leur vente aux consommateurs et de leur consommation, alors que  cette teneur est précisément celle retenue par l'arrêté contesté lui-même, au I de son article 1er, pour caractériser les plantes autorisées à la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale.

Par ailleurs, il n’est pas non plus établi qu'il ne serait pas possible de mobiliser les moyens permettant de contrôler cette teneur, alors que des moyens de contrôle sont détaillés, pour l'ensemble de la plante, à l'annexe de l'arrêté, afin de distinguer les feuilles et fleurs de chanvre qui, en raison de leur très faible teneur en THC, pourraient être regardées comme dépourvues de propriétés stupéfiantes.

La suspension est ordonnée mais seulement pour ce qui est des dispositions du II. litigieux, en revanche, elle ne l’est pas pour les autres dispositions de l’arrêté relatif à d’autres pratiques comme le bouturage, dont l’interdiction ne satisfait pas à la condition d’urgence.

(ord. réf. 24 janvier 2022, Union des professionnels du CBD, n° 460055 et n° 460375 ; Société Slow et société Studio LR, n° 460290 ; Société Weedstock, société Comptoir du chanvre, société Buddha Farm's et société Zentitude, n° 460300 ; Société Gree Leaf Company, n° 460326 ; Société Mister Flower Avenue Niel, société Mister Flower Levallois, société Mister Flower CBD et société FD Holding Investissement, n° 460334 ; Société Shyw, n° 460370, jonction)

 

Service public

 

51 - Enseignement supérieur – Covid-19 - Organisation d’examens en présentiel – Risque épidémique élevé – Demande de suspension – Rejet.

Le requérant, dont l’action en référé liberté a été rejetée en première instance, demande au Conseil d’État de suspendre l'organisation en présentiel des examens du premier semestre du centre de préparation aux concours de la haute fonction publique de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne prévus à compter du 3 janvier 2022 ou, à défaut, d'enjoindre à l'université d'organiser ces examens à distance ou, à titre encore subsidiaire, de réexaminer les modalités d'organisation de ces examens. 

Le juge des référés du Palais-Royal rejette la demande, prenant acte de ce que la tranche de population concernée par ces examens est vaccinée à plus de 90%, et de ce que l’université impose le port du masque pendant toute la durée des épreuves, met à la disposition des étudiants des produits hydro-alcooliques et leur permettra de composer dans des conditions assurant le respect des règles de distanciation. 

(ord. réf. 2 janvier 2022, M. B., n° 460051 et n° 460052)

 

52 - Scolarisation d’un mineur étranger isolé – Mineur ayant dépassé l’âge de seize ans – Circonstance indifférente à la possibilité de bénéficier d’une formation – Doute sur l’âge du mineur – Absence de pouvoir lié du recteur dans l’appréciation de cet âge – Rejet.

Une personne de nationalité camerounaise, se présentant comme mineur isolé, se voit refuser, par le département de Paris, l’accès à l’aide sociale à l’enfance pour cause de doute sur son âge ainsi que, sur décision implicite du rectorat de Paris, le bénéfice d’une formation.

Les juges du fond ayant fait droit à cette dernière demande, le ministre de l’éducation nationale se pourvoit, invoquant deux moyens qui sont rejetés.

En premier lieu, la scolarité n’étant obligatoire que jusqu’à seize ans, pour les Français comme pour les étrangers (L. 31-1 code de l’éducation dans sa version alors en vigueur), le ministre estimait qu’à supposer même que l’intéressé ait eu l’âge qu’il prétendait avoir, soit seize ans révolus, il n’existait plus pour lui d’obligation de scolarisation. Contre toute attente, confirmant les juges du fond, le Conseil d’État juge « que la circonstance qu'un enfant ait dépassé l'âge de l'instruction obligatoire ne fait pa obstacle à ce qu'il puisse bénéficier d'une formation adaptée à ses aptitudes et besoins particuliers ». Ce qui est discutable ici ce n’est pas tant qu’un tel mineur soit susceptible de bénéficier d’une formation c’est que cette dernière puisse être une obligation pour l’administration saisie d’une telle demande. La volonté du législateur paraît ici bien malmenée.

En second lieu, est rejeté le moyen tiré de l’existence d’un doute sur l’âge réel de l’intéressé car le recteur s’est cru lié par l’avis du service de l'aide sociale à l'enfance du département de Paris alors qu'il n'est pas tenu par cette appréciation et qu'il lui incombe d'apprécier lui-même la situation de l'intéressé à la date de sa décision, au vu des éléments en sa possession, tels la décision du service de l'aide sociale à l'enfance et d'éventuels éléments postérieurs.

(24 janvier 2022, Ministre de l’éducation nationale, n° 432718)

 

Urbanisme

 

53 - Urbanisme commercial – Permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un hypermarché – Avis favorable de la commission départementale  d’aménagement commercial et défavorable de la commission nationale – Refus du  permis – Recours du maire contre l’avis défavorable et du pétitionnaire contre le refus du permis – Avis constituant un acte préparatoire à la décision sur la demande de permis de construire – Distinction entre les effets de l’avis sur le permis de construire et ceux sur l’autorisation d’exploitation commerciale - Cassation sur le fond sans renvoi – Renvoi partiel du pourvoi sous forme de tierce opposition.

(24 janvier 2022, Société Année distribution et autres, n° 440164)

V. n° 11

 

54 - Permis de construire - Plan local d'urbanisme (PLU) applicable - Adoption d'un PLU postérieurement à l'octroi du permis - Inapplicabilité à la construction déjà autorisée - Absence d'effet sur un permis modificatif postérieur à l'adoption du PLU - Annulation avec renvoi.

Rappel de ce qu'un permis de construire délivré le 31 juillet 2017 ne saurait être soumis aux prescriptions contenues dans un PLU entré en vigueur le 2 août 2017, soit une fois transmis au contrôle de légalité et affiché en mairie. La circonstance de la délivrance d'un permis de construire modificatif le 14 décembre 2017 est sans incidence sur le droit applicable lors de la délivrance du permis de construire initial.

On assiste ici au triomphe de la sécurité juridique et des droits subjectifs de l'administré.

(31 janvier 2022, Société Amétis, n° 439978)

 

55 - Permis de construire - Lotissement - Permis tacite délivré dans le délai quinquennal - Impossibilité d'exercer le pouvoir de surseoir à statuer - Annulation.

Un tribunal administratif annule un permis de construire tacite délivré dans un lotissement autorisant la construction d'une maison individuelle et d'une piscine. Il se fonde pour cela sur ce que le maire aurait entaché sa décision d'illégalité en n'opposant pas, le 5 janvier 2019, soit moins de cinq ans après sa décision de non opposition à la déclaration préalable de lotissement, un sursis à statuer à la demande de permis de construire présentée sur une parcelle du lotissement ainsi autorisé, au motif que le projet litigieux était de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme et de l'habitat de la métropole de Lyon. 

Ce jugeant, le tribunal a commis une erreur de droit car l'art. L. 442-14 du code de l'urbanisme dispose : « Lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date » . Il suit de là que l'autorité compétente ne peut légalement surseoir à statuer, sur le fondement de l'article L. 424-1 du même code, sur une demande de permis de construire présentée dans les cinq ans suivant une décision de non-opposition à la déclaration préalable de lotissement au motif que la réalisation du projet de construction serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme. 

Il faut approuver cette saine application du principe de sécurité juridique.

(31 janvier 2022, M. I., n° 449496)

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