Sélection de jurisprudence du Conseil d'État

Mai 2019

 

Actes et décisions

 

1 - Motivation des actes administratifs – Invocation de la Charte des droits fondamentaux de l’UE – Caractère inopérant en l’espèce – Charte ne concernant que les actes de droit interne pris pour la mise en œuvre du droit de l’Union – Motivation obligatoire des seuls actes individuels au regard du droit interne – Rejet.

Rappel de ce que ne peuvent être invoquées au soutien d’un prétendu défaut de motivation d’un acte administratif ni les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui n'énonce d'obligation de motivation qu'à l'égard des décisions des institutions, organes et organismes de l'Union, dès lors en tout état de cause que la décision attaquée n'a pas été prise pour mettre en œuvre le droit de l'Union européenne ni, non plus, celles de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui ne s'applique qu'aux décisions individuelles. 

(6 mai 2019, Société Octoplus, n° 416369)

 

2 - Défenseur des droits – Recommandations du Défenseur – Nature juridique et effets contentieux – Absence de caractère décisoire – Recours irrecevable contre ces recommandations – Rejet.

Un fonctionnaire, sévèrement tancé par le Défenseur des droits dans le cadre de recommandations adressées à son supérieur hiérarchique, le ministre des affaires sociales et de la santé, demande l’annulation de ces recommandations.

Selon le Conseil d’Etat, qui applique ici une ligne jurisprudentielle classique,  il résulte de l’art 24 de la loi organique de 2011 relative au Défenseur des droits, « que lorsqu'il émet des recommandations, sans faire usage de la faculté dont il dispose de la rendre publique, (celui-ci) n'énonce pas des règles qui s'imposeraient aux personnes privées ou aux autorités publiques, mais recommande aux personnes concernées les mesures qui lui semblent de nature à remédier à tout fait ou à toute pratique qu'il estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement.

Par suite, ces recommandations, alors même qu'elles auraient une portée générale, ne constituent pas des décisions administratives susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il en est de même du refus de faire usage des pouvoirs que le Défenseur des droits tient de ces dispositions ». 

Le recours est donc rejeté.

(22 mai 2019, M. X., n° 414410)

 

3 - Projet suisse relatif à l’aéroport de Genève – Demande de résiliation éventuelle d’un accord international conclu entre la France et la Suisse – Acte de gouvernement – Enquête publique se déroulant en Suisse – Demande de délivrance par la France d’un avis négatif dans le cadre de cette enquête – Refus – Acte détachable des relations diplomatiques – Acte ne faisant pas grief en l’absence d’effet juridique – Rejet.

L’association requérante demande l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, a refusé d'intervenir pour la mise en œuvre des pouvoirs souverains de la France, de délivrer un avis négatif dans le cadre de la procédure d'adoption de la fiche du Plan sectoriel de l'infrastructure aéronautique relative à l'aéroport international de Genève et de demander aux autorités suisses d'adopter toutes mesures de moindre impact concernant les trajectoires et les horaires d'exploitation de l'aéroport international de Genève, après résiliation, le cas échéant, de l'accord franco-suisse du 22 juin 2001 relatif à l'aéroport international de Genève.

Le juge était donc saisi de deux demandes.

La résiliation qu’il était demandé de prononcer de l’accord franco-suisse est déclarée irrecevable car elle est dirigée contre un acte qui n’est pas détachable des relations diplomatiques de la France, ayant donc la nature d’un acte de gouvernement.

La demande d’annulation du refus de délivrer un avis négatif dans le cadre de la procédure se déroulant en Suisse est elle aussi rejetée pour irrecevabilité. En effet, quoique détachable des relations diplomatiques de la France et ne constituant donc pas un acte de gouvernement, ce refus n’a aucun effet juridique et, ainsi, ne faisant pas grief, la demande de son annulation est manifestement irrecevable.

(27 mai 2019, Association française des riverains de l'aéroport de Genève, n° 422069)

 

4 - Conditions d’accès à la profession de greffier des tribunaux de commerce – Compétence du pouvoir réglementaire – Possibilité accordée au pouvoir réglementaire de prévoir des dispenses à ces conditions – Caractère non obligatoire de la prévision de dispenses – Légalité – Rejet.

Les requêtes jointes attaquent par divers moyens le décret n° 2017-893 du 6 mai 2017 relatif aux conditions d'accès à la profession de greffier de tribunal de commerce. L’un d’eux retiendra plus spécialement l’attention.

Il était soutenu par les requérants que l’art. L. 742-1 du code de commerce prévoyant qu’un décret fixe les conditions d’accès à cette profession " sous réserve des dispenses prévues par ce décret ", le décret attaqué est illégal faute d’avoir prévu de telles dispenses. Cet argument est rejeté. Le Conseil d’Etat rappelle que cette mention constitue pour le pouvoir réglementaire une habilitation à prévoir des dispenses mais non une obligation d'en prévoir.

 (27 mai 2019, M. X., n° 412291, M. X., n° 412316, M. X., n° 412339 ; v. aussi, du même jour, sur cette question du statut des greffiers de commerce, MM. X., n° 412291)

 

5 - Vins et mousseux – Appellation d’origine protégée (AOP) et Indication géographique protégée (IGP) – Appellation « Vin des Allobroges » – Extension à des vins mousseux – Homologation du cahier des charges d’une IGP – Fonctions – Illégalité en l’espèce – Annulation.

(10 mai 2019, Fédération nationale des producteurs et élaborateurs de Crémant , n° 418075 ; v. aussi, du même jour, une solution identique à propos du nouveau cahier des charges étendant aux vins mousseux de qualité rouges, rosés, blancs, gris et gris de gris, la possibilité de se prévaloir de l'IGP  " Pays d'Oc ", auparavant réservée aux seuls vins tranquilles par la précédente dénomination " Vin de pays d'Oc " à laquelle s'est substituée l'indication litigieuse : Fédération nationale des producteurs et élaborateurs de Crémant , n° 418082 ; également, du même jour, pour l’IGP « Comté Tolosan », avec même requérante, v. n° 418084 ; pour l’IGP « Côteaux de l’Ain », du même jour avec même requérante, v. n° 418085) V. n° 32

 

6 - Courrier interprétant une disposition réglementaire – Courrier émané de la directrice générale de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères – Acte à caractère impératif – Acte déférable au juge – Notion d’agent muté à sa demande - Définition irrégulière – Annulation.

Un courrier de la directrice générale de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères a donné une interprétation des dispositions de l'article 34 du décret du 12 mars 1986 fixant les conditions et modalités de prise en charge par l'Etat des frais de voyage et de changement de résidence à l'étranger ou entre la France et l'étranger, des agents civils de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif. Estimant cette interprétation irrégulière le syndicat requérant en demande l’annulation pour excès de pouvoir.

Le Conseil d’Etat constate tout d’abord que ce courrier revêtant par son contenu un caractère impératif, le syndicat est recevable à en demander l’annulation.

Sur le fond, l’art. 34 précité fixe les conditions de prise en charge des frais de déplacements des agents en poste à l’étranger et précise notamment que : « L'agent muté à sa demande et n'ayant pas accompli, à l'issue d'un congé annuel ayant donné lieu à prise en charge des frais de voyage, cinq mois de services (…) rembourse à l'administration le montant de la dernière prise en charge dont il a bénéficié à l'occasion de ses congés annuels. » Il découle de ce texte que la règle qu’il énonce ne peut être appliquée qu'aux seuls agents mutés à leur demande. Or les agents du ministère des affaires étrangères ne sont affectés à l'étranger que pour un temps de séjour limité, qui n'est en principe pas renouvelé. Par suite, les agents en poste à l'étranger qui, à l'issue de la durée de séjour prévue par leur " contrat d'affectation ", formulent, le cas échéant après avoir vainement sollicité la prolongation de leur affectation, une demande d'affectation dans un nouveau poste ne peuvent pas être considérés comme « mutés à leur demande ». Il s’ensuit que le courrier litigieux, en énonçant que les agents qui ont formulé des vœux de nouvelle affectation à l'issue de leur temps de séjour sont considérés comme étant mutés à leur demande viole les dispositions précitées de l’art. 34.

La décision contenue dans le courrier attaqué est annulée.

(9 mai 2019, Syndicat national CGT du ministère des affaires étrangères, n ° 425586)

 

7 - Salarié protégé – Procédure de licenciement – Autorisation donnée puis retirée par l’inspection du travail – Recours hiérarchique au ministre – Pouvoirs et obligations du supérieur hiérarchique dans la mesure de la demande dont il est saisi – Annulation.

(6 mai 2019, Société Barrois Gaz venant aux droits de la société Miler Gaz, n° 409283 ; v. aussi, sur la même espèce, du même jour avec même requérante, le n° 409284 et le n° 409285) V. n° 34

 

8 - Rétroactivité des décisions administratives – Illégalité – Exception en cas particuliers – Régularité.

Les décisions administratives ne disposant que pour l’avenir, elles sont normalement irrégulières lorsqu’elles sont rétroactives. Ainsi, en matière d’admission à la retraite sur demande de l’intéressé, l’administration ne peut pas, en l’absence de texte législatif l’y autorisant, accorder une portée rétroactive à la décision d'admission à la retraite.

Par exception toutefois, cette rétroactivité est permise lorsqu’il y a lieu, pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge de l’intéressé, de placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité.

En l’espèce, l’application de la règle dérogatoire était illégale dans la mesure où la mesure rétroactive n'était pas nécessaire pour placer l'intéressée, qui était en congé de maladie pour maladie professionnelle durant la période en cause, dans une situation régulière. 

(6 mai 2019, Mme X., n° 418482)

 

9 - Enregistrement d’un diplôme ou d’une formation sur le répertoire national des certifications professionnelles – Acte de caractère réglementaire – Absence – Acte n’étant pas à caractère général et impersonnel – Acte n’ayant pas pour objet l’organisation du service public – Recours porté en Conseil d’Etat statuant en premier et dernier ressort – Renvoi au tribunal administratif.

L’inscription d’un diplôme, d’un titre ou d’un certificat sur le répertoire national des certifications professionnelles, même s’il est un élément de la politique publique de la formation professionnelle, est sans caractère réglementaire car il n’est ni un acte à caractère général et impersonnel ni un acte ayant pour objet l’organisation du service public.

Par suite le recours contre le refus d’inscription ne peut être porté directement au Conseil d’Etat statuant en premier et dernier ressort ; son contentieux relève du droit commun processuel, donc, en première instance, du tribunal administratif.

(10 mai 2019, SAS École internationale des vocations équestres et autres, n° 428574)

 

10 - Personnel médical des hôpitaux publics – Anesthésistes-réanimateurs – Circulaires fixant l’incidence des congés pour raison de santé sur le report des congés annuels de ces personnels – Circulaires réglementaires – Incompétence – Annulation – Demande d’injonction de prise d’un décret régissant ces congés – Rejet.

 (13 mai 2019, Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs élargi (SNPHARE, n° 418823) V. n° 52

 

Audiovisuel, informatique et technologies numériques

 

11 - Décision du CSA – Refus d’autoriser le déplacement d’un émetteur de radio – Compétence du Conseil d’Etat en premier et dernier ressort – Absence – Compétence de premier ressort de la cour administrative d’appel de Paris – Renvoi à cette cour.

La société requérante demande l’annulation de la décision du 19 décembre 2017 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a rejeté sa demande tendant à ce que soient modifiées les caractéristiques techniques relatives à la diffusion de Radio Star, service autorisé sur la fréquence 105,2 Mhz à La Roche-Morey, en lui permettant de déplacer son émetteur sur le territoire de la commune de Chargey-les-Port, située à une vingtaine de kilomètres. Elle porte son action directement devant le Conseil d’Etat.

En réalité, le contentieux mettant en cause le CSA est partagé entre le Conseil d’Etat, dont la compétence ratione materiae est déterminée par la loi de 1986 modifiée, et la Cour administrative d’appel de Paris. La compétence du premier  est limitée : au retrait d’autorisation en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement ; à l’agrément donné par le CSA  à un changement de titulaire d'autorisation pour la diffusion de services de radio lorsque ce changement bénéficie à la personne morale qui contrôle ou qui est contrôlée par le titulaire initial de l'autorisation au regard des critères figurant à l'article L. 233-3 du code de commerce ; à l’agrément au changement de la catégorie pour laquelle le service est autorisé ; à l’agrément à une modification des modalités de financement lorsqu'elle porte sur le recours ou non à une rémunération de la part des usagers ; de façon générale, aux agréments donnés par le CSA  en application des articles 29, 29-1, 30-1, 30-5 et 96 de la loi de 1986 en cas de modification du contrôle direct ou indirect, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, de la société titulaire de l'autorisation.

S’agissant, comme en l’espèce, d’une autorisation de déplacement géographique d’un émetteur radio, cette décision n’est pas au nombre de celles relevant de la compétence directe du Conseil d’Etat. L’affaire est donc renvoyée à la cour de Paris.

(13 mai 2019, Société Soprodi Radios Régions SAS, n° 418320)

 

12 - CSA - Pouvoir de sanction – Application d’un cahier des charges – Invitation à faire preuve de mesure dans la relation, par une chaîne de télévision, d’une affaire criminelle – Manque d’équilibre dans la présentation des faits pendant une instance en cours – Atteinte à la liberté d’expression (art. 10 CEDH) – Absence en cas d’ingérence légitime – Rejet.

France 2 a diffusé dans le cadre de son émission " Envoyé spécial ", un reportage intitulé "Celle qui accuse " évoquant, pour illustrer les difficultés rencontrées par une femme qui porte plainte contre un supérieur hiérarchique pour viol ou agression sexuelle, des faits dénoncés par deux employées de mairie, qui avaient donné lieu à des poursuites pénales pour viol contre le maire de la commune et qui étaient soumis, au même moment, au jugement d’une cour d'assises.

Le CSA a estimé que " le crédit accordé à la partie civile, les déclarations des témoins interrogés et les commentaires hors champ concouraient à l'établissement d'un reportage déséquilibré, essentiellement centré sur les charges retenues contre l'accusé, traduisant un défaut de mesure dans l'évocation d'une procédure judiciaire criminelle en cours " et relevé en outre que la séquence avait été diffusée quelques heures seulement après l'audition devant la cour d'assises de la partie civile concernée et avant que le jury ne délibère. Cela constituait, selon le CSA, une méconnaissance des dispositions du cahier des charges conclu entre le CSA et la société demanderesse. Il a donc adressé une mise en demeure à la société éditrice. Cette dernière demande au Conseil d’Etat l'annulation de cette mise en demeure.

Le Conseil d’Etat estime tout d’abord que si une mise en demeure n’est pas en soi une sanction elle y concourt puisque la récidive d’un comportement après mise en demeure est automatiquement sanctionnée. Il est donc possible de former à son encontre un recours contentieux.

Ensuite, s’il est certain qu’une telle mesure constitue, comme le soutient la société requérante, une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression, celle-ci constitue en l’espèce, compte tenu des circonstances susrelatées, une ingérence légitime au sens et pour l’application de l’art. 10 de la convention EDF tel que cet article est explicité par la jurisprudence de la cour éponyme.

Le recours est rejeté.

(13 mai 2019, Société France Télévisions, n° 421779)

 

Biens

 

13 - Appartenance d’un bien au domaine public – Domanialité publique virtuelle – Conditions – Compétence du juge administratif – Rejet.

Une commune a conclu une convention avec une association pour l’occupation de locaux en vue d’y gérer une crèche et une halte-garderie. La commune a décidé de créer un service public d'accueil de la petite enfance et d'affecter à ce service public les locaux communaux mis jusque-là à la disposition de l'association. Elle a saisi le juge administratif des référés d’une demande d’expulsion de l’association à la date d’expiration de la convention, les locaux devant être alors occupés sans droit ni titre.

La demande de la commune ayant été acceptée par le juge des référés, l’association se pourvoit en cassation contre l’ordonnance d’autorisation d’expulsion et son recours est rejeté car les locaux en cause constituent une dépendance du domaine public.

Se fondant sur les dispositions de l’art. L. 2111-1 du CGPPP, le Conseil d’Etat estime réunies les trois conditions de la domanialité publique « virtuelle » : un bien propriété d’une personne publique, l'affectation de ce bien à un service public, la réalisation certaine de l’aménagement indispensable à l’exercice de la mission de service public. En l’espèce, où l’aménagement des locaux est déjà réalisé en vue du service public de crèche que la commune a décidé de créer, le bien servant d’assiette à l’autorisation d’expulsion constitue une dépendance du domaine public sur lequel le juge administratif a, en cas de litige, compétence pour se prononcer.

Le pourvoi se trouve ainsi rejeté.

(22 mai 2019, Association « Les familles X. de Langlade », n° 423230)

 

14 - Appartenance au domaine public d’une parcelle supportant un dépôt de pain – Parcelle voisine d’une dépendance du domaine public (camping municipal) – Accès direct à la parcelle par une voie publique – Absence d’accès direct du public ou d’affectation à un service public (du tourisme ici) – Absence de caractère accessoire de cette parcelle par rapport au service public assuré par le camping – Parcelle n’appartenant pas au domaine public – Rejet.

Avant l’entrée d’un camping municipal, chargé du service public touristique, se trouve un dépôt de boulangerie loué par un syndicat intercommunal à la société qui l’exploite ; la nature juridique de la parcelle lui servant d’assiette est disputée à l’occasion du refus de renouveler le bail liant la société au syndicat et de la proposition de ce dernier de le transformer en une convention d’occupation du domaine public.

Le syndicat se pourvoit contre le jugement du tribunal administratif, statuant sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, qui constate que la parcelle litigieuse ne fait pas partie du domaine public du syndicat.

Tout d’abord, le dépôt se trouvant en dehors des limites du camping, avant même l’entrée de celui-ci, avec un accès direct à partir de la voie publique, il ne saurait former, avec le camping, un seul et même ensemble immobilier sans que puisse faire obstacle à cette déduction le fait que les deux unités appartiendraient à la même emprise cadastrale, ce dernier aspect étant ici sans incidence.

Ensuite, la parcelle d’assiette du dépôt de pain n’est ni affectée à l'usage direct du public ni affectée au service public du tourisme, la convention liant la société au syndicat n'imposant à cette dernière aucune obligation de cette nature.

Enfin, cette parcelle ne peut pas davantage être considérée comme l’accessoire du camping parce qu’elle ne présente aucune utilité directe pour l’activité de camping n’ayant avec cette dernière ni lien physique ni lien fonctionnel.

(29 mai 2019, Syndicat intercommunal du camping de Donville-Granville, n° 417012)

 

15 - Exploitation agricole – Régime du fermage – Détermination du prix du loyer – Fixation par arrêtés préfectoraux – Prise en compte des améliorations apportées au bien loué par le preneur – Illégalité – Annulation du jugement de première instance.

Statuant sur renvoi préjudiciel de l’autorité judiciaire, le Conseil d’Etat rappelle que le preneur d’un bien en bail rural a droit, en fin de bail, à l’indemnisation des améliorations qu’il a apportées. Toutefois, le renouvellement du bail a pour effet de reporter à la sortie du fonds l'indemnisation du preneur pour les améliorations qu'il a apportées aux biens loués ; les conditions du bail renouvelé sont en principe celles du bail précédent. En conséquence, ainsi que l'ont décidé les deux arrêtés préfectoraux attaqués, les améliorations apportées par le preneur ne peuvent en principe être prises en considération pour le calcul du loyer à l'occasion du renouvellement du bail. Le tribunal administratif a ainsi commis une erreur de droit en jugeant illégale la dernière phrase de chacun des deux articles 6 et 7 des deux arrêtés préfectoraux motif pris de ce qu'aucune disposition du code rural ne conditionnerait la prise en compte des améliorations apportées au fonds loué au versement par le bailleur de l'indemnité. Le jugement est annulé. 

(29 mai 2019, M. X., n° 421101)

 

Collectivités territoriales

 

16 - Compétences transférées aux collectivités territoriales – Département – Prestations d’aide sociale – Prise en charge des jeunes majeurs – Étendue de la compétence départementale – Règlement départemental d'aide sociale – Rejet.

Dans un litige relatif à un jeune majeur ayant sollicité en vain du département requérant la prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance, le juge est conduit à préciser le statut du règlement départemental d'aide sociale. C’est là l’apport essentiel de la décision, aspect auquel on se limitera ici.

En premier lieu, le département a l'obligation de verser à toute personne en remplissant les conditions légales, celles des prestations d'aide sociale que la loi met à sa charge.

En deuxième lieu, quand des lois ou des décrets ont fixé les conditions d'attribution ou les montants des prestations en matière d’aide sociale, le règlement départemental d'aide sociale ne peut édicter que des dispositions plus favorables.

En troisième lieu, quand ces lois ou décrets n’ont pas précisément fixé ces conditions ou ces montants, le règlement départemental d'aide sociale peut préciser les critères au vu desquels il doit être procédé à l'évaluation de la situation des demandeurs. En revanche, il ne peut fixer de condition nouvelle conduisant à écarter par principe du bénéfice des prestations des personnes qui entrent dans le champ des dispositions législatives applicables.

En dernier lieu, enfin, lorsque le département crée de sa propre initiative des prestations d'aide sociale, le département définit, par le règlement départemental d'aide sociale, les règles selon lesquelles ces prestations sont accordées.

(29 mai 2019, département du Bas-Rhin, n° 419406 ; v. aussi, pour des questions voisines : 22 mai 2019, département de Meurthe-et-Moselle, n° 429718)

 

Compétence juridictionnelle

 

17 - Arrêté préfectoral instituant une zone d’attente – Maintien d’étrangers dans cette zone d’attente – Entrave alléguée à la liberté d’aller de venir – Utilisation de la procédure du référé liberté (art. L. 521-2 CJA) – Incompétence du juge administratif au profit de la compétence du juge judiciaire (art. L. 222-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, CESEDA) – Rejet.

96 ressortissants Sri-lankais ont demandé au juge des référés de première instance de

" constater " l'inopposabilité de l'arrêté du préfet de La Réunion du 13 avril 2019 portant création d'une zone d'attente temporaire à Sainte-Marie et l'atteinte grave et manifestement illégale portée au droit d'asile et à leur liberté d'aller et venir et d'ordonner qu'il soit mis fin à toute entrave à leur liberté d'aller et venir ". Ce recours ayant été rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître, ils saisissent le Conseil d’Etat qui, à son tour, décline la compétence de l’ordre administratif de juridiction.

Il résulte des dispositions mêmes de l’art. L. 222-1 du CESDA que : « Le maintien en zone d'attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention statuant sur l'exercice effectif des droits reconnus à l'étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours. ».

Du fait de cette incompétence du juge administratif, aucun moyen ne saurait prospérer.

(7 mai 2019, X. et autres, n° 429939, v. aussi, du même jour avec mêmes requérants, le n° 430313)

 

Contrats

 

18 - Concession de service public – Fautes du concessionnaire – Résiliation aux torts exclusifs du concessionnaire – Déchéance du concessionnaire – Mesure excessive eu égard aux aspects financiers – Annulation de l’arrêt contraire.

La société demanderesse a conclu avec la commune de Saumur un contrat de concession de service public d’une durée de dix ans pour la gestion et l'exploitation de deux campings municipaux, du bar-brasserie-épicerie de l'un d'eux et d'un centre international de séjour.

La société CVT Loisirs ayant commis des fautes dans l'exécution du contrat, la commune de Saumur a prononcé la résiliation de la concession aux torts exclusifs de la société.

Sur recours de cette dernière, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune à réparer les préjudices subis par la société du fait de l’irrégularité de la déchéance du contrat de concession. Ce jugement est annulé par la cour d’appel contre l’arrêt de laquelle se pourvoit la société CVT Loisirs.

Le Conseil d’Etat relève que si l’existence de fautes du concessionnaire est certaine, notamment le non-paiement d’un acompte sur redevance annuelle, « cette somme n'était pas, eu égard au montant des investissements engagés par le concessionnaire et à l'équilibre économique de l'exploitation, dont le chiffre d'affaires annuel avoisinait un million d'euros, d'une gravité suffisante pour fonder légalement la déchéance du concessionnaire ».

L’arrêt de la cour d’appel est cassé et l’affaire lui est renvoyée.

On notera l’étendue du contrôle juridictionnel désormais exercé sur une mesure de résiliation pour faute.

(6 mai 2019, Société CVT Loisirs et M. X., gérant, n° 420070)

 

19 - Marchés publics – Décompte général et définitif – Effets – Appel possible en garantie du maître de l’ouvrage contre le titulaire du marché – Obligation d’avoir formulé une réserve – Absence – Caractère irrévocablement définitif du décompte – Annulation partielle de l’arrêt d’appel.

Après réception des travaux au terme de l’exécution de lots d’électricité dans le cadre d’un marché conclu par le CHU de Reims, ce dernier a adressé à la société mandataire du groupement d’entreprises chargées de ces lots, un projet de décompte général et définitif.

À réception de celui-ci la société mandataire a réclamé une indemnité complémentaire du chef de préjudices qu'elle aurait subis du fait d'une exécution du chantier dans des conditions anormales et non conformes au contrat. Déboutées en première instance, ces sociétés obtiennent gain de cause en appel par la condamnation solidaire du CHU et de la société Icade Promotion, titulaire du marché, celle-ci étant condamnée à garantir le CHU à hauteur de 40% des condamnations prononcées à son encontre.

La société Icade Promotion se pourvoit et invoque à l’appui de son recours la circonstance que la cour a omis de répondre au moyen qu’elle avait soulevé devant elle pris de ce que le caractère général et définitif du décompte du marché dont elle était titulaire faisait obstacle à ce que le CHU puisse l'appeler en garantie. L’arrêt d’appel est cassé pour omission de réponse à moyen non inopérant.

Statuant au fond, le Conseil d’État, après avoir rappelé la fonction et la portée du décompte général et définitif, indique que la circonstance que ce décompte soit devenu définitif  « ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions d'appel en garantie du maître d'ouvrage contre le titulaire du marché, sauf s'il est établi que le maître d'ouvrage avait eu connaissance de l'existence du litige avant qu'il n'établisse le décompte général du marché et qu'il n'a pas assorti le décompte d'une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige. » Cette dernière précision est d’importance et elle est, sous cette forme, énoncée de manière assez nouvelle.

Constatant qu’en l’espèce le CHU avait bien eu connaissance de l’existence d’un litige avant l’établissement du décompte et qu’il n’a assorti le décompte d’aucune réserve même non chiffrée, ses conclusions à fin d’appel en garantie ne peuvent être que rejetées.

(6 mai 2019, Société Icade Promotion c/ CHU de Reims, n° 420765)

 

20 - Délégation de service public – Conditions de publicité et de mise en concurrence – Caractère obligatoire de l'ensemble du règlement de la consultation – Composition des dossiers – Notion de candidature incomplète – Cas de la candidature ne respectant pas le mode de transmission d'un dossier – Compétence liée de la commission de délégation de service public pour rejeter une candidature incomplète – Rejet du pourvoi.

Une société, candidate à l'octroi d'une délégation de service public, voit sa candidature rejetée à raison du caractère incomplet du dossier qu'elle a présenté au soutien de celle-ci en raison du non respect d'une des formalités prévues par le règlement de la consultation. Ayant contesté en vain devant le premier juge la légalité de la décision de rejet par la commission de délégation de service public, elle se pourvoit. Le Conseil d'Etat confirme le rejet.

Celui-ci apporte cette importante précision que le règlement de la consultation prévu par une autorité concédante pour la passation d'un contrat de concession est obligatoire dans toutes ses mentions, instaurant ainsi une sorte d'indivisibilité entre les dispositions du règlement et d'absence de hiérarchie des prescriptions en son sein.

L'autorité concédante ne peut pas attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement. Il n'en irait autrement que si cette exigence était manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres.

Pour dire une candidature incomplète il faut et il suffit qu'une au moins des prescriptions du règlement n'ait pas été satisfaite. Il en est ainsi d'une candidature qui, bien que contenant les pièces et informations dont la production est obligatoire, ne respecterait pas les exigences fixées s'agissant du mode de transmission de ces documents. Il n'en irait autrement que s'il était démontré que ces exigences sont manifestement inutiles.

En l'espèce, faute que la société demanderesse ait adressé une version de son dossier sous format dématérialisé sa candidature était incomplète et la commission compétente était dans l'obligation de la rejeter.

(22 mai 2019, Société Corsica Ferries, n° 426763)

21 - Marché public – Impossibilité pour le juge d'adresser des injonctions aux contractants – Exception tirée de la jurisprudence "Préfet de l'Eure" – Urgence justifiant la saisine, pour injonction et astreinte, du juge du référé "mesures utiles" – Légalité – Rejet du pourvoi.

L'université de Rennes 1 a conclu " avec la société Complétel un marché d'une durée ferme d'un an, reconductible tacitement trois fois, destiné à assurer la fourniture de services d'adduction à un réseau en très haut débit entre plusieurs sites répartis en Bretagne, dont celui de la station biologique de Paimpont, et le campus de Beaulieu à Rennes où se trouvent les serveurs de l'université. S'agissant du site de Paimpont, il était prévu par l'acte d'engagement que le site devait être raccordé avec un débit de 80 Mbit/s nominal " service L2/L3 ", obtenu par voie de faisceau hertzien, lequel était, ainsi qu'il était mentionné dans le mémoire technique produit à l'appui de l'offre de la société Complétel, fourni à cette société par la société Altitude Infrastructure. Alors que le marché, reconduit pour la troisième fois consécutive, devait expirer le 7 juin 2019, une rupture du faisceau hertzien est intervenue le 24 janvier 2019 après que la société Altitude infrastructure a cessé l'exploitation de la technologie de raccordement par faisceau hertzien mise en place sur le site de Paimpont. Afin de maintenir la liaison entre la station biologique de Paimpont et le campus de Beaulieu, la société Complétel a proposé de substituer à la liaison par faisceau hertzien un service reposant sur la technologie 4G. Cette solution, d'abord refusée par les services de l'université, a finalement été acceptée à la suite d'un aménagement pris en charge par la société Complétel. Cependant, après l'intervention de la coupure de la liaison hertzienne le 24 janvier 2019, l'université a constaté, en dépit de la solution de substitution mise en place par la société Complétel, l'extrême faiblesse du débit entre les deux sites et, par une nouvelle mise en demeure, a exigé de son cocontractant qu'il satisfasse à ses obligations contractuelles en matière de débit. Celle-ci étant restée infructueuse, l'université de Rennes 1 a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, afin qu'il ordonne, sous astreinte, à la société Complétel qu'elle rétablisse, dans un délai de huit jours, le réseau hertzien ou mette en oeuvre toute autre technologie permettant de rétablir une connexion d'un débit de 80 Mbits/s pour la station biologique de Paimpont. La société Complétel se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 18 février 2019 par laquelle le juge des référés de ce tribunal a fait droit à la demande de l'université."

Le pourvoi est rejeté.

Outre les aspects techniques du dossier, - notamment le refus de considérer qu'une affirmation unilatérale de la demanderesse en cours de passation du marché pourrait constituer une condition suspensive du marché conclu ; le reproche de n'avoir pas étudié toutes les possibilités techniques de résoudre la difficulté litigieuse ; l'inexistence en l'espèce d'une situation de force majeure ou encore  le montant de l'astreinte à l'issue d'un délai de huit jours -, le Conseil d'Etat rappelle un aspect important de la limitation des pouvoirs du juge du contrat assortie de sa classique exception. Le passage concerné mérite d'être rappelé en son entier :

" S'il n'appartient pas au juge administratif d'intervenir dans l'exécution d'un marché public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l'administration, lorsque celle-ci dispose à l'égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l'exécution du contrat, il en va autrement quand l'administration ne peut user de moyens de contrainte à l'encontre de son cocontractant qu'en vertu d'une décision juridictionnelle. En pareille hypothèse, le juge du contrat est en droit de prononcer, à l'encontre du cocontractant, une condamnation, éventuellement sous astreinte, à une obligation de faire. En cas d'urgence, le juge des référés peut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l'urgence, ne fasse obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Les obligations du cocontractant doivent être appréciées en tenant compte, le cas échéant, de l'exercice par l'autorité administrative du pouvoir de modification unilatérale dont elle dispose en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs."

(29 mai 2019, Société Complétel, n° 428628)

 

Droit fiscal et droit financier public

 

22 - Contrôle fiscal – Vérification de comptabilité – Période mentionnée dans l’avis ne correspondant qu’en partie à la période de vérification – Violation de l’art. L. 47 LPF – Absence – Cassation partielle avec renvoi.

Selon l'article L. 47 LPF dans sa rédaction alors applicable : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification (...) ". 

Une société exerçant une activité de commerce de détail de biens d'occasion et de vente de lithographies fait l’objet, à la suite d’une vérification de comptabilité, d’un rappel de diverses taxes et de pénalités.

Après que le tribunal administratif a rejeté sa demande de décharge d’impositions supplémentaires, la cour administrative accueille sa demande. Le ministre des comptes publics se pourvoit.

Selon la cour, la vérification de comptabilité à la suite de laquelle ont été émis rappels et pénalités était irrégulière. Alors que l'avis de vérification de comptabilité indiquait à la société que le contrôle porterait sur la période du 1er mai 2010 au 30 avril 2012, la vérification et les redressements ont couvert la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010. La cour a donc considéré que la société avait été privée de la garantie légale.

Cassant sur ce point l’arrêt d’appel, le Conseil d’Etat estime que la cour devait rechercher si cette imposition procédait non des seuls éléments obtenus à l'occasion de l'exploitation des documents comptables relatifs à la période mentionnée dans l'avis de vérification mais d'investigations traduisant la mise en œuvre d'une vérification de comptabilité de cette société au titre d'un exercice distinct.

On ne peut s’empêcher de voir dans cette solution un laxisme mal venu à l’égard des prétentions et du comportement de l’administration fiscale. À cette aune la légitimité fiscale n’est pas près d’être atteinte.

(9 mai 2019, Ministre de l’action et des comptes publics, n° 416795)

 

23 - Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) – Possibilité d’émettre des titres exécutoires – Combinaison entre émission d’un tel titre et saisine du juge – Régime d’ensemble – Cas d’indemnisations successives d’une même victime.

Dans cette importante décision faisant suite à une demande d’avis contentieux, le Conseil d’Etat fixe le régime d’ensemble des titres exécutoires émis par l’ONIAM.

Tout d’abord, le juge  estime qu’il résulte des textes (art. L. 1142-14, 1142-15, 1142-22, 1142-23 et R. 1142-53 du code de la santé publique - CSP - ainsi que les art. 98 de la loi du 31 décembre 1992 de finances rectificative pour 1992, 28 et 192 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique) que l’ONIAM peut émettre des titres exécutoires en vue du recouvrement de ses créances résultant de sommes versées à la victime, aux droits de laquelle il est subrogé, à l'encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du  fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral.

Toutefois, s’agissant de la pénalité prévue à l’art. L. 1142-15 CSP en cas de silence ou de refus de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, ne peut être prononcée que par le juge. Ainsi, l'ONIAM ne peut émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement de cette pénalité et doit, pour cela, saisir la juridiction d'une demande dirigée soit contre l'assureur soit contre le responsable des dommages.

Ensuite, lorsqu’a été conclue une transaction avec les victimes et que l’ONIAM cherche à recouvrer les sommes qu’il a versées aux victimes, il a le choix entre émettre un titre exécutoire ou saisir le juge à cet effet.

Toutefois, lorsque n’est en cause que la même créance de l'ONIAM sur le responsable du dommage ou son assureur, il ne peut ni émettre un titre après avoir saisi le juge ni saisir le juge après avoir émis un titre. En revanche, quand l’ONIAM, après avoir indemnisé la victime, l'indemnise à nouveau en raison d'une aggravation de son état de santé, les créances nées de ces deux indemnisations successives sont distinctes et l'office n'est pas tenu, s'agissant de la deuxième créance, de suivre la même voie procédurale que celle qu'il a retenue pour la première créance.

Egalement, les personnes instituées débitrices par un titre exécutoire émis par l’ONIAM peuvent le contester devant le juge, ce recours ayant un caractère suspensif. Ici le juge relève audacieusement qu’il s’agit là « d'un principe général du droit auquel le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ne saurait avoir dérogé ». Un tel recours conduisant nécessairement le juge administratif à se prononcer sur la responsabilité du débiteur à l'égard de la victime aux droits de laquelle l'office est subrogé, ainsi que sur le montant de son préjudice, il s’ensuit qu’est territorialement compétent pour connaître d'une telle demande le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu où s'est produit le fait générateur du dommage.

En raison du caractère suspensif du recours contre le titre exécutoire, l’ONIAM ne peut poursuivre le recouvrement de la pénalité qu'en formant une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de cette opposition. En conséquence, il n'est donc pas recevable, dans cette hypothèse, à saisir ultérieurement la juridiction d'une nouvelle requête tendant à la condamnation du débiteur au paiement de cette pénalité.

Enfin, lorsqu'il a versé une indemnité à la victime en application de l'article L. 1142-15 CSP, l'ONIAM, s'il a connaissance du versement à cette victime de prestations mentionnées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, doit informer les tiers payeurs concernés afin de leur permettre de faire valoir leurs droits auprès du tiers responsable, de son assureur ou du fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par les professionnels de santé exerçant à titre libéral. L'office doit aussi informer les tiers payeurs, le cas échéant, de l'émission d'un titre exécutoire à l'encontre du débiteur de l'indemnité ainsi que des décisions de justice rendues sur le recours formé par le débiteur contre ce titre. En revanche, il ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire que les tiers payeurs ayant servi des prestations à la victime en raison de l'accident devraient être appelés en la cause lorsque le débiteur saisit le juge administratif d'une opposition au titre exécutoire. 

Il faut saluer cet effort de clarification et de pédagogie du juge mais regretter aussi l’excessive complexité d’un régime juridique que simplifierait déjà beaucoup la reconnaissance à l’ONIAM du droit d’émettre un titre exécutoire en vue de recouvrer les pénalités qu'elle inflige.

(Avis, 9 mai 2019, Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), n° 426321)

 

24 - Bénéfices industriels et commerciaux – Sommes facturées à soi-même par un propriétaire effectuant des travaux sur un immeuble – Imposition aux bénéfices industriels et commerciaux – Erreur de droit en l’absence de livraison à un tiers – Cassation sans renvoi.

Une personne réalise des travaux d’amélioration sur deux immeubles dont elle est propriétaire et qu’elle se facture à elle-même en tant que travailleur indépendant à raison du temps passé à effectuer lesdits travaux. L’administration a remis en cause la déduction, par l’intéressé, de deux factures relatives à ces travaux de ses revenus fonciers, et estimé que leurs montants étaient imposables au titre des bénéfices industriels et commerciaux. Les juges du fond ayant été saisis en vain, l’intéressé se pourvoit.

Le Conseil d’Etat juge qu’en l’absence de toute prestation réalisée au profit de tiers, les sommes facturées ne peuvent ni être regardées comme provenant de l'exercice d'une activité lucrative ni, par suite, comme un bénéfice industriel et commercial. Il règle l’affaire au fond dans le sens de ce qui précède.

(29 mai 2019, M. X., n° 418293)

 

25 - Monopole du ministère public près les juridictions financières pour l’exercice des poursuites devant celles-ci (art. L. 242-1 du code des juridictions financières) – Impossibilité pour les collectivités territoriales d’exercer cette action en cas de préjudice causé par le comportement du comptable poursuivi – Droit à recours juridictionnel effectif – Renvoi d’une QPC.

(10 mai 2019, Commune de Sainte-Rose et autre, n° 424115) V. n° 90

 

26 - Impôt sur le revenu – Réductions et crédits d’impôt – Réduction d’impôt pour souscription au capital de PME exerçant certaines activités – Exclusion du bénéfice de cette réduction pour les PME ayant des activités financières – Notion d’ « activités financières » – Cas des courtiers en assurances – Absence de ce caractère – Annulation.

Le paragraphe n° 130 des commentaires administratifs  relatifs à la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune en faveur de l'investissement dans les petites et moyennes entreprises exclut du bénéfice de cette réduction  les souscriptions au capital de PME qui exercent une activité financière de banque (administration de marchés financiers, courtage de valeurs mobilières...) ou d’assurance  (tels les entreprises d'assurance de toute nature, les services auxiliaires d'assurance : courtiers, agents d'assurances, etc.). Le paragraphe n° 80 des commentaires administratifs relatifs à la réduction de l'impôt sur le revenu en faveur de l'investissement dans les petites et moyennes entreprises instituée à l'article 199 terdecies-0 A CGI, dispose que les investissements réalisés dans ces mêmes entreprises sont également exclus du champ d'application de cette réduction d'impôt.

Le requérant, qui a effectué des souscriptions au capital de sociétés de courtage d'assurance, demande l’annulation des paragraphes n° 80 et n° 130 en tant qu’ils sont applicables aux activités de courtier en assurances.

Pour recevoir l’intéressé en son action et procéder aux annulations sollicitées, le Conseil d’Etat s’attache à définir la nature de l’activité d’un tel courtier. Il estime que celle-ci « ne saurait être appréciée au regard de l'objet du contrat en vue duquel les opérations de courtage sont accomplies, ni de sa classification dans la nomenclature d'activités française, élaborée par l'INSEE à des fins statistiques, mais doit être déterminée au regard des caractéristiques de la prestation que le courtier fournit à son client. Cette activité consiste à mettre en relation d'affaires une personne cherchant à acquérir une prestation d'assurance et un assureur en vue de la conclusion d'un contrat d'assurance. En fournissant cette prestation, le courtier en assurances n'agit ni au nom, ni pour le compte d'une compagnie d'assurance, mais au seul bénéfice de son client, auquel il fournit une prestation d'entremise au sens des dispositions des articles L. 131-1 et suivants du code de commerce ».  L’activité cde courtier en assurances constitue donc un acte de commerce au sens du 7° de l’art. L. 110-1 du code de commerce qui répute actes de commerce… « 7° Toute opération de change, banque, courtage, activité d'émission et de gestion de monnaie électronique et tout service de paiement ».

Il découle de tout ce qui précède que l’activité en cause revêtant une nature commerciale et non financière, elle ne saurait relever des exclusions établies illégalement par l’administration fiscale et que ces commentaires doivent être annulés.

(9 mai 2019, M. X., n° 428692)

 

27 - Impôt sur les sociétés -Holding de gestion de portefeuille – Acquisition de parts d’une société puis, ultérieurement, revente de ces titres de participation – Application du taux d’imposition de droit commun, et non du taux minoré, à la plus-value de cession – Gérant unique de la société acquérante devenu membre du conseil de surveillance de la société cessionnaire – Titres de participation – Notion – Existence – Erreur de droit de la cour – Cassation de l’arrêt et renvoi.

La société Montisambert acquiert au cours de l’année 2007 des actions de la société Sarenza, représentant 5,17 % de son capital social ; le gérant unique de la société Montisambert, est désigné comme l’un des cinq membres du conseil de surveillance de la société Sarenza. Suite à une augmentation de capital non souscrite par la société Montisambert, la part de cette dernière est réduite à 4,34%. Quatre ans plus tard la société Montisambert a revendu ses titres et l’administration fiscale a prétendu imposer la plus-value réalisée, au titre de l’impôt sur les sociétés, non au taux minoré (soit 8%) mais au taux de droit commun (soit 33,33%). Déboutée de son recours en première instance et en appel, la société requérante se pourvoit.

Le Conseil d’Etat, s’appuyant sur les termes mêmes du I de l’art. 219 CGI, définit les titres de participation comme « ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle. Une telle utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence. »

Ce sont donc les conditions et objectifs de l’acquisition des titres de participation qui sont déterminantes pour établir le taux d’imposition auquel doit être soumise ladite cession de titres.

Or la cour, pour rejeter l’appel de la société Montisambert, avait estimé, d’une part, que les titres en cause n'avaient pas le caractère de titres de participation, et d’autre part, qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir que le gérant unique de la société Montisambert aurait été désigné au conseil de surveillance de la société Sarenza en tant que représentant de la SARL Montisambert. Ce jugeant, elle a commis deux erreurs de droit en se posant des questions irrelevantes, d’abord car elle n’a pas recherché les conditions d’achat des titres de participation litigieux, ensuite en recherchant les conditions d’exercice par le gérant de son mandat au titre du conseil de surveillance.

Faute de s’être penchée sur la question essentielle, à savoir si au vu des conditions d'achat des titres, l'intention initiale de la SARL Montisambert était bien d'exercer une influence sur la société Sarenza et si elle s’est réellement donnée les moyens de l'exercer, l’arrêt d’appel est cassé.

(29 mai 2019, SARL Montisambert, n° 411219)

 

28 - Droit fiscal et droit civil – Assimilation du « trust » à la « fiducie » (art. 2011 Code civil) – Taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France (art. 990 D du CGI) – Exonération à raison de la localisation du siège du trust – Détermination du siège d’un trust (art. 792-0 bis, 990 D et 990 E du CGI).

La société demanderesse demande l’annulation :

- du paragraphe n° 90 des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP)-impôts en tant qu’ils disposent que les immeubles détenus par des trusts entrent dans le champ de la taxe de 3% sur la valeur vénale des immeubles possédés en France (art. 990 D du CGI),

- et du paragraphe n° 50 des commentaires administratifs publiés le 5 octobre 2016 au BOFiP-impôts en tant qu’il détermine les conditions d’exonération de cette taxe pour les immeubles détenus par des trusts.

Pour rejeter ce recours, le Conseil d’Etat juge, s’agissant du paragraphe n° 90 précité, que les trusts, au sens retenu par la législation fiscale, « doivent être regardés comme des institutions comparables à la fiducie ». Cette dernière est ainsi définie par le Code civil : « La fiducie est l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires » (art. 2011). Dès lors, les immeubles situés en France, appartenant à un trust, sont assujettis à la taxe annuelle égale à 3 % de leur valeur vénale (art. 990 D du CGI).

En second lieu, s’agissant du paragraphe n° 50, seules peuvent bénéficier de l’exonération de cette taxe (prévue au 3° de l’art. 990 E du CGI), les entités juridiques qui ont leur siège en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ou dans un Etat ayant conclu avec la France un traité leur permettant de bénéficier du même traitement que les entités qui ont leur siège en France. Pour déterminer le siège d’un trust, c’est sans illégalité que le n° 50 précité établit une présomption de rattachement ainsi formulée : « les entités juridiques de type fiducie, trust et fonds d'investissement sont réputées être établies dans l'Etat ou le territoire de la loi à laquelle elles sont soumises ».

Au reste, il est loisible à toute entité qui contesterait la présomption de rattachement ainsi établie d’en rapporter la preuve afin de la renverser.

La requête est rejetée.

(9 mai 2019, Société Amicorp Limited, n° 426431 et n° 426434)

 

29 - Impôts sur le bénéfice des sociétés – Régime dérogatoire pour les sociétés civiles immobilières ayant pour objet la construction d’immeubles en vue de leur vente (I de l’art. 239 CGI) – Constructions édifiées sur d’autres terrains que ceux mentionnés dans les statuts de la SCI – Absence d’incidence sur l’application du I de l’art. 239 CGI – Cassation avec renvoi.

Le Conseil d’Etat estime que commet une erreur de droit l’arrêt d’appel qui, pour dénier à une SCI de construction immobilière, le bénéfice des dispositions du I de l’art. 239 CGI (exemption d’impôt sur les sociétés), se fonde sur la circonstance que des immeubles auraient été construits par elle sur d’autres terrains que ceux mentionnés dans les statuts. En effet, cet élément est sans effets sur l’application du I de l'art. 239 CGI.

(29 mai 2019, M. et Mme X., n° 412500)

 

30 - Revenu minimum d’insertion (RMI) – Répétition de l’indu perçu – Titre exécutoire – Mentions devant comporter un tel titre – Prescription de la créance (art.  L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles) – Fraude – Inapplication des règles de prescription – Prescription quadriennale – Inopposabilité – Prescription en matière civile – Application – Prescription trentenaire – Créance non prescrite en l’espèce – Rejet.

La demanderesse a été l’objet d’un titre exécutoire émis à son encontre par un département pour perception indue, parce que frauduleuse, du RMI. Elle l’a contesté devant les commissions départementale puis centrale d’aide sociale. Elle se pourvoit contre le rejet de son action.

Elle invoque d’abord le fait que le titre exécutoire litigieux ne comportait pas l’indication des bases de sa liquidation mais cet argument n’ayant pas été présenté devant la commission centrale d’aide sociale, est nouveau en cassation, il ne peut être retenu.

Elle soutenait aussi, se fondant sur l’art. L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles, lequel fixe un délai de prescription de deux ans, que la créance du département était prescrite mais cet argument ne peut être invoqué lorsque la répétition d’indu de RMI est justifiée, comme en l’espèce, par le comportement frauduleux du bénéficiaire. En revanche la commission centrale a commis une erreur de droit en opposant à l’intéressée l’exception de prescription quadriennale laquelle ne concerne que les personnes publiques débitrices, non les personnes privées débitrices.

Par substitution de motifs enfin, le juge de cassation oppose, à la requérante la prescription trentenaire instituée à l’art. 2262 C. civ. encore en vigueur à l’époque des faits litigieux puisque la créance née le 1er juin 2004 de la perception indue du RMI n’était pas atteinte par cette prescription avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, le 18 juin 2008, qui a réduit les délais de prescription.

La requête de l’intéressée est rejetée.

(29 mai 2019, Mme X., n° 417339)

 

Droit public économique

 

31 - Chambres de commerce et d’industrie (CCI) – Personnel – Interdiction de cumul avec une activité professionnelle – Notion – Révocation – Contrôle du juge – Rejet.

Le requérant, directeur-général adjoint et directeur des ports et parcs à la CCI Grand Lille a été suspendu puis révoqué de ses fonctions dans les circonstances suivantes. Candidat à la présidence du conseil d'administration de la caisse régionale du Crédit agricole, il a sollicité l’accord du président de la CCI à cet effet, en précisant – au regard du statut du personnel des CCI - que cette activité ne serait pas rémunérée et ne porterait aucune atteinte aux intérêts de la CCI. Il a obtenu l’autorisation demandée sous réserve que ce mandat soit exercé à titre gracieux et ne donne lieu à aucune rémunération.

Le Président de la CCI ayant ultérieurement eu connaissance de ce que l'intéressé avait perçu, dans le cadre de l'exercice de ce mandat, une indemnité compensatrice de temps passé d’un montant total de 50 640 euros, bénéficié d'un véhicule de fonction et d'un régime de retraite spécifique, il l’a informé engager à son encontre une procédure disciplinaire et le suspendre, à titre conservatoire, de ses fonctions jusqu'à l'issue de cette procédure. La commission paritaire locale a émis l'avis que M. X. soit révoqué de ses fonctions et le président de la CCI a, par une décision du 6 novembre 2012, prononcé cette sanction. Le requérant a demandé en vain en première instance et en appel l’annulation de ces mesures ainsi que la réparation et l'indemnisation des préjudices subis. Il se pourvoit en invoquant deux motifs principaux : l’irrégularité de la procédure disciplinaire et le caractère disproportionné de la sanction infligée. Son pourvoi est rejeté.

D’abord, le Conseil d’Etat estime que la triple circonstance que le Président de la CCI ait décidé, au vu des éléments d'information portés à sa connaissance, d'engager une procédure disciplinaire à l'encontre du requérant, puis ait présidé, conformément aux dispositions de l'article 11 du statut du personnel des CCI, la commission paritaire locale chargée d'émettre un avis sur une éventuelle sanction et, enfin, ait prononcé la sanction prise à l'issue de la procédure, ne caractérisait pas, par elle-même, une méconnaissance des principes d'indépendance et d'impartialité. On peut être cependant dubitatif sur ce point.

Ensuite, rappelant les limites du contrôle contentieux exercé en matière de sanction disciplinaire, d’une part par les juges du fond, et d’autre part par le juge de cassation sur ces derniers, le juge  estime que la faute est avérée compte-tenu de l’interdiction énoncée par le statut du personnel des CCI et de ce que l’intéressé, exerçant une véritable activité professionnelle au sein du Crédit agricole, y percevait une rémunération eu égard à son montant, à la régularité de son versement et à son caractère forfaitaire sous la forme d’une indemnité mensuelle de 6 330 euros. Par suite, eu égard à la gravité de ce comportement, la cour administrative d’appel « s'est livrée à une appréciation des faits de l'espèce qui ne conduit pas au maintien d'une sanction hors de proportion avec la faute commise ».

(6 mai 2019, M. X., n° 413615)

 

32 - Vins et mousseux – Appellation d’origine protégée (AOP) et Indication géographique protégée (IGP) – Appellation « Vin des Allobroges » – Extension à des vins mousseux – Homologation du cahier des charges d’une IGP – Fonctions – Illégalité en l’espèce  – Annulation.

La Fédération requérante sollicite l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté ministériel homologuant le cahier des charges de l’IGP « vin des Allobroges » en tant qu’il donne aux vins mousseux de qualité rosés et blancs la possibilité de se prévaloir de l’IGP "Vin des Allobroges ", auparavant réservée aux seuls vins tranquilles.

Le règlement communautaire du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles définit l'indication géographique protégée comme : " une indication renvoyant à une région, à un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, à un pays, qui sert à désigner un produit (...) :  i) possédant une qualité, une réputation ou d'autres caractéristiques particulières attribuables à cette origine géographique (...) " (art. 93 § 1). Dans son art. 94 (point 2) il indique que " Le cahier des charges permet aux parties intéressées de vérifier le respect des conditions de production associées à l'appellation d'origine ou à l'indication géographique. Il comporte au minimum les éléments suivants :  (...) g) les éléments qui corroborent le lien visé (...) à l'article 93, paragraphe 1, point b) i) ". Enfin, l'article 7 du règlement du 14 juillet 2009 fixant certaines modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil en ce qui concerne les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l'étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole dispose que : "

1. Les éléments qui corroborent le lien géographique (...) expliquent dans quelle mesure les caractéristiques de la zone géographique délimitée influent sur le produit final (...)

3. Pour une indication géographique, le cahier des charges contient :

a) des informations détaillées sur la zone géographique contribuant au lien ;

b) des informations détaillées sur la qualité, la réputation ou d'autres caractéristiques spécifiques du produit découlant de son origine géographique ;

c) une description de l'interaction causale entre les éléments visés au point a) et ceux visés au point b).

4. Pour une indication géographique, le cahier des charges précise si l'indication se fonde sur une qualité ou une réputation spécifique ou sur d'autres caractéristiques liées à l'origine géographique".

Il s’ensuit que pour homologuer, comme en l’espèce, le cahier des charges d’une IGP, l’autorité administrative doit s’assurer que ce cahier précise les éléments qui permettent d'attribuer à une origine géographique déterminée une qualité, une réputation ou d'autres caractéristiques particulières du produit qui fait l'objet de l'indication et qu’il met en lumière de manière circonstanciée le lien géographique et l'interaction causale entre la zone géographique et la qualité, la réputation ou d'autres caractéristiques du produit.

En outre, même si cela n’est pas exigé par les textes précités, il découle nécessairement de ceux-ci qu'ils ne permettent de reconnaître un lien avec une origine géographique que pour une production déjà existante, attestée dans la zone géographique à la date de l'homologation et depuis un temps suffisant pour établir ce lien.

Enfin, celui-ci doit être établi pour un produit déterminé et ne peut donc procéder d'une analogie avec un autre produit, même voisin.

Appliquant cela au cas d’espèce, le juge relève « que l'antériorité de la production de vins mousseux de qualité dans la zone géographique délimitée par le cahier des charges de l'indication géographique protégée " Vin des Allobroges " n'était pas établie à la date de l'arrêté attaqué. Notamment, l'assertion selon laquelle 24 producteurs sur les 80 que compte la zone auraient élargi leur gamme pour un marché spécifique de vins mousseux de qualité, et ce depuis plusieurs décennies, n'est pas assortie de précisions suffisamment probantes, notamment sur les dates à laquelle cette production se serait développée, sur sa localisation ou sur les volumes concernés, pour conclure à l'existence d'une production de vins mousseux de qualité, même limitée, qui s'étendrait sur une période continue et d'une durée suffisante, même récente, dans la zone retenue par ce cahier des charges. Dès lors qu'une production existante de vins mousseux de qualité n'est pas attestée dans la zone géographique à la date de l'homologation et depuis un temps suffisant pour établir le lien entre l'origine géographique et des vins mousseux de qualité, qui ne peut procéder d'une analogie avec des vins tranquilles de qualité, les ministres ont entaché leur arrêté d'une erreur d'appréciation en estimant que l'existence d'un lien géographique pouvait être établie entre l'aire géographique de l'indication " Vin des Allobroges " et la production de vins mousseux de qualité rosés et blancs ».

L’arrêté attaqué est annulé en tant qu'il homologue les dispositions du cahier des charges litigieux qui autorisent les vins mousseux de qualité issus des zones qu'il définit à se prévaloir de l'indication géographique protégée " Vin des Allobroges ".

(10 mai 2019, Fédération nationale des producteurs et élaborateurs de Crémant , n° 418075 ; v. aussi, du même jour, une solution identique à propos du nouveau cahier des charges étendant aux vins mousseux de qualité rouges, rosés, blancs, gris et gris de gris la possibilité de se prévaloir de l'IGP  " Pays d'Oc ", auparavant réservée aux seuls vins tranquilles par la précédente dénomination " Vin de pays d'Oc " à laquelle s'est substituée l'indication litigieuse : Fédération nationale des producteurs et élaborateurs de Crémant , n° 418082 ; également, du même jour, pour l’IGP « Comté Tolosan », avec même requérante, v. n° 418084 ; pour l’IGP « Coteaux de l’Ain », du même jour avec même requérante, v. n° 418085)

 

33 - Subvention municipale – Contentieux – Action introduite par le bénéficiaire ou par un tiers – Nature de contentieux de l’excès de pouvoir – Usage possible du référé suspension.

En l’espèce une société exploitant un cinéma contestait devant un tribunal administratif la décision municipale d’octroi d’une importante subvention à une autres société exerçant la même activité sur le territoire de la même commune.

Saisi pour avis de droit par ce tribunal, le Conseil d’Etat était interrogé, pour l’essentiel, sur le régime contentieux des recours formés par des tiers en matière de subventions accordées par une personne publique et dirigés contre cette dernière. En particulier, relèvent-ils du régime inauguré par la jurisprudence Tarn-et-Garonne (Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994, p. 70) ?

C’est l’occasion d’une importante décision.

Le Conseil d’Etat, mettant à part les actions à fins indemnitaires formées à l’occasion d’octroi ou de retrait de subventions par leurs bénéficiaires, lesquelles relèvent, par nature, du plein contentieux, apporte une réponse bien venue en ce qu’elle unifie le régime contentieux de la subvention lorsqu’il est introduit par un tiers.

En premier lieu, ce régime est le même quelle que soit l’objet du recours dirigé contre la décision attaquée : la décision même de l'octroyer, quelle qu'en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par convention (conclue selon les dispositions de l'art. 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000), ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d'octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées.

En deuxième lieu, il n’y a pas, non plus, à distinguer selon que l’auteur du recours est le bénéficiaire de la subvention ou un tiers ayant un intérêt pour agir.

Enfin, parce qu’une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral créateur de droits au profit de son bénéficiaire, le recours formé contre elle ne peut être qu’un recours  pour excès de pouvoir, éventuellement assorti d'une demande de suspension de la décision litigieuse (référé suspension de l’art. L. 521-1 CJA).

(Avis de droit, 29 mai 2019, SAS Royal Cinéma et M. X., n° 428040)

 

Droit social, sécurité sociale et action sociale

 

34 - Salarié protégé – Procédure de licenciement – Autorisation donnée puis retirée par l’inspection du travail – Recours hiérarchique au ministre – Pouvoirs et obligations du supérieur hiérarchique dans la mesure de la demande dont il est saisi – Annulation.

La société demanderesse a été autorisée, le 16 décembre 2011, à licencier un salarié protégé. Par une seconde décision, du 6 avril 2012, l'inspectrice du travail a retiré sa décision du 16 décembre 2011 et refusé l'autorisation sollicitée. La société a saisi d'un recours hiérarchique le ministre du travail. Celui-ci a, par une décision du 8 octobre 2012, d'une part, annulé la décision du 6 avril 2012 pour méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, d'autre part, décidé que la société n'étant plus l'employeur du salarié protégé, sa demande d'autorisation de licenciement ne pouvait qu'être rejetée.

Le Conseil d’Etat annule cette décision qui lui est déférée par la société. Il juge que le ministre, saisi d'un recours hiérarchique contre la décision du 6 avril 2012, devait statuer d'abord, ainsi qu'il l’a fait, sur la légalité de la décision retirant l’autorisation de licenciement. Puis, ayant annulé ce retrait, il lui appartenait, ayant par-là même rétabli la décision d'autorisation du licenciement, laquelle était créatrice de droits, d'annuler par voie de conséquence le refus d'autorisation résultant de la décision 6 avril 2012 qui lui était déférée.

Or, en l’espèce, le ministre a décidé de rejeter la demande d'autorisation de licenciement, se prononçant ainsi sur une demande dont la société ne l’avait pas saisi et dont d’ailleurs il ne pouvait légalement se saisir lui-même. Il s’ensuit que l'article 2 de la décision du 8 octobre 2012 rejetant la demande de la société, était dépourvu de toute portée juridique.

(6 mai 2019, Société Barrois Gaz venant aux droits de la société Miler Gaz, n° 409283 ; v. aussi, sur la même espèce, du même jour avec même requérante, le n° 409284 et le n° 409285)

 

35 - Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) – Seuil de licenciés par rapport au nombre d’employés atteint – Obligation d’homologation du PSE par le juge administratif – Détermination, le cas échéant, des catégories professionnelles concernées par les suppressions d’emplois – Reprise de ces catégories par le juge-commissaire – Possibilité de contester la légalité de ces catégories devant le juge de l’excès de pouvoir.

Tout d’abord, Lorsqu'une entreprise est placée en période d'observation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, l'administrateur judiciaire ne peut procéder à des licenciements pour motif économique qu'après autorisation du juge-commissaire. Cependant, si ces licenciements concernent au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'administrateur judiciaire doit obtenir de l'autorité administrative, préalablement à la saisine du juge-commissaire, l'homologation ou la validation d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Ensuite, à défaut d'accord collectif fixant le contenu du PSE ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 du même code, notamment sur les catégories professionnelles concernées par les suppressions d'emploi mentionnées à son 4° : " (…) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (…)".

Egalement, de ces dispositions il résulte que l'administration, lorsqu'elle est saisie, y compris au cours d'une période d'observation d'une entreprise en redressement judiciaire, d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles, doit se prononcer, sous le contrôle du juge administratif, sur la légalité de la détermination de ces catégories professionnelles.

Enfin, la circonstance que le juge-commissaire, saisi par l'employeur, autorise tout ou partie des licenciements envisagés par le PSE en indiquant celles des catégories professionnelles au sein desquelles les licenciements sont autorisés, n'a pas pour effet de leur conférer une autorité de chose jugée dans le litige d'excès de pouvoir relatif à la décision d'homologation du plan et ne fait pas obstacle à ce que la légalité de ces catégories professionnelles soit contestée au soutien d'un recours en excès de pouvoir dirigé contre la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi.

(22 mai 2019, M. X. et autres, n° 407401 et M. Y. et autres, n° 407414)

 

36 - Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) – Licenciement collectif pour motif économique – Ordre des licenciements – Critères devant être retenus – Article L. 1233-5 du code du travail – Prise en compte intégrale – Contrôle du juge – Pouvoir souverain des juges du fond – Rejet.

Le Conseil d’Etat pose les principes suivants.

Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il doit, pour déterminer l'ordre des licenciements, se fonder sur des critères prenant en compte l'ensemble des critères d'appréciation mentionnés aux 1° à 4° de l’art. L. 1233-5 c. trav.

De cette obligation de tenir compte des quatre critères énoncés par cette disposition, découle l’irrégularité du document unilatéral de l'employeur constituant le PSE qui fixerait des critères d'ordre des licenciements qui omettraient l'un de ces quatre critères d'appréciation ou neutraliseraient ses effets.

Egalement, il en irait autrement s'il est établi de manière certaine, dès l'élaboration du PSE, que, dans la situation particulière de l'entreprise et pour l'ensemble des personnes susceptibles d'être licenciées, aucune des modulations légalement envisageables pour le critère d'appréciation en question ne pourra être matériellement mise en œuvre lors de la détermination de l'ordre des licenciements.

Enfin, le contrôle du respect de cette obligation relève du pouvoir souverain des juges du fond.

(22 mai 2019, M. X. et autres, n° 413342)

 

37 - Contribution spéciale sanctionnant l’emploi irrégulier de travailleurs étrangers – Sanction - Caractère contradictoire de la procédure non contentieuse – Obligation de communiquer le procès-verbal constatant l’infraction – Distinction selon le moment de la demande de communication – Effets et régimes distincts.

(6 mai 2019, Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), n° 417756). V. n° 84

 

38 - Mineurs isolés - Hébergement et prise en charge – Obligations du département - Admission à l’aide sociale à l’enfance – Compétence exclusive du juge judiciaire – Refus du département de saisir le juge judiciaire – Incompétence du président du conseil départemental pour décider du sort du mineur et, par suite, du juge administratif – Rejet.

 Il résulte notamment tant des dispositions de l’art. 375-3 du Code civil et que de dispositions du code de l’action sociale et des familles qu'il revient au département de prendre en charge l'hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l'aide sociale à l'enfance en particulier sur décision du juge des enfants ou du procureur de la république. Cette obligation est renforcée lorsque le mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. En cas de négligence ou de carence ayant des conséquences graves pour le mineur celles-ci constituent une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale sous réserve de l’appréciation par le juge des référés des diligences accomplies par l'administration compte tenu des moyens dont elle dispose et des caractéristiques de la personne intéressée comme de sa situation.

Le président du conseil départemental saisi d’une telle demande de la part d’un mineur isolé, peut, à l’issue d’une période provisoire de cinq jours, saisir le juge judiciaire qui est seul compétent pour décider de son admission à l’aide sociale à l’enfance, ce dernier peut également être saisi par le mineur lui-même. Il suit de là que tant la décision du juge judiciaire ordonnant ou refusant cette admission que celle du département refusant de saisir le juge judiciaire rend irrecevable tout recours formé de ces chefs devant le juge administratif.

(10 mai 2019, M. X., n° 430357)

 

39 - Département - Prestations d'aide sociale – Prestations instituées par les lois ou les règlements – Prestations créées par le département – Obligations du département – Limitation dans le temps, par le département, du versement des prestations légales – Illégalité – Annulation.

Des parents sont avisés par le département qui la verse que l'allocation mensuelle de subsistance familiale, aide financière ayant pour finalité, selon le règlement départemental d'aide sociale, " d'aider une famille ou une femme enceinte à pourvoir à ses besoins de première nécessité, à savoir, d'une part, les dépenses de logement et, d'autre part, les dépenses d'alimentation et d'hygiène ", ne pourra plus leur être versée car ils ont épuisé leur droit à trois renouvellements annuels de cette aide. Ils demandent et obtiennent du juge de première instance l'annulation de cette décision. Le jugement fait l'objet d'un pourvoi en cassation de la part du département.

Très pédagogiquement, le Conseil d'Etat rappelle les principes qui gouvernent l'étendue des charges pesant sur le département en vertu des dispositions régissant la matière (art. L.111-1, L. 111-4, L. 121-1, L. L. 121-3, L. 121-4 et L. 222- 1 à L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles). Deux cas sont à distinguer : l'aide résulte de dispositions législatives et réglementaires, l'aide a été créée sur décision départementale.

Dans le premier cas, le principe est clair : le département a l'obligation de verser à toute personne en remplissant les conditions légales, les prestations d'aide sociale que la loi ou le réglement met à sa charge. Toutefois, deux hypothèses peuvent exister : soit la loi ou le réglement l'instituant fixe les conditions d'attribution ou les montants des prestations, ceux-ci s'imposent au département qui ne peut exercer son autonomie qu'en édictant des dispositions plus favorables ; soit le texte est muet ou imprécis sur ces points, il appartient alors au département, dans le règlement départemental d'aide sociale, de préciser les critères au vu desquels il doit être procédé à l'évaluation de la situation des demandeurs, sans possibilité pour lui, cependant, de fixer de condition nouvelle conduisant à écarter par principe du bénéfice de ces prestations des personnes qui entrent dans le champ des dispositions législatives applicables.

Dans le second cas, pour les prestations d'aide sociale qu'il crée de sa propre initiative, le département définit, par le règlement départemental d'aide sociale, les règles selon lesquelles ces prestations sont accordées. 

 (29 mai 2019, Département de l'Isère, n° 417467)

 

40 - Dispositifs sanitaires – Remboursement par la sécurité sociale – Conditions – Tire-laits – Arrêté interministériel modifiant les conditions de prise en charge – Référé suspension – Urgence établie – Existence d’un moyen sérieux au moins – Suspension accordée.

La société requérante, dont 80% du chiffre d’affaires proviennent de la commercialisation de tire-laits, demande la suspension de l'exécution de l'arrêté conjoint de la ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics, du 11 mars 2019, portant modification des modalités de prise en charge des tire-laits inscrits au titre Ier de la liste prévue à l'article L. 165-1 (LPP) du code de la sécurité sociale, en tant que, d'une part, il réserve cette prise en charge aux appareils permettant " une phase de stimulation (à cycles rapides de 100 à 120 [cycles d'aspiration]/minute, sans que la totalité de cette plage ne doive être couverte) et une phase d'expression (à cycles lents de 30 à 60 /minute, sans que la totalité de cette plage ne doive être couverte) ", et d'autre part, il prévoit que chaque fabricant doit proposer plusieurs tailles de téterelles en conditionnement unitaire.

Elle fait valoir que l’urgence à suspendre cette décision tient au caractère vital de l’activité de tire-laits pour la survie à court terme de l’entreprise. Elle argue également de l’illégalité de cette mesure car, d’une part, elle est entachée d’un vice de procédure du fait que l'arrêté litigieux  comporte des spécifications relatives aux fréquences d'aspiration et que l'avis de projet de modification n’a pas mis les fabricants et distributeurs de tire-laits à même de discuter du bien-fondé d'une telle condition, et d’autre part, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, les données acquises de la science ne permettant pas de conclure que le service attendu des tire-laits dont l'intensité d'aspiration est réglable et couvre au moins partiellement les deux phases définies par l'arrêté est supérieur à celui de tous les autres tire-laits et notamment, à celui des appareils de marque Ameda que la société requérante distribue.

Le Conseil d’Etat, admettant que les deux conditions sont établies, ordonne la suspension de la décision litigieuse.

(16 mai 2019, Société Almafil, n° 429473)

 

41 - Licenciement des salariés (art. L. 1235-2 du code du travail) – Précision des motifs énoncés dans la lettre de licenciement – Précisions apportées ultérieurement – Incompétence négative d’un décret d’application – Absence – Délai ouvert au salarié pour demander la précision des motifs de son licenciement – Absence d’erreur manifeste d’appréciation – Rejet.

Les organisations syndicales requérantes demandaient l’annulation du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, pris pour l’application de l’art. L. 1235-2 du code du travail, relatif à la procédure de précision des motifs énoncés dans la lettre de licenciement. Ils invoquaient au soutien de leur requête l’illégalité de ce décret d’abord pour incompétence négative, celui-ci n’ayant pas épuisé tous ses effets, ensuite en raison de la possibilité qu’il reconnaît à l’employeur de préciser les motifs de licenciement après envoi de la lettre de licenciement et enfin du fait de la fixation d’une durée, jugée trop brève, de quinze jours pour permettre au salarié de demander les motifs de licenciement. Ce recours est rejeté en tous ses arguments.

Le Conseil d’État relève en particulier que la loi (ici une ordonnance de l’art. 38) qui a renvoyé au décret le soin de fixer les " délais et conditions " dans lesquels l'employeur peut, après la notification de la lettre de licenciement, en préciser les motifs, n’impose nullement à ce décret d’épuiser la compétence ainsi dévolue.

De plus, la faculté de préciser les motifs de licenciement après envoi de la lettre de licenciement étant fixée par l’article précité du code du travail, le grief dirigé contre son décret d’application pour ce motif ne peut qu’être écarté, en particulier celui tiré d’une violation des art. 4 et 7 de la convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur, d’autant que l’article précité du code du travail est conforme à l’interprétation qui a été donnée de cette convention par l’OIT le 22 juin 1982 (recommandation n° 166).

Enfin, le délai de quinze jours, à compter de la notification de la lettre de licenciement, dans lequel le salarié licencié peut demander à l'employeur de préciser les motifs mentionnés dans cette lettre, outre qu’il est suffisant, n’empêche pas le salarié de saisir la juridiction compétente, judiciaire pour contester le licenciement, administrative pour contester l’autorisation administrative de licenciement.

Toutefois, montrant sa réserve devant la sévérité de ces dispositions, le juge note : « Dès lors, même si les requérants allèguent que cette demande du salarié n'a pas d'effet interruptif sur son délai d'action en justice, les dispositions attaquées ne sont pas incompatibles avec les exigences qui résultent de l'article 6, paragraphe 1 (CEDH). Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation alors même qu'en raison de son point de départ et de sa durée, il peut arriver à échéance avant que le salarié n'ait effectivement quitté son emploi et contraindre, par suite, ce dernier, à formuler sa demande alors qu'il est encore lié à son employeur par un contrat de travail. » Ce que confirme le contrôle réduit à celui de l’erreur manifeste d’appréciation exercé par le juge.

(6 mai 2019, Confédération générale du travail - Force ouvrière, n° 417299 et Union syndicale solidaire, n° 418289)

 

42 - Aide sociale – Frais d’hébergement des personnes âgées dépendantes – Pensionnaires d’un établissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) – Prise en charge de ces frais – Conditions et régime.

Le Conseil d’Etat déduit de la combinaison des articles L. 131-4 et R. 131-2 du code de l'action sociale et des familles (CASF) que la prise en charge des frais d'hébergement des personnes âgées dépendantes accueillies dans un EHPAD habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ne peut débuter à compter du jour de l’admission de la personne dans l’établissement que si la demande de prise en charge a été déposée dans le délai de deux mois suivant le jour d'entrée dans l'établissement, éventuellement prolongé dans la limite de deux mois supplémentaires. En revanche, la qualité de l’auteur de la demande est sans effet ici.

 Ce n’était pas le cas en l’espèce et, par suite, c’est par une erreur de droit que la Commission centrale d'aide sociale s'est fondée sur l'état d'incapacité de l’intéressée à déposer elle-même cette demande pour prononcer son admission à l'aide sociale à l'hébergement à compter du jour de son admission en EHPAD.

(29 mai 2019, département de la Haute-Garonne, n° 419424)

 

43 - Élections professionnelles – Comité régional des pêches maritimes et élevages marins – Existence de collèges – Appréciation distincte de la représentativité des organisations professionnelles ou syndicales et de l’éligibilité des candidats – Absence – Annulation.

Pour résoudre un contentieux en matière d’élections professionnelles au comité régional des pêches maritimes et élevages marins de Normandie et de Bretagne ainsi que des comités départementaux du Morbihan, d'Ille-et-Vilaine et des Côtes-d'Armor, le Conseil d’Etat apporte une utile clarification.

Les élections à ces comités sont organisées par collèges comportant eux-mêmes des catégories (ainsi celles des chefs d'entreprises maritimes non embarqués).

Il est jugé, en raison des dispositions applicables (art. L. 912-1 et L. 912-4, R. 912-67, R. 912-75, R. 912-82 et R. 912-84 du code rural et de la pêche maritime), que les conditions d'éligibilité des candidats s'apprécient au niveau de chacune des quatre catégories composant le collège des chefs d'entreprises maritimes, tandis que la représentativité de l'organisation professionnelle ou syndicale présentant des candidats, ne s'apprécie qu’au niveau du seul collège concerné.

(6 mai 2019, Union des armateurs à la pêche de France, n° 419133, n° 419134, n° 419135, n° 419136 et n° 419137)

 

Élections

 

44 - Élection des représentants de la France au Parlement européen – Absence de signature de l’une des candidates – Mentions manuscrites portées sous la signature de certains candidats par une même personne – Irrégularité de la liste et de son dépôt – Possibilité de régularisation dans le délai légal de dépôt des listes de candidats.

Le Conseil d’Etat déclare, saisi par le ministre de l’intérieur, que la liste de candidats en vue des élections européennes du 26 mai 2019 intitulée " Une Europe au service des Peuples ", ne satisfait pas aux conditions légales de présentation des listes car d’une part, une même personne a rédigé plusieurs des mentions manuscrites à la suite de la signature de certains candidats et, d’autre part, une candidate n’a pas signé sa déclaration de candidature. Il appartient à la personne tête de liste ou à un mandataire de régulariser ces défauts dans les délais légaux.

Il semble étrange que le droit électoral applicable à l'ensemble des opérations concourant à l'élection du Parlement européen ne soit pas édicté au seul niveau européen et que le contentieux y relatif ne relève pas exclusivement des juridictions de l'UE. Un seul droit et un seul juge pour une unique assemblée semble la seule solution logique.

(6 mai 2019, " Une Europe au service des Peuples ", n° 430377)

 

45 - Élection des représentants de la France au Parlement européen – Ressortissante britannique vivant en France – Incertitudes sur la date de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne – Délai trop bref d’inscription sur la liste électorale complémentaire – Demande d’annulation de dispositions du code électoral et du décret du 13 mars 2019 portant convocation des électeurs pour l'élection des représentants au Parlement européen – Demande d’injonction au ministre de l’intérieur de prendre un nouveau décret – Rejet.

Une ressortissante britannique désireuse de voter en France pour les élections européennes du 26 mai 2019 demande l’annulation du décret du 13 mars 2019 qui fixe au 31 mars - soit, conformément à l’art. L. 17 du code électoral, le dernier jour du deuxième mois précédant le scrutin - la date limite pour les inscriptions d’électeurs sur la liste électorale complémentaire. Elle fait aussi valoir que du fait des incertitudes pesant sur la date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, la date du 31 mars n’est, pas, non plus, satisfaisante. La requête est rejetée en ses deux chefs d’argumentation.

D’une part, la date de clôture des inscriptions sur les listes électorales est la même pour tous les électeurs, étrangers comme Français. D’autre part, s’agissant de l’indétermination de la date du Brexit voire de son existence, les ressortissants britanniques ne pouvaient exclure l'hypothèse d'une prorogation au-delà du 29 mars 2019 du délai dans lequel interviendrait le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

En conséquence sont rejetés les griefs articulés à l’encontre de la législation électorale française fondés sur  leur incompatibilité prétendue avec les stipulations des articles 22, § 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, 39 § 1 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 9 de la directive du Conseil du 6 décembre 1993, ainsi qu'avec les principes d'égalité, d'espérance légitime de voter, de confiance légitime, d'effectivité du droit de participer aux élections européennes, de sécurité juridique et d'un principe allégué de prévisibilité juridique.

Reste étrange, comme indiqué au point précédent in fine, cette compétence du droit et du juge nationaux s'appliquant, ici, de surcroît, à des ressortissants ne relevant pas normalement de la souveraineté française.

(15 mai 2019, Mme X., n° 430008)

 

46 - Élections professionnelles – Compagnie nationale des commissaires aux comptes – Principe constitutionnel de périodicité raisonnable du suffrage – Inapplicabilité à des élections professionnelles – Rejet.

La fédération requérante contestait l’art. 1er du décret du 8 octobre 2018 qui a pour objet de proroger de dix-huit mois les mandats en cours des commissaires aux comptes élus. Elle invoquait notamment le fait que ce faisant, la disposition litigieuse méconnaît le principe constitutionnel de périodicité raisonnable du suffrage. Le Conseil d’Etat répond assez sèchement, sans autrement s’expliquer, que ce moyen est inopérant « un tel principe régissant les élections à caractère politique alors que les élections en cause présentent un caractère professionnel ». Et alors ?

(22 mai 2019, Fédération experts-comptables et commissaires aux comptes de France, n° 424906)

 

Environnement

 

47 - Éoliennes - Permis de construire – Non-conformité au droit de l’Union – Annulation – Régularisation du permis de construire – Régularisation possible – Annulation partielle de l’arrêt d’appel – Seconde cassation, absence de renvoi.

Une association a demandé et obtenu en appel l’annulation des huit arrêtés préfectoraux délivrant des permis de construire pour l'implantation de six éoliennes et de deux postes de livraison. Après cassation de cet arrêt et renvoi devant elle, la cour a réitéré les annulations qu’elle avait prononcées.

Le juge de cassation est saisi pour la seconde fois du dossier.

Il résulte des directives européennes successives sur le sujet telles qu’interprétées par la jurisprudence européennes (cf. notamment : CJCE 20 octobre 2011, aff. C-474/10) que si l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage peut en même temps être chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné. 

C’est pourquoi la cour administrative d’appel, après avoir relevé qu’en l’espèce le préfet de région était à la fois l'auteur de l'avis rendu en qualité d'autorité environnementale et l'autorité compétente qui a délivré les permis attaqués, avait estimé que la circonstance que l'avis a été préparé et rédigé par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement au sein de la division " mission évaluation environnementale " alors que les permis de construire avaient été instruits par les services de la direction départementale des territoires de l'Allier ne permettait pas de considérer que l'avis ainsi émis par le préfet de région a été rendu par une autorité disposant d'une autonomie effective dans des conditions garantissant son objectivité. Elle avait donc, pour ce motif, annulé les permis litigieux. Après cassation et renvoi, elle avait jugé que le vice entachant les permis de construire attaqués impliquait qu'un nouvel avis soit rendu par l'autorité environnementale, puis qu'une nouvelle enquête publique soit organisée, et elle en avait déduit que, eu égard au stade de la procédure auquel il est intervenu, ce vice n'était pas susceptible d'être régularisé par un permis modificatif.

Le juge de cassation approuve la première partie du raisonnement mais rejette la seconde. Il estime, au visa de l’art. L. 600-5-1 c. urb., que les permis étaient régularisables contrairement à ce qu’a jugé la cour et qu’en conséquence la procédure de consultation de l'autorité environnementale doit être reprise et le nouvel avis doit être porté à la connaissance du public.  Il surseoit à statuer dans l’attente de l’accomplissement correct de cette régularisation.

(27 mai 2019, ministre d'Etat, ministre de la cohésion des territoires, n° 420554 ; Société MSE La Tombelle, n° 420575)

 

Etat-civil et nationalité

 

48 - Militaire décédé titulaire d’une pension militaire de retraite – Demande du bénéfice d’une pension de réversion – Preuve d’un mariage antérieurement au décès – Absence de transcription sur les registres de l’état-civil – Preuve non rapportée – Rejet.

Une femme ne peut prétendre au bénéfice d’une pension de réversion du chef du décès d’un militaire avec lequel elle affirme être mariée, faute que le jugement rendu le 20 janvier 2011 par le tribunal de première instance d'Azilal (Maroc), qui fait état d'une union depuis l'année 1952 et jusqu'au décès de son époux, survenu le 1er mars 2010, ait été transcrit sur un registre d'état-civil et alors que l’intéressée ne soutient pas qu'une telle transcription n'aurait pas été possible.

(6 mai 2019, Mme X., n° 412342)

 

49 - Naturalisation – Attribution de la nationalité française à un parent d’enfant mineur – Extension du bénéfice de la naturalisation du parent à l’enfant mineur – Conditions – Non-respect de ces conditions – Rejet.

Rappel d’une solution bien établie - et énoncée à de nombreuses reprises au fil des décisions - concernant les deux conditions cumulatives de l’extension aux enfants mineurs du bénéfice de la naturalisation française de l’un des parents  : « un enfant mineur ne peut devenir français de plein droit par l'effet du décret qui confère la nationalité française à l'un de ses parents qu'à condition, d'une part, que ce parent ait porté son existence, sauf impossibilité ou force majeure, à la connaissance de l'administration chargée d'instruire la demande préalablement à la signature du décret et, d'autre part, qu'il ait, à la date du décret, résidé avec ce parent de manière stable et durable sous réserve, le cas échéant, d'une résidence en alternance avec l'autre parent en cas de séparation ou de divorce. »

(22 mai 2019, M. X., n° 427160)

 

Fonction publique et agents publics

 

50 - Enseignement supérieur – Recrutement d’un maître de conférences en qualité de professeur – Procédure devant le Conseil national des universités (CNU) – Critères d’appréciation des candidatures – Publication antérieurement à l’ouverture de la procédure de recrutement – Absence d’obligation de retenir des critères distincts pour chacune des deux voies de recrutement.

Un maître de conférences, unique candidat sur un emploi de professeur des universités, dont la candidature n’a pas été retenue, demande l’annulation de l’avis du CNU et de la décision ministérielle rejetant son recours contre ledit avis. Parmi les griefs énoncés, tous rejetés par le juge, deux retiennent l’attention.

Tout d’abord, il est ici rappelé et confirmé que pour l'application des dispositions de l'article 1er du décret n° 92-70 du 16 janvier 1992 relatif aux recrutements des professeurs d'université, chaque section CNU doit publier les critères et modalités d'appréciation des candidatures qu'elle entend appliquer.

Ensuite, alors même qu’il existe deux voies de recrutement, la procédure de droit commun et la procédure particulière (3° de l'art. 46 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984), la section du CNU compétente n’est pas tenue d'établir et de publier des critères distincts pour chacune de ces deux procédures de recrutement.

(6 mai 2019, M. X., n° 409283)

 

51 - Agent non titulaire – Existence de services à temps partiel ou incomplet – Prise en compte de ces services pour le calcul des droits à la retraite – Absence en l’espèce – Annulation.

Commet une erreur de droit le jugement qui décide que les services accomplis par un agent non-titulaire à temps partiel ou à temps non complet ne peuvent en aucune hypothèse être comptabilisés aux mêmes conditions qu'un temps plein. En effet, il résulte des dispositions statutaires applicables en l’espèce que la période pendant laquelle un agent non-titulaire du ministère de l'éducation nationale a accompli des services à temps partiel peut, sous réserve notamment que l'autorisation de travailler à temps partiel ait été accordée, être prise en compte pour la totalité de sa durée en vue de la détermination de son droit à pension.

Annulation du jugement et renvoi à ce même tribunal.

(17 mai 2019, Mme X., n° 407762)

 

52 - Personnel médical des hôpitaux publics – Anesthésistes-réanimateurs – Circulaires fixant l’incidence des congés pour raison de santé sur le report des congés annuels de ces personnels – Circulaires réglementaires – Incompétence – Annulation – Demande d’injonction de prise d’un décret régissant ces congés – Rejet.

Le syndicat requérant demandait, d’une part, l’annulation pour incompétence de son auteur, de circulaires régissant les effets des congés pour maladie sur les autres congés, et d’autre part qu’injonction soit faite au premier ministre de prendre un décret à cet effet.

Sur le premier point, le juge accueille le recours car les circulaires en cause interviennent dans des matières statutaires dans la mesure où elles ont pour objet d'énoncer des règles relatives au report du droit au congé annuel non pris par le personnel médical absent en raison des différentes catégories de congés qu'elles visent. En effet, de telles règles, qui commandent le bénéfice du droit à congé annuel pour les agents qu'un congé de maladie, un congé de maternité, un congé de paternité, un congé d'adoption ou un congé parental ont placés dans l'impossibilité d'exercer ce droit au cours de l'année au titre de laquelle il est né ont un caractère statutaire. Ces mesures relèvent donc de la seule compétence décrétale, laquelle appartient ici au premier ministre. Les circulaires sont annulées du chef de l’incompétence de leur auteur.

Sur le second point, le Conseil d’Etat croit devoir juger qu’ « aucune des dispositions du code de la santé publique relatives au statut des praticiens hospitaliers ne porte ni sur le droit au report des congés annuels ni sur l'indemnisation des congés annuels non pris. S'il incombe à l'autorité hiérarchique de veiller au respect des exigences du droit de l'Union européenne, et s'il est loisible au Premier ministre de fixer en la matière des règles statutaires adoptées par décret en Conseil d'Etat, il ne résulte ni de ce qui précède ni des éléments avancés par l'argumentation de la requête que le Premier ministre serait tenu de compléter sur les points en débat le statut des praticiens hospitaliers. » On peut ne pas être d'accord avec la solution retenue dans ce second aspect de décision.

(13 mai 2019, Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs élargi (SNPHARE, n° 418823)

 

53 - Chambres de commerce et d’industrie (CCI) – Personnel – Interdiction de cumul avec une activité professionnelle – Notion – Révocation – Contrôle du juge – Rejet.

(6 mai 2019, M. X., n° 413615) V. le n° 31 

 

54 - Agents publics civils de l’Etat en poste à l’étranger – Prise en charge par l'Etat des frais de voyage et de changement de résidence à l'étranger – Notion d’agent muté à sa demande – Définition irrégulière – Annulation.

(9 mai 2019, Syndicat national CGT du ministère des affaires étrangères, n ° 425586) V. n° 6

 

55 - Militaire décédé titulaire d’une pension militaire de retraite – Demande du bénéfice d’une pension de réversion – Preuve d’un mariage antérieurement au décès – Absence de transcription sur les registres de l’état-civil – Preuve non rapportée – Rejet.

(6 mai 2019, Mme X., n° 412342) V.  n° 48

 

56 - Fonction publique – Réclamation pécuniaire d’un fonctionnaire – Demande de versement d’impayés – Absence d’action à caractère indemnitaire – Tribunal administratif ne statuant pas en premier et dernier ressort – Appel porté devant la cour administrative d’appel à laquelle la décision renvoie.

(10 mai 2019, M. X., n° 423836) V.  n° 70

 

Hiérarchie des normes

 

57 - Droit de l’Union européenne – Régime des étrangers – Décision d’éloignement puis placement et maintien en rétention – Demande d’asile – Demande prétendue formée pour faire échec à la mesure d’éloignement – Allégation du caractère inconventionnel d’une directive – Degré de précision exigée des textes nationaux transposant cette directive –Absence d’incompatibilité – Rejet.

(6 mai 2019, M. X., n° 416088) V.  n° 58

 

Libertés fondamentales

 

58 - Étrangers – Décision d’éloignement puis placement et maintien en rétention – Demande d’asile – Demande prétendue formée pour faire échec à la mesure d’éloignement – Allégation du caractère inconventionnel d’une directive – Degré de précision exigée des textes nationaux transposant cette directive –Absence d’incompatibilité – Rejet.

Un ressortissant albanais entré irrégulièrement en France, a fait l'objet d'un arrêté l'obligeant à quitter sans délai le territoire français et d'un arrêté de placement en rétention. Il fait une demande d’asile et le préfet décide son maintien en rétention.  Sur saisine de l’étranger, le tribunal administratif annule l'arrêté préfectoral et  enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé l'attestation de demande d'asile. La cour administrative d'appel a annulé ce jugement et rejeté la demande de M. X. Celui-ci se pourvoit en cassation.

Était critiqué le d) du paragraphe 3 de l'article 8 la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.

Le Conseil d’Etat énonce en ces termes le principe de juridicité applicable aux directives : « lorsqu'il est soutenu qu'une directive prise sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne ou, désormais, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, méconnaît les dispositions des traités, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les principes généraux du droit de l'Union européenne ou les stipulations d'une convention à laquelle l'Union européenne est partie, il appartient au juge administratif, en l'absence de difficulté sérieuse, d'écarter le moyen invoqué ou, dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, dans les conditions prévues par l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il en va de même lorsqu'il est soutenu qu'une directive méconnaît les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il résulte de l'article 6, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne que les droits fondamentaux garantis par ces stipulations " font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux. »

Il s’assure ensuite de savoir si la directive en cause est régulière ou non. Il observe trois éléments pour conclure négativement sur ce point.

1°) La disposition critiquée de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 a pour objectif de permettre aux États membres de l’Union, dans l'hypothèse d'une demande d'asile présentée dans un but dilatoire, le maintien en rétention des étrangers déjà visés par une mesure d'éloignement, afin de permettre l'exécution de cette mesure et le bon fonctionnement du système commun d'asile européen.

2°) La disposition critiquée n’admet le placement en rétention – d’ailleurs pour une durée aussi brève que possible et sous le contrôle du juge - que si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent pas être efficacement appliquées. Au reste, la marge d’appréciation laissée aux États pour opérer la transposition de la directive n’a pas pour effet de les dispenser de définir avec une précision suffisante les motifs du placement en rétention d'un demandeur d'asile. 

Il suit de là que la question de savoir si la directive litigieuse porte une atteinte disproportionnée aux droits des personnes concernées et, par suite, viole la normativité à laquelle elle est soumise, ne soulève aucune difficulté sérieuse et qu’ainsi il n’y a pas lieu à renvoi préjudiciel à la CJUE.

3°) Si la directive impose aux États d’indiquer dans sa législation les motifs raisonnables permettant de maintenir en rétention une personne dont la demande d’asile n’est destinée qu’à faire échec à la mesure de rétention, elle ne leur impose point pour autant d’établir une liste des critères objectifs permettant à l'autorité administrative de porter une telle appréciation.

Sans surprise, le recours est rejeté.

(6 mai 2019, M. X., n° 416088)

 

59 - Mineurs isolés – Prise d’empreintes digitales et de photographie – Conservation de données dans un fichier automatisé – Atteintes à l’intérêt supérieur de l’enfant – Renvoi d’une QPC.

Les organisations requérantes contestent la constitutionnalité de l'article L. 611-6-1 inséré dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie en ce que cette disposition, en prévoyant que les mineurs isolés privés de la protection de leur famille peuvent faire l’objet de prise de leurs empreintes digitales et de photographie avec conservation des données dans un fichier automatisé, porte atteinte à l’exigence constitutionnelle de respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et au droit au respect de la vie privée.

Le Conseil d’Etat juge sérieuse la question soulevée et la renvoie en tant que QPC au Conseil constitutionnel.

(15 mai 2019, Comité français pour le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance dit " Unicef France ", n° 428478 et Conseil national des barreaux, n° 428826)

 

60 - Étrangers – Statut de réfugié – Exercice du droit au logement opposable – Exigence de bonne foi – Contrôle plein et entier du juge de l’excès de pouvoir – Absence ici – Annulation.

La personne qui prétend exercer son droit au logement opposable doit remplir plusieurs conditions dont celle d’être de bonne foi.

Le Conseil d’Etat énonce, pour la première fois, l’existence en ce cas, au profit du juge de l’excès de pouvoir, d’un contrôle plein et entier et non plus limité au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation, lequel n’est qu’un contrôle contentieux réduit.

En l’espèce, il est reproché aux premiers juges de s’être bornés à vérifier si la commission de médiation n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le requérant n'était pas de bonne foi. Le jugement est cassé et l’affaire jugée au fond (application de l’art. L. 821-2 CJA).

Le Conseil d’Etat considère que la bonne foi du demandeur ne saurait être déniée du fait que, locataire dans le parc privé, il a certes laissé s'accumuler d'importants retards de loyers à partir de son licenciement, alors qu'il avait pour seule ressource le revenu de solidarité active pour un montant inférieur à celui du loyer, et qu’il n'a pas été en mesure d'honorer le plan d'apurement de cette dette conclu avec son propriétaire. Il n’a ni cherché délibérément à échapper à ses obligations de locataire, ni créé la situation qui a conduit à une mesure judiciaire d'expulsion rendant son relogement nécessaire.

(13 mai 2019, M. X., n° 417190)

 

61 - Détenu en maison d'arrêt – Formation d'un référé liberté (art. L. 521-2 CJA) – Exigences s'imposant à l'administration pénitentiaire – Étendue des pouvoirs du juge des référés – Faculté d'intervenir à plusieurs reprises – Conditions d'appréciation de l'atteinte portée à une liberté fondamentale – Prise en compte des efforts faits par l'administration ou en cours de l'être – Rejet du recours.

Un détenu, en provenance d'un autre centre de détention, ayant été transféré dans une maison d'arrêt et considérant être victime de conditions dégradantes ou inhumaines de détention, saisit le juge des référés du tribunal administratif d'un référé liberté, afin de le voir ordonner toutes mesures utiles pour faire cesser cette situation et qu'il soit procédé à son transfert dans un autre établissement. Le juge a enjoint à l'administration pénitentiaire de faire bénéficier le demandeur de l'ensemble des activités prévues par le règlement intérieur du quartier de la maison d'arrêt des hommes et rejeté le surplus des conclusions de la requête. La garde des sceaux, ministre de la justice, défendeur, a relevé appel de cette ordonnance dans la mesure des injonctions prononcées à l'égard de l'administration. Le demandeur a introduit un appel incident. 

Pour admettre l'appel ministériel et rejeter l'appel incident du requérant détenu, le juge, après avoir rappelé les principes directeurs ici applicables, constate les efforts déjà faits par l'administration et la réalité de la situation en cause.

Tout d'abord, le Conseil d'Etat décrit les trois éléments à prendre en considération et qu'il rappelle constamment dans ce genre de contentieux : 1) la vulnérabilité des détenus qui les met dans une situation de complète dépendance envers l'administration pénitentiaire, ce qui oblige cette dernière à prendre toutes mesures pour empêcher ou faire cesser tout traitement inhumain ou dégradant ; 2) le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens de l'art. L. 521-2 CJA justifiant le recours à la procédure du référé liberté ; 3) l'étendue de l'office du juge du référé liberté qui, d'une part, lui permet de prendre, en une ou plusieurs ordonnances, les mesures qui s'imposent, et d'autre part, l'oblige, pour apprécier l'existence de l'atteinte, à tenir compte tout à la fois de la situation actuellement existante, de l'utilité et de la pertinence des mesures qu'il peut éventuellement ordonner  ainsi que, le cas échéant,  des efforts faits par l'administration pénitentiaire au regard des moyens dont elle dispose.

Ensuite, appliquant ces éléments à l'espèce, le Conseil d'Etat juge, au terme d'une analyse très précise des faits, que la ministre appelante principale est fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif a estimé que les conditions de détention de M. X. étaient constitutives d'un traitement inhumain et dégradant et portaient dès lors une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale, justifiant l'intervention du juge du référé liberté. L'ordonnance attaquée est donc annulée en tant qu'elle fait injonction à l'administration pénitentiaire de faire bénéficier sous quinze jours M. X. de l'ensemble des activités prévues par le règlement intérieur de la maison d'arrêt ; l'appel incident est rejeté.

(27 mai 2019, Garde des Sceaux, ministre de la justice et M. X., n° 430631)

 

62 - Arrêté préfectoral instituant une zone d’attente – Maintien d’étrangers dans cette zone d’attente – Entrave alléguée à la liberté d’aller de venir – Utilisation de la procédure du référé liberté (art. L. 521-2 CJA) – Incompétence du juge administratif au profit de la compétence du juge judiciaire (art. L. 222-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, CESEDA) – Rejet.

(7 mai 2019, X. et autres, n° 429939 ; v. aussi, du même jour avec mêmes requérants, le n° 430313) V.  n° 17

 

Police

 

63 - Étranger non ressortissant de l’UE, de l’EEE ou de Suisse – Séjour de plus de trois mois en France – Nécessité d’obtenir une carte de séjour – Étranger d’un pays tiers en situation régulière dans un pays de l’Union – Détachement de travail en France – Carte de séjour exigée – Rejet.

Un ressortissant équatorien résidant en Espagne et titulaire d'un titre de séjour dans ce pays, a été détaché en France comme ouvrier auprès d'entreprises vinicoles par une société de travail temporaire qui est établie en Espagne. Le préfet de la Gironde a ordonné la remise d'office de celui-ci aux autorités espagnoles au motif que l'intéressé s'était maintenu sur le territoire national à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans être titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré par les autorités françaises, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-1 du CESEDA.

Le recours contentieux de l’intéressé a été rejeté en première instance et en appel.

Saisi d’un pourvoi le Conseil d’Etat rejette à son tour le recours.

Il rappelle que les ressortissants de pays tiers qui sont en situation régulière dans un Etat membre de l'Union européenne et qui, dans le cadre de ce séjour régulier, sont détachés en France pour y accomplir une prestation de service découlant de leur emploi dans un pays de l’Union, sont tenus, lorsque la durée de ce séjour excède trois mois, être munis d'un titre de séjour délivré par les autorités françaises. 

C’est donc à bon droit que le préfet de la Gironde a pris la décision attaquée.

(15 mai 2019, M. X. et autres, n° 407395)

 

64 - Transports publics de marchandises – Demande d’inscription au registre des transports publics routiers de marchandises – Refus préfectoral – Rejet du recours par la cour administrative d’appel – Dénaturation des pièces du dossier – Cassation avec renvoi à la cour.

Une entreprise de taxi sollicite son inscription au registre des transports publics routiers de marchandises, ce qui lui est refusé car l’activité de transport de petites marchandises invoquée est accessoire à celle de taxi. Le demandeur saisit le juge d’une requête en annulation de ce rejet. La cour administrative d’appel, saisie après que le tribunal administratif a rejeté ce recours, a repris le raisonnement du préfet. Le requérant se pourvoit.

Le Conseil d'Etat estime qu'en jugeant ainsi la cour a dénaturé les pièces du dossier parce que « Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'extrait " Kbis " d'immatriculation de la société de M. X. fait état aussi bien d'une activité de transport de petites marchandises que d'une activité de taxi, sans indiquer que l'une des activités serait exercée à titre principal et l'autre à titre accessoire. M. X. a, en outre, produit des documents attestant que son entreprise était titulaire, depuis 1991, d'un marché de transport postal impliquant pour lui d'effectuer 110 kilomètres par jour du lundi au vendredi, avec un départ fixé entre 7h35 et 8h25, et un retour fixé entre 14h55 et 16h20, impliquant que le transport de colis et marchandise représentait une part importante de son activité."

L’arrêt d’appel est annulé avec renvoi.

(15 mai 2019, M. X., n° 417691)

 

65 - Expulsion d’un étranger – Étranger auteur de plusieurs délits – Faits anciens ou récents mais non répétés – Circonstances familiales particulières – Suspension de l’exécution de la mesure d’expulsion.

Un ressortissant marocain, auteur d’une cinquantaine d’infractions pénales (vols, vols avec effraction et en réunion, coups et violences volontaires, destruction d'un bien appartenant à autrui, filouterie de carburant, escroquerie par emploi de manœuvres frauduleuses ;  détention, offre, acquisition et emploi non autorisés de stupéfiants, trafic de stupéfiants  commis en France ; culture, élaboration et trafic de drogue en Espagne) se trouve en séjour irrégulier en France car il a été condamné par une juridiction espagnole à une peine d’emprisonnement assortie d'une interdiction de retour sur le territoire Schengen pendant cinq années jusqu'au 31 mars 2020. Sur décision préfectorale, il fait l’objet d’une mesure d’expulsion dont il a demandé la suspension. Celle-ci lui ayant été refusée, il saisit le Conseil d’Etat qui accorde la suspension sollicitée.

Ce dernier retient que l’intéressé, arrivé en France à l’âge d’un an, n’a pas d’attaches au Maroc, qu’il a épousé successivement deux françaises dont il a eu, avec la première, trois enfants puis, après son divorce, avec la seconde, un quatrième enfant dont il s’occupe sans en avoir eu la garde jusqu’en 2019, enfin, qu’il n’a plus commis d’infraction depuis 2015.

Dès lors la décision d’expulsion, qui crée par elle-même une situation d’urgence, porte au droit de mener une vie familiale normale une atteinte manifestement illégale et disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle est donc suspendue.

On peut être surpris par cette solution et lui préférer celle retenue par les premiers juges. Au surplus, elle fait carrément fi des engagements internationaux de la France en laissant demeurer sur son territoire un « interdit Schengen » en faisant prévaloir une interprétation de la Convention EDH sur le droit de l’UE dans un cas où l'usage de la compassion peine à convaincre de son bien-fondé.

(15 mai 2019, M. X., n° 427502)

 

66 - Transfert d’un demandeur d’asile vers l’État responsable de l’examen de sa demande – Règlement Dublin III – Acceptation de l’État requis – Suspension du délai de six mois à compter de l’acceptation du transfert – Saisine du tribunal administratif - Effets – Point de départ du délai de six mois – Régime – Rejet.

Deux ressortissants de nationalité afghane, qui avaient formé une demande d'asile en Finlande, sont entrés irrégulièrement en France en janvier 2017, accompagnés de leurs trois enfants mineurs. Ils ont déposé une demande d'asile à la préfecture du Rhône. Le préfet a décidé leur remise aux autorités finlandaises sur le fondement des dispositions du règlement n° 604/2013 européen du 26 juin 2013. Par deux jugements confirmés en appel, le magistrat désigné du tribunal administratif a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet de réexaminer la situation des intéressés. Le ministre de l'intérieur se pourvoit contre les arrêts confirmatifs.

L'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat, ici la Finlande, peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Il peut, dans les quinze jours, demander au juge administratif l’annulation de cette décision de transfert, ce qui a pour effet d’interrompre le délai de six mois imparti à l’Etat requérant pour transférer l’intéressé vers l’Etat requis.

Tranchant une délicate et technique question de procédure contentieuse, celle de savoir comment se calcule ce délai de six mois, le Conseil d’Etat estime que, de la combinaison, d’une part, du règlement européen n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif (en ses art. 7 et suivants) à la détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile et, d’autre part, des articles L. 742-3, L. 742-5 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), il  résulte que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai.

Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

(27 mai 2019, M. et Mme X., n° 421276 ; du même jour, v. aussi : Mme X., n° 428025)

 

67 - Arrêté préfectoral instituant une zone d’attente – Maintien d’étrangers dans cette zone d’attente – Entrave alléguée à la liberté d’aller de venir – Utilisation de la procédure du référé liberté (art. L. 521-2 CJA) – Incompétence du juge administratif au profit de la compétence du juge judiciaire (art. L. 222-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, CESEDA) – Rejet.

(7 mai 2019, X. et autres, n° 429939 ; v. aussi, du même jour avec mêmes requérants, le n° 430313) V. n° 17

 

68 - Football – Interdiction de déplacements de supporters – Menace de trouble à l’ordre public – Article L. 332-16-1 code du sport - Régularité de la mesure – Rejet du référé liberté.

(Ord. réf. 2 mai 2019, Association nationale des supporters, n° 430339) V. n° 99

 

Procédure contentieuse

 

69 - Urbanisme et construction – Déclaration préalable de travaux – Décision d’opposition ou de non opposition – Contestation d’un jugement rendu en cette matière – Compétence d’appel des cours administratives d’appel.

A le caractère d'un appel et relève donc de la compétence d’appel de la cour administrative, non de la compétence directe du Conseil d’Etat, le recours dirigé contre un jugement qui, parce qu’il statue sur une demande tendant à l'annulation d'une décision d'opposition ou de non-opposition à déclaration préalable prévue par le code de l'urbanisme, n’a pas été rendu en premier et dernier ressort.

En effet, un tel recours n’est pas au nombre de ceux limitativement énumérés à l’art. R. 811-1 ainsi qu’à l’art. R. 811-1-1 CJA sur lesquels le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. 

Il s’ensuit que ce recours a été à tort porté en Conseil d’Etat ; il est renvoyé à la cour.

(10 mai 2019, M. X. et autres, n°420611 ; v. aussi, du même jour, avec mêmes requérants et solution, le n° 423278)

 

70 - Fonction publique – Réclamation pécuniaire d’un fonctionnaire – Demande de versement d’impayés – Absence d’action à caractère indemnitaire – Tribunal administratif ne statuant pas en premier et dernier ressort – Appel porté devant la cour administrative d’appel à laquelle la décision renvoie.

Ne statue pas en premier et dernier ressort le tribunal administratif saisi par un fonctionnaire de conclusions tendant seulement au versement de traitements et indemnités impayés, sans que soit mise en cause la responsabilité de la personne publique qui l'emploie. Le recours dirigé contre le jugement de ce tribunal constitue un appel devant être porté devant la cour administrative d’appel et non par voie de recours direct devant le Conseil d’Etat. La connexité existant entre la demande principale en paiement de traitements et indemnités de congé non pris et celles tendant à la réparation des préjudices moral et financier justifie l’application en ce cas de la règle sus-énoncée.

Il en eût été différemment s’il s’était agi d’une action principale en responsabilité pour un montant inférieur à 10 000 euros, le tribunal statuant en ce cas en premier et dernier ressort à charge, ensuite, de recours direct en Conseil d’Etat (cf. art. R. 811-1 CJA).

(10 mai 2019, M. X., n° 423836)

 

71 - Recours contentieux des personnels civils et militaires de la Défense – Obligation de saisir la commission de recours des militaires d’un recours préalable (RAPO) avant la saisine du juge – Calcul du délai de forclusion – Absence d’erreur de droit dans l’arrêt d’appel – Rejet.

Une militaire conteste devant la commission des recours des militaires la notation dont elle a fait l’objet pour l’année 2016 et qui lui a été communiquée le 11 août 2016. Sa demande est rejetée par le ministre des armées le 7 juillet 2017, après avis de la commission. L’intéressée a saisi le tribunal administratif d’un recours en annulation de cette décision. Celui-ci l’a rejeté comme irrecevable parce que entaché de forclusion. La cour administrative d’appel, estimant que le recours n’était pas entaché de forclusion, a annulé ce jugement et renvoyé l’affaire devant les premiers juges. Le ministre des armées se pourvoit.

Le Conseil d’Etat remet de l’ordre dans la complexité des textes applicables qui s’ignorent l’un l’autre.

En premier lieu, il résulte de l’art. R. 421-1 CJA que le juge doit être saisi dans les deux mois de la notification ou de la publication de la décision attaquée. En cas de silence gardé par l’administration et valant rejet, l’intéressé doit saisir le juge dans les deux mois de la constitution de la décision implicite de rejet sauf si, dans cet intervalle, intervient une décision explicite de rejet, laquelle fait courir à nouveau, à compter de sa notification ou publication, le délai de recours contentieux. Enfin, il résulte de l’exception à ce mécanisme instituée par l’art. R. 421-3 CJA que lorsque la décision ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux, le délai ne court qu’à compter d’une décision expresse de rejet.

En second lieu, il résulte du code de la défense (art. R. 4125-1 et R. 4125-10 combinés) que les recours dirigés contre les actes relatifs à la situation personnelle des agents de la Défense doivent être précédés d’un RAPO devant la commission des recours des militaires, cette saisine conservant le délai de recours jusqu’à l’intervention d’une décision. La commission dispose d’un délai de quatre mois à compter de sa saisine pour faire connaitre à l’intéressé la décision du ministre. Cette décision, qui doit être motivée, se substitue à la décision initiale et sa notification fait courir le délai de recours contentieux. Enfin, l'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission.

Le Conseil d’Etat juge tout d’abord que la commission des recours des militaires est au rang des « organismes collégiaux » visés à l’art. R. 421-3 précité. Il estime ensuite que si les dispositions du code de la Défense se bornent à fixer à quatre mois le délai à l'expiration duquel naît une décision implicite de rejet par la ou les autorités compétentes du recours administratif préalable obligatoire formé par un militaire, elles  n'ont ni pour objet, ni pour effet, de déroger à l'application des dispositions de l'article R. 421-3 CJA.

Il s’ensuit que seule la notification au militaire concerné d'une décision expresse de rejet du recours administratif préalable obligatoire est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux de deux mois prévu à l'article R. 421-2 CJA.

En l’espèce, c’est sans erreur de droit, contrairement à la position du ministre, que la cour a considéré que seule la notification de la décision expresse de rejet du recours administratif préalable obligatoire, laquelle est intervenue le 24 juillet 2017, a pu faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre du rejet de son recours, cette décision expresse s'étant substituée à la décision implicite initiale de rejet.

Or la requête de la demanderesse a été enregistrée le 15 septembre 2017 par le tribunal administratif et n’était donc nullement entachée de forclusion.

Le recours du ministre ne pouvait donc qu’être rejeté au prix d’un beau détour par les arcanes du régime des délais de recours en procédure administrative contentieuse...

(22 mai 2019, Ministre des armées, n° 423273)

 

72 - Décision de rejet d’une demande – Recours du défendeur contre ce rejet – Irrecevabilité – Rejet.

Rappel de la règle procédurale de bon sens selon laquelle le défendeur est irrecevable à se pourvoir en cassation contre la décision de justice qui rejette la demande de son adversaire pour irrecevabilité, une telle décision ne pouvant, d’évidence, faire grief au défendeur.

(10 mai 2019, ONIAM, n° 425865)

 

73 - Action en réparation pour aggravation de dommages – Expertise sollicitée et refusée – Utilité de l’expertise – Appréciation erronée – Annulation.

Le demandeur avait sollicité du tribunal administratif la désignation d’un expert pour évaluer les préjudices liés à l'aggravation des conséquences de la contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C dont il a été victime et de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) la réparation, d'une part, des préjudices ayant résulté pour lui de l'aggravation de son état depuis son indemnisation par le juge judiciaire, d'autre part, de la perte encore non réparée de ses gains professionnels. Cette demande a été rejetée en première instance et en appel. Un pourvoi en cassation est formé. Il va être accueilli.

Le Conseil d’Etat juge que c’est à tort que « la cour administrative d'appel, après avoir admis que la cirrhose consécutive à la contamination transfusionnelle du demandeur s'était aggravée depuis le jugement du tribunal de grande instance et qu'elle avait conduit à l'hospitalisation de l'intéressé pour décompensation œdémato-ascitique post-hépatique avec infection du liquide d'ascite, puis à une transplantation hépatique, a retenu, d'une part, que cette transplantation avait permis d'améliorer l'état de l’intéressé, d'autre part, qu'il ne démontrait pas l'utilité d'une expertise, faute de décrire les conséquences de cette transplantation ou même d'alléguer qu'elle aurait entraîné, soit l'apparition de préjudices postérieurs à la dernière expertise ordonnée par le juge judiciaire, soit l'aggravation des préjudices déjà indemnisés par ce juge. En effet, en refusant ainsi d'ordonner une expertise, alors qu'il lui incombait, pour statuer sur l'aggravation invoquée, qui n'avait pas encore fait l'objet d'une indemnisation, de tenir compte non seulement de l'état du santé de la victime à la date de sa demande, postérieure à la transplantation hépatique, mais également de l'ensemble des préjudices, y compris temporaires, qu'il avait pu subir depuis la date de sa première indemnisation, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit, qui justifie l'annulation de son arrêt en tant qu'il rejette la demande d'expertise ». 

La décision est intéressante en ce qu’elle porte sur la notion d’utilité d’une expertise et, surtout, en ce qu’elle annule un refus de désignation d’expert, ce qui est assez rare.

(13 mai 2019, M. X., n° 420825)

 

74 - Appel incident – Notion – Appel présenté dans le délai d’appel – Nature d’appel principal – Absence d’erreur de droit dans l’arrêt d’appel – Rejet.

Un requérant demande au juge de cassation d’annuler l’arrêt d’une cour d’appel en ce qu’elle aurait dû déclarer irrecevable un appel incident dont elle était saisie.

En principe, l’appel incident doit porter sur le même objet que l’appel principal, il ne saurait étendre le champ du litige tel que circonscrit par l’appel principal. L’une des caractéristiques de l’appel incident est de pouvoir être formé après expiration du délai d’appel. En revanche, l’appel formé dans le délai d’appel est un appel principal et il peut exister plusieurs appels principaux parallèles en fonction du nombre des parties. En l’espèce, la partie défenderesse avait interjeté appel avant l’expiration du délai d’appel et ce ne pouvait donc pas être un appel incident.

La demande du requérant à la cour ne pouvait prospérer, son pourvoi est rejeté.

(17 mai 2019, M. X., n° 405886)

 

75 - Argumentation nouvelle en cassation – Moyen irrecevable – Exceptions en cas de moyen d’ordre public ou né de la décision juridictionnelle attaquée – Absence en l'espèce – Rejet du pourvoi.

Dans le cadre de l’examen d’une demande d’annulation d’un permis de construire, le Conseil d’Etat rappelle une règle constante du contentieux administratif. Les moyens au soutien d’un pourvoi en cassation développés pour la première fois dans le cadre de ce pourvoi sont irrecevables sauf s’ils sont d’ordre public ou tirés de la décision de justice attaquée.

(17 mai 2019, M. X. et autres, n° 405926)

 

76 - Dépôt d’une requête – Invitation à régulariser – Demande d’aide juridictionnelle – Suspension du délai de régularisation – Juridiction rejetant la requête pour défaut de régularisation – Absence de prise en compte de la demande d’aide juridictionnelle – Annulation et renvoi au tribunal.

Un requérant est invité à régulariser sa requête dans un certain délai. Pendant l’écoulement de ce dernier il fait une démarche en vue de l’obtention du bénéfice de l’aide juridictionnelle ce qui a pour effet automatique de suspendre le délai de régularisation.

Ce nonobstant, le juge saisi rejette le recours pour irrecevabilité tenant au défaut de régularisation dans le délai imparti. Il commet une erreur de droit, son jugement est annulé et l’affaire lui est renvoyée.

(17 mai 2019, M. X., n° 417776)

 

77 - Cour régionale des pensions – Refus d’examiner une exception d’illégalité – Incompétence alléguée par elle pour connaitre de la légalité des décisions administratives – Erreur de droit en sa qualité de juridiction administrative – Annulation et renvoi à une autre cour régionale.

Une cour régionale des pensions, qui est une juridiction administrative, tient de cette nature la compétence pour apprécier, y compris par voie d'exception, la légalité des actes administratifs à l'occasion des litiges portés devant elle. Pour avoir jugé le contraire l’arrêt d’une cour régionale est annulé et le renvoi de l’affaire opéré vers une autre cour régionale.

(17 mai 2019, Mme X., n° 421298)

 

78 - Clôture de l’instruction – Date et heure d’effet en l’absence d’indication sur ce point – Communication postérieure le même jour – Réouverture de l’instruction.

Dans le cadre d’un litige en contestation de permis de construire, le juge rappelle un point de procédure qui, pour être de bon sens, est parfois méconnu.

Lorsque le président de la formation de jugement prend, sur le fondement des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 CJA, une ordonnance fixant la clôture de l'instruction à la date de son émission, sans précision d'heure, la clôture à partir de cette date est réputée être intervenue le jour même à zéro heure.

Par suite, lorsque le président de la formation de jugement procède, le même jour, à la communication d'un mémoire aux parties, il doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction.

S'il ne prend pas une nouvelle ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience.

(20 mai 2019, Association Vivre à Grenoble et autres, 419658)

 

79 - Référé liberté (art. L. 521-2 CJA) – Arrêté préfectoral instituant une zone d’attente – Maintien d’étrangers dans cette zone d’attente – Entrave alléguée à la liberté d’aller de venir – Incompétence du juge administratif au profit de la compétence du juge judiciaire (art. L. 222-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, CESEDA) – Rejet.

(7 mai 2019, X. et autres, n° 429939 ; v. aussi, du même jour avec mêmes requérants, le n° 430313) V. n° 17

 

80 - Enregistrement d’un diplôme ou d’une formation sur le répertoire national des certifications professionnelles – Acte de caractère réglementaire – Absence – Acte n’étant pas à caractère général et impersonnel – Acte n’ayant pas pour objet l’organisation du service public – Recours en porté en Conseil d’Etat statuant en premier et dernier ressort – Renvoi au tribunal administratif.

(10 mai 2019, SAS École internationale des vocations équestres et autres, n° 428574) V. n° 9

 

81 - Art. 54 de la loi du 10 août 2018 – Possibilité pour l’auteur ou le bénéficiaire d’une décision de demander à un tribunal administratif d’apprécier sa légalité externe – Faculté constituant une atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution – Risque de violation de la séparation des pouvoirs – Non-respect du droit à recours effectif – Question de caractère sérieux – Renvoi d’une QPC.

(6 mai 2019, Union syndicale des magistrats administratifs et Syndicat de la juridiction administrative, n°427650) V. n° 89

 

82 - ONIAM – Action en garantie de l’ONIAM – Juridiction compétente pour en connaître – Nature juridique du contrat conclu entre l’assureur et l’Établissement français du sang (EFS) – Plénitude de juridiction du juge compétent – Substitution de l’ONIAM à l’EFS – Prescription de l’action.

(Avis, 9 mai 2019, Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), n° 426365) V. n° 93

 

83 - Décision du CSA – Refus d’autoriser le déplacement d’un émetteur de radio – Compétence du Conseil d’Etat en premier et dernier ressort – Absence – Compétence de premier ressort de la cour administrative d’appel – Renvoi à cette cour.

(13 mai 2019, Société Soprodi Radio Régions SAS, n° 418320) V.  n° 11

 

Procédure non contentieuse 

 

84 - Sanction – Contribution spéciale sanctionnant l’emploi irrégulier de travailleurs étrangers – Caractère contradictoire de la procédure non contentieuse – Obligation de communiquer le procès-verbal constatant l’infraction – Distinction selon le moment de la demande de communication – Effets et régimes distincts.

Tout employeur qui utilise irrégulièrement des travailleurs étrangers, notamment en ne les déclarant pas, doit acquitter une contribution spéciale qui est une sanction, laquelle est infligée à la suite d’un procès-verbal constatant l’infraction.

En l’espèce, il était reproché à l’OFII d’avoir infligé une sanction après une procédure contradictoire mais sans communication au contrevenant du procès-verbal alors que celle-ci lui avait été demandée. La cour administrative d’appel avait annulé la sanction pour irrégularité ayant privé l’intéressé d’une garantie ; l’OFII s’est pourvu et le Conseil d’Etat lui donne raison au prix d’une distinction très (trop) subtile.

Si la demande de communication intervient avant le prononcé de la sanction, le refus de communiquer entache de nullité la sanction subséquente car il y a en ce cas violation du principe de la contradiction. En revanche, lorsque cette demande intervient après le prononcé de la sanction, l’omission de communication est sans effet sur la régularité de la sanction ainsi que sur tous les actes ultérieurs qui en découlent, la demande ayant alors pour objet l’exercice d’une voie de recours.

On a vu plus simple.

(6 mai 2019, Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), n° 417756)

 

85 - Professeur des universités – Demande de mutation pour rapprochement des conjoints – Rejet de la candidature – Motivation insuffisante – Conséquences – Annulation de la délibération litigieuse et de la délibération subséquente – Injonction de recommencer la procédure.

Un professeur des universités se voit refuser sa demande de mutation pour rapprochement des conjoints pour le motif suivant « inadéquation au profil du poste ». Il saisit directement le Conseil d’Etat, les professeurs des universités étant nommés par décret du Chef de l’Etat.

Constatant l’absence de toute explication sur l’inadéquation en cause, le juge annule, pour insuffisance de motivation, la procédure ayant conduit à ce rejet et, par voie de conséquence, les décisions prises, pour le recrutement sur le poste litigieux ; il fait injonction à l’Université de reprendre la procédure de recrutement en procédant à l'examen par le conseil académique des candidatures dispensées de l'examen par le comité de sélection au titre de la mutation pour rapprochement de conjoints. 

(17 mai 2019, M. X., n° 422245)

 

Professions réglementées

 

86 - Chirurgiens-dentistes – Régime disciplinaire – Invocation d’une QPC – Délai excessif de jugement – Champ d’application du code déontologie des chirurgiens –dentistes – Centre de santé – Absence – Admission partielle du pourvoi.

Cette décision, relative à une action disciplinaire visant un professionnel de santé est intéressante à un double titre.

Le requérant invoquait la circonstance que la chambre disciplinaire nationale des chirurgiens-dentistes aurait statué sur la question prioritaire de constitutionnalité qu’il avait soulevée dans un délai estimé par lui excessif. Il lui est répondu que ce n'est pas de nature à justifier l'annulation de la décision contestée

Par ailleurs, il était reproché au demandeur, président de l’organisme gestionnaire d’un centre de santé, d’avoir eu, en diffusant des messages promotionnels, un comportement contraire au code de déontologie de sa profession. Le Conseil d’Etat casse sur ce point le jugement car si ce code est applicable tant aux membres individuels de l’ordre des chirurgiens-dentistes qu’aux sociétés d'exercice libéral et aux sociétés civiles professionnelles ayant pour objet l'exercice en commun de la profession de chirurgien-dentiste, il ne l’est pas aux centres de santé qui sont des structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de premier secours. 

(6 mai 2019, M. X., n° 408517)

 

87 - Chirurgiens-dentistes – Refus de l’ordre de reconnaître un diplôme d’université – Motifs insuffisants ou ne pouvant pas être retenus – Annulation – Obligation de statuer à nouveau.

Le conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes refuse de reconnaitre le diplôme d’université d’ « esthétique buccale » en raison  de ce qu’il a une " connotation " commerciale et traduit une " visée " purement esthétique, sans intérêt thérapeutique.

Or il résulte des dispositions des art. R. 4127-216 et R. 4127-218 du code de la santé publique que l’ordre peut légalement refuser de reconnaître des diplômes qui ne présentent pas d'intérêt pour les soins délivrés par le praticien ou qui ne sont pas compatibles avec les dispositions du code de déontologie des chirurgiens-dentistes, au nombre desquelles figure l’interdiction d’exercer la profession dentaire comme un commerce.

Les motifs allégués au soutien du refus de reconnaitre le diplôme litigieux ne sont pas de la nature de ceux qui pouvaient être retenus, ce refus est donc illégal. Il est annulé avec obligation pour l’ordre de procéder sous deux mois au réexamen de la demande de reconnaissance du diplôme d’ " esthétique buccale ».

(22 mai 2019, M. X., n° 421059)

 

88 - Médecins – Etat de santé rendant dangereux l’exercice de la profession – Étendue du contrôle du juge – Procédure ordinale – Rejet.

Un médecin fait l’objet, par le conseil national de l’ordre des médecins, d’une suspension temporaire d’exercer assortie d’une obligation de nouvelle expertise, en raison d’un état pathologique rendant dangereux l’exercice de la médecine. Il conteste cette décision devant le juge de cassation qui rejette son pourvoi.

Le Conseil d’Etat, statuant ici en excès de pouvoir, vérifie l’exactitude matérielle de la décision contestée au vu des éléments contenus dans les pièces du dossier. Ce faisant, il exerce un contrôle plein et entier et non plus restreint sur de telles décisions.

Par ailleurs, au plan procédural est apportée cette précision que lorsque, comme en l’espèce, le conseil régional de l'ordre n’a pas statué dans le délai de deux mois à compter de sa saisine qui lui était imparti, il est possible au conseil national, de statuer alors même que ce délai était expiré et que le dossier de l'affaire lui a été transmis avant l'expiration du délai de deux mois.

(6 mai 2019, M. X., n° 414841)

 

Question prioritaire de constitutionnalité

 

89 - Art. 54 de la loi du 10 août 2018 –Possibilité pour l’auteur ou le bénéficiaire d’une décision de demander à un tribunal administratif d’apprécier sa légalité externe – Invocation d'une atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution – Risque de violation de la séparation des pouvoirs – Non-respect du droit à recours effectif – Question de caractère sérieux – Renvoi d’une QPC.

Est renvoyée sous forme de QPC car elle soulève une question de caractère sérieux celle de savoir si les dispositions de l’art. 54 de la loi du 10 août 2018 (dite pour un Etat au service d'une société de confiance ), - qui permettent, à titre expérimental, à l'auteur ou au bénéficiaire de certaines décisions administratives de saisir un tribunal administratif d'une demande tendant à apprécier la légalité externe de la décision en cause -, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et, notamment si, en méconnaissant le principe de séparation des pouvoirs, elles portent atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et à l'équilibre des droits des parties, garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(6 mai 2019, Union syndicale des magistrats administratifs et Syndicat de la juridiction administrative, n° 427650)

 

90 - Monopole du ministère public près les juridictions financières pour l’exercice des poursuites devant celles-ci (art. L. 242-1 du code des juridictions financières) – Impossibilité pour les collectivités territoriales d’exercer cette action en cas de préjudice causé par le comportement du comptable poursuivi – Droit à recours juridictionnel effectif – Renvoi d’une QPC.

Présente un caractère sérieux et est donc renvoyée au juge constitutionnel la question de savoir si les dispositions de l’art. L. 241-1 du code des juridictions financières, en ce qu’elles réservent au seul ministère public près ces juridictions le monopole des poursuites contre les comptables publics, ne portent pas atteinte au droit à recours effectif des collectivités territoriales victimes de préjudices éventuels du chef du comportement de ces comptables et non visés dans le réquisitoire dudit ministère public.

(10 mai 2019, Commune de Sainte-Rose et autre, n° 424115)

 

91 - Sécurité sociale – Défaillance du donneur d’ordre dans l’accomplissement de ses obligations déclaratives – Travail dissimulé – Sanctions – Principe de proportionnalité des peines – Atteinte – Question de caractère sérieux – Renvoi de la QPC.

La société requérante a saisi le juge d’une demande d’annulation d’une décision du directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale refusant d'abroger le point 6.3 de sa lettre circulaire du 28 mars 2013 par laquelle il a prescrit l’interprétation à donner de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale et il soulève une QPC à l’encontre de cet article argué d’inconstitutionnalité.

Par cette disposition, le donneur d’ordre n’ayant pas rempli l’une de ses obligations déclaratives lors de l’embauche d’un salarié et si celui-ci a exercé durant ce temps un travail dissimulé est passible d’une amende de 15000 ou 75000 euros maximum selon que l’infraction est commise par une personne physique ou une personne morale. La société prétend inconstitutionnelle cette disposition législative car elle porte atteinte par son automaticité comme par son caractère forfaitaire au principe de proportionnalité des peines.

Le Conseil d’Etat estime que cette question présentant un caractère sérieux, il y a lieu de la renvoyer au juge constitutionnel.

(15 mai 2019, Société Autolille, n° 428206)

 

92 - Sports – Dopage – Pouvoir de sanction de l’Agence française de lutte contre le dopage – Confusion possible entre les fonctions d’appréciation de l’opportunité des poursuites et celles de jugement – Renvoi d’une QPC.

L’intéressé a fait l’objet de la part de l’Agence française de lutte contre le dopage de la sanction d'interdiction de participer pendant quatre ans à toute manifestation sportive donnant lieu à la remise de prix en argent ou en nature, à toute manifestation organisée ou autorisée par une fédération sportive française, ainsi qu'aux entrainements y préparant. Contestant cette décision, il soulève à son encontre une QPC fondée sur ce que l’art. L.232-22 du code des sports permet à l’Agence d’exercer les fonctions d'appréciation de l'opportunité des poursuites et les fonctions de jugement.

Le Conseil d’Etat y voit - surtout à la lumière d’une précédente décision du Conseil constitutionnel (n° 2017-688 QPC du 2 février 2018) - une question de caractère sérieux justifiant son renvoi comme QPC.

(27 mai 2019, M. X., n° 426461)

 

Responsabilité

 

93 - ONIAM – Action en garantie de l’ONIAM – Juridiction compétente pour en connaître – Nature juridique du contrat conclu entre l’assureur et l’Établissement français du sang (EFS) – Plénitude de juridiction du juge compétent – Substitution de l’ONIAM à l’EFS – Prescription de l’action.

Répondant à une demande d’avis contentieux (cf. le n° 23 ci-dessus), le Conseil d’Etat aborde plusieurs questions relatives au régime juridique de l'action en garantie ouverte à l'ONIAM par l'article L. 1221-14 du code de la santé publique (CSP).

En premier lieu, la juridiction compétente pour connaître d’une telle action dépend de la nature du contrat conclu entre l'assureur, contre lequel cette action est dirigée, et la structure de transfusion sanguine reprise par l'Établissement français du sang (ESF). Le juge judiciaire est compétent lorsque le contrat est de droit privé, le juge administratif lorsque la nature du contrat est administrative.

En deuxième lieu, il se déduit de l'art. L. 1221-14 du CSP que la juridiction compétente pour connaître de l’action en garantie de l’ONIAM contre les assureurs des structures de transfusion sanguine reprises par l'EFS pour récupérer les sommes qu'il a versées aux victimes a plénitude de juridiction pour statuer sur l'ensemble des questions qui s'y rapportent, y compris celles qui ont trait à la responsabilité de l'assuré dans la survenue du dommage.

En troisième lieu, la juridiction compétente pour connaître de cette action en garantie l'est également pour connaître de l'opposition formée par l'assureur contre le titre exécutoire émis par l'ONIAM, le cas échéant.

En quatrième lieu, concernant la chronologie des litiges, il convient de distinguer entre ceux en cours au 1er juin 2010 pour lesquels l'ONIAM est substitué à l'EFS à l'égard tant des victimes que des tiers payeurs, et ceux engagés après le 1er juin 2010. Pour ces derniers, d'une part, l'ONIAM est tenu d'indemniser la victime au titre de la solidarité nationale, d'autre part, l'office et les tiers payeurs peuvent engager une action subrogatoire contre l'EFS, après avoir indemnisé la victime. Les tiers payeurs, dans tous les cas s’agissant des litiges déjà en cours au 1er juin 2010 et dans la seconde hypothèse ci-dessus pour les litiges nés après le 1er juin 2010, ne peuvent engager une action subrogatoire à l'égard de l'ONIAM que si l'établissement de transfusion sanguine à l'origine du dommage était assuré et si sa couverture d'assurance n'est pas épuisée ou venue à expiration.

En cinquième lieu enfin, d’une part, lorsque l'ONIAM exerce contre les assureurs des structures reprises par l'EFS l'action directe prévue par le IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, dans le cadre de litiges en cours au 1er juin 2010, il agit en lieu et place de l'EFS, venant lui-même aux droits de ces structures assurées. Par suite, en ces cas, l'office dispose des mêmes droits que les structures assurées et son action se trouve soumise à la prescription biennale (art. L. 114-1, code des assurances). D’autre part, lorsque l’office exerce contre les assureurs des structures reprises par l'ESF l'action directe prévue par le septième alinéa de l'article L. 1221-14 CSP, pour des litiges engagés après le 1er juin 2010, il est subrogé dans les droits de la victime qu'il a indemnisée au titre de la solidarité nationale. Cette dernière action est, par suite, soumise au délai de prescription décennale applicable à l'action de la victime elle-même (art. L. 1142-28 CSP).

(Avis, 9 mai 2019, Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), n° 426365)

 

Santé publique

 

94 - Liste des dispositifs médicaux remboursables (l'art. L. 165-1 du code de la sécurité sociale (CSS)) – Liste des produits et prestations pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation (art. L. 162-22-7 CSS) – Refus d’inscription d’un dispositif sur ces listes – Critère de refus retenu – Légalité.

La société requérante demande  au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir de la décision interministérielle (Finances/Santé)  lui refusant  l'inscription du système de spirales endo-bronchiques " REPNEU " sur la liste des produits et prestations remboursables mentionnée à l'art. L. 165-1 du code de la sécurité sociale et sur la liste des produits et prestations pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation mentionnée à l'article L. 162-22-7 dudit code, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Le Conseil d’Etat relève, d’une part, que la commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé avait estimé que le service attendu de ce dispositif était " suffisant " pour l'inscription sur la liste des produits et prestations mentionnée à l'article L. 165-1 pour trois ans, tout en jugeant l'amélioration du service attendu " mineure " (niveau IV) et, d’autre part,  que, par la décision interministérielle attaquée,  a été refusée l'inscription de ce dispositif sur les deux listes. Il considère que la motivation retenue au soutien de ce refus, à savoir que le dispositif litigieux n'apportait qu'une amélioration du service attendu mineure par rapport à un comparateur non pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation, était suffisante.

Le juge estime justifié le critère de l'amélioration du service attendu pour fonder le refus opposé. Enfin, ce refus est régulier alors même que les ministres estimaient le service attendu du dispositif suffisant pour justifier sa prise en charge par l'assurance maladie.

(6 mai 2019, Société PneumRx Limited, n° 415410 ; v. aussi, du même jour, sur une question semblable, s’agissant des dispositifs " Sequent Please " et " Sequent Please Neo ", mais avec une solution différente : Société B. Braun medical , n° 419982)

 

95 - Spécialités pharmaceutiques remboursables (art. L. 162-17 du code séc. soc., CSS) - Spécialités agréés à l'usage des collectivités publiques (article L. 5123-2 du code de la santé pub., CSP) – Obligation d’inscription sur les listes dressées à cet effet pour bénéficier du remboursement par la sécurité sociale - Refus ministériel d’inscription – Insuffisance du service médical rendu (I de l’art. R. 163-3  CSS) – Erreur manifeste d’appréciation – Risque de hausses de consommation ou de dépenses injustifiées (3° du I de l’art. R. 163-5 CSS) – Absence d’erreur manifeste d’appréciation – Annulation partielle.

Le Conseil d’Etat exerce un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur la décision ne pas inscrire une spécialité pharmaceutique sur la liste des médicaments remboursables lorsqu’elle est fondée sur l’insuffisance du service médical rendu ou sur le fait que cette inscription serait susceptible d'entraîner des hausses de consommation ou des dépenses injustifiées.

En l’espèce, il s’agissait de médicaments (spécialité Cetinor) se situant dans une indication restreinte aux troubles de l'érection de l'homme adulte liés à l'une des pathologies suivantes : neuropathie diabétique, para ou tétraplégie, sclérose en plaques, séquelles de certains actes chirurgicaux, de la radiothérapie abdomino-pelvienne ou de priapisme, traumatismes du bassin compliqués de troubles urinaires.

Pour juger que repose sur une erreur manifeste d’appréciation le refus des ministres  fondé sur le caractère limité du service médical rendu, le Conseil d’Etat relève plusieurs éléments :  l'avis du 8 février 2017 par lequel la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé a reconnu à ces spécialités un service médical rendu important ; l'indication pour laquelle l'inscription est sollicitée par la société requérante correspond à des pathologies graves ou à des séquelles de pathologies ou de traitements chirurgicaux ou médicamenteux à l'origine d'atteintes organiques qui sont la cause de la dysfonction érectile, laquelle affecte de façon notable la qualité de vie ; enfin,  que l'efficacité de ces spécialités a été établie, conduisant la commission à regarder le rapport entre leur efficacité et leurs effets indésirables comme important. Il observe aussi que les ministres ont, antérieurement aux décisions attaquées, reconnu un service médical modéré ou faible à des spécialités à base d'alprostadil en les inscrivant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-17 CSS et L. 5123-2 CSP, alors même qu'il est constant qu'il s'agit de médicaments prescrits en deuxième intention par rapport aux inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 dont relèvent les spécialités Cetinor et qu'il ressort des pièces du dossier que ces derniers ne sont pas moins efficaces.  Sur ce point la décision est annulée.

En revanche, concernant le second motif, selon lequel l’inscription serait de nature à augmenter la consommation de ce médicament pour des motifs autres que la prescription restreinte dont il fait l’objet et d’entrainer des dépenses injustifiées, le Conseil d’État  n’aperçoit point, au vu des pièces du dossier, d’erreur manifeste d’appréciation.

Il juge que les ministres auraient pris la même décision, s'agissant du refus d'inscription sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables, s'ils ne s'étaient fondés que sur le motif tiré du risque de hausses de consommation injustifiées qui est, à lui seul, de nature à la fonder.

En conséquence, la société requérante est fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque seulement en tant qu'elles rejettent sa demande d'inscription sur la liste mentionnée à l'article L. 5123-2 CSP. Il suit de là l’obligation pour l’administration de réexaminer la demande de la société Laboratoires Majorelle tendant à l'inscription des spécialités Cetinor sur la liste mentionnée à l'article L. 5123-2 CSP. Injonction est donc faite aux ministres de procéder sous deux mois à ce réexamen.

(29 mai 2019, Société Laboratoires Majorelle, n° 417090)

 

96 - Saisine d'une commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (art. L. 1142-7, code de la santé publique, CSP) – Nature juridique de la demande adressée à la commission - Caractère de demande adressée à l'hôpital – Point de départ de la décision implicite de rejet – Décision de l'hôpital communiquée durant le déroulement de la procédure devant la commission – Point de départ, en ce cas, du délai de recours contentieux – Combinaison des dispositions du CSP et de celles du code des relations du publiuc avec l'administration (CRPA).

Le Conseil d'Etat était saisi d'une délicate demande d'avis relative aux différents délais applicables en cas de recours suite à la saisine d'une commission de conciliation ainsi que sur le point de déterminer la nature d'une telle saisine.

Tout d'abord, il est jugé que la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation, dans le cadre de la procédure d'indemnisation amiable ou de la procédure de conciliation, par une personne s'estimant victime d'un dommage imputable à un établissement de santé, laquelle doit donner lieu dès sa réception à une information de l'établissement mis en cause, doit être regardée comme une demande préalable formée devant l'établissement de santé. 

Ensuite, il découle de ce qui précède que le délai de deux mois pour la formation d'une décision implicite de rejet découlant du silence gardé par l'hôpital sur cette demande commence à courir à récepotion de celle-ci par la commission.

Egalement, lorsque la décision de l'établissement hospitalier naît avant l'achèvement de la procédure devant la commission de conciliation et d'indemnisation, le délai imparti pour exercer un recours contentieux se trouve suspendu jusqu'au terme de cette procédure. Par suite, ce délai court à compter, selon le cas, de la notification au demandeur de l'avis de la commission mettant fin à la procédure d'indemnisation amiable, de la réception du courrier de la commission l'informant de l'échec de la conciliation ou de la signature par les deux parties du procès-verbal de conciliation partielle mentionné à l'article R. 1142-22 du code de la santé publique.

Enfin,  il y a lieu de faire application des dispositions du CRPA selon lesquelles le délai de recours contentieux contre la décision de l'établissement ne peut courir que si, lorsqu'il a été informé par la commission de la demande de l'intéressé, l'établissement a porté à la connaissance de celui-ci les conditions de naissance d'une décision implicite de rejet ainsi que les voies et délais de recours ouverts contre cette décision, y compris l'effet suspensif s'attachant à la saisine de la commission.

(Avis, 29 mai 2019, M. et Mme X., n° 426519)

 

97 - Vaccinations obligatoires – Vaccins contenant des produits adjuvants aluminiques – Demande de retrait et d’interdiction de tels vaccins – Refus ministériel légal – Balance statistique entre risques et avantages de la vaccination – Rejet.

Des requérants forment une requête collective réelle contre la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la ministre de la santé sur leur demande, tendant à ce que soient prises les mesures nécessaires pour imposer aux fabricants des vaccins obligatoires et appelés à être rendus obligatoires en vertu du code de la santé publique, de ne pas utiliser d'adjuvants aluminiques et de les contraindre à fabriquer et à mettre sur le marché en nombre suffisant des vaccins obligatoires sans adjuvants aluminiques.

Ils estiment que l’aluminium entrant dans la composition d’un grand nombre de vaccins est dangereux pour un certain nombre de personnes. Le Conseil d’Etat, pour rejeter cette demande, se fonde sur quatre éléments : la très grande efficacité sanitaire des vaccins obligatoires, le caractère discutable du lien allégué comme existant entre certains effets et la présence d’aluminium, le fait que cette substance est, pour l’heure, guère substituable en tant qu’elle favorise la réponse immunitaire à l'antigène vaccinal et, enfin, l’opinion contraire d’autorités médicales en France et aux États-Unis.

(6 mai 2019, M. X. et autres, n° 415694, v. aussi, ci-dessous, le n° 98)

 

98 - Vaccinations obligatoires – Vérification du bénéfice apporté par ces vaccinations – Existence en l’espèce – Compatibilité avec l’art. 8 de la Convention EDH – Rejet.

L’association requérante demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2018-42 du 25 janvier 2018 relatif à la vaccination obligatoire, pris pour l’application de l'article L. 3111-2 du code de la santé publique, portant de trois à onze le nombre des vaccinations obligatoires, sauf contre-indication médicale reconnue. Elle invoque à titre principal l’incompatibilité de cette obligation vaccinale avec l’art. 8 de la Convention EDH, disposition qui protège la vie privée et familiale et prohibe les ingérences injustifiées dans celle-ci.

Le Conseil d’Etat rejette, sans surprise aucune, cette requête.

Une vaccination constitue d’évidence, au sens et pour l’application de cet art. 8, et une atteinte à l’intégrité physique, contenue dans la protection de la vie privée, et une ingérence dans celle-ci.

Cependant, cette disposition admet l’ingérence pour autant que celle-ci « soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

Il convient donc d’apprécier si l’obligation vaccinale entre dans la catégorie des ingérences permises. La réponse est aussi positive que possible en raison de la très grande efficacité des vaccins rendus obligatoires et de l’extrême dangerosité des maladies contre lesquelles elles entendent lutter. Au surplus, l’âge retenu pour l’accomplissement desdites vaccinations est optimal au regard des données scientifiques et médicales.

Il s’ensuit que le décret attaqué ne contrevient pas aux dispositions de l’art. 8 de la Convention EDH.

(6 mai 2019, Ligue nationale pour la liberté des vaccinations, n° 419242 ; v. aussi, ci-dessus, le n° 97)

 

Sport

 

99 - Football – Interdiction de déplacements de supporters – Menace de trouble à l’ordre public – Article L. 332-16-1 code du sport – Régularité de la mesure – Rejet du référé liberté.

À l’occasion d’un match de football devant se dérouler à Strasbourg, le préfet du Bas-Rhin a fixé par arrêté, les modalités selon lesquelles les supporters marseillais seront encadrés lors de leur venue ainsi que les zones géographiques dans lesquelles ceux-ci seront contraints de ne pas se comporter comme tels et de ne pas se prévaloir de cette qualité. Le ministre de l’intérieur, craignant le non-respect de ces prescriptions, a, sur le fondement de l'art. L. 332-16-1 code du sport, interdit, durant  toute la journée du 3 mai 2019, le déplacement individuel ou collectif, par tout moyen routier, ferroviaire ou aérien, de toute personne se prévalant de la qualité de supporter de l'Olympique de Marseille ou se comportant comme tel, entre les communes du département des Bouches-du-Rhône, d'une part, et la commune de Strasbourg, d'autre part, où devait se tenir ce jour-là, à 20 heures 45, un match entre le Racing club de Strasbourg Alsace et  l'Olympique de Marseille. Pour juger légale cette mesure radicale, le juge des référés pose une directive d’action et la confronte aux faits.

La directive est ainsi formulée : « L'existence d'une atteinte à l'ordre public de nature à justifier de telles interdictions doit être appréciée objectivement, indépendamment du comportement des personnes qu'elles visent dès lors que leur seule présence est susceptible d'occasionner des troubles graves pour l'ordre public, tant au cours de leurs déplacements que sur le lieu de la manifestation sportive. Lorsqu'il est saisi sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 (CJA), le juge des référés ne peut faire usage des pouvoirs qu'il tient de ces dispositions que lorsque l'illégalité invoquée présente un caractère manifeste. »

L’analyse des faits (antécédents d’incidents violents, affrontements et tensions, attribuables aux deux équipes, coïncidence avec une manifestation des « gilets jaunes », célébrations concomitantes du 60e anniversaire de la Cour EDH et du 70e anniversaire du Conseil de l’Europe…) permet au juge de dire que tant l’arrêté préfectoral que l’arrêté ministériel ainsi que leur combinaison ne comportent pas d’atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale.

(Ord. réf. 2 mai 2019, Association nationale des supporters, n° 430339)

 

Urbanisme

 

100 - Urbanisme et construction – Déclaration préalable de travaux – Décision d’opposition ou de non opposition – Contestation d’un jugement rendu en cette matière – Compétence d’appel des cours administratives d’appel.

(10 mai 2019, M. X. et autres, n°420611 ; v. aussi, du même jour, avec mêmes requérants et solution, le n° 423278) V. n° 69

 

101 - Permis de construire – Intérêt pour le contester – Voisin – Affectation des conditions de jouissance de son bien – Existence d’un intérêt pour agir – Cassation de l’arrêt déniant un tel intérêt.

Une cour administrative d’appel rejette le recours en annulation d’un permis de construire au motif que l’auteur de ce recours n’a pas d’intérêt pour agir : elle s’est bornée, pour cela, à constater que la construction projetée n’apporterait aucune atteinte aux conditions d'accès ou d'exploitation agricole des terrains lui appartenant. Or elle ne s’est pas prononcée sur l’argument du requérant selon lequel le projet de construction litigieux allait affecter les conditions de sa jouissance de ces biens.

Le Conseil d’Etat dit pour droit que le propriétaire d'un terrain non construit est recevable, quand bien même il ne l'occuperait ni ne l'exploiterait pas, à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager si, au vu des éléments versés au dossier, il apparaît que la construction projetée est, eu égard à ses caractéristiques et à la configuration des lieux en cause, de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien. Faute d’avoir examiné cet aspect de l’arrêt est cassé.

(17 mai 2019, M. X., n° 416950)

 

102 - Permis de construire – Obligation de notification à l’auteur du permis (art. R. 600-1 c. urb.) – Formalité applicable au pourvoi en cassation – Absence de notification au maire – Irrecevabilité du pourvoi.

Il résulte des dispositions de l’art. R. 600-1 du code de l’urbanisme que : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (…) »

Cette exigence de notification est applicable au pourvoi en cassation. Elle n’a pas été respectée en l’espèce par les demandeurs au pourvoi, celui-ci est irrecevable.

(17 mai 2019, M. X., n° 417459)

                       

103 - Commune dépourvue de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu – Règle de constructibilité limitée (art. L. 111-1-2 c. urb. devenu art. L. 111-3 et L. 111-4 c. urb.) aux parties actuellement urbanisées de la commune  – Exceptions prévues au 1° du I de l'article L. 111-1-2  c. urb.  – Absence d’exigence que l’extension soit « mesurée » – Rejet.

Le 1° du I de l'article L. 111-1-2 c. urb. prévoyait qu’en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les extensions ou constructions sont interdites en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune. Par exception, sont autorisées hors de ces dernières : d'une part, l'adaptation, le changement de destination, la réfection et l'extension des constructions existantes et, d'autre part, la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole et dans le respect des traditions architecturales locales. 

Un arrêté préfectoral ayant refusé le permis de construire sollicité par des particuliers au motif que leur demande, d’une part, se situe dans une commune où, faute de document d’urbanisme, il est fait retour aux règles générales d’urbanisme et au Règlement national d’urbanisme, et d’autre part, n’entre dans aucune des deux exceptions limitativement prévues par les textes en cette hypothèse.

Sur recours des intéressés, le tribunal administratif et la cour administrative d’appel ont, le premier, annulé puis la seconde, confirmé l’annulation de l’arrêté préfectoral. Le ministre se pourvoit.

Le Conseil d’Etat juge qu’il résulte des pièces du dossier que la cour a eu raison de juger que la condition imposée par le préfet d’une extension « mesurée » n’est pas prévue par les textes applicables et qu’il suffisait que la demande concerne une construction située à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole sans que puisse faire échec la circonstance que l'espace délimité par les constructions agricoles rapprochées n'était pas clos. Le ministre est débouté.

(29 mai 2019, ministre de la cohésion des territoires, n° 419921)

 

104 - Documents d'urbanismes – Règles d'occupation des sols – Plan d'occupation des sols (POS) – Révision en vue de le transformer en plan d'urbanisme (PLU) – Distinction entre élaboration d'un document d'urbanisme et évolution d'un tel document – Erreur sur le champ d'application de la règle de droit – Moyen d'ordre public soulevé d'office – Impossibilité d'invoquer par voie d'exception l'illégalité d'un acte réglementaire du fait d'un vice de forme ou de procédure l'entachant – Inapplication en l'espèce, le grief concernant la légalité interne de l'acte – Cassation avec renvoi.

Une association conteste les conditions dans lesquelles une commune a engagé puis achevé la procédure de transformation d'un POS en PLU. Elle a saisi en vain les juges du premier et du second degrés. Elle se pourvoit, donnant au Conseil d'Etat l'occasion d'innovations ou de rappels.

En premier lieu, le juge confirme sa jurisprudence selon laquelle, après l'expiration du délai de recours contentieux, la contestation d'un acte règlementaire peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de cet acte ou dont ce dernier constitue la base légale, ainsi la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant alors être invoqués. 

En second lieu, le juge soulève d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que la transformation effectuée en l'espèce, d'un POS en un PLU, ne constitue qu'une évolution relevant de l'art. R. 121-14 c. urb. non une véritable révision, laquelle est régie par l'art. R. 121-16 du même code.  La commune a ainsi commis une grave erreur de droit, tout comme le juge d'appel, en se trompant sur le champ d'application de la règle de droit en cause, moyen que le juge est tenu de relever, au besoin, même d'office.

(29 mai 2019, Association Fermanville Environnement et des consorts X., n° 408560)

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